SAINT-ETIENNE-DU-BOIS ♣ LA TULÉVRIERE
LA TULÉVRIERE
La Tulévrière est un gros village qui dépend de Saint-Etienne-du-Bois. Il est situé dans la vallée de la Petite Boulogne, à cinq kilomètres du chef-lieu paroissial, presque à la limite entre le territoire de Saint-Etienne et celui des Lucs. Une route le traverse aujourd'hui et le relie aux bourgs environnants, mais il était autrefois perdu au milieu des bois et avait la réputation d'être l'endroit le plus sauvage de tout le pays.
Pendant la tourmente révolutionnaire, il dut à cette situation d'échapper aux incursions des armées républicaines ; les colonnes infernales elles-mêmes le respectèrent, alors qu'elles avaient fait rage tout autour : si bien qu'après la tempête, on eût dit une sorte d'oasis au milieu du désert de ruines et de cendres que les hordes de la République avaient amoncelées dans cette partie du Bas-Poitou.
Dans cette oasis était venu se réfugier, dès le début de la persécution religieuse, un prêtre dont le nom brille au livre d'or du Clergé vendéen : ALEXANDRE TENEBRE, alors curé de Croix-de-Vie, déporté plus tard à la Guyane sous le Directoire, et mort curé de Vairé en 1822. Le prêtre proscrit séjourna à la Tulévrière depuis le mois de septembre 1792 jusqu'après la pacification de la Jaunaye, c'est-à-dire pendant deux ans et demi. Son apostolat y fut admirable, et sa mémoire est demeurée en vénération dans chaque foyer du village.
Or, c'est à l'initiative de cet apôtre, l'un des plus glorieux confesseurs de la foi de la Vendée militaire, qu'est due la chapelle de Notre-Dame des Martyrs du Bas-Poitou, construite par les habitants de la Tulévrière en pleine Terreur, au lendemain du passage des colonnes infernales dans le pays, en reconnaissance de la protection divine dont le village avait été l'objet. Voici d'ailleurs, d'après l'original précieusement conservé, le procès-verbal dressé à l'occasion de la bénédiction de ce sanctuaire, l'un des plus populaires du Bas-Poitou :
"Aujourd'huy, vingt-neuf du mois de décembre, l'an mil sept cent quatre-vingt-quatorze, et le deuxième du règne de Louis dix-sept, je soussigné, prêtre, curé de Croix-de-Vie, desservant de Saint-Etienne-du-Bois, et délégué de Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime Marie-Charles-Isidore de Mercy, évêque de Luçon, ai béni, à la prière des habitants du village de la Tullévrière, un petit oratoire, pour y remercier le Tout-Puissant de la protection particulière qu'Il leur a accordée en les préservant de l'incendie général, pour Luy offrir journellement leurs voeux et leurs prières pour la fin de la persécution et le recouvrement de la paix dans le Royaume, pour procurer à leurs frères, les habitants de la paroisse de Saint-Etienne-du-Bois, un lieu où ils puissent se rassembler pour y offrir de concert leurs prières communes au Seigneur et assister aux divins offices en attendant que l'église paroissiale soit réparée de manière qu'on y puisse célébrer décemment les saints offices, n'entendent nullement les habitants du village de la Tullévrière préjudicier en rien aux droits et intérêts du chef-lieu, ny se soustraire à la juridiction du curé de la ditte paroisse de Saint-Etienne-du-Bois, dans laquelle est situé le dit village de la Tullévrière, mais au contraire persuades que, dans la circonstance malheureuse où ils se trouvent par la persécution cruelle qu'ils éprouvent, et n'ayant aucun lieu actuellement dans la paroisse qui y soit consacré pour y célébrer décemment les divins offices et s'y réunir avec tous leurs frères et par leurs prières communes appaiser la colère de Dieu qui, depuis plusieurs années, éclate sur ce Royaume, et principalement sur la province du Bas-Poitou, d'une manière si terrible, ils ont cru que la construction de leur oratoire, de l'entretien et des réparations duquel ils se chargent seuls sans que le reste de la paroisse y contribue en rien, seroit vüe favorablement de Monsieur leur curé dont ils connoissent le zèle pour la gloire de Dieu ; c'est pourquoi, les soussignés et autres habitants du susdit village m'ont prié de le bénir et de le consacrer à la plus grande gloire de Dieu sous la protection de la Très-Sainte Vierge Marie, mère de Dieu, et sous le nom et l'invocation des bienheureux martyrs du Bas Poitou, sauf le bon plaisir de Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime Marie-Charles-Isidore de Mercy, évêque de Luçon.
