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La Maraîchine Normande
30 août 2013

LES CLOUZEAUX (85)

LES CLOUZEAUX

LES CLOUZEAUX 3

Les charlatans de la Révolution n'eurent pas de succès auprès de la population des Clouzeaux, lors des bouleversements et des mesures de violence qui provoquèrent l'insurrection de 93 ; et nous verrons plus loin que presque tous les habitants de la paroisse s'empressèrent de prendre les armes contre la République. Comment ils y furent amenés, c'est ce que je vais essayer de montrer tout d'abord, en résumant l'historique de la persécution dirigée contre le curé et le vicaire des Clouzeaux.

Le curé de la paroisse, en 1789, s'appelait Jean-Baptiste Remaud. Il était originaire de Chavagnes-en-Paillers et parent de deux autres abbés Remaud ; l'un curé, l'autre vicaire de Chavagnes. Ce dernier était le fameux Pierre-François Remaud, qui devait remplir plus tard les fonctions de commissaire à l'armée de Charette.

Remaud curé des Clouzeaux

Jean-Baptiste Remaud était un prêtre aussi ferme que vertueux. Une fois solide l'avait mis en garde contre les arrondisseurs de dogmes de ce temps-là, contre les précurseurs de ces abbés américanistes et démocrates que nous voyons aujourd'hui fouler aux pieds toutes les traditions pour se lancer dans des innovations dangereuses, faire risette à la République, traiter les anciens Pères de l'Église de vieilles perruques, encenser Kant en attendant de jurer par Luther ou par Calvin et, à l'exemple de l'ex-abbé Charbonnel et de tant d'autres, glisser fatalement, peu à peu, des rangs des novateurs dans ceux des apostats.
Le bon curé des Clouzeaux était en garde : aussi n'eut-il point de peine à démêler du premier coup, sous les apparences hypocrites d'une prétendue réforme de discipline, le caractère schismatique de la Constitution Civile du Clergé. A la mise en demeure d'avoir à prêter serment, il répondit par la fière et spirituelle déclaration ainsi consignée sur les registres paroissiaux :
"Aujourd'hui, 20 février 1791, en chaire, à notre messe paroissiale, après avoir fait mon prône ordinaire, j'ai fait le serment civique exigé du clergé de France par les laïques de l'Assemblée nationale, mais dans une forme qui leur déplaît, quoique juste et légitime :
Je jure de veiller avec soin sur les fidèles dont la conduite m'est ou me sera confiée par l'Église, d'être fidèle à la Nation, à la Foi et au Roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi, dans tout ce qui est de la compétence de l'Assemblée, sous la réserve expresse des droits de la sainte Église catholique, apostolique et romaine dans son régime spirituel."

Notez que ce n'était point à la République, mais au Roi lui-même - car l'infortuné Louis XVI régnait encore, au moins de nom, - que le pasteur des Clouzeaux répondait fièrement : "Je suis royaliste, mais catholique avant tout ! ... Je ne puis donc vous jurer fidélité que dans les limites où cette fidélité s'accordera avec ma foi religieuse !" Quel bel exemple !

Le serment restrictif - et quelque peu ironique - ainsi prêté par l'abbé Remaud équivalait à un refus pur et simple : les persécuteurs ne s'y trompèrent point, et, peu de temps après, le curé des Clouzeaux fut mis en demeure d'avoir à prendre le chemin de l'exil.

Il refusa bravement d'obéir à cette nouvelle injonction. C'était pour lui la prison en perspective, et ce fut bientôt l'échafaud ; mais peu lui importait : il avait fait généreusement le sacrifice de sa liberté et de sa vie !

Caché tout d'abord dans sa paroisse même ou dans les paroisses voisines, puis à Chavagnes-en-Paillers, son pays natal, il se retira plus tard aux Essarts, où il trouva un asile au logis de la Vrignonnière. C'était là qu'il devait cueillir les palmes du martyre, au début de l'année 1794, en tombant sous les coups des bandes infernales de Turreau. Surpris par les bandits au moment où il venait de célébrer la messe dans sa cachette, il fut massacré sur-le-champ. La tradition rapporte que ses assassins lui arrachèrent la langue, et qu'ils mutilèrent ensuite son cadavre !

