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La Maraîchine Normande
26 septembre 2013

LE CORSET A TRAVERS LES AGES

LE CORSET A TRAVERS LES AGES

La coquetterie féminine fut de tout temps en guerre avec les médecins, et le corset, depuis qu'on l'a inventé, a été leur principal champ de bataille.

corset en ferPeu après que Catherine de Médicis eut appris aux Françaises à comprimer leur taille dans des corsages à baleines d'acier, Ambroise Paré, montrant à ses élèves, sur la table de dissection de l'Hôtel-Dieu, de jeunes dames misérablement "espoitrinées", dont les côtes chevauchaient les unes sur les autres, dénonçait déjà les crimes du corset, qui, "par trop serrer et comprimer les vertèbres du dos, les jette hors de leur place, ce qui fait que les filles sont bossues et grandement émaciées par faute d'aliments". L'illustre chirurgien de Henri II a été le premier homme de science qui ait justifié par des raisons anatomiques les malédictions lancées par les moines contre les corps baleinés et leurs "buscs infâmes". "Malheur à celles qui s'en servent ! s'écriait un prédicateur de la cour de Charles IX ; elles portent le diable en croupe !"

Cent ans après Paré, Charles Bouvard, médecin de Louis XIII, constatait qu'en dépit du clergé, de la Faculté et des parlements les élégantes persistaient à se comprimer la taille jusqu'à en perdre le souffle. Appelé à pratiquer l'autopsie de la duchesse de Mercoeur, il découvrit qu'elle était morte étouffée par son corps baleiné :
Les côtés du thorax au dedans retirés
Retenaient les poumons un petit peu trop serrés,
est-il dit dans le procès-verbal que l'on rédigea en vers.

Au XVIIIe siècle, la tyrannie du corset ne s'adoucit pas. La sous-gouvernante des Enfants de France, la marquise de Villefort, raconte dans ses Mémoires maintes pâmoisons subites de la princesse de Lamballe, de la duchesse de Ventadour ou de Mme de Polastron, auxquelles il n'était d'autre remède qu'un bon coup de ciseau dans les lacets du corsage. Contre la funeste mode, les protestations des plus célèbres docteurs de l'Europe restèrent vaines ; le fameux chirurgien allemand Platner, l'anatomiste danois Winslow, dont Louis XIV avait fait un des professeurs du Jardin du Roi, le médecin hollandais Camper et Buffon lui-même y perdirent leur latin. J.-J. Rousseau s'éleva à son tour dans son Émile contre un engin de coquetterie si préjudiciable à la maternité, et, en 1770, Bonnaud fit paraître une brochure dont le titre était ainsi conçu : Dégradation de l'Espèce humaine par l'usage des corps à baleines, Ouvrage dans lequel on démontre que c'est aller contre les lois de la Nature, augmenter la Dépopulation et abâtardir pour ainsi dire l'Homme que de le mettre à la torture dès les premiers moments de son existence sous prétexte de le former.

A ce savant opuscule un simple tailleur de Lyon, nommé Reisser, répondit par un Avis important au sexe ... sur les corps baleinés pour former et conserver la taille aux jeunes personnes ; et le "sexe" lui donna gain de cause.

corset en soieAu XIXe siècle les plaintes des hommes de science contre le corset ne furent ni moins vives ni moins inutiles qu'aux siècles précédents. On raconte que le grand Cuvier faisant visiter un jour les serres du Jardin des plantes à une jeune dame pâle et chétive lui montra une fleur en pleine épanouissement : "Cette fleur, dit-il, est votre image, madame ; vous lui ressembliez hier, elle vous ressemblera demain." Le jour suivant, le naturaliste ayant ramené sa compagne devant la même fleur, la jeune femme poussa un cri de surprise : la fleur, si fraîche la veille, était fanée et tristement inclinée. Pour toute explication, Cuvier se contenta de montrer une ligature faite au milieu de la tige et qui avait suffi pour amener cet étiolement subit.

