Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
7 août 2013

1844 - DE L'ÉTABLISSEMENT D'UN CAMP DANS LA VENDÉE

DE L'ÉTABLISSEMENT D'UN CAMP DANS LA VENDÉE

Les journaux de la Bretagne viennent d'annoncer que le camp de Thélin ne sera pas formé de nouveau cette année, et que déjà une partie des effets de campement ont été emballés. Il est probable cependant que le gouvernement ne renonce point à établir cette année un camp dans l'ouest de la France. Les résultats du camp de Thélin ont été trop satisfaisants pour qu'on ne continue pas l'emploi de ce puissant moyen d'action sur les populations de nos contrées. Mais le gouvernement veut sans doute transporter le camp de l'Ouest sur un autre point, et on a lieu d'espérer qu'il pourra être formé au milieu de l'ancienne Vendée militaire, entre Nantes et Bourbon-Vendée. On sait, en effet, que des études ont été prescrites dernièrement pour l'établissement d'un camp dans les vastes landes de Bouaine, sur les limites des départements de la Vendée et de la Loire-Inférieure. Ce terrain est très-propre à l'établissement en question ; il offre toutes les ressources nécessaires pour une grande agglomération de troupes, et les relations les plus promptes et les plus faciles pourraient s'établir entre le camp et les villes de Nantes et de Bourbon-Vendée.

Quelques considérations suffiront pour faire apprécier l'importance de ce projet sous le rapport politique.

La Vendée, qui a si énergiquement refusé, il y a un demi-siècle, de s'associer au mouvement qui entraînait la nation vers de nouvelles destinées, n'est point encore entièrement ralliée aux idées et aux sentiments de la France de notre époque. La plupart des Vendéens, dispersés de toutes parts au milieu du Bocage, qui les a vus naître, et exclusivement occupés de travaux agricoles, vivent dans un isolement moral que les améliorations matérielles dont le pays a été l'objet ne parviendront à détruire qu'avec une extrême lenteur. Le bruit vague et lointain des évènements n'arrive jusqu'à eux que transmis par des échos infidèles, et les faits qui s'accomplissent chaque jour dans le monde politique, ne leur apparaissent qu'au travers du prisme des passions.

Dominés par les souvenirs de la lutte célèbre qu'ils ont soutenue en faveur de l'ancien régime, et par les préjugés qu'on leur a inspirés contre toutes nos institutions nouvelles, ils n'ont point le sentiment des avantages du gouvernement actuel, auquel ils doivent cependant la paix et la liberté dont ils jouissent ; ils ne sont point convaincus de la force et de la durée de la monarchie issue de la révolution de 1830.

Cette situation particulière de la Vendée, qui, par suite de circonstances locales, s'est maintenue malgré toutes les transformations que le temps a opérées de toutes parts, y rend plus facile que partout ailleurs l'action des influences hostiles à la dynastie régnante.

Aussi la Vendée est-elle toujours le théâtre vers lequel se portent les regards des partisans de la dynastie déchue, qui n'ont certainement pas renoncé à la pensée de faire un autre appel au dévouement des populations de cette contrée, si jamais les circonstances semblaient présenter pour leur cause la moindre chance de succès. Le parti légitimiste de l'Ouest attend les évènements et se prépare à en profiter le mieux qu'il lui sera possible. Le mot d'ordre a été évidemment donné de se réserver et de tout disposer pour les jours où pourraient naître des complications dans les affaires intérieures et extérieures de la France. Les dernières démonstrations de Londres, en faveur du duc de Bordeaux, ont eu pour but de raviver les souvenirs, de réchauffer les dévouements et d'entretenir le feu sacré de la Vendée. Le clergé a surtout reçu mission de maintenir la domination du parti sur les populations vendéennes par tous les moyens dont il dispose ; il remplit cette mission avec un grand zèle. De toutes parts s'organisent dans le pays des couvents d'hommes et de femmes, des congrégations de tout genre, des missions de jésuites et des affiliations publiques et clandestines par lesquelles se recrutent, sous un prétexte religieux, mais dans un but évidemment politique, des sectaires de tous les rangs et de tous les âges.