Après le départ des Bleus, les restes du martyr furent pieusement recueillis par quelques âmes charitables et enterrés dans une prairie, tout près du logis de la Vrignonnière. "L'attention et le respect des fidèles, lisons-nous dans le beau livre consacré par M. le Chanoine Prunier au Martyre de la Vendée, restèrent tournés vers cette tombe vénérable, et le peuple crut y voir comme un miraculeux rayonnement de gloire. C'est la tradition orale, dit M. l'abbé Grolleau, doyen des Essarts, que de nombreux témoins ont aperçu, le soir, une lumière mystérieuse, qui brillait sur les restes de ce prêtre, immolé en haine de la foi."

Si l'on en croit la même tradition, au autre phénomène non moins merveilleux, qui donna même l'idée d'exhumer les restes du martyr, se produisait encore à l'endroit où ils reposaient :
"Vers 1840, ajoute l'auteur du Martyre de la Vendée, Mme Jaud, propriétaire du manoir de la Vrignonnière, avait observé que l'herbe ne poussait jamais sur la tombe de M. Remaud. Frappée par ce phénomène, elle eut l'idée de faire exhumer le corps du martyr. On le trouva dans un état de parfaite conservation, mais au premier contact les chairs tombèrent en poussière, et il ne resta que les ossements, qui furent d'abord transportés dans le cimetière de la paroisse et qui sont aujourd'hui déposés dans l'église. Le sacristain d'alors prit comme une relique l'os du pouce, maintenant entre les mains de Mme la vicomtesse de Rougé."

Bonnin vicaire des Clouzeaux

Le curé des Clouzeaux avait cueilli les palmes du martyre : mais qu'était devenu le vicaire ?
Jean-François Bonnin (tel était son nom) avait bravement refusé, lui aussi, de prêter le serment schismatique ; mais il s'était décidé à prendre le chemin de l'exil et se retira en Espagne. Il en revint à l'époque de la pacification définitive, et fut alors nommé curé de la paroisse même où il avait débuté dans le ministère. Il occupa le poste pendant plus de trente ans, jusqu'à sa mort, arrivée en 1835.

Aux Clouzeaux comme partout ailleurs, le mouvement fut essentiellement et exclusivement populaire. Le principal instigateur fut un sieur Jean Millet, dit le Pape. Sa femme - qu'on appelait la Bertrand, de son nom de fille - se montra également zélée et tout le monde les suivit, aussi bien les gens du bourg que ceux des villages. On s'arma comme on put et l'on courut sans désemparer se mettre sous les ordres du brave chirurgien Joly, qui avait soulevé tous les environs de la Chapelle-Hermier.

Joly se trouva bientôt à la tête de vingt-cinq paroisses insurgées. Il établit son quartier général à la Mothe-Achard et s'empressa d'organiser des compagnies, une pour chaque paroisse. Les volontaires des Clouzeaux eurent pour premier capitaine un nommé Marionneau, sous les ordres duquel ils prirent part aux deux attaques dirigées par Joly contre la ville des Sables, le 24 mars d'abord, puis le 29, jour du Vendredi Saint.

Soldats de Joly, puis de Charette, les gâs des Clouzeaux se distinguèrent, jusqu'à la fin de l'insurrection, sur la plupart des champs de bataille du Bas-Poitou. Il est regrettable qu'aucun d'eux n'ait eu l'idée de coucher par écrit les exploits de la vaillante phalange : quelle belle page l'historiographe de la compagnie des Clouzeaux eût ajoutée à notre livre d'or Vendéen !

Mais si les premiers historiens de la Vendée militaire, un peu trop pressés peut-être et désireux de donner tout de suite une grande vue d'ensemble, ont dû négliger, là comme ailleurs, les figures de second plan et les petites chroniques locales, ils nous ont néanmoins conservé le récit - documenté sur place - du fameux combat qui se livra aux Clouzeaux, le 20 mars 1794. La victoire que remportèrent ce jour-là les insurgés du Bas-Poitou compte parmi leurs plus brillants faits d'armes : je m'en vais donc la raconter à mon tour.

