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La Maraîchine Normande
10 juin 2013

M. MORIN, CURÉ DE FREIGNÉ (49)

Freigné

 

M. MORIN
CURÉ DE FREIGNÉ
GUILLOTINÉ A ANGERS (5 mars 1794)

Le 24 février 1794, le citoyen Huart, agent national de la commune de Candé, écrivait à l'agent national du district de Segré. (Archives de la Cour d'Appel d'Angers)

Je fus averti hier au soir que Morin, l'ex-curé réfractaire, était dans la commune de Freigné, son ancienne paroisse, chez sa soeur ; il était pour lors 7 heures du soir. Je mis tout en oeuvre pour le faire arrêter. Je requis la gendarmerie, mais il n'y avait que deux gendarmes. Je cherchai de nos gardes nationaux, le nombre en était petit, j'eus beaucoup de mal ; cependant une dizaine, que j'armai le mieux possible, se joignirent aux deux gendarmes et partirent malgré le temps affreux qu'il faisait. Ils se rendire chez la Morin, mais les perquisitions furent inutiles, ils ne rencontrèrent pas ce calotin. Il était ou trop bien caché, ou venait de s'évader, ou était couché ailleurs. la plus grande preuve que ce calotin existait ce jour dans le bourg, c'était les hosties toutes fraîches coupées que je tenais avec la boîte, les ornements, surplis tout déployés et venant de servir. L'interdiction où s'est trouvée la Morin sa soeur, décelait son crime. - D'après ces faits, tu pèseras dans ta sagesse s'il n'est pas prudent de faire enlever généralement tous les ornements, linge, etc, de cette paroisse, et de faire condamner les églises. - La municipalité, dont une partie partage les crimes de ce scélérat, pourrait peut-être fomenter encore quelque chose ...
Quand on est aussi mal administré, je t'avoue qu'on ne peut opérer le bien. Fais ôter à ce réfractaire les moyens de venir prêcher sa morale, tu verras ce que tu feras de la Morin. Je t'envoie la boîte où sont les hosties. [Au reçu de cette lettre, le directoire du district de Segré ordonna à l'agent national de Candé de faire fermer les églises, d'enlever les ornements, d'arrêter le curé Morin et sa soeur, etc. En envoyant la boîte contenant les hosties au Comité révolutionnaire d'Angers, l'agent national du district, le citoyen Champroux s'exprimait ainsi : "Le gueu de Morin passe la majeure partie du temps dans la commune de Freigné, où il entretient les habitants dans le fanatisme plus que jamais. Morin et sa soeur ont fait un mal incalculable à Freigné, dont il y a longtemps qu'eux et leurs partisans auraient dû être bannis" 27 février).

Trois jours après, le 27 février, à 5 heures du soir, les gardes nationaux de Candé découvrent M. Morin (il était déguisé et caché dans le cellier) chez une soeur de charité de sa paroisse, nommée Marie Lardeux ou "soeur Saignette" (c'est-à-dire chirurgienne). Il est aussitôt conduit à la maison commune de Candé, où il subit un premier interrogatoire par les soins de l'agent national :
Depuis quand il est sur la commune de Freigné ? - Depuis trois semaines environ.
Où il se retirait ? - Dans les campagnes, çà et là.
S'il a été dans la Vendée ? - Oui.

D'accord avec la municipalité (Lachèse, officier municipal, Besnard, notable, Commandeux, notable), l'agent national décide d'envoyer, dès le lendemain, au Comité révolutionnaire d'Angers, le prêtre réfractaire et la soeur de charité. Comme le départ doit avoir lieu de grand matin, les officiers municipaux et l'agent rédigent, avant de se séparer la lettre suivante au Comité :

Vous devez être instruits par l'agent national du district de Segré des recherches que les gardes nationaux de notre commune ne cessent de faire dans notre campagne voisine pour déterrer les prêtres réfractaires qui y sont cachés. Leur activité vient de réussir, en arrêtant le nommé Morin, ci-devant curé de Freigné, ainsi que la soeur de charité chez laquelle il était caché. Nous vous envoyons ces deux êtres avec les papiers trouvés sur eux. Nous aurions désiré vous envoyer sa soeur (ce qui est différé n'est pas perdu), ainsi que d'autres calotins qui rôdent dans nos environs.

Amené devant le Comité révolutionnaire d'Angers dans la journée du 28 février, M. Morin fut aussitôt enfermé à la citadelle.
Le 5 mars, il comparaissait devant la Commission Militaire dans l'ancienne église des Jacobins, lieu de ses séances publiques [Le 4 mars, le Comité révolutionnaire écrivait à la Commission militaire : "Nous vous faisons passer les pièces du scélérat Morin, curé réfractaire et vendéen de Freigné. Son interrogatoire est consigné sur un de nos registres. Quand vous voudrez travailler ce brigand sacré, vous le ferez prendre au Comité."]

Le vice-président, le citoyen Laporte, l'interrogea comme suit : [Antoine-Luc Morin, âgé alors de 51 ans, était né à Cobourg (Ille-et-Vilaine). Il avait été nommé curé de Freigné en 1771.]

Avez-vous prêté le serment auquel vous étiez soumis par deux décrets différents ? - Non. Cependant il s'est toujours assujetti à toutes autres lois comme citoyen [Le 2 juillet 1791, il quitta son presbytère par ordre du district de Segré et se retira à Nantes, rue Saint-Clément].
Pourquoi vous êtes-vous refusé à la loi qui vous obligeait à la déportation ? - Il a obéi à cette loi en se rendant à Nantes pour choisir le secours de ses amis un pays étranger qui lui eût été plus avantageux ; mais, le bâtiment de transport ayant retardé, la nouvelle du décret qui autorisait les ecclésiastiques fermiers à rentrer dans leurs fermes et à les exploiter, le détourna de sa première résolution. Il se fit rendre au lieu du prieuré de Freigné, sa ferme, où il demeura autant de temps que le décret le lui permettait. Il fit part de sa résolution au procureur général syndic du département de Maine-et-Loire, Delaunay, qui lui adressa une lettre approbatrice de sa résolution.

Depuis la loi qui ordonnait l'exportation, il n'en existe pas une qui lui permit de rentrer dans son prieuré pour en exploiter les biens ; au contraire, la même loi avait dit qu'il serait désigné dans chaque département un lieu dans lequel se rendraient tous les prêtres réfractaire pour ensuite être ensemble déportés ? - Sans pouvoir donner la date du décret dont il a parlé dans sa précédente réponse, il a pour preuve la permission écrite de M. Delaunay et la visite de plusieurs membres du district de Segré, M. Champroux, procureur syndic, et M. Vallas, lesquels, étant venus à Freigné dans les jours de l'arrivée du curé, lui protestèrent qu'en vertu du décret il pouvait demeurer tranquille. Quant à la seconde partie de l'interpellation, il est vrai qu'il y eut ordre de rassembler tous les curés non sermentés, mais c'était en vertu du premier décret qui ordonnait le serment.

N'auriez-vous pas été dans les communes envahies ou habitées par les insurgés par delà la Loire ? - Ne pouvant plus rester à Freigné comme il croyait pouvoir le faire, il reprit le chemin de Nantes. N'ayant pu trouver de vaisseau, ayant d'ailleurs entendu parler d'un second serment qu'il pouvait faire, et manquant de tout, il vint à Saint-Florent-le-Vieil consulter et visiter dom Dugas, ci-devant prieur, il lui exposa les modalités de son voyage.

A quelle époque fûtes-vous à Saint-Florent ? - Vers la fin de Juin ou le commencement de juillet 1793.

Pourquoi avez-vous été trouvé nanti de plusieurs papiers, surtout de chansons contre-révolutionnaires, à lui lues, montrées et exhibées ? - Il avait une chanson commençant par ces paroles : Français, Français, restée dans le portefeuille d'un domestique de sa soeur, portefeuille qui lui fut adressé avec des secours par le même domestique. Il nie le surplus de l'interrogation.

Combien de temps restâtes-vous à Saint-Florent, et quelles personnes y vîtes-vous ? - Arrivé, on le conduisit à la municipalité, dont il ne connaissait personne, excepté le curé qui en était membre et qu'il vit un peu plus tard.

Au mois de juillet les membres de la commune de Saint-Florent avaient évacué ; les brigands établirent là un comité contre-révolutionnaire : conséquemment il en impose dans sa réponse ? - Le nom de municipalité lui étant plus connu, il l'a employé dans sa réponse pour exprimer l'assemblée de plusieurs personnes où il fut conduit forcément dans la ville de Saint-Florent.

Combien de temps restâtes-vous à Saint-Florent et avec qui avez-vous passé ce temps ? - Deux mois et quelques jours, avec dom Dugas, logé chez un habitant dont il ne se rappelle pas le nom.

N'avez-vous pas été dans la Vendée ? - En août il fut à Beaupréau, où il dîna après avoir vu une chapelle de grande renommée, et retourna de suite à Saint-Florent. Il a porté ses pas aussi tout près de Saint-Malo, pour chercher à sortir de la République.

Depuis que vous avez quitté Saint-Florent que devîntes-vous ? - Il passa ses jours chez son frère à Ceudre ? où il fut toujours malade.

Lecture à lui faite d'une lettre du citoyen Champroux ? - A nié tout son contenu.
Vos réponses contiennent-elles vérité, y persistez-vous et voulez-vous signer ? - Oui.
"Autant que l'humanité menacée d'une mort prochaine peut se rappeler, je signe comme ayant dit la vérité."

MORIN.
(Archives de la Cour).

Le vaillant curé de Freigné ne s'était point trompé. Séance tenante, il fut condamné à mort, et exécuté sur la place du Ralliement le même jour, 5 mars, à quatre heures du soir.

[Voici les motifs de sa condamnation : 1) Avoir eu des intelligences avec les brigands de la Vendée et fait partie de leur rassemblement ; 2) avoir tenu des propos tendant à propager l'esprit de révolte qui s'est manifesté dans les départements et avoir été trouvé nanti de chansons et écrits contre-révolutionnaires ; 3) avoir enfreint la loi qui ordonne sa déportation ; 4) avoir provoqué au rétablissement de la royauté et à la destruction de la République Française.]

[Internée au Calvaire d'Angers le 26 février, Marie Lardeux fut interrogée dans sa prison le 8 mars : "Née et domiciliée à Freigné. On a trouvé chez elle Morin, curé de la commune, qui était chez elle en pluviôse, y est resté quinze jours, et a été amené avec elle au Comité d'Angers. Sur l'interpellation à elle faite si elle connaissait la loi qui regarde comme suspects ceux qui donnent retraite aux prêtres réfractaires, elle a déclaré qu'étant dans l'ignorance de cette loi, elle n'a pas cru être obligée à déclarer à sa municipalité qu'elle avait un prêtre chez elle." - Nouvel interrogatoire au calvaire le 1er avril : "Marie Lardeux, fille, de Freigné, âgée de 45 ans, chirurgienne. Ayant gardé chez elle l'ex-curé de sa paroisse pendant quinze jours. Fanatique au superlatif." Au premier interrogatoire elle avait été déclarée digne de la guillotine ; cette fois elle fut condamnée à la fusillade. Le 16 avril 1794, elle fut, en compagnie de 97 autres victimes, fusillée au Champ-des-Martyrs près Angers.

F. UZUREAU
Directeur de l'Anjou Historique
Revue de Bretagne - 1903

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