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La Maraîchine Normande
1 octobre 2013

LOUIS RENOU dit BRAS-DE-FER

RENOU dit BRAS-DE-FER

LOUIS RENOU dit BRAS DE FER3

Bien que situé en dehors des limites de la Vendée militaire, le pays de Loudun fut une véritable pépinière qui fournit à la Grande Armée nombre d'officiers d'élite.

Acte de naissance de Louis Renou

Louis Renou, auquel son intrépidité et son énergie valurent le surnom de Bras-de-Fer, naquit à Loudun, le 2 juillet 1766. Il appartenait à une famille aisée et avait fait toutes ses études. Au moment de la Révolution il alla habiter Saint-Varent, où son frère aîné était curé. Il s'y maria, perdit presque tout de suite sa femme et convola en secondes noces, après quelques mois de veuvage. Il était sur le point de devenir père lorsque éclata l'insurrection.

Bourniseaux, qui a beaucoup connu Louis Renou, et qui lui a consacré une notice de quelques pages, nous apprend que les deux frères, ardents royalistes, s'étaient empressés de faire passer aux insurgés "des chevaux, de la poudre et des balles", et que l'attachement du jeune marié pour sa femme l'avait seul empêché, tout d'abord, d'aller lui-même faire le coup de feu. Mais cette complicité avec les rebelles, confirmée plus tard par les états de services officiels de notre héros, n'échappa point à l'oeil vigilant de la police locale : on résolut d'arrêter les deux complices et ce fut même à cette occasion, on va le voir, que Louis Renou quitta Saint-Varent pour aller rejoindre les insurgés.

Un beau jour, rapporte Bourniseaux, un détachement de Bleus se présenta au domicile des deux frères. Mais ceux-ci avaient eu le temps, pendant qu'on enfonçait la porte, de sauter par-dessus le mur du jardin, après s'être armés et bien munis de cartouches. Les Bleus ne trouvèrent que la jeune femme de Louis, qui étant enceinte, n'avait pu suivre son mari. Ils l'arrêtèrent et la conduisirent en prison. Elle devait y accoucher et n'en sortir qu'au bout de dix-huit mois. Quant à notre héros, il s'était empressé de déguerpir du côté de Bressuire, où il arriva dans la matinée du 3 mai 1793, juste à temps, nous disent ses états de services officiels, pour y favoriser la désertion d'une troupe de Républicains et rallier l'armée commandée par Cathelineau, La Rochejaquelein et d'Elbée.

Immédiatement enrôlé parmi les insurgés, le nouveau venu les suivit à l'assaut de Thouars, le 5, où il reçut le baptême du feu à côté de Lescure. Celui-ci, bon juge en matière de courage, s'attacha aussitôt la jeune recrue et lui donna, quelques jours après, le commandement de dix paroisses de sa division.

Louis Renou, que tous les historiens, d'accord avec Bourniseaux, proclament l'un des plus braves officiers de la Vendée militaire, se fit remarquer bien vite, non seulement par son intrépidité, mais encore par son adresse : "Peu de tireurs l'égalaient, et l'on peut dire que chaque coup de sa terrible carabine a tué ou blessé un ennemi." Admirateurs de son audace, de ses rudes coups et de son adresse, les gâs de la Grande Armée ne le connurent bientôt plus que sous le nom de capitaine Bras-de-Fer.

A la prise de Saumur (9 juin), il se signala tout particulièrement par un trait d'audace. Entré des premiers dans la ville, bien avant la fin de la bataille, "il se rend au district dont les administrateurs étaient en permanence. "Rendez-vous, leur crie-t-il, ou vous êtes morts ; livrez-moi, au nom du Roi, votre correspondance, les armes et munitions qui sont en votre pouvoir ; il ne vous sera fait aucun mal." A cette sommation, les administrateurs, jugeant que la ville est prise, se rendent aussitôt prisonniers. L'officier royaliste sort de la salle, rencontre des Vendéens dans les rues et place un corps de garde au district."

Frappés non seulement de l'intrépidité, mais encore de l'air d'honnêteté de l'audacieux auquel ils s'étaient rendus, les administrateurs, redoutant le pillage, avaient spontanément confié à Renou les objets précieux qu'ils possédaient sur eux : le loyal Poitevin restitua fidèlement le dépôt après la bataille.

La ville prise, le château résistait encore ; ce fut Renou qui, avec le chevalier de Beauvollier, fut chargé par Lescure d'aller sommer le commandant d'avoir à capituler. Il était dix heures du soir. Comme les deux parlementaires partaient pour accomplir leur mission, ils se virent entourés par une foule de femmes, dont beaucoup avaient leurs maris dans le château, et qui demandèrent à appuyer la démarche : Renou en prit une à chaque bras, Beauvollier fit de même, et ce fut ainsi encadrés que tous deux arrivèrent à portée de voix.
- Rendez-vous, au nom du Roi ! cria Renou.
On lui répondit du château par une décharge de mousqueterie et d'artillerie qui, fort heureusement, ne blessa personne. Cet acte de déloyauté n'était d'ailleurs qu'une simple bravade, car le commandant, sommé de nouveau, capitula le lendemain.

En dépit de sa témérité, qui le poussait toujours au premier rang, Renou eut longtemps la chance de revenir du combat sans la moindre égratignure. Ce fut à la prise de Châtillon par Westermann, le 1er juillet, qu'il reçut sa première blessure. Posté en avant de la ville, où il s'efforçait d'arrêter les fuyards, il fut blessé à la cuisse par la baïonnette d'un grenadier républicain, auquel d'ailleurs il cassa aussitôt la tête d'un coup de pistolet.

A quatre jours de là, le 5 juillet, lors de la reprise de Châtillon par la Grande Armée, le vaillant capitaine Bras-de-Fer devait faire payer cher aux Républicains sa première blessure. Bien que celle-ci fût encore très douloureuse, il se battit comme un lion, enleva trois drapeaux et fit de sa main trente prisonniers. Lancé à la poursuite de l'ennemi en déroute, il ne s'arrêta qu'assez loin de Châtillon et parce que son cheval, atteint mortellement, venait de tomber sous lui.

Comme c'était la quatrième monture qu'il perdait, il voulut du moins sauver le hanarchement ; et ce fut avec la selle sur les épaules qu'il rentra dans la ville, tout boîtant à cause de sa blessure. Lescure, qui le vit arriver dans cet équipage, lui dit en riant : "Quoi ! Monsieur Renou, vous avez donc juré d'épuiser nos écuries ?"

santerreLa première blessure n'était pas encore guérie que le héros de Châtillon en reçut une seconde à Coron, le 18 juillet. Santerre, qui commandait ce jour-là les Républicains, ayant lâchement pris la décampe, Renou fut au nombre des braves qui se lancèrent à la poursuite du fuyard. "Il fut blessé d'une balle au moment où il s'apprêtait à diriger sur lui sa redoutable carabine, dont les atteintes étaient inévitables. On peut dire que cette blessure sauva la vie au général Santerre, déjà serré de près par le brave Loiseau."

De même que la blessure reçue, le 1er juillet, n'avait pas empêché le blessé de reprendre dès le 5 son poste de combat, de même celle reçue le 18 n'empêcha point l'intrépide capitaine Bras-de-Fer d'affronter de nouveaux dangers. Il assista à toutes les batailles qui suivirent, fit des prodiges de valeur à Luçon (14 août), à Torfou (19 septembre), à Montaigu et à Saint-Fulgent (21-22 septembre), et se distingua tout particulièrement à la Tremblaye, le 15 octobre. Ce fut lui qui, ce jour-là, reçut entre ses bras Lescure mortellement atteint :
"Après avoir donné les premiers secours à son général expirant, Renou descend de cheval, déchire sa cravate, en met les morceaux dans la plaie ; avec son mouchoir il bande la tête du blessé ; ensuite, avec l'aide de Bontemps, valet de chambre de M. de Lescure, il le place sur un cheval en croupe derrière un cavalier, après l'avoir fortement lié à son conducteur avec une courroie." Lescure une fois mis en sûreté, son sauveur s'empressa de revenir au combat.

Le surlendemain, 17 octobre, à l'attaque de Cholet, Renou, à la tête de l'avant-garde, fut un instant sur le point d'enlever la ville aux troupes de Kléber. Obligé de reculer devant des forces supérieures, il fit alors partie du fameux "bataillon sacré" de braves auxquels la Grande Armée vaincue dut de pouvoir opérer sa retraite vers la Loire.

Le fleuve une fois atteint, il s'agissait de mettre un peu d'ordre dans le passage. Or, ce n'était pas chose facile ! Outre les combattants, dont beaucoup avaient plus ou moins perdu la tête à la suite du désastre de Cholet, il y avait là une multitude de femmes, de vieillards et d'enfants qui avaient fui de toutes parts devant les Mayençais et qui, transis de peur, se précipitaient pêle-mêle dans les bateaux surchargés. C'était un désordre inexprimable ! Renou se fit remarquer parmi les officiers dévoués qui s'employèrent à le faire cesser, et grâce auxquels le passage put s'effectuer sans accidents.

Le vaillant Poitevin ne marchanda pas davantage son dévouement lorsqu'il s'agit, de l'autre côté du fleuve, de réorganiser l'armée sous le commandement général de La Rochejaquelein.

L'élection de celui-ci avait déjà relevé le moral des troupes, qui préféraient de beaucoup la fougue de Monsieur Henri à l'indécision de d'Elbée. Et, de fait, cette Grande Armée décimée, traînant à sa suite une multitude encombrante, allait fournir sous son nouveau chef une campagne encore plus merveilleuse que les précédentes, - et cela sur une terre étrangère où devaient lui faire défaut toutes les ressources qui, jusqu'ici, lui avaient valu ses succès.

GRANVILLE

L'intrépide Renou, qui avait eu sa large part dans les victoires du Bocage, ne contribua pas moins à la série de triomphes successifs qui marquèrent la marche de la Grande Armée jusqu'au siège de Granville.
Devant cette place, où, le 15 novembre, les soldats de La Rochejaquelein subirent leur premier échec, le capitaine Bras-de-Fer se trouvait, comme toujours, en tête des assaillants. Il croyait tenir la victoire et était sur le point d'entrer dans la ville, lorsqu'un boulet de canon le renversa de cheval.
Heureusement qu'il s'agissait d'un boulet mort, et que tout se résuisit à une simple contusion. Mais le coup avait néanmoins été si rude, que Renou en fut complètement étourdi et demeura assez longtemps sans connaissance.

Arraché de la mêlée où il eût été infailliblement écrasé sous les pieds des chevaux, on l'avait transporté dans une maison voisine où on le considéra tout d'abord comme mort. Grâce à quelques gouttes d'eau-de-vie que lui fit avaler un chirurgien, il reprit peu à peu connaissance, remonta presque tout de suite à cheval et retourna au combat, juste à temps pour protéger la retraite.

Ce fut après cette malheureuse affaire de Granville que s'organisa, à Avranches, la fameuse bande noire. J'en dois dire ici quelques mots, car on a accusé - bien à tort - Renou d'en avoir fait partie.

Cette bande noire comprenait d'abord une soixantaine de jeunes gens intrépides qui s'étaient mutuellement juré assistance et se battaient toujours côte à côte. Comme signe de ralliement ils avaient adopté une cocarde noire et un brassard de même couleur : d'où le nom de bande noire. Au premier noyau, composé de combattants non mois sans reproche que sans peur, vinrent presque tout de suite s'ajouter un certain nombre d'indisciplinés fort braves, mais pillards, dont les méfaits ne tardèrent pas à compromettre l'association. Ces méfaits se multipliant, les généraux résolurent de profiter de la première occasion pour faire un exemple. Ce fut un curé normand qui la fournit, en venant se plaindre de ce que sa maison avait été pillé par l'un des membres de la bande noire.
Le fait ayant été reconnu exact, un conseil de guerre fut assemblé et le coupable allait être condamné à mort, lorsque Beauvolliers et Renou demandèrent qu'on lui fît grâce en considération de sa bravoure. La grâce ne fut accordée qu'à la condition que Renou répondrait à l'avenir de la conduite du grâcié. L'officier poitevin s'engagea pour son protégé qui, depuis, ne donna plus sujet à aucun reproche et se fit tuer héroïquement à la bataille du Mans.
C'est sans doute grâce à une confusion - entre le protégé et le protecteur - que se répandit dans la suite l'accusation dont j'ai parlé plus haut et dont Bourniseaux, auquel j'emprunte cet épisode, a fait bonne justice.

Sur tous les champs de bataille de la Normandie, du Maine et de la Bretagne, depuis comme avant l'échec de Granville, Renou ne cessa de briller au premier rang, parmi les héros qui contribuèrent le plus à la gloire de la Grande Armée ; et c'est vraiment miracle qu'en dépit de sa témérité il ait pu survivre à cette campagne !

A Pontorson, le 18 novembre, son chapeau fut percé d'une balle et sa redoutable carabine lui éclata entre les mains. A la désastreuse affaire du Mans, il protégea la retraite comme c'était son habitude en cas d'insuccès, et il se couvrit de gloire à côté de La Rochejaquelein.

De Granville (15 novembre) au Mans (12 décembre), ç'avait été la retraite succédant à la marche triomphale : à partir du Mans ce fut l'agonie qui commença pour les débris de la Grande Armée. Renou n'assista point au désastre final de Savenay : il réussit à repasser la Loire à Ancenis, dans des conditions particulièrement émouvantes.

La Rochejaquelein, accompagné de Stofflet et de La Ville de Baugé, venait de s'éloigner - sur la seul barque qui se trouvait là - pour aller chercher du secours et des moyens de transport de l'autre côté de la Loire. Désespéré de n'avoir pu suivre son général, Renou se lamentait sur le rivage, lorsqu'il aperçoit abandonné au milieu du fleuve, un mauvais petit bateau à moitié rempli d'eau : "Il lance son cheval à la nage, et est assez heureux d'arrêter la barque par le moyen d'un crochet qu'il a à son sabre. Ce bateau n'avait qu'une mauvaise pelle, avec laquelle il vida l'eau ; il s'en servit ensuite comme d'un aviron. Après une heure de fatigues, il vint à bout de gagner la rive gauche."

Attaqué, presque au sortir du bateau, par un détachement républicain qui surveillait les bords du fleuve, La Rochejaquelein avait dû s'enfoncer dans les bois pour échapper aux assaillants. Renou ne trouva donc point son général, lorsqu'il mit à son tour le pied sur le rivage. Persuadé qu'il ne tarderait pas à le rejoindre, il marcha droit devant lui vers le Bocage, au risque de s'égarer dans un pays qui lui était complètement inconnu.
Il y avait une heure qu'il marchait ainsi au hasard, lorsqu'il voit s'avancer vers lui une troupe d'hommes armés. Croyant avoir affaire à des Bleus, et bien décidé à vendre chèrement sa vie, il s'adosse à un arbre, son pistolet dans une main et son sabre de l'autre ; puis, s'adressant à ceux qu'il prend pour des Républicains : "Approchez, s'écrie-t-il d'une voix forte, et vous allez voir comment sait mourir un Royaliste !"
Mais quel n'est pas son étonnement d'entendre qu'on lui répond par un cri de : Vive le Roi !
Il examine alors plus attentivement ceux qu'il a en face de lui, et s'aperçoit qu'ils portent tous la cocarde blanche. C'étaient en effet des insurgés de la rive gauche, qui faisaient partie des bandes recrutées par Pierre Cathelineau, frère du premier généralissime.

La connaissance fut bientôt faite. Ces braves gens, qui, arrivés quelques heures plus tôt, eussent probablement réussi à dégager La Rochejaquelein, accueillirent avec enthousiasme son fidèle lieutenant : ils s'empressèrent de lui donner à manger, car le malheureux mourait de faim ; puis, comme il manifestait le désir de se diriger vers Saint-Aubin-de-Baubigné, où le généralissime avait dû vraisemblablement se rendre, ils lui fournirent un guide pour traverser les Mauges.

Après avoir fait de nombreux détours pour échapper aux patrouilles républicaines qui sillonnaient le pays, Renou arriva à Saint-Aubin ; mais il apprit que La Rochejaquelein était parti pour aller s'entendre avec Stofflet, du côté de la forêt de Vezins, dans le but d'organiser une nouvelle prise d'armes. Sans perdre un instant, Bras-de-Fer, qui avait des jarrets d'acier, courut d'une traite à Vezins et rejoignit enfin son général. Celui-ci l'accueillit à bras ouverts et le renvoya à Saint-Aubin, avec mission d'y former un rassemblement. Renou en revint bientôt à la tête de quatre cents hommes, et aussitôt la guerre recommença.

