Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
22 juillet 2013

TRETS (13) - UN DISCOURS DANS UN CLUB EN 1791

UN DISCOURS DANS UN CLUB
EN 1791

TRETS 13

Dès la création des municipalités (1790), on vit s'organiser partout des sociétés, des clubs, et toutes ces sociétés s'affilièrent entre elles ainsi qu'avec le Club des Jacobins. Ce dernier, comme dit Michelet, n'était pas la "Société-mère" mais la société centrale qui fut par adoption la mère de ses soeurs.

TRETS eut son club. Le 5 juin 1791, le Conseil général de la commune autorise l'étblissement d'un club patriotique dénommé les Amis de la Constitution et, pour montrer combien ils sont de coeur avec les citoyens qui sollicitent cette autorisation, les membres du Conseil communal décident de s'incorporer "avec eux au club patriotique qu'ils réclament avec autant de justice que de civisme et d'observer pour ce point le décret de l'Assemblée Nationale."

Ce club prit plus tard le titre de Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité. Mais, après la chute de Robespierre et au début de la réaction qui s'ensuivit, il fut dissous par un arrêt du 13 germinal an III (2 avril 1795).

En parcourant l'intéressant registre des délibérations de ce club, j'y ai trouvé la transcription d'un discours prononcé par Brouchier, chirurgien à Marseille, possesseur du diplôme de sans-culotte numéro 77 de la Société populaire de Trets.

Voici le procès-verbal de la séance à laquelle a été lu ce discours et le texte de ce dernier, dans une orthographe des plus libres, que nous avons cru devoir rectifier en certains endroits, pour rendre la pensée intelligible.

Trets, le 29 janvier 1905.
V. TEISSERE


Cejourd'hui dix neuf floréal, l'an second de la République française une et indivisible et impérissable, la Société Populaire de cette ville de Trets s'étant assemblée au lieu ordinaire des séances, sous la présidence du citoyen Pierre Pourchier, président d'office, de suite a été fait lecture du procès-verbal de la dernière séance, en outre, après avoir vérifié le certificat d'un membre de la Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité de Limoge affiliée aux citoyens nos frères les Jacobins a Paris demandant l'exécution de la loi du maximum, il a été grandement applodi par la société et il [lui] a été accordé l'acollade fraternelle avec le président. Lecture a été faite d'une lettre venant de Marseille écrite par notre frère le sansculote Brouchier, datée du 18 floréal, qui apprend à la Société des succès nombreux que nos troupes ont eu sur nos ennemis ; à laquelle lettre étoit joint un discours que ledit Brouchier a lu à la section du numéro onze de Marseille, lequel discours a été lu de suite dans cette société qui l'a beaucoup applaudi et a délibéré de l'enregistrer dans le présent registre et d'écrire audit Brouchier tant sur sa lettre que sur ledit discours en le remerciant du tout.

"Auguste Temple de la Raison, azile sacré des frères du n° 11 et des bons républicains marseillais, défenseurs intrépides de la Constitution française, tu vois réunis dans ton sein les amants fidelles de la sublime Révolution qui régénère la France et fait revivre les droits sublimes de l'homme libre et égal en tout et par tout. Ce peuple assemblé sous tes voutes admirables vient aujourd'hui pour s'instruire de tous ses devoirs, soit envers la République soit envers ses frères soit enfin envers tous les sans-culotes de toute la terre. Divine Raison, accompagne jusques à la fin tout mon discours, afin que, passant par l'organe de l'ouïe de mes auditeurs, [il] puisse se reposer et dans leur coeur et dans leur esprit. Peuple qui m'écoutes, vous qui avez tant enduré du despotisme de l'ancien régime, permetez-moi de vous en retracher ici une lézère esquisse, afin qu'en comparant l'état d'esclavitude ou le despotisme vous avait réduit, vous l'ayez toujours en orreur, et que l'état de liberté, d'égalité que la Sainte Révolution vous a procuré vous la rende toujours plus aimable et vous engage à faire tous vos efforts pour la maintenir, la défendre et mourir, s'il le faut, pour elle ; car, citoyens, mourir pour la patrie est le sort le plus beau, le plus digne d'envie. Je commence ; prétez votre attention.