Vainqueur des lieutenants de Charette, auxquels il avait enlevé l'île de Noirmoutier au commencement du mois de janvier, Haxo s'était solennellement engagé envers la Convention à venir à bout du général poitevin lui-même, et il avait promis de le prendre bientôt mort ou vif ! "Dans six semaines, avait-il écrit au Comité de salut public, je vous enverrai la tête de Charette ou j'y perdrai la mienne !"
Mais les semaines s'étaient écoulées et Charette tenait toujours !
Le 12 mars, après deux mois d'inutiles poursuites, Haxo, quelque peu défrisé mais nullement découragé, mandait de nouveau au Comité : "Ce n'est pas chose aisée de trouver Charette, encore moins de le combattre : il est aujourd'hui à la tête de dix mille hommes, et le lendemain il erre avec une vingtaine de soldats. Vous le croyez en face de vous, et il est derrière vos colonnes ; il menace tel poste dont il est bientôt à dix lieues. Habile à éluder le combat, il ne cherche qu'à vous surprendre pour égorger vos patrouilles, vos éclaireurs, et enlever vos convois. Je le poursuis sans relâche : il périra de ma main ou je tomberai sous ses coups."

C'était la seconde hypothèse de la prédiction qui devait se réaliser à huit jours de là, le 20 mars, sur le champ de bataille des Clouzeaux.

Mort de Haxo

Il y avait plusieurs jours que Charette fuyait devant Haxo. Celui-ci suivait son adversaire à la trace et l'avait seulement manqué de quelques heures, d'abord à Palluau, puis à la Chapelle-Palluau, puis à Beaulieu-sous-la-Roche, puis à Landeronde. Il l'atteignit enfin, dans la soirée du 20 mars, auprès des Clouzeaux.
Après avoir traversé ce bourg, Charette était allé campé un peu plus loin, vers le village de la Gautronnière. Comme il venait de recevoir des renforts amenés très à propos par Joly, Savin et Guérin, et qu'il était fatigué de fuir, il se décida à faire tête à l'ennemi et à livrer bataille en cet endroit. Il prit donc ses dispositions en conséquence, divisa sa petite armée en trois corps, confia la gauche à Joly, le centre à Guérin, se réserva lui-même la droite, et attendit de pied ferme.
"Haxo, rapporte Crétineau-Joly, Haxo, dont tant de courses au milieu d'un pays dévasté ont exténué les troupes, ne tient compte ni de la favorable position que l'ennemi a choisie, ni de l'ardeur que semblent témoigner les Blancs. Ses grenadiers partagent son impatience ; ils se précipitent à la baïonnette dans un champ de genêts, contre les chasseurs de l'avant-garde de Joly.
Ce combat partiel dura longtemps, les deux parties étant également braves. Mais Joly arrive au pas de course ; sa division le suit, elle s'élance sur le flanc des colonnes d'Haxo. Au même instant Charette s'ébranle avec sa cavalerie. Les dragons républicains sont culbutés ; le désordre de leurs rangs se communique à l'infanterie qu'ils devaient couvrir. Un cri de Morts aux Bleus ! retentit sur toute la ligne.
Ce cri fait tressaillir Haxo ; il se porte en avant, ramène ses troupes au combat et entoure l'arrière-garde de Charette, qui, seulement armée de piques et de bâtons, ne peut résister à un pareil choc. Joly a saisi ce mouvement qui inquiète les siens. "Ne craignez rien, leur dit-il, c'est arrangé d'avance avec le général", et entraînant ses soldats sur le centre, il les pousse avec tant de furie qu'en dix minutes il fait plier l'ennemi.
Haxo est revenu vers ses troupes en désordre : "Lâches, s'écrie-t-il, où fuyez-vous ? ne voyez-vous pas que Charette est battu ! et il les remet en bataille. Cependant sous le coup des charges à la baïonnette, que Joly renouvelle sans cesse, le général républicain ne peut reformer sa ligne. L'arrière-garde vendéenne a été plus heureuse. Charette l'a ralliée : il la guide lui-même à l'ennemi posté sur la route de la Roche-sur-Yon. Tandis que Joly écrase le centre de bataille des Bleus, Charette fait partir sa cavalerie à travers champs afin de leur couper la retraite.
A six reprises différentes, Haxo se remet en ligne ; il est toujours repoussé. Enfin, serré de trop près, il va franchir un fossé pour se mettre à couvert, une balle lui traverse la cuisse et le fait tomber de cheval. Le général donne avec un admirable sang-froid ordre à ses aides de camp de veiller au salut de l'armée, et s'adossant au pied d'un chêne : "Adieu, dit-il, je ne me bats plus en général, mais en soldat !"
Dans cette position, il semble à lui seul braver toute l'armée poitevine. "Rendez-vous !" lui crie un paysan. Haxo l'étend à ses pieds d'un coup de sabre. Un cavalier, nommé Domès, s'approche de lui, Haxo le prend pour un des siens. "A moi camarade !" s'écrie-t-il. Domès s'élance et détache un coup de sabre, qui est paré.
Cinq cavaliers le pressent ; on somme le général de se rendre à discrétion : Haxo refuse. Sa tête couverte de cheveux blancs, sa martiale figure, sa taille gigantesque et sa force prodigieuse l'auraient peut-être sauvé, car il résistait avec succès à ces cinq adversaires, lorsqu'un cavalier nommé Arnaud, de la paroisse de Vieillevigne (il était en fait de la Chaize-le-Vicomte, il y commandait la compagnie de la paroisse Saint-Nicolas), que le chef des Bleus a blessé dans cette lutte inégale, fait feu à bout portant. Haxo expire frappé de trois balles.
Charette accourait pour lui sauver la vie. Il le trouva étendu à ses pieds et, dans son silence éternel, menaçant encore les Brigands. "C'est bien dommage, dit-il avec tristesse, d'avoir tué cet illustre capitaine. S'il eût été pris vivant, je l'aurais renvoyé aux Républicains pour leur donner un bon exemple".