Après la mort de La Rochejaquelein (28 janvier 1794), Bras-de-Fer continua pendant quelque temps à se battre sous les ordres de Stofflet. Il contribua largement à la brillante victoire de Cholet (8 février) en s'emparant du cimetière de la ville, où il fit mettre bas les armes à deux bataillons républicains.

de Bernard de MarignyAu mois de mars, lorsque Marigny, qui, après le désastre de la Grande Armée, avait vainement tenté une prise d'armes sur la rive droite de la Loire, se décida enfin à rentrer dans le Bocage, Renou abandonna Stofflet, dont le caractère ne lui était guère sympathique, pour aller se mettre à la disposition du héros de Savenay. Tous les Poitevins en firent autant, et il en fut de même d'une foule d'insurgés des environs de Mortagne et de Pouzauges : de sorte que Marigny, dont le quartier général était à Cerisay, eut bientôt sous ses ordres une véritable armée qui se signala par de brillants exploits, notamment à la prise de Mortagne (24 mars) et au fameux combat de Boismé, le jour du Vendredi-Saint (18 avril).

Renou, qui avait été successivement le fidèle lieutenant de Lescure, puis de La Rochejaquelein, avait reporté sur Marigny l'affection vouée à ses deux premiers chefs. Il aimait et admirait ce magnifique sabreur, ce vaillant entre tous les vaillants qui, toujours en avant lorsqu'il s'agissait d'attaquer, toujours au dernier rang lorsqu'il fallait protéger la retraite, s'était couvert de gloire dans la campagne d'outre-Loire et avait héroïquement mené - jusqu'au bout - le deuil de la pauvre Grande Armée. Aussi quand Marigny, victime de la double jalousie de Stofflet et de Charette, fut iniquement condamné - sans avoir été entendu - par un conseil de guerre en majorité composé de juges sans conscience, le loyal Bras-de-Fer refusa-t-il de s'associer à cet arrêt barbare qui le remplit d'indignation.

Cette indignation fut portée à son comble et partagée par tous les Poitevins, lors de l'assassinat de Marigny par les sbires de Stofflet :
"La nouvelle de l'assassinat de Marigny, rapporte Mme de La Rochejaquelein dans ses Mémoires, se répandit dans le rassemblement poitevin ; chaque soldat, s'en fut en déplorant la mort de son chef. Aucun ne voulut servir sous Stofflet qui avait espéré les commander ; dispersés dans les bois, ils se cachaient comme ils pouvaient, avec leurs femmes et leurs enfants ; ces paroisses devinrent comme sauvages et ne firent plus ce qu'on appelle la guerre ; ils se contentaient de tirer des coups de fusil aux Bleus qui faisaient des incursions. Tant que Stofflet a vécu cette haine s'est conservée, et encore à préswent, le nom de Marigny est l'objet des regrets et de la haine des soldats ; ils en voulurent moins à Charette, qui ne fut pas l'exécuteur. Les officiers restèrent, les uns avec Stofflet, les autres avec Charette ; la plupart, surtout ceux qui furent avec le premier, ne se battaient plus que par honneur et nécessité."
Vivement affecté par le crime qui le privait de son général, Renou était bien décidé à ne point reconnaître l'autorité de Stofflet : il lui répugnait d'obéir au bourreau en pleurant la victime ; aussi refusa-t-il assez longtemps tout commandement à l'armée d'Anjou.

Peu à peu, cependant, la haine des Bleus devint la plus forte, et l'officier poitevin finit par se résigner à faire marcher sa division des Aubiers et de Châtillon sous les ordres de Stofflet : non plus, sans doute, avec le même coeur que sous le brave et loyal Marigny, mais toujours avec le même acharnement contre les Républicains.

Au cours des campagnes qui suivirent, et bien que l'assassinat de Marigny lui eût fait perdre un grand nombre de ses soldats, l'intrépide divisionnaire trouva encore le moyen de se signaler par plusieurs brillants faits d'armes.

Il s'était donné la mission spéciale de surveiller les camps de Thouars et de Chiché, d'où les Républicains s'élançaient de temps à autre sur les villages voisins pour massacrer tout ce qui leur tombait sous la main. Plus d'une fois, à la tête de ses braves volontaires, il arriva juste à temps pour empêcher le massacre, par exemple au bourg de Noirlieu dans les circonstances ainsi rapportées par le héros lui-même, d'après le récit de son cousin, l'abbé Picard :
"Un prêtre célébrait, dans l'église de ce bourg (Noirlieu), une messe à laquelle assistait une foule considérable. Le brave Renou dit Bras-de-Fer, commandant de tout le pays situé entre les Aubiers, Noirlieu et la Chapelle-Gaudin, inquiet sur la sécurité de tant de personnes, s'avance avec quatre de ses plus intrépides cavaliers dans la direction où il présume que sont les Bleus. Un de ses hommes, placé en vedette, donne bientôt le signal d'alarme : un gros détachement s'avançait sur Noirlieu.
"Renou revient au galop avec ses hommes dans le bourg et crie à la foule de se sauver ; puis, pour intimider l'ennemi, la messe venant de finir, il s'empare de la nappe de l'autel, l'arbore au clocher comme un drapeau blanc, et fait battre la générale. Les Bleus, pris au change, croient que le bourg est rempli de Vendéens ; ils suspendent leur marche et se forment en colonne avant de pénétrer dans les rues de Noirlieu. Quand ils y entrent, il n'y avait plus personne. Ils ne peuvent atteindre que quelques retardataires."

D'après Bourniseaux, qui rapporte également cet épisode, la ruse de guerre de notre héros n'aurait pas aussi bien réussi, et quatre cents vieillards, femmes et enfants  seraient tombés sous les coups des Républicains. En tout cas ce qu'il y a de certain, c'est que Renou, peu de jours après, prit sur les égorgeurs une éclatante revanche, au combat de Coulonges.

Une colonne de cinq cent soixante Bleus, composée de quatre cents fantassins et de cent soixante cavaliers, avait été envoyée de Thouars pour piller le château de la Brosse, à Coulonges. Averti de cette expédition, Renou, qui se trouvait alors aux Aubiers, rassembla à la hâte une petite troupe de cent quarantes braves, à la tête de laquelle il marcha à la rencontre des pillards. Mais la colonne républicaine avait de l'avance, et, son expédition terminée, elle était déjà en route pour s'en retourner à Thouars, emmenant avec elle plusieurs voitures chargées de butin, lorsque les Blancs arrivèrent au château.

Renou s'élance alors à sa poursuite, et, prenant les devants, va lui-même reconnaître l'ennemi qu'il ne tarde pas à rencontrer et dont, à la faveur d'un épais buisson, il peut faire tout à son aise le dénombrement. "Les Bleus avaient fait halte : la cavalerie était rangée sur deux files dans le chemin. Chaque cavalier avait en croupe un fantassin, le reste de l'infanterie occupait le milieu de la route. Le général vendéen retourne vers les siens, les fait filer dans des pâtis, à cinquante pas de l'ennemi, qui ne s'attendait pas à une pareille attaque. Chaque coup de fusil, pointé à l'oeil, abat ou blesse un homme. Les Républicains se mettent bientôt en déroute ; on les poursuit jusqu'au village de Fontenay ; on prend le convoi, et on le fait filer sur les Aubiers. Les Bleus eurent quatre-vingts hommes hors de combat ; les Vendéens n'eurent pas même un blessé. Une seule décharge avait décidé de la victoire."
Renou, ajoute l'auteur si bien renseigné auquel j'ai plaisir à emprunter la plupart des éléments de cette notice, déploya le même zèle et la même valeur durant tout le reste de la campagne.

Cependant la guerre devenait de moins en moins vive, car les Vendéens commençaient à se fatiguer d'être bernés par les Princes, qui promettaient toujours de venir et ne bougeaient point. D'ailleurs la rivalité entre Stofflet et Charette s'accentuait : ces deux proscripteurs de Marigny, se jalousant entre eux comme ils avaient jalousé leur collègue, en étaient arrivés à se proscrire mutuellement à leur tour. Témoin attristé de cette rivalité, et de plus en plus détaché de Stofflet dont le despotisme devenait insupportable, Renou, en même temps que Gibert, Trotouin, les frères Martin et La Ville de Baugé, abandonna le général angevin pour apposer sa signature (26 février 1795) au bas du traité de la Jaunaye, déjà signé depuis huit jours par Charette et auquel Stofflet fut bientôt obligé d'acquiescer lui-même.

L'ex-commandant de la division des Aubiers se retira alors à Loudun, où, nous dit Bourniseaux, il retrouva sa jeune femme enfin rendue à la liberté.

La pacification de la Jaunaye ne devait être qu'éphémère, et bientôt Charette, puis Stofflet un peu plus tard, lancèrent de nouveau un appel aux armes. Mais Renou ne prit aucune part à la campagne qui s'ensuivit, et qui se termina par la capture successive et l'exécution des deux généraux en chef du Bas-Poitou et de l'Anjou. La cause de cette abstention doit être attribuée, ce me semble, bien plus à un sentiment d'antipathie vis-à-vis de Stofflet qu'à un véritable amour pour la paix ; car, lors de la reprise d'armes de 1799, nous retrouvons notre héros, en compagnie de Forestier et de Beauvollier, parmi les premiers instigateurs qui se mirent à la tête des insurgés de l'Anjou et du Haut-Poitou.

Il débuta, dans cette nouvelle campagne, par un combat qui eut lieu à Pierrefite, petite bourgade située entre Bressuire et Saint-Varent. Voici comment Bourniseaux rend compte de cette affaire où les soldats républicains, alors autrement braves que les massacreurs des Colonnes infernales, luttèrent à un contre dix et se couvrirent de gloire :
"MM. de Beauvollier et Renou marchèrent avec six cents hommes sur Pierrefitte. Comme ils se trouvaient dans une commune insurgée, ils ne prirent aucune précaution et ne posèrent aucune sentinelle, suivant la mauvaise coutume des armées vendéennes. Sur ces entrefaites, un sergent républicain, parti de Chiché avec un détachement de trente hommes, arriva à Pierrefitte, à la porte d'un cabaret, où cinquante insurgés étaient à boire.
La surprise est réciproque : les Vendéens saisissent leurs fusils, les Bleus se rangent en bataille dans la rue ; quelques coups sont tirés, l'alarme se répand dans le bourg. Cinq cents Vendéens sortent des maisons ; les Républicains se retirent, mais au lieu de prendre ouvertement la fuite, et de courir de toutes leurs forces, ils reculent à petits pas et en bon ordre. Cette lenteur cause leur perte.
MM. de Beauvollier et Renou, avertis par la clameur publique, montent à cheval, réunissent dix cavaliers et volent au combat. Leur arrivée encourage les fantassins, qui se précipitent sur les Bleus. Ceux-ci s'arrêtent au pied d'une hauteur, et se battent avec une valeur admirée de leurs ennemis. L'intrépide sergent refuse de mettre bas les armes, et donne ses ordres avec un sang-froid imperturbable. Ce combat inégal ne pouvait durer longtemps : tous les Bleus furent massacrés l'un après l'autre. Le brave sergent seul, couvert de blessures, fut fait prisonnier. On lui rendit la liberté, par admiration pour son courage."

Renou prit part à plusieurs autres affaires dont la plus sérieuse - qui fut aussi la dernière - eut pour double théâtre Nueil et les Aubiers.

Charles Marie Auguste de Beaumont Comte d'AutichampC'était le 2 novembre (1799), jour des Morts. Le bourg des Aubiers était occupé, sous les ordres du capitaine Lavigne, par deux cent cinquante Républicains qui s'y croyaient bien en sûreté, lorsque l'armée de d'Autichamp, successeur de Stofflet, vint tout à coup les attaquer. Elle était commandée par Renou en l'absence du général en chef, qui ne devait rejoindre son lieutenant qu'un peu plus tard.
Tout comme le sergent de Pierrefitte, le capitaine Lavigne était brave : sans s'effrayer à la vue de forces dix fois supérieures, il se barricada dans l'église avec sa petite troupe, posta ses meilleurs tireur dans le clocher et attendit, bien décidé à résister jusqu'à la dernière cartouche.

Renou, raconte Bourniseaux, "s'avança lui-même pour sommer les Bleus postés dans le clocher. Il leur parla par la fenêtre d'une maison voisine, à travers une grêle de balles qui pleuvaient sur lui. Le capitaine Lavigne refusant de se rendre, les Royalistes tinrent conseil. Plusieurs moyens furent proposés. Les uns voulaient que l'on fit un bélier pour enfoncer la porte de l'église ; d'autres voulaient qu'on la brûlât. M. Renou proposa de faire sauter le clocher ; mais on craignit d'irriter les Vendéens, pénétrés de respect pour tout ce qui tient à la religion. On dédida qu'on ferait le blocus et qu'on forcerait les Bleus par la famine."

Le blocus durait depuis vingt-quatre heures lorsque des vedettes signalèrent, dans la journée du 3 novembre, l'arrivée d'un renfort républicain, parti de Bressuire sous les ordres du général de brigade Dufresse et du chef de bataillon Ardouin. D'Autichamp, qui venait de rejoindre l'armée, en détacha les deux divisions de Renou et de Chetou, à la tête desquelles il se mit lui-même et marcha à la rencontre du renfort signalé, tandis que La Béraudière, un autre de ses lieutenants, demeurait pour surveiller les assiégés.

Le général vendéen alla attendre l'ennemi au pont de Nueil-sous-les-Aubiers, où une lutte acharnée s'engagea bientôt entre Bleus et Blancs. Ceux-ci criaient déjà victoire lorsque tout à coup le brave Renou tomba, atteint d'une balle à la jambe. Un commencement de panique se produisit alors parmi les Vendéens, et les Républicains en profitèrent pour faire un suprême effort qui les rendit maîtres du pont. La bataille se continua, jusqu'à la nuit, dans le cimetière et les rues de Nueil. Enfin les Vendéens battirent en retraite et retournèrent devant les Aubiers, où le lendemain, pris entre le feu des assiégés et celui des troupes victorieuses de la veille, ils ne tardèrent pas à se débander.

Au combat du pont de Nueil, peu s'en était fallu que Renou ne tombât au pouvoir des Républicains : "Il eût été pris sans le courage de son domestique, nommé Emoré, qui l'enleva de la mêlée. En se retirant, il trouva dans un village quelques prisonniers bleus que des paysans voulaient fusiller. Il leur sauva la vie et obtint leur liberté de M. d'Autichamp."

La double affaire de Nueil et des Aubiers avait profondément découragé les insurgés de l'Anjou et du Haut-Poitou : ils attribuaient leur échec aux mauvaises dispositions de combat prises par d'Autichamp, et nombre d'entre eux ne se cachaient point pour dire qu'ils ne voulaient plus se battre sous les ordres d'un pareil général.

Presque tout de suite, d'ailleurs, se produisit un changement de politique qui allait enlever à la Vendée militaire toute sa raison d'être : le 18 brumaire (9 novembre 1799), c'est-à-dire moins de huit jours après la déroute des Aubiers, le général Bonaparte s'empara du pouvoir et l'on sait comment, grâce à la liberté religieuse promise et accordée, le héros obtint la prompte pacification de tout le pays vendéen. Renou, non encore rétabli de sa blessure, eut l'honneur de siéger comme secrétaire, sous la présidence de d'Autichamp, à la célèbre conférence de Montfaucon où fut décidée le 18 janvier 1800, la soumission définitive de la Vendée.

Ici s'arrêtent les états de service que le livre d'or de la Vendée militaire devra enregistrer à l'avoir du vaillant Bras-de-Fer. Un peu plus tard l'ex-commandant de la division des Aubiers aurait été mêlé, paraît-il, à une tentative d'enlèvement du Premier Consul ; mais son rôle dans cette affaire - où les purs politiciens tenaient les ficelles - n'a jamais été bien défini, et je ne me sens aucune envie de m'attarder à la solution du problème : le dossier de conspirateur n'ajouterait certainement rien à la gloire du soldat catholique de la Grand'Guerre, auquel j'entends réserver exclusivement les fleurs de ma couronne.

Pour la même raison je passerai sous silence l'insurrection de 1815, si différente - au double point de vue de la légitimité et du succès - de celle de 1793, et à laquelle, d'ailleurs, Renou ne semble avoir prêté qu'un concours des plus indirects. Aussi bien me suis-je laissé dire que, lorsqu'il s'éteignit pieusement à Loudun, le 21 avril 1836, le vieux soldat de la Grande Armée, éclairé par la scandaleuse gratitude de Louis XVIII et de Charles X envers les Vendéens savait depuis longtemps à quoi s'en tenir sur le peu de confiance que méritent les hommes - ces hommes fussent-ils des rois !

Acte de décès Louis Renou

Acte de décès Louis Renou

H.B.
La Vendée Historique
1905

Portrait de Louis Renou extrait de l'Album Vendéen de Louise de La Rochejaquelein - Légende revécue - Clisson 1826

Voir également le lien suivant : http://chemins-secrets.eklablog.com/une-demande-de-pension-de-louis-renou-a29611832

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