COURAGE DE DEUX VIEILLARDS
COURAGE DE DEUX VIEILLARDS
On prétend ordinairement que l'âme s'habitue aux dangers, et qu'il faut une longue expérience dans le métier de la guerre pour avoir une valeur éprouvée et une intrépidité imperturbable ; le trait que je vais citer fera voir combien cette opinion est erronée.
Le 14 septembre 1793, François Gorré, Vendéen, de la commune de Pierrefitte, canton de Saint-Varent, partait avec un nombreux détachement pour aller rejoindre à Coulonges M. de Lescure, qui, avec un corps de dix-huit cents hommes, allait attaquer quarante mille républicains postés à Thouars. Son frère aîné, Jacques Gorré, vieillard infirme, qui n'avait jamais fait la guerre, voulut absolument le suivre. Il part, accompagné d'un autre vieillard, nommé Biardeau ; tous deux se rendent à Coulonges.
On arrive au pont de Vérine, à six heures du matin ; le pont est emporté ; l'armée vendéenne marche sur Thouars. Nos deux vieillards, suivis de François Gorré, sont constamment à la tête de la colonne ; aucun danger ne les effraie. Ils aperçoivent au milieu de l'armée du général Rey, flotter le drapeau tricolore ; les Vendéens faisaient retraite ; nos braves veulent s'avancer et enlever ce drapeau. François Gorré a mille peines pour retenir ces imprudens ; il faut un ordre exprès du général vendéen pour les empêcher de tenter leur folle entreprise.
J'ai souvent entendu Jacques Gorré me parler de cette expédition, et m'assurer qu'il n'avait pas un seul instant éprouvé un mouvement de frayeur : "Peut-on avoir peur, disait ce brave vieillard, quand on combat pour Dieu et pour son Roi."
Extrait :
Histoire des guerres de la Vendée
et des Chouans
depuis l'année 1792 jusqu'en 1815
Pierre-Victor-Jean Berthre de Bourniseaux
1819