Haxo était digne des éloges que lui rendait ainsi son vainqueur. Bien différent des Turreau, des Huché, des Grignon et autres bandits aux gages de la République, il avait toujours loyalement combattu les Vendéens en soldat, non en bourreau. De même que Travot et quelques autres - faciles à compter, hélas ! - il était de ces adversaires, non moins honnêtes qu'héroïques, qu'on pouvait estimer tout en les combattant. ...

Aucun historien de la Vendée militaire n'a indiqué - du moins d'une façon précise - l'endroit où se déroula le combat du 20 mars. Si l'on en croit la tradition populaire, le champ de bataille aurait été assez étendu : il comprendrait tout le terrain entre la sortie du bourg et l'emplacement de la gare des Clouzeaux.
D'après la même tradition, ce serait de ce côté, dans les Landes-Blanches, que le brave Haxo aurait reçut le coup mortel. Certains historiens prétendent, il est vrai, que ce fut un peu plus loin, à l'endroit où s'élève un vieux genévrier entouré de ronces, visible de la ligne du chemin de fer ; mais la tradition locale répond que ce genévrier fut planté pour marquer la fosse où l'on enterra non seulement le général, mais encore toutes les autres victimes de la bataille. Il est regrettable que le propriétaire du terrain n'ait pas eu l'idée de faire procéder à des fouilles en cet endroit : cela eût peut-être tranché le différend. ...

Voici, à propos de la bataille du 20 mars 1794, la curieuse déposition que je trouve dans les papiers inédits du populaire enquêteur (M. de Brem) :
"Ce n'est pas nous, me disait un des combattants des Clouzeaux, qui avons remporté la victoire ; mais c'est le Bon Dieu. Après la campagne d'hiver que nous avions faite, nous pouvions à peine nous tenir debout, et nous étions affamés.
Pour moi, en passant à Landeronde, je trouvai une poule dont je m'emparai comme un trésor. Enchanté de ma trouvaille, j'allume du feu et me mets en devoir de la faire cuire. Elle était à moitié cuite lorsqu'on nous appela aux armes ; il fallut encore remettre mon repas à un autre moment. Je remis ma poule dans ma pannetière, qui depuis longtemps n'avait pas contenu un pareil repas, et me voilà parti.
Arrivé aux Clouzeaux, nous fumes attaqués par Haxo ; nous nous battîmes avec acharnement et, dans la bagarre je perdis la pannetière et la bienheureuse poule. Heureusement nous fûmes vainqueurs, et nous pûmes enfin trouver quelque chose à manger."

Depuis le drame où Haxo perdit la vie - et le soldat de Charette et sa poule - je n'ai rien trouvé de bien saillant dans l'histoire des Clouzeaux. ...

H.B.
La Vendée Historique
1903

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