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La Maraîchine Normande
6 mai 2013

PIECES OFFICIELLES ♣ LE DÉTAIL DES HONNEURS FUNEBRES QUI ONT ÉTÉ RENDUS AUX VICTIMES ROYALES ♣ 1815

Pièces officielles
Le Détail des honneurs funèbres qui ont été rendus aux victimes royales


SOLENNITÉS EXPIATOIRES CÉLÉBRÉES DANS TOUS LES DÉPARTEMENS DE FRANCE.


Nous avons reçu de tous les départemens des lettres renfermant les détails des cérémonies expiatoires qui, le même jour, ont eu lieu dans toute la France en l'honneur du Roi Louis XVI, de la Reine Marie-Antoinette, archiduchesse d'Autriche, et des autres victimes de la famille royale. Ces détails présentent un caractère d'uniformité qui ne nous a pas permis de les mettre successivement sous les yeux du lecteur. Nous aurions répété, au nom de chaque ville, ce que nous avons à dire à la France entière.

Ces cérémonies ont partout présenté le même caractère, et par-tout excité les mêmes impressions : simples dans leur ordonnance, semblables dans leur exécution, elles ont dû sur-tout l'effet imp¤sant qu'elles ont produit, et le grand résultat moral qu'elles ont atteint, à ce spectacle touchant et consolateur de la population entière ; magistrats, guerriers, citoyens, femmes, enfans, vieillards, spontanément réunis aux pieds des autels, pour y marquer par une douleur profonde et les regrets les plus amers, un jour qui serait effacé de notre histoire, s'il était permis aux bons Français de le racheter au prix de leur sang.

A la vue des signes révérés d'une puissance royale qui ne s'était signalée que par des bienfaits et des emblèmes funèbres qui les enveloppaient d'un deuil éternel, à la voix des orateurs chrétiens qui, presque tous ont pris pour texte les dernières paroles du Roi-martyr, et ont dignement accompli son él¤ge, en ne parlant en son nom que de pardon et de clémence ; à l'aspect des vieux chevaliers, défenseurs fidèles de la monarchie, et des jeunes guerriers appuis non moins fidèle du trône que la Providence a relevé, l'émotion a été également profonde dans tous les rangs et dans toutes les classes, avec cette nuance de sentiment que la diversité des âges devait faire naître. Le vieillard privé d'avenir s'est plus vivement livré à ses souvenirs, et à sa douleur ; l'homme mûr a trouvé dans un si grand spectacle la plus grave des leçons politiques, et le sujet des plus hautes méditations ; la jeunesse a confondu ses regrets, et ses espérances : ses regrets, d'une perte dont elle n'a pu apprécier l'étendue, d'une perte dont elle n'a pas même vu les conséquences déplorables ; ses espérances, du bonheur que lui assure un Gouvernement ferme à-la-fois et paternel, un Roi héritier, également auguste, des vertus et du trône du monarque, objet éternel de la vénération des hommes.

Nos grandes cités, nos villes peu populeuses, ne sont pas les seules qui aient acquitté le tribut de la douleur universelle. Le cyprès s'est étendu jusque sur nos campagnes. Du sein des hameaux, un accent expiatoire s'est élevé vers le Ciel : l'humble pasteur a parlé aux cultivateurs de l'amour que Louis leur portait, de ses voeux, de ses soins pour leur soulagement ; et ce n'est pas ce pur et simple hommage qui aura été moins favorablement reçu dans l'immortelle demeure où notre infortuné monarque reçoit le pris de son sacrifice et la récompense de ses vertus.



Le service expiatoire du 21 janvier, en mémoire du feu Roi Louis XVI, a été célébré avec toute la pompe et l'appareil convenables, dans les chefs-lieux des divisions militaires, dans ceux des départemens et dans les différentes places de guerre.

La réunion des autorités militaires aux autorités civiles, la présence des troupes sous les armes et en grande tenue, un silence religieux dans tous les rangs et un profond recueillement, ont imprimé à cette touchante cérémonie, un caractère de solennité digne du souvenir auquel elle était consacrée.

