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La Maraîchine Normande
4 juillet 2013

PARIS - COMMISSION POPULAIRE - ANECDOTE DU TEMPS DE LA TERREUR

Guerre aux vaincus

Un grand nombre de représentants, fidèles à la constitution de 1791, avaient vu avec douleur la révolution du 10 août ; cependant l'Assemblée fut obligée de déclarer que l'insurrection des Marseillais et des faubourgs était légitime, et que ceux qui s'étaient armés dans cette mémorable journée pour la défense de Louis XVI étaient coupables de rébellion contre le peuple. On forma un tribunal sous le nom de commission populaire pour informer contre les fauteurs ou complices de ce qu'on appela l'attentat du 10 août. Cette commission entra en fonction le 19.

TRIBUNAL

Ce tribunal monstrueux, qu'on avait divisé en deux sections pour le rendre plus expéditif, ne demandait, ne cherchait que des victimes ; le nombre de celles que la capitale pouvait encore offrir à son activité parut insuffisant à la commune ; elle se chargea d'y pourvoir. Elle envoya, en conséquence, dans les bourgs et dans les maisons de campagne des environs de Paris et de Versailles, un officier municipal à la tête d'un bataillon de gardes nationales et d'un détachement de Marseillais, sous prétexte d'aider ces communes à se débarrasser des conspirateurs et des aristocrates qui s'y étaient réfugiés. Les maisons, les parcs, les bois furent fouillés six lieues à la ronde ; un grand nombre de prêtres supposés réfractaires et quelques royalistes furent arrêtés et conduits aux prisons de l'Abbaye ; leurs papiers furent enlevés ; les armes de toute espèce furent saisies et déposées à la commune. L'officier municipal qui était à la tête de cette expédition vint à son tour rendre compte à l'Assemblée, sur le ton le plus triomphant, de l'immense et importante récolte qu'il avait faite, et l'Assemblée eut la bassesse d'applaudir à cette violation atroce de toutes les lois.

Le malheureux comte de Montmorin, qui, après l'arrestation de la famille royale, avait été se loger chez une blanchisseuse du faubourg Saint-Antoine, y fut découvert le 21 août, par l'imprudence qu'eut cette femme d'acheter pour lui les plus beaux fruits et de les porter chez elle sans aucune précaution pour les soustraire aux regards de ses voisins. Cette dépense extraordinaire, qui se renouvelait chaque jour, était trop au-dessus des facultés de cette blanchisseuse pour n'être pas remarquée. On soupçonna bientôt qu'elle recélait chez elle quelque aristocrate de la première classe. Sa maison fut aussitôt investie. M. de Montmorin y fut arrêté et conduit à la barre de l'Assemblée, où il fut interrogé sur plusieurs faits relatifs à son ministère (Ministère des affaires étrangères avant le 10 août), qui lui avaient été reprochés six mois auparavant, et sur lesquels il s'était complètement justifié. Il conserva son sang-froid et toute sa présence d'esprit pendant ce long interrogatoire, et répondit d'une manière si satisfaisante à toutes les questions qui lui furent faites, qu'après qu'il eut été entendu, le président lui dit que l'Assemblée lui permettait de se retirer. Mais, à sa sortie de la barre, on le conduisit au comité, sous le prétexte officieux de le soustraite à la fureur du peuple, et on l'y retint toute la nuit ; il y était encore le lendemain, lorsque, sur la proposition de la commission des douze (La commission des douze fut le véritable centre du gouvernement jusqu'au 31 mai 1793), l'Assemblée décréta qu'attendu qu'il existait contre M. de Montmorin d'autres chefs d'accusation infiniment graves, il serait mis provisoirement en état d'arrestation. Il fut conduit aux prisons de l'Abbaye, et décrété d'accusation, le 31 août, sur un rapport de la commission des douze, fondé : 1° Sur ce que M. de Montmorin avait sacrifié les intérêts de la France à ceux de l'Autriche, en rejetant le projet d'alliance avec la Prusse contre l'Autriche et la Russie ; 2° sur ce qu'il avait caché la ligue et les préparatifs des puissances étrangères, et n'avait pas provoqué en France des préparatifs pour les prévenir ; 3° Sur ce qu'il avait caché les desseins et les mouvements des princes, frères du roi.

Dans le nombre des fidèles serviteurs de Louis XVI, l'honnête M. de Laporte, intendant de la liste civile, était un des plus coupables aux yeux des factieux ; aussi fut-il une des premières victimes de la commission populaire. Il y fut accusé d'avoir payé, des deniers de la liste civile, des libelles tendant à avilir l'Assemblée nationale, à fomenter des divisions et à amener la ruine du gouvernement établi. Il affirma (et on devait l'en croire, car il n'avait jamais menti) que le respect de la constitution et des autorités constituées était l'unique but de tous les écrits quelconques dont il avait favorisé la publication. Il défia ses accusateurs de citer un seul de ces écrits qui démentît cette assertion : ils n'en citèrent aucun ; mais les jurés déclarèrent qu'ils croyaient à l'existence d'une conspiration contre la nation, et qu'ils étaient convaincus que M. de Laporte en était complice ; il fut condamné d'une voix unanime par cette commission, et exécuté le 24 août sur la place du Carrousel. Sa vie avait été un grand modèle de vertu, sa mort offrit un grand exemple de courage. "Citoyens, dit-il, en s'adressant au peuple après avoir entendu prononcer la sentence qui le condamnait, puisse ma mort ramener le calme dans l'empire et mettre un terme aux dissensions intestines ! puisse l'arrêt qui m'ôte la vie être le dernier jugement injuste de ce tribunal !"

Le journaliste Durosoi, rédacteur de la Gazette de Paris, zélateur ardent de la royauté, subit aussi son jugement avec une fermeté peu commune ; il l'entendit sans s'émouvoir, et en sortant du tribunal il remit une lettre qui fut lue publiquement et qui finissait par ces mots : "Il est beau pour un royaliste comme moi de mourir le jour de saint Louis." Il fut guillotiné le 24 août, à neuf heures du soir, et son exécution se fit aux flambeaux. En variant ainsi le spectacle de ce nouveau genre de supplice, on voulut sans doute lui donner un attrait de plus pour la curiosité des bons Parisiens, et ce raffinement d'attention attira en effet une foule immense sur la place du Carrousel. Le lendemain on fit l'essai d'une autre variation qui doubla l'intérêt du spectacle, mais qui coûta la vie au bourreau. Le bourreau prit la tête du patient après qu'elle eut été séparée du tronc par la guillotine, en la montrant au peuple, aux cris de Vive la Nation ! il tomba de l'échafaud et resta mort sur la place.

Extrait
Anecdotes du temps de la terreur
1863

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