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La Maraîchine Normande
15 mai 2013

JACQUES-GABRIEL GALLAIS ♣ SUPÉRIEUR DES ROBERTINS DE VAUGIRARD ♣ MASSACRE DES CARMES

JACQUES-GABRIEL GALLAIS est né le 17 avril 1754, à Longué, gros bourg situé au diocèse d'Angers dans la vallée de la Loire, sur la rive droite, entre Saumur et Beaufort. Son père était notaire royal ; son frère puîné Claude fut en 1791 maire de Longué. Pour Jacques-Gabriel, l'aîné des enfants survivants, il ne suivit pas la carrière paternelle, s'étant senti de bonne heure de l'inclination vers l'état ecclésiastique.

jacques gallaisSes premières études et ses humanités furent probablement faites au petit collège de sa ville natale. Il vint ensuite au Séminaire d'Angers en 1768 pour étudier la philosophie. Après les deux années réglementaires au Séminaire Saint-Éloi, il entra le 11 novembre 1770 au Grand Séminaire fixé alors au Logis Barrault, "le plus beau de la ville", disait-on, et fort bien aménagé, qui contenait à l'ordinaire 150 à 200 élèves. Les anciens guides d'Anjou vantent sa belle chapelle, dédiée à l'Immaculée Conception, ses larges salles communes, ses cours et ses jardins spacieux. La durée ordinaire des études au Grand Séminaire était de trois années ; mais on pouvait prolonger de deux ou plusieurs années pour obtenir les grades théologiques. Acheva-t-il ses études en 1773 ou 1775 ? Y eut-il interruption pour cause de maladie ? Demeura-t-il au Grand Séminaire jusqu'en 1777 ? aucun document positif ne permet de l'affirmer. Cependant la tradition rapporte qu'il avait vécu à Angers sous la supériorité de M. Emery, il faut bien qu'il ait prolongé son séjour au Séminaire jusqu'en 1777, M. Emery n'ayant été nommé pour remplacer M. Dumolin que le 8 janvier 1776 : c'est seulement durant les années 1776-1777 que Jacques Gallais a pu bénéficier de sa direction. Durant ce temps il reçut les ordinations ; toutefois l'âge ne lui permit de recevoir le sacerdoce qu'en 1778. Ensuite jusqu'en 1782, nous perdons sa trace. Exerça-t-il le ministère ? Fut-il retenu chez lui par la maladie ? nous ne savons. Ce n'est qu'en 1782 qu'il demanda à entrer dans la Compagnie et vint à la Solitude. En 1783, il fut envoyé au Séminaire d'Avignon ; il prit le grade de docteur en théologie dans l'Université de cette ville. La maladie le força bientôt d'interrompre ce premier ministère dans un Séminaire et il dut revenir dans sa famille. Sa santé s'étant raffermie, il vint à Paris et fut nommé économe à la petite communauté des Robertins : il en remplit les fonctions à la satisfaction générale. Le supérieur de cette maison, M. Denavit, étant mort le 28 février 1787, Jacques-Gabriel Gallais lui fut donné pour successeur.

Au premier abord, disent les contemporains, sa taille avantageuse et son aspect un peu sévère en imposait : on sentait une volonté ferme. Mais sa bonté se découvrait rapidement et lui gagnait l'estime et l'affection de ses élèves. Bien que la faiblesse de sa santé eut souvent mis obstacle à son goût pour l'étude, il avait acquis une science théologique assez étendue. Son esprit d'analyse se montrait en particulier dans les exercices publics d'argumentation ; il présentait ses pensées avec une remarquable précision. Durant les années difficiles, tourmentées, qui précédèrent la dispersion des séminaires, il sut maintenir dans sa communauté la régularité et la ferveur.

Il avait un don remarquable d'organisation. Lorsque tous les départements envoyèrent à Paris des députations de la garde nationale, on les logea en grande partie chez les particuliers et dans les communautés religieuses. Le Séminaire Saint-Sulpice fut désigné pour en recevoir un certain nombre, aux approches du 14 juillet, fête civique de la Fédération. Les organisateurs eurent l'attention de les choisir parmi les moins exaltés et leur recommandèrent de s'y conduite avec discrétion en leur disant : "Nous vous logeons chez les plus honnêtes gens de Paris, nous ne sommes pas en peine de la conduite que vous y tiendrez." M. Emery désigna la maison des Robertins pour les loger, les élèves s'étant retirés pour la circonstance dans leur maison de campagne de Vaugirard. Mais afin de pourvoir à la nourriture et à l'entretien de ces fédérés. M. Gallais resta à Paris : il sut contenter ces hôtes assez bruyants et capricieux et en même temps se faire respecter.

Les élèves de M. Gallais lui étaient fort attachés : il les traitait avec beaucoup d'ouverture et de franchise, et avec bonté. Un d'entre eux, M. de Mondésir, partait pour le Canada : il lui offrit un reliquaire d'argent contenant une parcelle de la vraie croix, l'attacha à son cou en lui recommandant dans ce voyage alors périlleux de ne pas craindre les épreuves et de mettre sa confiance en Notre-Seigneur. Après le 10 août, sa communauté était réduite à neuf ou dix élèves, qui se trouvaient depuis le 1er de ce mois à la maison de campagne attendant les évènements. ...

Le Séminaire des Robertins était donc à Vaugirard, dans l'ancienne maison de M. Olier depuis le 1er août. Il était réduit à 11 élèves sous la conduite de M. Gallais. Celui-ci n'était pas sans inquiétude sur le sort de sa communauté. Pour faciliter à tous le moyen de s'évader, il fit faire rapidement pour chacun des habits laïques, qu'ils prirent la veille de l'Assomption, ainsi que le supérieur lui-même. Cependant ce jour-là, ils allèrent à la paroisse de Vaugirard, qui était presque contiguë à leur maison, pour assister à une messe basse que leur dit M. Gallais au grand autel, et ils rentrèrent chez eux pour le reste de la journée. Le lendemain de l'Assomption (Récit d'un des élèves, M. Bodé, mort chanoine de Paris, Matériaux de la vie de M. Emery, t IV, p. 288), vers 8 h 1/2, après le déjeuner, la garde nationale de Vaugirard accompagnée d'une troupe de sans-culottes venus de Paris, armés de piques, se présenta pour les saisir et leur enjoignit de les suivre. Il leur fut permis cependant de monter à leurs chambres pour les préparatifs du départ ; et les Robertins en profitèrent pour détruire les lettres qui auraient pu les compromettre. On les conduisit à la mairie de Vaugirard (qui se trouvait près de la maison de campagne du Petit Séminaire). La garde nationale se porta aussi à la maison de campagne de la communauté de Laon et y saisit MM. Psalmon, Hourrier et Rousseau, ainsi que quelques élèves qui se trouvaient avec eux pour passer les vacances. Ils étaient encore en soutane, M. Nogier, l'économe, ne se trouvait point alors à Vaugirard. Mais près de là, on saisit le supérieur de la communauté dite des Trente-Trois ou de la Sainte-Famille.

Comme ces arrestations traînèrent assez en longueur et qu'il était déjà près de 11 heures, M. Gallais fit observer aux officiers municipaux et aux gardes nationaux qui les avaient saisis, que dans leur maison on avait préparé à dîner et que s'ils voulaient bien y consentir, ils dîneraient avant de partir pour Paris. La proposition fut acceptée ; on fit donc apporter à la mairie le dîner qu'ils prirent debout.

On se mit ensuite en marche pour Paris en suivant la rue de Sèvres. Ce ne fut point au son du tambour, comme la veille, pour leurs confrères d'Issy ; mais ils étaient escortés par la garde nationale, qui était entourée par une ligne de révolutionnaires de fort mauvaise mine, armés de piques et de sabres et aussi accompagnée d'une populace qui, regardant les prisonniers comme des ennemis de la patrie, n'épargnait ni les vociférations, ni les menaces.

Lorsqu'ils furent arrivés devant la rue du Bac, un coup de fusil tiré (on ne sait par qui) donna l'alerte : on put croire un moment au signal du massacre. Il n'en fut rien. Ils atteignirent l'église des Prémontrés (à l'angle de la rue de Sèvres et du Cherche-Midi). Là était le comité le plus voisin qui tenait ses séances dans l'église même. Ils entrèrent par une porte ouvrant sur la rue de Sèvres, et on les fit placer au milieu de la nef ; puis on sépara les quatre directeurs sulpiciens et le supérieur des Trente-Trois qu'on conduisit dans une pièce au bas de la chapelle et on fit monter les autres dans le choeur. Ils s'assirent dans les stalles et y demeurèrent jusqu'à 3 h 1/2 du matin sans qu'on songeât à leur apporter à manger.
Cependant, deux ou trois heures après leur arrivée aux Prémontrés, on apporta dans la nef une table couverte d'un tapis vert devant lequel se placèrent quatre commissaires chargés d'interroger les prisonniers. Après leur avoir fait vider les poches à chacun, on leur posa diverses questions de manière que les jeunes gens restés dans le choeur ne pussent entendre les demandes et les réponses. Après ces interrogatoires l'un de ces quatre commissaires annonça que tous seraient conduits aux Carmes. Et un autre ajouté : "Vous avez un d'entre vous qui est dans un bien mauvais cas : son affaire est grave". Il s'agissait de M. Rousseau sur qui on avait trouvé une lettre de l'abbé Maury, dont on savait l'hostilité à la Révolution.