Depuis longtems le peuple a été gouverné avec la verge de fer ; la volonté des tirans était la loi suprème à laquelle tout devait plier et obéir aveuglément. Depuis longtems tous les hommes étaient asservis au joug de la funeste esclavitude ; depuis longtems le pacte social entre la naction et son premier capitaine, son premier fonctionnaire public était rompu ; le despotisme avait pris la place de la paternité. Le peuple pressuré de toutes parts, avili sans cesse par les grands, le peuple éclairé par la filosofie, enfin [a] ouvert les yeux, a brisé ses chaînes et est devenu libre. O Sainte Liberté, je t'adore. Depuis longtems le trône n'était entouré que des méchants, des hommes corrompus, accourus de toutes les parties de la France, venant s'associer avec le tiran pour exercer la tirannie la plus affreuse envers le peuple, le mal traitant de toutes manières. De là des hommes avares se firent fermiers généraux pour s'enrichir de la sueur du peuple ; des gouverneurs de province, pour rançonner le lieu de leur gouvernement ; les intendants cruels et avides et tous ses supos qui dévorent toutes les communes et les tiennent dans la plus affreuse gene. D'autre part des lois rigoureuses étaient promulguées contre le peuple ; tandis que les grands les éludait toutes, le bon peuple payait les magistrats parlementaires, pour se faire enchaîner légalement. Il n'y avait pas sorte de vexation contre le peuple que les parlements, les présidents, les tribunaux de toute espèce n'employasent pour satisfaire leur sordide cupidité de toutes sortes. En un mot le povre peuple payait tout, supportait tout, et était plus maltraité que l'esclave d'Alger. En France quiconque était riche était tout et possédait science, offices, préséance ! Citoyens, jetez un regard sur le passé ; qu'étiez-vous avant la Révolution ? Qu'étiez-vous il y a six ans ? Des esclaves natifs. Le royaume séparé en deux sortes d'hommes, l'une de patriciens et l'autre de plébéiens. Les premiers avaient toutes les prérogatives, tous les honneurs, tous les biens, toutes les charges, emplois lucratifs, en un mot le ci-devant noble avait tout, possédait tout, et le peuple rien ; oui ! absolument rien. Mais je me trompe, le peuple avait tout, oui, tout le fardeau ; le peuple fournissait aux travaux publics, aux corvées, fournissait toute la milice nationale commandée par le ci-devant noble, tous les matelots aux armées navales commandées aussi par des nobles qui ne regardaient les marins, peuple, que comme les esclaves. Les riches ne payaient presque aucun impôt ; le peuple payait tout partout. Le peuple n'était abreuvé que du fiel des peines et du vinaigre sacerdotal. Citoyens, que vous diray-je des seigneurs des villages que vous ne sachiez ? Ils menaient leurs vassaux au bâton ; ils se permettaient tout, oni, et tout impunément ! Faire emprisonner, envoyer aux galères, faire fusiller un pauvre malheureux braconnier, tout leur était facile, et, si par hazard quelqu'un de leur caste avait reçu de la nature un caractère doux, ses alentours ne valaient pas le diable avec leurs droits féodaux que la Sainte Constitution a gracieuzement abolit. Tout leur appartenait ; gibiez, poissons, oiseaux de proye, sanglier féroce, tout était à eux, et malheur au particulier qui voulait tuer un lapin qui lui dévorait ses erbages ou une perdrix qui égrainait toutes ses moissons. En un mot, c'était l'esclavitude la plus dure que l'abitation du village.

Et vous habitans des villes qui m'entendez, vous n'étiez pas moins sujets à d'autres esclavitudes qui vous mettaient très souvent dans les grandes peines. Voyez un tableau fidèle de ce que vous enduriez de la part du despotisme. Arrivée de votre village pour vous établir dans la ville pour gagner votre nourriture et celle de vos enfans, que d'obstacles presque insurmontables ne rencontriez vous pas ! Ces maibraires (?) absurdes ou d'ignorants olibrieux (?) ne trouvaient jamais rien de bien fait ; ils voulaient certains ignorant fusse fait dans un récipiendaire l'impossible. La perfection dans des ouvrages qu'eux-mêmes ne connaissaient pas et ce n'était qu'à force de brevet, de courbettes, d'argent et de temps perdu que vous pouviez fermer la geule des voraces piaur (sic) ou sindit et que, quand ils vous envoient mangé jusque à votre dernier obole, alors vous étiez inscrits dans le grand livre du Saint luminaire. Grâces aux loix, nous voilà tous égaux ; autant pèsera à l'avenir un bonnet rouge qu'un chapeau bordé ; la bêche et la charrue marcheront hardiment à côté d'un militaire et se salueront fraternellement.