En dépit d'aussi illustres leçons, la France est toujours demeurée réfractaire à la propagande poursuivie contre le corset par les hygiénistes, et ceux-ci ne comptent encore de victoires qu'à l'étranger. Ainsi, aux États-Unis, une féministe déterminée, Mme Bloomer, est parvenue à supprimer le corset et même la jupe dans plusieurs établissements d'éducation pour filles. En Russie une ligue s'est formée en 1895, sous le patronage de la princesse d'Oldenbourg, pour combattre les pernicieuses excentricités des modes féminines. Une ligue du même genre existe en Angleterre. En Roumanie, le ministre de l'Instruction publique a pris récemment un arrêté interdisant le port du corset aux jeunes filles dans toutes les écoles du royaume. Enfin, en Allemagne, en Autriche, en Hollande, sont publiés des journaux spéciaux qui préconisent énergiquement une simplification radicale du costume des femmes. Mais c'est la France qui, en souveraine absolue, dicte la mode aux élégantes du monde entier, et aucune réforme ne sera décisive tant qu'elle ne viendra pas de notre pays. Un de nos compatriotes, le Dr Philippe Maréchal, s'en est convaincu, et, dans ces dernières années, il a entrepris à Paris même une campagne en règle contre le corset. Il accuse cet absurde appareil de toutes les laideurs, de toutes les perfidies, de tous les crimes ; il nous montre en lui un ennemi de l'espèce humaine contre lequel il réclame une loi draconienne, dont l'article premier punirait d'un mois à un an de prison toute femme de moins de trente ans convaincue d'avoir endossé un corset.

bonnet et fichu - époque Empire

Il est à craindre que le Dr Maréchal n'ait guère de succès. Une taille fine et bien cambrée est l'avantage dont les Françaises se sont toujours montrées les plus vaines et auquel on les fera sans doute le plus difficilement renoncer. Dans toute notre histoire il n'y a que l'époque révolutionnaire où, par une imitation affectée de la simplicité antique, nos compatriotes ont affranchi leur buste de la compression des "corps baleinés" ; encore cette époque ne forme-t-elle qu'une sorte d'entr'acte entre l'âge des paniers et celui des crinolines, c'est-à-dire les deux périodes où les artifices les plus extravagants furent mis en usage pour donner à la taille la frêle apparence d'une tige supportant la floraison épanouie de la gorge et du visage.
C'est à l'indiscrète curiosité d'un de ces ambassadeurs vénitiens qui, toujours en quête de renseignements utiles aux luxueuses industrie de leur patrie, savaient s'insinuer dans le  cabinet de toilette des grandes dames comme dans le cabinet de travail des hommes d'Etat, que nous devons la première description du corset moderne. "Les Françaises sont minces de la taille au delà de toute expression, écrit à la fin du XVIe siècle Ser Lippomano, représentant auprès de Charles IX de la Sérénissime République, et elles se plaisent à enfler leurs robes, de la ceinture au bas, par des toiles apprêtées et des vertugadins, ce qui augmente la grâce de leur tournure. Par-dessus leur chemise, elles portent un buste ou corsage, qu'elles appellent corps piqué, qui leur donne du maintien ; il est attaché par derrière, ce qui avantage la poitrine."
Tel était le secret de quelques-unes des "gentilles grâces" des contemporaines de Brantôme ; mais pour l'emporter les unes sur les autres en finesse de taille on ne se doute pas des maux, des tourments que ces "belles et honnestes dames" consentaient à endurer. "Pour faire un corps bien espagnolé, s'écrie Montaigne, quelle gehenne les femmes ne souffrent-elles pas, guindées et sanglées, avec de grosses coches sur les côtés jusques à la chair vive ! oui, quelquefois à en mourir !"

corset - déformation du thoraxOn n'a pas de peine à croire que les corps du XVIe siècle fussent des instrumens de supplice quand on a vu ceux qui sont conservés dans les vitrines des musées. Sous une parure de satin et de velours, ce sont de véritables engins de torture, bardés de fer, avec sur le devant un busc ou lame en os de baleine, en buis ou en acier qui, du haut de la poitrine, descent jusqu'au bas du ventre. Le busc, qui était la partie la plus en évidence du corsage en était aussi la plus ornée. Il fut un temps, sous les derniers Valois, où l'on fendit l'étoffe du surcot pour laisser voir les ciselures, les incrustations et les galantes devises dont quelques élégantes, se plaisaient à enjoliver leur busc. On en cite une, entre autres, qui sur le sien avait fait graver ce quatrain :
Ai de Madame cette grâce
D'estre sur son sein longuement,
D'où j'ouïs soupirer un amant
Qui voudroit bien tenir ma place !

Le busc mis à la mode par Catherine de Médicis et les aimbles beautés de son "escadron volant" était légèrement contourné, de manière à s'adapter tant bien que mal aux sinuosités du corps ; peu à peu il se redressa, se raidit et en arriva, dans les dernières années du XVIe siècle, à donner au corsage l forme d'un cornet rigide piqué au beau milieu du vertugadin. Puis le busc fléchit, s'arrondit, forma une saillie que l'on bourra d'étoupe et qui prit le nom expressif de "fausse panse".
Marie de Médicis et les belles dames de la cour de Henri IV, ne pouvant lacer leur corset plus étroitement que ne l'avaient fait leurs mères, imaginèrent pour donner plus de finesse à leur taille d'augmenter l'enflure des robes et des manches. Elles commencèrent par entasser l'une sur l'autre trois jupes de couleurs différentes, la "modeste", la "friponne" et la "secrète" ; puis elles les matelassèrent de ouate, les charpentèrent au moyen d'un cerceau et finalement les recouvrirent de basque à gros bouillons. Les manches, rembourrées et baleinées, prirent chacune l'ampleur d'un petit corsage et au milieu de ces ballonnements d'étoffes la taille apparut étranglée comme un corselet d'insecte. Les femmes furent enthousiasmées par ce résultat. L'invention des vertugadins leur sembla si merveilleuse qu'à la cour comme à la ville elles s'appliquèrent à en tirer parti jusqu'à l'extravagance ; on ne manqua pas de les en chansonner :
Le grand vertugadin est commun aux Françoises,
Dont usent librement maintenant les bourgeoises
Tout de mesme que font les dames, si ce n'est
Qu'avec un plus petit la bourgeoise paroist ;
Car les dames ne sont pas bien accomodées
Si leur vertugadin n'est large dix coudées.

corset - mode de Paris

L'artifice des jupes volumineuses, formant, selon un mot de Théophile Gautier, "piédestal au buste", a été une trouvaille que les Françaises n'ont plus oubliée ; elles y sont revenues de siècle en siècle avec les paniers, puis les crinolines, et il n'est pas téméraire de prédire qu'elles y reviendront encore puisque l'histoire de la mode, plus que toute autre, n'est faite en fin de compte que de recommencements.

Ce n'est qu'à partir de Louis XIII qu'on fit de la doublure baleinée du corsage un vêtement indépendant, destiné à mouler, à redresser la taille, à soutenir la poitrine, à donner au corps de la "tenue" et par-dessus lequel on pouvait aisément changer de robe cinq ou six fois par jour. Le corset fut dès lors le vêtement intime qu'il est encore actuellement ; il cessa d'être une pièce luxueuse de l'habillement pour devenir un de ces ingénieux "dessous" dont les femmes savent rehausser leur beauté.
Il parut même que le corset avait un caractère trop intime pour qu'il fût "dans la bienséance et convenable à la pudeur et à la modestie des femmes et filles" de laisser à des hommes le privilège exclusif de le confectionner, et les couturières firent leur apparition. Leur corporation fut légalement reconnue et eut ses lettres de patentes enregistrées par le parlement de Paris le 7 septembre 1675 ; néanmoins les coquettes conservèrent toujours une certaine prédilection pour les tailleurs, dont quelques-uns s'étaient fait une spécialité de la confection des corps de femmes et d'enfants.

Le corset des élégantes du règne de Louis XIV était une sorte de brassière lacée par derrière, agrafée par devant, échancrée sur la poitrine, mais montant dans le dos presque jusqu'au cou. C'était là le corps que Mme de Maintenon recommandait aux élèves de Saint-Cyr de ne jamais quitter.
Mais les corsets des pensionnaires de Saint-Cyr étaient modestes et sans vains ornements ; à la cour, sous le velours brodé des justaucorps, la coquetterie voulait que le corset fût de soie, à rayures ou à fleurs, lacé d'or et perfidement orné d'un bijou sur le bord. Telle était la gourgandine que Boursault, dans ses mots à la mode, définissait ainsi :
Enfin la gourgandine est un riche corset
Entr'ouvert par devant à l'aide d'un lacet ...
Un beau noeud de brillants dont le sein est saisi
S'appelle un "boute-en-train" ou bien un "tatez-y".

