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La Maraîchine Normande
18 mai 2013

CORRESPONDANCE SUSPECTE DE DEUX VOLONTAIRES DU RIBÉRACOIS AUX ARMÉES EN VENDÉE ET EN BRETAGNE - AN II

Pendant les guerres de la Vendée, la correspondance des volontaires avec leurs familles ou leurs connaissances, était l'objet d'une surveillance particulière. Des faits que j'ai relevés dans les registres du Comité révolutionnaire de Ribérac en témoignent, n¤tamment l'affaire de Bellabre-Chillac, de Goûts, et celle de Dibon, ex-prêtre desservant la paroisse de Cumond.

Une lettre écrite le 18 octobre 1793 à Bellabre père, par son fils, sergent à la 4e compagnie du 3e bataillon de réquisition du district d'Angoulême, et datée de Niort, avait été portée au Comité révolutionnaire de Ribérac. Celui-ci, l'ayant reconnue suspecte, fit arrêter le destinataire et lui ordonna de comparaître avec son fils à la séance du 24 nivôse suivant (15 janvier 1794), pour fournir des explications sur le sens de certains passages.

Tout d'abord, le président de ce comité, le citoyen Brachet, interroge Bellabre fils. Il l'invite à préciser ce qu'il a voulu dire en écrivant ceci :

"C'est au milieu des troubles et des orages que je prends ma plume ; et, quoique au milieu des agitations d'une guerre civile, je saurai rester ferme dans mes sentiments ; je n'oublierai jamais ce que je dois à mon père, ce que je dois à l'amitié, et à mes devoirs ; seul, au milieu des bataillons nombreux qui fourmillent dans cette ville, je ne me laisserai jamais emporter au torrent ; et je reviendrai dans la maison paternelle tel que j'en suis sorti. Recevez, ô mon père, le serment que j'en fais aujourd'hui à la face de mes parents et du ciel même."

Le comparant répond que c'est bien au milieu "des troubles, des orages et des agitations d'une guerre civile qu'il écrivit cette lettre, car, à cette époque, Niort paraissait être en combustion ; que, malgré cette situation critique, ses sentiments ne furent point altérés ; sa résolution fut toujours de rester ferme à son poste ; et c'est ce qu'il a fait, ainsi que le prouve le certificat que lui a donné de sa conduite le Conseil d'administration de son bataillon, datée du 16 frimaire, sentiment que son père lui avait recommandé d'av¤ir, ainsi que ses parents ; qu'il est également vrai qu'à une époque il était seul, c'est-à-dire ne connaissant personne dans les bataillons qui étaient à Niort ; que le torrent dont il parle, et auquel il ne se laissera pas entraîner, est celui du vice que son père lui avait recommandé de fuir, et de se défier de ses partisans, car, on n'en apercevait que trop ; aussi, promet-il à son père d'être fidèle à sa recommandation, et de revenir dans sa maison tel qu'il en sortit, c'est-à-dire dans la même pureté".

Il lui est ensuite demandé si les sentiments que lui a inculqués son père ne sont pas contre la Révolution. Il répond négativement et persiste dans ses déclarations, transcrites aussitôt sur le Registre des procès-verbaux des séances, et suivies de la signature : Bellabre.

A son tour, Bellabre père est mandé devant le Comité. L'officier de la Garde nationale, le citoyen Villefumade l'y amène.

Le Président l'invite à s'expliquer "de quels devoirs et de quels sentiments il avait chargé la conduite de son fils, lorsqu'il partit pour joindre son bataillon à Angoulême". Il répond qu'il lui a recommandé "d'embrasser la défense de la Patrie".

Comme on lui demande "dans quel sens était son fils, lorsqu'il partit de sa maison", il déclare "qu'il était dans le sens de la Révolution ; que, sur la représentation qu'il lui fit sur la réquisition des hommes de 18 à 25 ans, il préféra aller s'inscrire à Angoulême, dans la liste des jeunes gens de sa connaissances".
"Pourquoi, lui objecte-t-on, alors, se plaint-il d'être seul à Niort ?"
Il répond qu'il ne sait pas ce que son fils veut dire ; mais, qu'il était parti avec son cousin germain, Dufraisse de Ronsenac.
On lui demande ensuite ce qu'est devenu son frère, prêtre. Il répond qu'il est mort à Bordeaux depuis huit jours.

D'autres questions lui sont posées au sujet de lettres antérieures écrites à son fils, où il lui fait des remontrances. Il dit que c'est à propos de son inconstance.
Il ajoute que, dès l'année 1789, il n'était pas "indisposé contre la chose publique" ; et signe au Registre : Bellabre-Chillac.

Après cet interrogatoire, le fils Bellabre est rappelé. On lui reproche de n'avoir pas dit toute la vérité d'abord. Il déclare qu'en effet, il s'était fait inscrire, comme volontaire, à Angoulême, où il avait des connaissances ; mais, que, seul, son cousin Dufraisse de Ronsenac était avec lui à Niort ; qu'il le voyait rarement ; et que, du reste, il s'en tenait éloigné.
"Pourquoi, lui dit-on, en apprenant à son père le cernement des rebelles, il s'énonce ainsi : "qu'ils n'avaient d'autre ressource que la victoire ou la mort ?"
Il répond que c'est le langage de la Société populaire de Niort.

"A lui représenté que cette énonciation ne peut pas être d'une société populaire qui est à la hauteur des circonstances ; que, s'il avait été lui-même un chaud partisan de la cause qu'il défendait, il devait leur prédire leur destruction" ; il répond que "son peu d'expérience ne lui en avait pas fourni davantage". Il signe au registre ces déclarations complémentaires : Bellabre.

Le Comité fait ensuite retourner à la maison de réclusion de Ribérac Bellabre père, et arrête qu'il sera délibéré ultérieurement sur la demande de Bellabre fils, concernant le dossier de son père, "afin de pourvoir pour son élargissement".

Suivent les signatures des membres du Comité révolutionnaire de Ribérac : Brachet, président ; Fulchie, secrétaire ; Lebas-Lacour ; Léonardon ; Besse ; Champaigne.


Quelques mois après, le 23 messidor an II (12 juillet 1794), une autre affaire de ce genre fut portée devant ledit Comité.

Le volontaire Dibon, ancien prêtre constitutionnel de Cumond, qui faisait partie des derniers détachements de Ribérac, dirigés sur l'Anjou et la Bretagne, avait adressé une lettre à son ancienne voisine, la veuve Guillemot. Un des fils de celle-ci, habitant la commune de Festalemps, chef de l'atelier national de salpêtre, par un excès de zèle révolutionnaire, sans doute, l'avait communiquée au Comité de Ribérac. Immédiatement, un arrêté de suspicion est prononcé. Le Comité reconnaît que cet écrit contenait "les principes les plus fanatiques" et juge l'auteur coupable "de causer de plus grands maux, en distillant le poison de ses principes dans le coeur des jeunes républicains qui l'entourent". De sorte qu'il importe "de faire justice d'un tel monstre".

Alors, le Comité arrête que copie de la lettre écrite par Dibon sera envoyée aux Comités révolutionnaires d'Angers et de Rennes-en-Bretagne, pour prendre contre son auteur les mesures de sûreté requises." On leur fera même parvenir l'original dès qu'on connaîtra exactement son adresse.

En outre, le Comité désigne deux de ses membres, les citoyens Léonardon et Lacouture, pour se transporter au domicile de la veuve Guillemot, apposer les scellés sur ses meubles, et en faire aussitôt la levée, afin de s'assurer si elle ne possède pas d'autre correspondance dudit Dibon "et toutes autres choses suspectes."

Signatures des membres du Comité : Besse, Lebas-Lacour, Delaître, Fulchie, Coulombeix, Lacouture et Combéalbert.

Les deux commissaires Léonardon et Lacouture se rendirent, en effet, dès le lendemain, chez la veuve Guillemot, au lieu du Breuilh, commune de Cumond, et n'y trouvèrent rien de suspect.

Quant au jugement qui s'ensuivit, je ne le connais pas.
Il en est de même de celui qui mit fin à l'affaire de Bellabre-Chillac.

Néanmoins, ces faits, simplement rappelés, sont de nature, ce me semble, à donner un aperçu du rigorisme des Comités révolutionnaires.

A. DUBUT
Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord
1926

Etant prêtre à Cumond, Dibon avait eu à comparaître devant ce même Comité, les 6 et 8 pluviôse précédent, étant accusé d'avoir célébré les offices religieux et ouvert une école illicitement, et prêché au peuple des idées contre-révolutionnaires, en annonçant son enrôlement volontaire, ce qui avait provoqué autour de l'église un rassemblement de femmes "fanatisées", armées de tournebroches, de piques et de coutelas, décidées à faire un mauvais parti aux officiers municipaux de Cumond et à leurs femmes. Après s'être disculpé, il avait déclaré s'enrôler de suite, malgré son état de santé constamment fiévreux.
Au cours des divers interrogatoires qu'on lui avait fait subir, il avait dit qu'il était originaire de Bordeaux, d'où l'évêque Pontard l'avait fait venir ; que, ni lui, ni ses parents, n'avaient pris part à la faction girondine et qu'il ne connaissait point l'asile d'aucun citoyen de cette faction. (Arch. dép. de la Dordogne, L* 829, fol. 6 et 7).

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