Vous venez d'entendre, citoyens, mes frères, le sommaire de tous les maux horribles que les tirans et ses infames supôts fesaient souffrir au peuple ; ajoutez à toutes ces tirannies les vexations sacerdotales qu'un indigne et avare de haut clergé exerçait sur le pauvre peuple, par les moyens des sans-culottes de prétresses, et vous aurez un aperçu juste des plus affreuses esclavitudes. Citoyens, les temps sont arrivés où les hommes devenus libres jouyront à l'ombre des lois protectrices du fruit de leurs travaux. Nous voilà débarrassés de toutes ces entraves sacerdotales, nobiliaires, parlementaires. L'homme à talents pourra les faire valoir par tout l'empire français ; partout il trouvera des frères, des amis ; partout le soleil de la justice l'éclairera, le défendra contre la tirannie, si elle s'avisait jamais de vouloir lui nuire. Une seule condition lui est imposée ; Français ! Sois bon républicain, obéis aux lois, aux autorités constituées et, avec cette égide immortelle, tout le sol de l'empire te recevra avec fraternité. C'est toy, sainte Révolution, qui nous a amené le bonheur ; c'est toy que je dois aimer de toutes mes forces, te défendre jusqu'à verser tout mon sang, pour te faire triompher de tous les tirans coalizés ; toy, o sainte liberté, o sainte égalité, qui me permettras de dire hardiment ceci ! Je ne suis que cultivateur pauvre, je ne suis qu'un simple ouvrier et mon enfant peut devenir un magistrat, un législateur, un commandant de vaisseau de haut bord, un général d'armée. O mon âme, réjouis-toy. Citoyens, cela n'est pas incroyable, puisqu'aujourd'hui tous les nouveaux vaisseaux de guerre de la République sont montés par des sans-culottes. Et plus à Dieu que nous l'eussions mis en pratique plutôt ; nous n'aurions pas essuyé tant de trahisons. Citoyens ! citoyens ! ayez de la vertu, de l'esprit et de la raison ; tous les avantages vous seront accordés. Mais, o chers frères et amis, de quelle ingratitude ne serions-[nous] pas coupables, si, pour affermir la sainte liberté et la République, nous ne nous efforcions pas, si nous ne faisions pas tous les sacrifices possibles pour achever la destruction des tirans ligués ensemble pour nous remettre dans l'esclavitude dont nous sommes heureuzement sortis, si chacun par son savoir et faculté, son âge, ses forces ne se devait entièrement au service de la République, si nous n'étions pas bien unis pour travailler avec force et courage aux travaux les plus pénibles, à la fonte des canons, aux fabriques des armes de toutes espèces, aux habillements, aux chaussures de nos frères qui défendent la patrie. Oui, citoyens, chacun doit concourir au bien public de la patrie, chacun doit faire la guerre aux méchants qui sont mêlés avec nous. Les tems sont venus où les hommes hipocrites, les traîtres ne pourront plus se masquer pour nous tromper. La loi salutaire de la liberté et de l'égalité les met tous au même niveau ; nul ne pourra plus dire à l'avenir : "Ma noblesse, mon rang, mes richesses, mes privilèges me mettent au-dessus des lois ; mes ancêtres m'ont laissé des titres suffisants pour maltraiter tout plébéien. Qui me contredira ?" Ainsi parlaient avant la Révolution les despotes de toutes espèces ; mais les surveillants multipliés découvrent facilement aujourd'huy toutes les sortes des intrigants maudits qui veulent perpétuer le désordre pour parvenir à leurs méchantes fins. Citoyens, n'écoutez jamais ces pestes publiques ; obéissez aux lois, aux autorités constituées ; n'ayez aucune défiance contre ceux qui vous administrent en suivant les lois. Citoyens ! méfiez-vous des méchants qui veulent vous tromper par leurs grossiers mensonges ; ils périront ces méchants et le bon peuple vigoureux vivra toujours et déjouera sans cesse tous leurs projets liberticides et alors la République triomphante fera jouir ses enfants du fruit de leurs immenses travaux ; les impôts diminueront et, à l'ombre de la loi, de l'égalité et de la liberté, tous les Français ne feront plus qu'un peuple de frères."

Et plus n'a dit et ont signé les personnes du bureau : POURCHIER, président ; TAXY, vice-président ; ESTIENNE, secrétaire.

(Archives communales de Trets)
Annales de la Société d'études provençales
1905

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité