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La Maraîchine Normande
12 août 2013

VENDÉE - ABUS DE POUVOIR - VEXATION - 1831

VENDÉE

ABUS DE POUVOIR - VEXATION

Nous empruntons à la Gazette de l'Ouest, excellent journal qui se publie à Poitiers, les documens et les réflexions qui suivent :

préfecture de Niort

"Peut-être le département de la Vienne a-t-il le bonheur d'ignorer le régime légal dont on paraît disposé à faire jouir la France ? Son voisin, le département des Deux-Sèvres, peut lui fournir un échantillon qui en vaut bien un autre. L'arrêté ci-dessous est un excellent modèle à proposer :

"Nous préfet des Deux-Sèvres,
Sur la proposition de M. le colonel Chousserie, commandant de la sixième légion de gendarmerie, en mission extraordinaire dans les départemens de l'Ouest ;
Considérant qu'il existe dans plusieurs communes des arrondissemens de Parthenay et Bressuire des bandes de rebelles qui s'efforcent d'y établir les emblèmes de la dynastie parjure que la volonté nationale a renversée, et d'y arborer les signes de la révolte ;
Considérant qu'il y a nécessité de pourvoir à la nourriture des détachemens de troupes envoyées à la poursuite des malfaiteurs qui parcourent journellement et avec menaces divers points du Bocage ;
Considérant que l'intérêt de la sûreté de ces détachemens exige que les hommes qui les composent ne soient pas séparés pendant la nuit ;
Considérant que différentes demandes ont été faites par les bons citoyens et les habitans paisibles pour hâter l'accomplissement des mesures destinées à ramener promptement la tranquillité dans les lieux où elle a été troublée par une poignée d'agitateurs dont les attentats doivent être réprimés par l'action de l'autorité, et leurs auteurs livrés à la justice des tribunaux ;

Vu la loi du 10 juillet 1791, et les instructions de M. le ministre de l'intérieur, du 30 mars 1831 ;

ARRETONS

Art. 1er - Il sera fourni à chaque détachement envoyé dans les communes des arrondissemens de Parthenay et Bressuire, à la diligence du maire ou de l'autorité qui le remplacera, un local garni des objets de literie nécessaires pour loger le détachement en entier. La prestation des locaux et la fourniture des lits seront faites par voie de réquisition, sauf s'il y a lieu, telle indemnité de droit.
Art. 2 - M. le colonel Brault, commandant supérieur de gendarmerie, en mission extraordinaire dans le Bocage, est autorisé à faire nourrir par les habitans dans les communes des arrondissemens de Parthenay et de Bressuire, où il le jugera utile au succès de ses opérations, les gendarmes et troupes sous ses ordres. Les chefs des détachemens délivreront des bons pour les vivres et fourrages qui leur seront fournis, afin que l'on puisse plus tard régulariser ces dépenses, s'il y a lieu.
Art. 3 - Le commandant de détachement désignera à chaque militaire la maison ou ferme où il devra prendre ses repas, en se conformant aux dispositions qui pourront être arrêtées de concert avec l'autorité locale, et suivant les circonstances.
Art. 4 - MM. les sous-préfets de Parthenay et Bressuire sont chargés d'assurer l'exécution du présent arrêté.

Fait à Niort, le 6 mai 1831.
Le préfet, signé DE SOLERE."

Cet arrêté, quelque arbitraire et illégal qu'il soit, a déjà reçu son exécution sur divers points de l'arrondissement. A Bressuire, une opposition énergique s'est élevée contre l'accomplissement de mesures qu'on ne saurait attribuer, quoi qu'en dise M. le préfet, à la demande de bons citoyens ou d'habitans paisibles. M. le maire a senti sans doute les résultats fâcheux qu'elles pourraient avoir, et, pressé par l'autorité militaire, il s'est contenté d'inviter quelques-uns de ses administrés à rafraîchir les soldats. Personne n'a refusé de se rendre à l'invitation ; mais personne aussi n'a entendu exécuter l'arrêté du préfet. M. de Solère connaît-il bien la loi du 10 juillet 1791 qu'il invoque ? L'arrêté qu'il vient de prendre est tellement contraire à la lettre et à l'esprit de cette loi qu'on serait tenté de croire qu'il ne l'a même pas lue. Qu'il cite donc en effet l'article qui oblige les habitans d'une commune, quels qu'ils soient, à donner la nourriture aux militaires, qu'il dise sur quoi il se fonde pour autoriser un colonel de gendarmerie à faire fournir par qui bon lui semble, les vivres et fourrages nécessaires aux troupes.

La loi de 1791 ne parle que du logement que chaque habitant, dans distinction de personnes, est contraint de donner aux militaires en marche ; mais il a été loin sans doute de l'intention du législateur d'imposer aux citoyens une contribution aussi onéreuse que le serait celle portée dans l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres. - Que dans des cas extraordinaires et pour le besoin d'un service urgent, l'autorité, en assurant préalablement une indemnité, contraigne ses administrés à pourvoir à la subsistance des troupes, on concevra pareille mesure, et sans doute il n'entrera dans la pensée de personne de s'y opposer.

La nécessité fera passer sur la loi, et d'ailleurs tous les Français le savent, ils doivent à leur patrie le sacrifice de leur propriété, moyennant une juste et préalable indemnité. Mais qu'on vienne s'étayer d'une loi qui semble n'avoir aucun rapport avec les mesures qu'on veut prendre ; qu'on vienne contraindre de bons citoyens, des habitans paisibles à livrer leur maison à la merci des troupes ; qu'en récompense on leur promette des bons payables s'il y a lieu, c'est là chose difficile à comprendre sous un gouvernement engraissé d'un budget de seize cents millions. Qu'on le dise, sous cette dynastie déchue on calomnie tous les jours, quel préfet, quel ministre eût osé prendre sur sa responsabilité un acte aussi illégal ? Dans aucun temps de cette restauration qu'on ne rougit pas d'accuser de parjure et de tyrannie, poussa-t-on jamais aussi loin l'oubli des lois ?

L'arrêté de M. le préfet des Deux-Sèvres est un chef d'oeuvre d'arbitraire auquel il serait difficile d'ajouter. L'article 3 laisse tout au pouvoir de l'autorité militaire ; c'est elle qui désignera la maison ou ferme où chaque soldat devra prendre ses repas, en se conformant aux dispositions qui pourront être arrêtées de concert avec l'autorité locale. Mais si l'autorité locale, comme on doit l'espérer, refuse partout de prendre aucune disposition pour l'exécution des caprices d'un préfet, le commandant du détachement agira-t-il donc seul en maître ? Disposera-t-il à son gré du bien et souvent de la fortune entière d'un malheureux villageois ? Qu'on y songe bien, si des mesures de cette nature doivent être exécutées, elles ne peuvent amener dans la Vendée que des résultats fâcheux. Les habitans de cette contrée sentent plus que jamais le besoin de la tranquillité et de la paix ; ils ont fait à ce besoin le sacrifice de leurs affections, le gouvernement leur doit en revanche justice et protection."

Nous devons faire connaître à nos lecteurs, ou plutôt leur rappeler que M. de Solère a été tout récemment destitué.

La Revue judiciaire
N° 35 - Tome III - 1ère année
Mercredi 25 mai 1831

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