Contrairement au premier dessein d'envoyer tous les prisonniers aux Carmes, sur les 3 h 1/2 de la nuit on vint signifier aux jeunes gens l'ordre de se retirer dans leurs familles et de partir dans le délai de trois jours. On les conduisit alors dans une pièce voisine, où on leur donna à chacun 50 francs pour leur voyage, en leur disant que cet argent était pris sur une somme de 7.000 livres qu'on avait trouvée sur M. Gallais, leur supérieur. Ensuite, ils partirent tous pour les Carmes accompagnés de la garde nationale qui les environnait. Ils arrivèrent à l'église à 3 h 3/4 : on ouvrit les portes et on réunit aux autres prisonniers, MM. Gallais, Psalmon, Hourrier, Rousseau et le supérieur des Trente-Trois. Puis la garde nationale reconduisit les jeunes gens à Vaugirard. Cette précaution était alors nécessaire, à cause des patrouilles et des sentinelles qu'on rencontrait et qui arrêtaient tous ceux qui n'avaient point le mot du gué. Rentrés chez eux, ils trouvèrent le cuisinier de la maison qui s'empressa de leur préparer à manger ; car ils n'avaient rien pris depuis le repas absorbé rapidement la veille à 11 heures. Ils allèrent ensuite chercher des passeports chez le maire de Vaugirard qui, craignant de se compromettre, s'excusa sur ce qu'il n'avait pas reçu d'ordre. Il fallut qu'un des jeunes gens se rendit au Comité qui expédia au Maire les ordres nécessaires. Et il ne resta plus personne dans la maison de campagne des Robertins et dans celle de la communauté de Laon : on y mit les scellés. ...

Nous voici à cette journée du 2 septembre qui sera à jamais la gloire et le triomphe de l'Eglise", écrit l'abbé de la Pannomie, témoin des horreurs du massacre, auquel il échappa, non sans avoir lui-même perdu beaucoup de sang. ... Vers midi, on entendit battre la générale, sonner le tocsin et tirer le canon : mais ils s'en émotionnent moins que de voir la garde changée. La promenade fut retardée jusqu'à 3 h 1/2 et précédée d'un appel nominal : on oblige tous les détenus à descendre au jardin, même les infirmes et les malades. Vers 4 heures, de grandes clameurs retentissent ; on aperçoit une troupe d'une quinzaine de forcenés, armés de fusils à baïonnettes, de piques, de sabres, de pistolets, se ruant en furieux dans le jardin. En même temps la garde plus nombreuse qu'à l'ordinaire qui accompagne les détenus pour empêcher les évasions, s'éclipse et laisse le champ libre aux assassins. Alors s'ouvre le premier acte de cette tragédie sanglante qui devait, avec des péripéties diverses, durer jusqu'à la fin du jour. Ce fut la chasse aux prêtres dans les allées du jardin, le parc aux cerfs comme l'appellent les égorgeurs. A coup de fusils, de piques, de sabre, ils abattent les premiers qu'ils rencontrent. L'abbé Bardez a vu tomber les premières victimes : le P. Girault, aumônier des Dames de Sainte-Elisabeth, abattu d'un coup de sabre sur la tête pendant qu'il récitait son bréviaire près du bassin ; l'abbé Salins, chanoine de Saint-Lizier, tué d'un coup de fusil. ...


Sur d'autres points du jardin, où des arbres se dressaient près du mur avec des branches qui le surplombaient, quelques prêtres parvinrent à se sauver en sautant dans le jardin de propriétés voisines. Ainsi réussissent à s'échapper l'abbé de Montfleury, qui avait été arrêté à Issy ; Louis de Rest, saisi dans la maison des clercs de Saint-Sulpice avec l'abbé Savine et ses collaborateurs. Le supérieur des Robertins, Jacques-Gabriel Gallais, dans la force de l'âge, tente ce moyen de salut. Son premier mouvement, en voyant la bande des assassins, entrés furieux dans le jardin, abattre leurs premières victimes, fut de monter sur un arbre. Mais, dit l'abbé Bardez qui fut témoin du fait : "Il n'avait plus qu'un élan à faire pour se trouver à la hauteur du mur et le franchir. Nous voyant revenir à lui et ne voulant pas se séparer de nous, il se laissa tomber pour nous rejoindre". Si son premier mouvement avait été de fuir, il eût bientôt comme un remord de manquer l'occasion de mourir pour sa foi. ...

Cette première tuerie durait depuis vingt à trente minutes lorsqu'un commissaire, probablement Violette, membre de la Section du Luxembourg, s'avança dans le jardin en criant : "Arrêtez, arrêtez, c'est trop tôt, ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre. Faires rentrer les détenus dans l'église". A la suite de cette intervention, ce fut une confusion parmi les assassins qui avaient plus ou moins entendu ou avaient peine à se modérer : les uns poussant les prêtres vers l'église, les autres les empêchant d'y pénétrer. Enfin Violette parvint à faire rentrer tous les survivants : la seconde partie de la sanglante tragédie va commencer.

Près de la porte qui s'ouvre sur le jardin, au bas d'un escalier conduisant au premier étage, fut dressée une table sur laquelle on posa la liste des détenus. A cette table se plaça un commissaire, qui paraît être Violette. Selon la relation de l'abbé Bardez, ce fut lui qui présida à la scène sanglante des Carmes. On fit venir deux par deux les prêtres qui étaient renfermés dans l'église : ils traversaient le corridor qui conduit du choeur à l'escalier donnant sur le jardin. Ils s'arrêtaient devant la table où était assis le commissaire qui s'assurait de l'identité des personnes et du refus de serment ; puis il enjoignait aux prévenus de poursuivre leur marche jusqu'au petit perron à double escalier descendant à droite et à gauche dans le jardin. Les assassins de la bande Maillard les recevaient à coup de sabres ou de piques et les abattaient aux cris de Vive la Nation.

jacques gallaisAinsi périrent les deux tiers des victimes. Ainsi moururent les deux évêques de Beauvais et de Saintes. Quand on vint chercher à la chapelle l'évêque de Beauvais, il répondit "qu'il ne refusait pas d'aller mourir avec les autres, mais qu'ayant été blessé il ne pourrait plus marcher ; qu'il les priait d'avoir la charité de l'aider ... Je le vis passer, dit l'abbé Bardez, soutenu par un scélérat qui avec un reste d'humanité cruellement bienfaisante le traînait à la mort". Ainsi périt Jacques Gabriel Gallais, selon la même relation. "M. Gallais n'avait pas encore payé notre dépense au moment du massacre. Avant que d'aller à la mort, il prit au pied de l'autel son portefeuille, fit le compte de ce qu'il devait au traiteur. Arrivé auprès du commissaire, M. Violette, il lui dit : "Moi, je ne puis voir le traiteur pour lui remettre ce que je lui dois pour notre dépense. Je ne crois pas pouvoir remettre en mains plus sûres ce que nous lui devons, je vous prie de recevoir 325 livres". Puis il ajouta : "Je suis trop éloigné de ma famille et d'ailleurs elle n'a pas besoin de moi, voilà mon portefeuille, je vous prie de vous servir de ce qui y est au profit des pauvres." Il tira sa montre (qu'il tenait de son père), la remit à Violette en lui demandant de la vendre au profit des pauvres. Cela fini, ajoute l'abbé Bardez, qui durant son séjour avec lui dans la prison des Carmes avait pu apprécier les sentiments élevés, les solides vertus de ce confesseur de la foi, il alla à la mort avec la confiance qu'inspire une si belle âme." Ainsi durent périr massacrés au bas de cet escalier ceux de nos martyrs qui n'avaient pas succombé dans la première tuerie du jardin. Tous allaient à la mort avec résignation, avec le calme que donne la conscience d'un grand devoir accompli, joyeux même, eux aussi, d'avoir été jugés dignes de souffrir la mort pour le nom de Jésus. "Je ne comprends pas, disait le lendemain Violette, commissaire de la Section, je suis étonné, comme tout le monde le serait, d'avoir vu ces prêtres marcher à la mort avec autant d'allégresse que s'ils étaient allés à des noces". ...

EXTRAIT
EUGENE LEVESQUE, DIRECTEUR AU SEMINAIRE SAINT-SULPICE
LES BIENHEUREUX MARTYRS DU SEMINAIRE SAINT-SULPICE
2 SEPTEMBRE 1792
PARIS, 6, RUE DU REGARD, 1928


Les vitraux se trouvent en l'église de Notre-Dame-de-la-Légion-d'Honneur à Longué-Jumelles (49)

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