La forme essentielle du corset ne changea pas au XVIIIe siècle ; seulement le busc s'allongea et se raidit de plus en plus, faisant aux femmes, comme au XVIe siècle, une "panse" rigide ; la taille resta cependant assez haute dans le dos, et les hanches demeurèrent bien dégagées, ce qui donna au vêtement une coupe singulièrement échancrée.
Toutes les femmes voulant avoir des corsets et toutes tenant à ce qu'ils fussent garnis de vraies baleines (au lieu des souples lames de fer dont auparavant on se contentait généralement), la mer du Nord et la Baltique finirent par être dépeuplées de cétacés. Les pêcheurs norvégiens et hollandais fouillaient en vain les brumes de l'Océan pour fournir à la coquetterie féminine l'indispensable auxiliaire qu'elle réclamait : les gros cétacés, pourchassés, avaient émigré vers les glaces arctiques, et Paris faillit manquer de baleines ! Ce fut là un gros problème commercial que les Etats généraux des Pays-Bas étudièrent gravement et qu'ils résolurent en juin 1722 en contractant un emprunt de 600.000 florins "afin de soutenir la campagne formée dans l'Ost Frise pour la pêche de la baleine". Couturières et tailleurs respirèrent à cette nouvelle ; le corset était sauvé.

De plus en plus ouverts par devant et étroitement lacés par derrière, les corsets, à la fin du XVIIIe siècle, faisaient saillir assez effrontément les seins, même les plus fatigués. Une vieille coquette, outrageusement décolletée, voyant Voltaire lorgner curieusement ses appas : "Est-ce que M. de Voltaire, dit-elle, songerait encore à ces petits coquins ? - Petits coquins ! riposta le philosophe. Dites donc ces grands pendards !" Pour s'avantager jeunes et vieilles se serraient à qui mieux mieux. Un poète du temps chantait :
J'ai vu Chloris, j'ai vu la jeune Hélène ;
Des rubans de Beaulard leurs fronts étaient ornés ;
Le moule étroit de la baleine
Faisait gémir leurs corps emprisonnés.

Et les estampes satiriques d'alors nous montrent, en effet, soubrettes et valets de pied s'époumonner à lacer - parfois même à l'aide d'un treuil - le corset de leur maîtresse. Comme à l'époque d'Ambroise Paré et à celle de Charles Bouvard, les élégantes sacrifièrent leur santé, quelques-unes leur vie, à la vanité d'avoir la taille fine. N'y avait-il pas des coquettes qui, pour s'amincir, se condamnaient à ne pas manger ? "Les demoiselles, nous raconte l'auteur du Tableau de Paris, droites, silencieuses, immobiles, corsées, busquées, les yeux éternellement baissés, ne touchaient à rien sur leur assiette, et plus on les pressait de manger, plus elles comptaient donner une preuve authentique de tempérance et de modestie en ne mangeant pas." Pour diminuer la contrainte et remédier aux vapeurs et syncopes des coquettes en leur permettant de se desserrer sans qu'il y parût, le médecin genevois Tronchet inventa le pli Watteau et eut assez de crédit pour le mettre à la mode ; ce fut une jolie trouvaille en même temps qu'un véritable bienfait pour la santé publique.

La Révolution, qui prétendit faire revenir les moeurs à la simplicité antique, supprima les corsets baleinés du même coup que les paniers, les habits à la française et les perruques.
"Citoyen, dit une provinciale à un couturier à la mode dans un dialogue de La Mésangère, j'arrive de mon département. Indiquez-moi la mode, afin que je m'y conforme.
- Madame, répond le tailleur, cela est fort aisé ; en deux minutes je vais vous y mettre si vous le voulez.
- Très volontiers.
- Otez-moi ce bonnet.
- Le voilà.
- Otez-moi ce jupon.
- C'est fait.
- Otez-moi ces poches.
- Les voici.
- Otez-moi ce fichu, ce corset, ces manches.
- Est-ce assez ?
- Oui, madame. Vous voici actuellement à la mode, et vous voyez que cela n'est pas difficile, il suffit de se déshabiller."

Plus même de chemise : c'est "un attirail incommode qui ne sert qu'à gâter les contours de la nature". Les femmes "modèlent la forme de leur parure sur celle d'Aspasie" ; elles vont au bal les bras nus, le sein découvert, les pieds chaussés de sandales, les cheveux tournés en nattes autour de la tête. Devinez où sont leurs poches ? Elles n'en ont point. "Elles enfoncent leur éventail dans leur ceinture ; elles logent dans leur sein une mince bourse où flottent quelques louis ; quant à l'ignoble mouchoir, il est dans la poche d'un courtisan à qui l'on s'adresse lorsqu'on en a besoin."

achille-deveria-the-corset

Comme il fallait cependant maintenir la gorge par quelques chose, on eut d'abord l'idée de se servir, comme les femmes grecques, de bandelettes auxquelles on donna le nom de zona ; mais, ces bandelettes ayant été reconnues peu pratiques, on eut recours à des tricots de soie, généralement de couler chair et si collants qu'ils ne laissaient presque rien à deviner. Ces tricots étant encore insuffisants pour soutenir la poitrine, on les remplaça par une brassière munie d'un busc sur le devant, et ainsi, petit à petit, se trouva créé le corset Ninon, qui fit fureur à la fin du premier Empire. Court de taille et très souple, il moulait la taille sans la comprimer, mais la coquetterie féminine ne tarda pas à le renforcer de baleines et à le serrer. Puisque la finesse de la taille redevenait une grâce, un corset lâche était un non-sens, et insensiblement de 1815 à 1830 on reconstitua l'instrument de supplice que la Révolution avait aboli. Charles X pourtant en était ennemi : "Il n'était pas rare autrefois, disait-il, de trouver en France des Diane, des Vénus, des Niobé ; aujourd'hui on n'y rencontre plus que des guêpes !" Néanmoins le vieux roi n'aurait sans doute pas pu humer une prise sur le sein de certaine noble si un étroit corset n'eut fait agréablement saillir la gorge de la belle. Et toutes les coquettes de Paris s'autorisèrent de l'exemple de la maîtresse du roi pour se serrer à en perdre le souffle. Elles requéraient pour les y aider la vigueur d'une servante bien musclée ou même de leur mari.

Les caricaturistes ne se sont pas fait faute de railler les services un peu ridicules que dans les ménages bourgeois Madame, à sa toilette, réclamait de Monsieur ; il fallait que le brave homme, en bras de chemise, s'époumonnât à sangler sa femme ou se cassât les ongles sur les noeuds des lacets.

impératrice EugénieLa mode des longues tailles dura jusqu'au second Empire. L'impératrice Eugénie, dont les épaules tombantes et le cou flexible étaient une des beautés, ayant le buste court, toutes les femmes, à son exemple, rapetissèrent alors leurs corsets ; beaucoup poussèrent même l'imitation de leur souveraine jusqu'à porter, la nuit, des ceintures destinées à soutenir constamment leur poitrine.

L'Empire fini, comme il fallait tout changer, on revint aux tailles longues. Le corset, cambré devant et derrière, monta presque sous les bras. Plus que jamais il redevint un engin de torture, et la Faculté de fulminer. Les élégantes d'aujourd'hui ne se laissent guère plus intimider que leurs grand'mères et leurs arrière-grand'mères par les savants à lunettes. Elles entendent modeler leur plastique et dessiner leur silhouette à leur guise. Hygiène, repopulation, elles n'ont cure de ces grands mots ; et si, depuis trois ans, elles s'amusent à dénommer les derniers modèles de leurs corsets "corsets Faculté" ou "corsets doctoresse" croyez que c'est de leur part pure impertinence.

Les nouveaux corsets sont courts, mais placés très bas et absolument rigides par devant, car, encore une fois, on presque revenu aux "fausses panses" du temps des Valois. On comprend qu'un tel corset n'étant plus ajusté que dans le dos et n'ayant plus, par conséquent, qu'un seul point d'appui, soit très difficile à fixer ; on est obligé de l'attacher aux bas au moyen d'un système compliqué de jarretelles.

Ainsi fagotées, les femmes d'à présent n'ont plus de ventre ; leur buste, droit par devant, se cambre outrageusement par derrière. Toute l'esthétique féminine est dans le contraste de cette ligne droite et de cette ligne onduleuse, que font ressortir des costumes collants d'une habile simplicité.

On ne me croirait pas si je disais que la silhouette de nos contemporaines n'est pas délicieuse ; les femmes nous tiennent toujours à leur merci, et, si absurdes que soient leurs caprices, nous y applaudissons avec une servilité passionnée et convaincue. Oui, convaincue, car, les aimant, nous ne pouvons nous défendre d'aimer toutes leurs fantaisies. Au moins est-il permis de désirer que pour rendre leur beauté provocante elles ne se soumettent pas à d'aussi terribles tourments que leurs aïeules. Nous savons que la coquetterie, cette religion féminine, a des héroïnes qui ne le cèdent guère en courage à celles de la foi, mais pour être sûres de notre culte fervent est-il donc nécessaire que nos jolies contemporaines donnent à leur élégance la surhumaine consécration du martyre ?

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CH. SAGLIO
Revue universelle
1902

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