Dans la 2e division militaire, on a remarqué particulièrement la pompe du service funèbre célébré à Mézières, Verdun, Châlons et Reims.
Le même appareil a été déployé tant à Metz que dans les autres places de la 3e division militaire.

A Nancy, un service funèbre a été célébré dans toutes les paroisses de la ville ; les membres des autorités civiles, militaires, administratives réunis, se sont rendus en cortège à la cathédrale ; tous les corps de la garnison y ont assisté en grande tenue, au milieu de l'affluence du peuple qui remplissait l'église.

Le même service a été célébré le même jour, dans toutes les villes de la 5e division militaire, et dans toute son étendue, avec le même recueillement et le même appareil ; il a sur-tout été célébré à Strasbourg, chef-lieu de cette division militaire, avec une dignité particulière, par la réunion des autorités supérieures et des corps d'officier de la garnison.

La ville de Besançon et toutes les communes de la 6e division militaire, ont manifesté, par les mêmes cérémonies, le deuil universel qu'inspire le souvenir de l'époque du 21 janvier ; dans chaque place de cette division, la garnison a pris les armes et a défilé avec respect autour du catafalque.

Les garnisons de Grenoble et des autres villes de la 7e division militaire, ont concouru avec le même esprit de recueillement aux services funèbres, célébrés dans cette division.

Les autorités, les habitans et les troupes de la 8e division militaire, ont fait éclater les mêmes sentimens ; la ville de Marseille s'est fait particulièrement remarquer par la pompe des cérémonies.

Montpellier, Nismes et les autres places de la 9e division militaire, ont donné les mêmes témoignages.

A Toulouse, les autorités militaires de la 10e division et du département de la Haute-Garonne, ainsi que les troupes de la garnison, ont concouru, avec les autorités civiles et la garde urbaine, à donner le plus grand éclat à la cérémonie ; les drapeaux de la garde urbaine et ceux des corps de la garnison, ornés de crêpes funèbres, étaient placés au coin du sarcophage, et tous les militaires, de toutes armes et de tout grade, portaient au bras ce signe de deuil. Les autres places de la 10e division militaire célébraient en même tems le même service avec toute la pompe que permettaient les localités, et par-tout avec le même recueillement.

Dans la 11e division militaire, toutes les troupes de la garnison de Bordeaux ont pris les armes le 21 janvier, et ont été mises en bataille à onze heures dans la cathédrale ; depuis le lever du soleil jusqu'à la fin de la cérémonie. Des coups de canon ont été tirés de demi-heure en demi-heure. Les autorités militaires de terre et de mer, les autorités civiles et judiciaires, et MM. les consuls des nations étrangères, qui s'étaient réunis à l'hôtel du gouverneur, se mirent en marche à onze heures un quart, pour se transporter au Palais-Royal, où le clergé s'était rendu processionnellement. De-là, précédé par des détachemens de carabiniers et par la gendarmerie, et marchant entre deux haies de troupes de ligne et de garde nationale, le cortège se rendit à la cathédrale ; le service funèbre y fut célébré et fut suivi de plusieurs salves de mousqueterie.

Les garnisons de Nantes, la Rochelle, Niort, Fontenay, Saintes et autres de la 12e division militaire, ont pareillement participé à l'éclat des cérémonies qui y ont été célébrées.

Les autorités militaires de la 13e division, réunies aux autorités civiles, se sont rendues en grand cortège à la cathédrale de Rennes où le service funèbre a été célébré avec le plus touchant appareil, tandis qu'au même moment il se répétait, sinon avec la même pompe, du moins avec la même sincérité de sentimens, dans toutes les autres places de garnison de la Bretagne.

Les mêmes cérémonies ont été célébrées à Caen et dans la 14e division militaire ; à Rouen, ainsi que dans la 15e division.

Dans toutes les places de la 16e division militaire, particulièrement à Lille, Arras, Condé, Saint-Omer, Béthune, etc., le service funèbre a été accompagné de tout l'éclat que pouvait y ajouter l'appareil militaire.

A Dijon et dans la 18e division militaire ; à Lyon et dans les pincipales villes de la 19e division ; à Périgueux et dans la 20e division ; à Bourges et dans la 21e division ; enfin à Tours, ainsi que dans les principales garnisons de la 22e division militaire, les troupes et les autorités militaires ont contribué par leur concours et l'expression de leurs regrets, aux cérémonies imposantes que la douleur publique y a célébrées.

Partout le plus grand ordre a régné, partout les autorités militaires et civiles ont rivalisé de zèle pour donner, dans cette circonstance, des gages de leur vénération pour la mémoire du meilleur des Rois, et de leur dévouement à la personne de son auguste successeur.

HONNEURS RENDUS DANS LES PAYS ETRANGERS A LA MEMOIRE DES VICTIMES ROYALES

VIENNE.


Il a été célébré, le 21 janvier, dans l'église cathédrale de Saint-Etienne, à Vienne, un service solennel pour Louis XVI. Le pieux archevêque de cette ville, le prince de Hohenwarth, a voulu officier, malgré son âge de 84 ans.
La tribune impériale avait été préparée pour les souverains.
Une partie du choeur et de la nef avait été réservée pour les personnes invitées.
Les billets d'invitation étaient ainsi conçus : "Les ambassadeurs de S.M. très-chrétienne au congrès vous prient d'assister au service qui sera célébré, le 21 janvier prochain, dans l'église cathédrale de Saint-Etienne, à onze heures du matin."
Le choeur de l'église était tendu de noir comme aux obsèques des Empereurs, avec cette magnificence qui accompagne les funérailles des grands Rois. Partout brillait l'écusson de France.
Au milieu de la nef s'élevait un catafalque de 52 pieds de hauteur, éclairé d'un grand nombre de flambeaux, et surmonté des attributs de la royauté. La garde noble de l'Empereur faisait le service tout autour.
Aux quatre angles de ce monument étaient placées les statues de la Religion, de l'Espérance de la France, et de l'Europe.
La Religion tenait le code de la plus héroïque charité, le Testament de Louis XVI, comme s'honorant de l'avoir inspiré.
L'Espérance, s'appuyant sur une ancre, portait ses regards dans l'éternité ; et l'Europe semblait dire à la France cachant sa désolation sous un vaste voile : "Et moi, votre antique amie, je connus aussi les généreux sentimens du pacifique Louis XVI ; ma douleur s'unit à la vôtre."
Le catafalque et la décoration de l'église avaient été exécutés sous la direction et d'après les dessins d'un architecte et d'un peintre français MM. Moreau et Isabey.
L'empereur d'Autriche avait prévenu les ambassadeurs de France que, pour donner un témoignage de ses sentimens et de la part qu'il prenait à cette touchante cérémonie, il enverrait un détachement de ses trois régimens des gardes pour entourer le catafalque.
S.M.I. a voulu assister à cette cérémonie en habits de deuil avec toute sa famille et toute sa cour.
S.A.R. le prince Léopold, suivi du comte de la Tour-du-Pin, ministre de France à la cour de Vienne, et l'un des ambassadeurs de France au congrès, a reçu, dans la tribune impériale, S.M. l'empereur de Russie, le roi de Prusse, le roi de Danemark, le roi de Bavière et les autres princes et souverains présens à Vienne, qui y ont assisté avec toutes les personnes de leur suite.
Ils sont arrivés à onze heures précises.
Après l'évangile, le curé de Sainte-Anne de Vienne, M. Zaingelins, Français d'origine, a prononcé le discous funèbre suivant :

"Il existait au milieu de l'Europe une monarchie de quatorze siècles. Son Gouvernement était sage, les sciences et les arts florissaient sous son empire, ses armées étaient nombreuses et exercées, trois rangs de forteresses gardaient ses frontières : elle avait partout des alliés et des amis ; et cependant le sceptre de ses Rois a été brisé, cet édifice de tant de siècles a été renversé.
La France, depuis soixante années, était comme le centre de l'incrédulité. Les impies, dans leur conseil, avaient juré de détruire la religion de J.-C. Ils s'étaient efforcés de propager le mal jusqu'aux extrémités de l'Europe, et de livrer le Monde à leurs dogmes trompeurs.
Mais à peine avaient-ils essayé de renverser les autels, que les trônes furent ébranlés, pour nous apprendre que les empires ne se soutiennent que par la religion. Dès qu'elle ne sert plus de frein, les hommes s'abandonnent à toute la fougue de leurs passions ; une horrible séduction s'empare des esprits ; les nations sont gouvernées par ces audacieux, sont parle Saint-Pierre, qui séduisent les peuples en leur promettant la liberté, tandis qu'ils sont esclaves de la corruption : "Libertatem illis promittentes, cùm ipsi servi sint corruptionis." Alors ces guerres, ces dévastations, prédites par le même apôtre. L'innocent est entraîné devant des juges et condamné ... Il s'élève un Empire d'iniquité dont toute vertu est bannie ; et le mal parvient à son comble ...
La destruction de la tribu de Benjamin peut seule mettre un terme à ses crimes. Les dix tribus sont menées, sans retour, captives à Ninive, pour effacer l'usurpation de Jéroboam, et le sang des Machabées coule pour le salut d'Israël.
La prière des saints arrête enfin le bras du Seigneur. Il ne veut pas que son peuple périsse, mais, après l'avoir éprouvé par des maux de tout genre, il le rappelle à lui pour le délivrer.
Mes frères, après vingt années d'irréligion et de dévastation, les impies sont détrônés, les puissances ébranlées sont affermies, et les fils de Saint-Louis ont retrouvé l'héritage de leurs pères.
Quelles est donc la victime dont les prières ont été exaucées, dont le sang innocent a calmé la colère du Très-Haut ? Quels yeux paternels ont veillé sur la France aux tems de ses malheurs !
Reconnaissez, mes frères, ce juste dont les voeux ont été favorables, dont le sacrifice a été agréable à Dieu.
Louis est mort comme un juste, comme une victime de son amour pour ses juges, et comme un martyr qui a réconcilié le Ciel avec la Terre.
La mort du juste, nous dit un père de l'Eglise, portera ce caractère : "On la reconnaîtra à cette marque distinctive, que celui qui l'aura vue, que celui qui en aura entendu parler, souhaitera de mourir comme lui. O si et ego sic mori possem !"
La mort de Louis est la mort du juste ; son âme est en paix ; il pardonne et ne songe qu'au malheur de ceux qui lui ont montré de l'ingratitude." Le sujet fidèle comme le sujet révolté sont frappés de la sainteté de son sacrifice ; ils vénèrent, dans ses vertus royales et dans sa mort, ce caractère que Dieu imprime à ceux qu'il appelle à l'accomplissement de ses desseins éternels. Rien ne peut arrêter cet hommage que tous s'empressent de rendre à sa mémoire. Il est sur les lèvres du juge qui a condamné, comme dans les bénédictions du serviteur qui gémit ; et, même au tems où l'on s'efforçait d'éteindre ces religieux souvenirs, on a vu gravé au bas des traits augustes de Louis, ce titre mémorable : Image d'un bienheureux.
Louis a été victime de son amour pour son peuple, à l'exemple de son divin maître qui s'est offert lui-même en sacrifice pour les hommes, quelqu'indignes qu'ils en fussent.
Pendant toute la durée de son règne, fut-il animé d'un autre désir que celui de tout sacrifier au bien de son royaume ? Se refusa-t-il au voeu de son peuple, au sentiment de son siècle ? S'opposa-t-il à ceux qui parlaient d'édifier, d'améliorer, de réformer ?
Des réclamations s'élèvent ; il appelle les états généraux ; il s'abandonne à tout ce qu'il croit bien ; il oublie les intérêts de sa puissance ; son coeur est ouvert à tous les conseils.
Louis devait donner au Monde un exemple plus grand que celui d'un Roi qui est maître des évènemens, d'un guerrier qui déploie ses forces, d'un politique qui prévient le danger. Il devait montrer à l'Europe un Roi chrétien et martyr ; sanctifier la puissance royale par son sacrifice ; consacrer, par son supplice et par la sainteté de sa mort, les principes d'autorité et de légitimité ; et donner au sang des Bourbons un lustre nouveau. Ainsi, pour servir les desseins adorables de la Providence, Louis devait renoncer à cette puissance qui défend les trônes, et arrêter lui-même ses légions prêtes à marcher à sa parole. Dieu voulait punir les nations et apprendre aux peuples à redouter la sévérité de ses jugemens. "Discant universi populi terrarum nomen tuum timere."
Louis, prêt à mourir victime de son amour pour son peuple, n'a cessé de s'occuper de son bonheur. Ecoutons ses propres paroles :
"Je pardonne de toute mon âme à ceux qui se sont faits mes ennemis, sans que je leur en aie donné aucun sujet ; je prie Dieu de leur pardonner.
Je recommande sur-tout à ma femme de faire de mes enfans de bons chrétiens et d'honnêtes hommes ; de ne leur faire regarder les grandeurs de ce monde-ci (s'ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seul gloire solide et durable de l'éternité.
Je recommande à mon fils de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens ; qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve.
Qu'il ne peut faire le bonheur des peuples qu'en régnant suivant les lois ; mais, en même tems qu'un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire."
Tel est, Messieurs, le testament de Louis, écrit au milieu de ses fers. Telle est la politique de Louis XVIII en ces jours où l'Europe, fatiguée du triomphe des impies, a appris à connaître la véritable gloire et la solide grandeur. Et tandis que la France s'écrie : "Béni soit le fils de saint Louis qui nous vient au nom du Seigneur !" les souverains et les peuples, frappés de la sagesse qui préside aux conseils de Louis XVIII, trouvent dans sa fidélité à sa parole, dans sa justice et dans sa piété, un gage de la paix qui doit assurer le bonheur de l'Europe.
Comparez cependant, Messieurs, les sentimens des hommes avec la miséricorde du Seigneur : l'amour de Louis pour ses sujets a causé sa mort, sa piété envers son Dieu lui a ouvert les portes du ciel, où il devient pour la France, un protecteur, un ange tutélaire.
Dès qu'un Etat est livré aux passions des hommes, il marche vers sa ruine. La main seule de la Providence : on ne peut juger de leur force et de leur stabilité que par la fidélité des souverains et des peuples au maximes de la religion.
Elle seule a délivré les peuples de l'esclavage ; a établi entr'eux des rapports d'amitié, de confiance et de respect ; a dicté des lois aussi sages que sa morale est pure ; a commandé aux sujets d'obéir, et aux souverains de protéger leurs sujets ; a proscrit les guerres injustes ; et, pour marque de sa puissance, elle a placé le signe auguste de la croix sur la tête des souverains.
Pendant quatorze siècles elle a veillé à la garde du royaume de France ; elle l'a préservé de l'invasion et de l'erreur ; elle a fait toute sa splendeur et sa gloire.
Novateurs orgueilleux, durant vingt années, Dieu vous a abandonné cet empire. Qu'en avez-vous fait ? Vous avez détruit ses institutions anciennes ; vous en avez banni tout respect pour Dieu et pour ses temples ; vous avez immolé son Roi et menacé tous les Rois de la terre ; vous avez vingt fois construit et détruit votre ouvrage ; vous avez couvert la France et l'Europe entière de deuil ; vous avez mis la valeur du soldat aux plus rudes épreuves ; vous l'avez abandonné à toute la rigueur des saisons et des climats. C'est ainsi que vous avez perdu une de ces armées que la France pleure encore. Mais la Providence avait assigné un terme au règne de vos passions.
Tout va changer de face en Europe. Le sacrifice et les prières du Roi-martyr ont enfin touché le Seigneur. L'espoir renaît de toute part ; il renaît jusque dans l'asile de la Maison de France. L'Europe se lève comme un seul homme, quasi vir unus : un sentiment surnaturel semble unir tous les peuples. quelle protection sauvera la France ?
Louis veille sur ses destinées. Son sacrifice et ses voeux ont satisfait à la justice divine, et la Providence va dicter cette mémorable déclaration : Les Alliés respectent la France ... L'Europe en armes lui demande la paix."
Ainsi s'expriment les fils des Empereurs et des Rois à la tête de leurs armées. Ils respectent l'indépendance des nations ; ils ne veulent conquérir que les bénédictions des peuples, et ne sont animés que du noble dessein de rendre libre le voeu de la France.
A peine ce voeu est-il manifesté, que le bruit de la guerre a cessé. Les Français cherchent par-tout l'image de Louis, ses traits, sa bonté, sa ressemblance. Son frère se présente ; l'erreur et la fidélité, le regret et l'innocence, tous crient : Vive le Roi ! vivat Rex !
Enfin, devaient s'accomplir les miséricordes du Seigneur. Le fils de Saint Louis, suivi de la fille des Rois, quitte sa paisible retraite : les hommages d'une nation généreuse, fière de l'hospitalité qu'elle a donnée, devancent les hommages de ses sujets : Louis XVIII rentre dans son royaume, au milieu de son peuple, dans la maison de ses pères : toute haine, tout ressentiment a cessé ; les armées se retirent ; l'Europe est en paix.
Tel est, mes frères, le fruit des prières et du martyre de Louis, de Marie-Antoinette d'Autriche, d'Elisabeth de France : illustres et saintes victimes, dont cet anniversaire rappelle le douloureux souvenir.
Mais quels touchans témoignages frappent aujourd'hui nos regards ! Ce temple antique est revêtu de deuil : des accens de douleur remplissent ces voûtes sacrées ; le pontife vénérable de cette métropole offre le saint sacrifice ; les maîtres du Monde, les enfans des Césars, les envoyés de toute l'Europe, les dames chrétiennes, un peuple immense, assistent à cette auguste cérémonie. Cet hommage universel nous fait douter si nous devons prier encore pour Louis, ou l'invoquer, en remerciant Dieu de la gloire dont il récompense ses vertus.
Fils de Saint Louis monté au Ciel, fils de Saint-Louis mort pour vos sujets, mort pour la religion, vos prières ont réconcilié l'Europe : achevez votre ouvrage. Apprenez aux peuples à craindre le Seigneur ; aux maîtres de la terre à gouverner par ses saintes lois : éloignez de nous les maux et le scandale de la guerre ; et que le grand oeuvre de la régénération et de la pacification de l'Europe s'achève, afin que les peuples bénissent à jamais le Dieu des miséricordes."

Deux cent cinquante musiciens (sans orchestre) secondaient par leurs voix les émotions de l'âme ... ; et des larmes réparatrices ont coulé ...

A cette cérémonie, aussi majestueuse que touchante, assistaient François Ier, non moins rapproché de Louis XVI par ses qualités morales que par le sang ; Alexandre Ier et Frédéric-Guillaume, dont les parens reçurent de Louis XVI un si tendre accueil ; le Roi de Bavière, Maximilien Joseph, qui, dans sa jeunesse, consacra son épée à Louis XVI ; et le Roi de Danemarck, dont la longue suite d'aïeux ne compte pas moins d'amis de l'auguste Maison de Bourbon. Là se trouvèrent aussi en grand deuil l'Impératrice de Russie, la Reine de Bavière, l'archiduc Charles et ses frères, le prince Charles de Scwartzenberg, et une multitude de princes et de généraux de toutes les nations, le Congrès, un public immense, et la légation française faisant les honneurs de la cérémonie.

C'est ainsi que la république européenne, représentée par ce qu'elle a de plus illustre, a consacré, sur le sarcophage de Louis XVI, le respect dû à la puissance légitime, et l'immortalité de la vertu méconnue.

Enfin, par un sentiment de vénération et de confiance, on semblait moins implorer la clémence du ciel pour l'auguste martyr, que la puissante protection du martyr lui-même, qui, à l'imitation, pour ainsi dire, de l'Homme-Dieu, avait mieux aimé donner sa vie pour son peuple, que de souffrir que ses sujets fidèles donnassent leur sang pour lui.

LONDRES

Le 21 de ce mois, jour anniversaire du martyre de Louis XVI, S. Exc. l'ambassadeur de France a fait célébrer un service funèbre dans la chapelle de King-Street, Portman-square. Outre la plupart des loyaux Français qui sont a Londres actuellement, plusieurs Anglais et étrangers de distinction ont assisté à cette touchante solennité.

SAINT-PÉTESBOURG

M. le comte Juste de Noailles, ambassadeur de S.M.T.C., près la cour de Russie, a fait célébrer le 9 (21 janvier), avec la plus grande pompe, dans l'église catholique de cette capitale, un service funèbre pour LL. MM. Louis XVI et Louis XVII, rois de France et de Navarre, pour S.M. Marie-Antoinette-Joseph-Jeanne de Lorraine, archiduchesse d'Autriche, reine de France et de Navarre, et pour S.A.R. Madame Elisabeth-Philippe-Marie-Hélène de France, soeur de Louis XVI.
Au milieu de l'église, richement tendue en noir, s'élevait un magnifique catafalque, entouré d'une immense quantité de flambeaux, portant les armes de France et les emblèmes analogues à cette auguste et touchante cérémonie.
Les Français de toutes les classes qui se trouvent dans cette capitale, ont assisté à ce service. Les sentimens qu'ils y portaient semblaient être partagés par les ministres, les personnes distinguées, les corps diplomatiques qui y avaient été invités, et par les habitans du pays qui s'y étaient rendus en foule.

HAMBOURG

AUJOURD'HUI, tous les Français habitans de Hambourg, guidés par un égal sentiment de respect et d'amour pour leur auguste souverain Louis XVIII, se sont réunis chez M. le chevalier Monnay, commissaire-ordonateur, et chargé des affaires du Roi, pour assister ensuite au service solennel qu'ils avaient fait préparer à l'église catholique du Petit-St-Michel, en l'honneur du bien-aimé et infortuné Roi et martyr Louis XVI, de son auguste épouse, de Louis XVII, et de Madame Elisabeth.
L'impression profonde qu'ont éprouvée tous les Français réunis pour cette solennité, a été partagée par les autorités hambourgeoises, par tous les étrangers, et par un nombre immense d'habitans, qui ont assisté à cette solennité.

GENEVE

Les Français domiciliés à Genève, désirant prouver à l'illustre Maison de Bourbon leur zèle et leur attachement, quoiqu'ils habitent une ville étrangère, se sont réunis au sentiment qui anime leurs compatriotes, en célébrant aujourd'hui dans l'église consacré au culte catholique un service funèbre et solennel en mémoire de LL. MM. Louis XVI, roi de France et de Navarre, et de Marie-Antoinette, son auguste épouse. Ils ont orné cette touchante cérémonie de toute la pompe dont elle est susceptible. Après la messe, M. l'abbé Vuarin a prononcé l'éloge de LL. MM. Le conseil-d'état de la République a envoyé dix des membres qui le composent, syndics et conseillers. Une députation de Français, ayant à leur tête des chevaliers de Saint Louis, a été les prendre à l'hôtel-de-ville pour les y conduire. Nombre de chevaliers des ordres du mérite militaire et de la légion d'honneur se sont réunis à eux. Plusieurs étrangers de la plus haute distinction, tels que S.A.S. le prince de Mecklembourg-Schwerin, M. de Gallatin, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l'Amérique, le marquis d'Huntely, lieutenant-général au service de S.M.B., et le comte d'Ezzego, général au service de S.M. le roi de Sardaigne, s'y trouvaient. Les Genevois, mes compatriotes, ont vu avec un vif attendrissement cette solennité, pénétrés du tendre souvenir que des sujets fidèles témoignaient pour leur souverain : malgré la différence du culte, ils sont allés avec empressement porter aux cendres révérées de LL. MM. et à leur mémoire chérie, un tribut d'hommages mérités pour leurs vertus, et de reconnaissance pour la protection constante dont elles ont honoré notre patrie.
Après la cérémonie, on a fait distribuer des exemplaires du testament de Louis XVI. On ne pouvai pas mieux la terminer.

Extrait
La France en deuil, ou le vingt-un janvier
A Paris,
chez Madame Ve LEPETIT, Librairie,
rue Pavée-Saint-André-des-Arts, n° 2
1815

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La Maraîchine Normande
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