Mathurin BRAUD ; Jean PRINEAU ; Pierre TULEVRE ; Vincent BRAUD ; TULLEVRE ; Pierre BRAUD ; Louis BRAUD ; Pierre PÉNISSON ; André BARRÉ ; Jacques BRAUD ; Jean PRINEAU fils ; Pierre PRINEAU ; Louis ROUSSEAU ; TÉNEBRE, prêtre, curé de Croix-de-Vie, desservant de Saint-Etienne-du-Bois et délégué de Monseigneur l'évêque de Luçon."
Approuvé, dès le 4 septembre 1795, par l'abbé Brumauld de Beauregard, vicaire général, puis, le 4 novembre 1822, par ordonnance épiscopale de Mgr Soyer, la chapelle de la Tulévrière fut successivement restaurée, agrandie et embellie en 1835, en 1874 et en 1892 ; rien ne manque aujourd'hui à sa décoration : les purs traditionalistes seraient plutôt tentés de la trouver trop coquette !
Le 20 septembre 1894, à l'occasion du centenaire, un grand pèlerinage régional, présidé par Mgr Catteau, réunit des milliers de fidèles à la Tulévrière. Depuis cette manifestation grandiose, chaque année, à pareille époque, les paroisses voisines se donnent rendez-vous au sanctuaire de Notre-Dame des Martyrs, où les petits-fils des héros de la Grand'Guerre aiment à venir invoquer leurs ancêtres, les Saints de la Vendée que la République elle-même a canonisés - en les martyrisant.
Rappelons, en terminant, que Mgr Catteau, par ordonnance datée du 11 août 1891, a accordé une indulgence de quarante jours à toutes les personnes qui réciteront, dans la chapelle de la Tulévrière, cette prière à Notre-Dame des Martyrs du Bas-Poitou :
"O Notre-Dame des Martyrs, qui avez inspiré à nos pères la sainte vaillance avec laquelle ils ont résisté à la persécution et versé leur sang pour la foi, nous vous prions de nous obtenir de votre divin Fils la force dont nous avons besoin nous-mêmes pour demeurer fidèles à Dieu, malgré les efforts de l'impiété, et pour défendre toujours et partout, selon notre pouvoir, la cause sacrée de Dieu et de la religion. Ainsi soit-il."
La Vendée Historique
Janvier 1907
"Ce pauvre sanctuaire, bénit en secret par M. l'abbé de Beauregard, grand vicaire de Luçon, servit au saint prêtre d'église paroissiale. Il y fut arrêté, après fructidor, au soir d'une première communion nombreuse. Déporté à Cayenne, en compagnie de M. de Beauregard, le futur évêque d'Orléans, l'abbé Ténèbre revint (en 1802) et mourut, en 1822, curé de Vairé. Un monument à la Sainte Vierge conserve de même le souvenir d'un massacre de cette affreuse époque."
Revue du Bas-Poitou
1890
A LA MÉMOIRE
DE Mr ALEXANDRE TÉNEBRE curé de Croix de Vie
réfugié 5 ans dans ce village et fit élever cette Chapelle en 1794
Les habitants de la Tullévrière nommés ci-dessous tués en
haine de la religion à la Croisée des Mathes le 1er mars 1794
Jacques BARRÉ
Jeanne VINCENT, sa femme
Marie BARRÉ
Marie - Anne BARRÉ, leurs filles
Pierre BARRÉ
Jean BARRÉ, leurs fils
Jeanne PENISSON, leur bru
Deux enfants de celle-ci
Marie ORCEAU, leur servante,
François ORCEAU, frère de celle-ci
Joseph BRAUD mari de Anne PRINEAU
Anne BRAUD, femme de Jean PRINEAU
Catherine PRINEAU, leur fille
Jeanne PRINEAU, fille de P. PRINEAU et J. BRAUD
René DEVINEAU, mari de Jeanne ARNAUD
Françoise TULIEVRE [TULLEVRE], épouse de Pierre
Marie-Anne TULIEVRE [TULLEVRE], leur fille
François BALLAYS
Jeanne GARREAU
Etienne PIBERNE
Marie BOUCARD, femme Pierre BRAUD
Pierre BRAUD tué en Juillet, même année
Et des très nombreuses personnes de tous âges, de la paroisse de St Etienne du Bois et des paroisses voisines massacrées par les "bleus"
et dont les noms n'ont pas été conservés.