Sans doute, quelles que soient les éventualités que prépare l'avenir, les intérêts nouveaux qui se sont créés dans la Vendée par suite de l'augmentation du bien-être de toutes les classes de la société, opposeraient une vive résistance à toute tentative de soulèvement général ; mais qui oserait garantir que, dans un moment difficile, comme ont eu à en traverser même les gouvernements les plus forts, si l'ancien drapeau de la Vendée venait à être déployé sur nos côtes et à être arboré sur quelques clochers de nos églises, et sur quelques pavillons de nos châteaux, il ne rallierait pas autour de lui assez de monde pour troubler la paix intérieure de nos campagnes et pour opérer, comme en 1815, une fâcheuse diversion des efforts qu'aurait besoin de faire alors le gouvernement national ? Qui oserait assurer que quelques étincelles ne jailliraient pas alors de ce vieux foyer de guerre civile dont les cendres sont toutes chaudes, et qui naguère encore, en 1832, a jeté quelques lueurs dont les derniers reflets viennent à peine de disparaître.

Il importe donc de profiter des jours paisibles dont nous jouissons pour agir puissamment sur la Vendée et pour l'attacher fortement à la dynastie que la France a choisie.

Le besoin d'arracher la Vendée à son isolement moral, de rallier ses sympathies, et de lui inspirer de la confiance dans la force et dans la durée de l'autorité centrale, a été reconnu par tous les gouvernements qui se sont succédés depuis quarante ans.

L'empereur Napoléon a fondé, au milieu de la Vendée, une ville qu'il est venu visiter lorsqu'il était dans tout l'éclat de sa puissance et de sa gloire ; il avait même projeté d'établir une maison impériale de campagne à côté de la moderne cité à laquelle il avait donné son nom.

La restauration, pour resserrer les liens qui l'unissaient à la Vendée, y a envoyé deux princesses, qui sont venues successivement réunir les Vendéens autour d'elles et représenter la monarchie de Louis XVIII et de Charles X.

Le gouvernement de 1830 a certainement fait plus qu'aucun autre pour la Vendée, et sous la féconde influence des institutions qui nous régissent, une prodigieuse révolution matérielle a été opérée dans le Bocage ; mais il reste encore à faire une révolution morale, et le camp dont il est question serait peut-être le meilleur moyen pour y concourir.

Les conquêtes par l'imagination et par les sentiments sont plus rapides et plus sûres, surtout chez les populations simples et naïves, comme celles des campagnes de la Vendée, que les conquêtes par la raison et par les intérêts.

Or, la réunion de plusieurs régiments de notre belle et vaillante armée au milieu de l'ancienne Vendée, les savantes et brillantes manoeuvres dont ils donneraient le spectacle, l'éclat et le prestige des solennités militaires, l'attachement et la fidélité des soldats à leur glorieux drapeau, et les témoignages chaleureux et unanimes de dévouement pour le fils du roi qui viendrait commander le camp, feraient la plus vive et la plus profonde impression sur les imaginations des populations vendéennes, et leur donneraient du gouvernement une idée qu'ils ne concevront jamais dans leur état actuel d'isolement et sous l'empire des préventions qu'on entretient dans leurs esprits.

Le canon saluant le duc de Nemours dans le camp des landes de Bouaine aurait un long retentissement dans le Bocage de la Vendée, et le futur régent du royaume, au milieu de cette pompe guerrière, emblème d'une force intelligente et dévouée, étudiant avec une sollicitude paternelle, au sein de la paix la plus prospère, les besoins et les intérêts de ce beau pays, y rallierait de vives et nombreuses sympathies.

La lande de Bouaine est admirablement située pour la réalisation de ce projet ; elle est au milieu de la partie de la Vendée qui a pris la part la plus active aux anciens soulèvements ; elle est au centre du pays où commanda longtemps Charette. C'est près d'elle qu'en 1815 a eu lieu, à Rocheservière, le dernier combat de la Vendée contre le général Lamarque. C'est enfin au milieu des landes de Bouaine que la duchesse de Berry est venue, en 1832, pour diriger le mouvement insurrectionnel de l'Ouest, et qu'a eu lieu l'affaire la plus sérieuse de cette époque.

(Extrait du Breton).
NANTES
de l'Imprimerie de Mme veuve Camille Mellinet
1844.

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité