PROMENADE "CHARLOTTE CORDAY" EN PAYS D'AUGE
PROMENADE "CHARLOTTE CORDAY"
EN PAYS D'AUGE
Marie Anne Charlotte de CORDAY d'ARMONT naquit en PAYS D'AUGE, d'une famille augeronne. Elle y vécut ses neuf premières années, près de Vimoutiers. Plus tard elle revint fréquemment chez ses grands parents au Mesnil Imbert.
Tout le monde connaît la trempe de cette fille. Bouleversée par les excès de la Révolution, convaincue qu'un étranger, MARAT, homme sanguinaire et féroce, était l'instigateur de ces excès, elle résolut de partir seule à Paris, se fit conduire chez lui, le poignarda dans sa baignoire, comparut devant le Tribunal Révolutionnaire, y garda son calme et son ironie, monta sur l'échafaud le 17 juillet 1793, sans une défaillance. Elle allait avoir 25 ans.
Une excursion dans les environs de Vimoutiers fait connaître les lieux où naquit et vécut cette héroïne et permet en outre de voir de beaux sites du haut Pays d'Auge. Le Duc de Broglie ayant fait un jour cette excursion nous dit son étonnement de n'avoir pas connu plus tôt d'aussi beaux paysages, pourtant si près de sa demeure d'Ouche.
Sur la route de Vimoutiers à Trun, à huit kilomètres de Vimoutiers on prend sur la gauche une petite route qui conduit à l'église des Champeaux. On appréciera le montueux pays, avec ses ravins, où courent les ruisseaux rapides. Devant l'église des Champeaux en particulier le site est typiquement augeron. Un kilomètre plus loin environ, sur la gauche, dans une pâture, se trouve LE RONCERAY, humble chaumière où naquit CHARLOTTE. C'est là que vivaient ses parents nobles, d'authentique noblesse, mais pauvres, comme tant d'aristocrates d'alors. Ils vivaient comme des paysans en faisant valoir 3 ou 4 hectares de terre.
En continuant la petite route, on arrive à l'église des Ligneries où Charlotte fut baptisée. Les fonds baptismaux en pierre sculptée du XVème sont fort beaux et l'église présente cette particularité d'avoir une charpente intérieure apparente. Elle avait dû être construite au XIIIème. La guerre de Cent Ans ne dût pas l'épargner et au XVème et XVIème elle fut reconstruite.
En face de l'église se trouve le manoir de Boisligny où habita la fille du grand Corneille, propre aïeule de Charlotte. Cette propriété est restée depuis plusieurs siècles dans la même famille.
Des Ligneries on peut gagner Saint Gervais des Sablons où habitait la tante de Charlotte. Mais sa propriété a été détruite vers 1916 et il ne reste rien du manoir de Glatigny. En poursuivant la petite route on arrive à l'église du Mesnil Imbert, de style Louis XIV. Charlotte y venait fréquemment assister à la messe, quand elle résidait chez ses grands parents. Elle y vint en particulier quand elle décida de partir pour Paris. Et, en sortant de l'église, après la messe, elle dit au maire M. Leroy : "Au revoir, M. LEROY. Je vais partir pour un long voyage et vous ne me reverrez pas de sitôt". Le terre-plein où elle dit ces mots est toujours là et les fermes cachées dans la verdure autour de l'église, n'ont pas changé.
En partant de l'église, si l'on monte la côte et que l'on prenne le premier chemin à gauche, on aboutit au manoir de Cauvigny qui appartenait aux grands parents de Charlotte. C'est là qu'elle vécut ses jours heureux, jouant avec les enfants du pays, leur apprenant le catéchisme, faisant du bien aux pauvres. Le manoir est intacte : ces lieux, ces bâtiments, ces prés furent familiers à Charlotte. Elle gravit ces pentes et les descendit en courant, entourée d'une nuée d'enfants qu'elle entraînait sur ses pas.
Si de là on gagne la route de Trun à Livarot, en se dirigeant vers cette dernière localité et en prenant au milieu du bois un chemin sur la droite, on arrive à la Ferme des Bois où vécurent les parents de Charlotte après leur mariage, avant d'avoir acheté Le Ronceray. Humble chaumière encore, agrandie récemment, dans un site sauvage, en bordure des bois.
Il faut terminer l'excursion en revenant au château du Renouard qui fût construit sous Louis XVI par l'oncle de Charlotte et qui est une demeure importante. Dans le parc les restes d'un château du XVème et qui appartint à LOUVOIS.
Enfin pour voir encore de beaux sites nous reviendrons à Vimoutiers par le bourg des Crouttes.
Toute cette excursion se déroule au coeur du haut Pays d'Auge, pays accidenté, baigné d'innombrables ruisseaux, inondé de multiples sources qui jaillissent de partout. Que l'on fasse abstraction des routes créées au siècle dernier ; que l'on suppose les bois des hauteurs beaucoup plus étendus ; que l'on imagine des labours ou des moissons couvrant les pentes des coteaux ; des prés seulement au long des cours d'eau, et on aura l'idée exacte des paysages que connut CHARLOTTE CORDAY.
Et l'on pensera que cette solitude, ce SILENCE, n'incitent pas à parler, mais préparent à l'action.
JEAN BARD
Revue Le Pays d'Auge
Octobre 1951