Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
28 avril 2013

LE BOUFFAY - NANTES ♣ 992 - 1471 ♣ 2ème partie

LE BOUFFAY

2ème partie

Capture plein écran 26042013 025026

Reprenons maintenant notre récit.

L'on a vu dans quelles conditions et pour quel but Conan avait fait élever le château du Bouffay. Il en donna le commandement à Auricand, qui, la même année, fut promu à l'évêché de Rennes, en vertu du droit de succession que lui avait laissé son neveu. A cette époque en effet, dit un chroniqueur, les églises et les dignités cléricales passaient comme une propriété aux mains des familles, comme autrefois chez les Hébreux, le sacerdoce demeurait dans la tribu de Levy.

Mais Conan ne devait pas jouir longtemps du fruit de son usurpation. En 992, les habitants de Nantes, sous la conduite et avec le secours de Foulques, duc d'Anjou, marchèrent contre lui ; une rencontre eut lieu dans les landes de Conquereuil et Conan fut défait et perdit la vie. En apprenant cette victoire et la mort de Conan, la garnison du château du Bouffay abandonna la place et prit la fuite.
Il y a lieu de penser avec Travers que Hugues commis par Conan pour gouverner l'église de Nantes, fut le successeur d'Auricand dans le commandement du château.
De son côté, Judicaël, fils de Hoël, reprit alors le titre de comte de Nantes.

Nous donnerons place ici à une petite légende, recueillie par Dom Morice et reproduite après lui par Travers et quelques autres historiens.

Vers 996, on retrouva près du Bouffay et renfermée dans une cassette que les invasions des Normands avaient fait probablement cacher en terre, une tête d'homme parfaitement conservée. Quelques renseignements ayant fait conjecturer que cette tête pouvait être celle de saint Paul, premier évêque de Léon, Robert, abbé de Saumur, conseilla d'en faire l'épreuve par le feu, suivant l'usage adopté alors pour constater la sincérité des reliques.
On soumit donc cette tête d'abord par trois fois à un feu de paille de lin et par trois autres fois à un feu de sarment de vigne. Elle n'en reçut aucune atteinte et son authenticité fut dès-lors reconnue. Le vicomte Aimerie, qui gouvernait comme tuteur de Judicaël, en fit don au monastère du Mont-Glome ou de Saint-Florent-le-Vieil.

Cette légende semble avoir été ignorée d'Albert Legrand qui, dans la vie de saint Paul, n'en fait pas mention. Il parle seulement du transfert des reliques du saint évêque, directement au monastère de Saint-Florent, par les soins de Liberal, l'un de ses successeurs au siège de Léon.
Judicaël gouverna le comté de Nantes jusqu'en 1005. Dans le cours de cette année, se rendant à Rennes, il fut lâchement assassiné.

Les Nantais, qui ne supportaient qu'avec une grande répugnance la suzeraineté du comte de Rennes, choisirent Budic, fils naturel de Judicaël, pour le mettre à leur tête.
Mais en même temps, Geoffroy, comte de Rennes et duc de Bretagne, donna l'évêché de Nantes à Gaultier, l'un de ses gentilshommes, qui avait porté les armes avec quelque distinction, et se sentait sous la mitre l'humeur et les goûts de ses jeunes années.

Tout dévoué à Geoffroy, le nouvel évêque de Nantes affecta le plus grand mépris pour Budic et refusa de reconnaître l'autorité qu'il tenait de son élection. Il commença par bâtir un château sur le terrain dont Alain Barbe-Torte avait entouré la cathédrale, et quand il se fut ainsi fortifié, il excita la noblesse et le peuple contre le comte, dans le but évident de s'emparer de sa personne et de son héritage.

Suivant quelques auteurs, il aurait même élevé une autre forteresse, en face et tout près de celle de Budic, vers l'entrée du Port-Maillard actuel, et aurait ainsi tellement resserré le comte de Nantes, que celui-ci aurait eu peine à sortir de son château du Bouffay. De là de nombreux conflits et des rencontres continuelles entre les hommes du comte et ceux de l'évêque. Le duc de Bretagne, Geoffroy, soutenait ce dernier de tous ses moyens. De son côté, Budic eut recours au duc d'Anjou. Enfin, après trois années de luttes incessantes, le duc de Bretagne et l'évêque reconnurent à Budic une autorité et un titre qu'ils n'avaient pu lui ravir.

Nous ne suivrons pas davantage la succession des comtes de Nantes. Bien que le château du Bouffay fût le seul palais qui leur servit de demeure, nous ne trouvons que de loin en loin quelques faits qui s'y rattachent, et notre intention est de nous borner seulement à recueillir et à reproduire ces faits.

En 1088, Alain Fergent tint son parlement général ou l'assemblée des états, dans le château du Bouffay. On y régla le rang que les grands du pays devaient avoir entre eux. Ce règlement, sans doute, ne se fit pas sans d'orageux débats, mais aucun détail ne nous en est resté.
Le même Alain Fergent, veuf de Constance de Normandie, épousa en 1093, dans le château du Bouffay, Ermengarde, fille de Foulques Rechen, comte d'Anjou, et femme répudiée de Guillaume, comte de Poitiers.
Trois ans après ce mariage, en 1096, Alain Fergent, excité par les prédications de Pierre Lhermite, dont la parole avait un retentissement extraordinaire dans toutes les provinces d'Allemagne, d'Italie et de France, poussé par son esprit aventureux et surtout par Robert d'Arbrissel, qui, à la prière d'Ermengarde, avait quitté sa retraite de Fontevrault, Alain Fergent, disons-nous, se croisa et fit entendre autour de lui le cri : Diex et volt, mot de ralliement qui soulevait alors toute l'Europe.

Capture plein écran 26042013 113322Il assigna le château du Bouffay pour lieu de rendez-vous à ses vaillants Bretons. L'instant du départ arrivé, les soldats de la croix, prosternés dans le sanctuaire, reçurent et attachèrent un tel enthousiasme sur leurs hauberts de maille le signe qui les enrôlait sous les bannières du Christ, que la chapelle où venait de s'accomplir cette cérémonie prit le nom de Sainte-Croix, et devint à cette occasion l'église et la paroisse de ce nom. Avant cette époque, cette église était déjà sans doute ancienne ; mais on ne trouve pas de traces du nom qu'elle portait.

Tout porte à croire que ce fut à cette même époque où chacun se dépouillait au profit des monastères, que Raiabert, qualifié maire de Nantes, fit don aux religieux de Marmoustiers d'un terrain appelé cour de Raiabert, area Raiaberti, sur lequel ces religieux se firent bâtir une maison. Ce terrain, situé près d'une poterne, n'était séparé de Sainte-Croix que par une allée, porte la charte de confirmation, sans date, mais souscrite par le comte Mathias, mort en 1104. Un aveu postérieur donne du reste ainsi le débornement du terrain concédé et qui servit plus tard à édifier le prieuré de Saint-Martin :
"Entre le chemin qui conduit de l'église Sainte-Croix aux Jacobins, d'un bout ; d'autre bout, la place du grand Bouffay ; d'un côté, le chemin qui conduit de ladite église Sainte-Croix au grand Bouffay et à la monnaie de Nantes."

C'est évidemment l'espace occupé aujourd'hui par les maisons qui s'élèvent au fond de la place. Le second côté non indiqué devait être celui où se trouve actuellement la rue de la Bâclerie, qui sans doute n'existait point alors.

Quant à l'église Sainte-Croix, elle était à cette époque (1096) possédée comme beaucoup d'autres par un laïc, par Papin, fils d'Albin, qui l'année suivante en donna la possession aux religieux de Marmoustiers.

Après cinq ans d'absence, Alain Fergent revint de la Terre-Sainte, en 1101, et revit son château du Bouffay. Il avait signalé son courage dans trois batailles contre les sarrasins et assisté à la prise de Jérusalem. Il avait aussi été l'un de ceux qui avaient donné leur voix à Godefroid de Bouillon pour le placer sur le trône. Il s'empressa, comme nous l'avons dit, de confirmer aux moines de Marmoustiers la cession que Papin leur avait faite de l'église de Sainte-Croix. Les mêmes religieux reçurent en même temps celle de Saint-Saturnin.

En 1118 "fut grand tremblement de terre qui subvertit les édifices et les arbres actuellement fichés, et la cité de Nantes fut misérablement brûlée."

Quelques historiens prétendent même que cet incendie fut si violent et si général, qu'il effaça pour toujours les traces de la première enceinte de la ville, et que les édifices existants ne pourraient plus aujourd'hui la faire reconnaître d'une manière précise.

Cet évènement n'aurait-il pas amené aussi la destruction du mur d'enceinte du château lui-même ? Le silence des auteurs sur toute autre cause, nous le ferait croire. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans les fouilles faites par Fournier, de 1797 à 1807, on retrouva dans tout le quartier du Bouffay des traces nombreuses et considérables d'incendie qui pourraient bien remonter à cette époque. On découvrit, notamment dans la rue de la Bâclerie, un fourneau en briques, garni d'un vase en cuivre, qui appartenait évidemment à une époque fort reculée.

En 1127, Conan III, qui avait succédé à son père, Alain Fergent, eut à punir Olivier de Pontchâteau et Savary de Donges. Ces seigneurs, jaloux de la puissance toujours croissante de l'abbaye de Redon, qui fut à la veille de devenir le siège d'un évêché, attaquèrent ses vassaux et firent sur eux un grand butin. Conan marcha contre eux, les fit prisonniers dans l'église même de Redon où ils s'étaient réfugiés, et les fit enfermer au château du Bouffay. Ils y restèrent détenus jusqu'à ce qu'ils eussent réparé le dommage causé.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, les religieux de Marmoustiers étaient en possession des églises Sainte-Croix et de Saint-Saturnin. Ils avaient également obtenu un cimetière particulier pour eux et le personnel attaché à leur maison.

En 1137, Conan, qui comme sa mère, leur était très redevable, déclara francs de tous droits, pendant quatre jours, tous les objets qui seraient apportés dans les lieux possédés par ces religieux. Ce fut là probablement l'origine d'une foire, dont il n'est resté aucune trace.

Cependant l'évêque de Nantes avait vivement protesté contre l'usurpation de son pouvoir et de son domaine par les religieux de Marmoustiers. Il en appela au pape Innocent II, qui annula les concessions faites auxdits religieux. Le duc, forcé alors de revenir sur ses précédentes donations, concéda, par une charte spéciale, pour toujours, à l'évêque et à ses successeurs, diverses églises, notamment celles de Sainte-Croix et de Saint-Saturnin.

Mais quelques années après, un accord intervint entre l'évêque Brice et l'abbé de Marmoustiers, et ce dernier rentra en possession de l'église Sainte-Croix, qui dès-lors comptait comme église paroissiale.

En conséquence de cet accord, Conan confirma en 1138 les droits des religieux en y ajoutant même quelques avantages. Voici comment s'exprimait cette charte qu'on ne lira peut-être pas sans intérêt :
"Mon père, le comte Allain, a aumoné l'église Sainte-Croix de Nantes à saint Martin et aux moines de Marmoustiers. Et lorsque ces religieux, après la mort de mon père, se furent mis en devoir d'entrer dans cette église, j'ai ajouté quelque chose à cette aumône.
Je leur ai en conséquence donné une écluse ou pêcherie, que les moines avaient faite entre l'Hanne et l'Hyenne, et dont j'avais la moitié.
Je leur ai aussi concédé la pêcherie de Scurcelle avec le petit bois qu'ils avaient déjà possédé longtemps, s'ils n'avaient déjà une concession de nous. Et ils m'ont remis le pré et les terres qu'ils avaient en Bethie, du don que leur en avait fait ledit Scurcelle. Et je leur ai donné deux arpents de pré et la pâture de six vaches et pareillement la part qu'ils avaient dans une pêcherie appelée pêche-tout.
Je leur ai concédé aussi de faire un cimetière dans leur monastère, dans les places qu'ils avaient déjà près de l'église Sainte-Croix ou auraient par la suite. Et afin que le tout soit ferme et stable, j'ai voulu exprimer par un écrit de ma main le contenu des lettres qui en ont été faites."

Près d'un siècle se passe et nos annales ne nous fournissent aucun fait qui se rattache au Bouffay.

Depuis environ trois siècles, ce château est construit ; nos princes en ont fait leur première demeure ; mais à l'époque où nous sommes arrivés ce n'est déjà plus un simple palais. Sa destination s'est modifiée et il est surtout affecté à retenir sous les verroux ceux que la politique et l'intérêt de la société commandent d'y renfermer. Ainsi nous ne serions pas éloignés de croire, qu'après la condamnation d'Eon-de-Létoile, ce gentilhomme de Loudéac, que l'histoire nous représente comme un fou, et qui n'était peut-être qu'un réformateur, dont les idées étaient seules à combattre, le Bouffay ait servi de prison à ses nombreux sectateurs que l'on eut tant de peine à détruire vers le milieu du XIIe siècle.

Au commencement du XIIIe siècle, la Bretagne s'était alliée à la France, pour faire la guerre à l'Angleterre, et Jean, l'un des plus tristes rois de ce dernier pays, avait assassiné de sa propre main Arthur, son neveu, jeune prince, sur lequel les Bretons fondaient les plus grandes espérances. A la suite de cet assassinat et au moyen de l'influence française, la couronne ducale passa sur la tête de Pierre de Dreux, que ses querelles avec le clergé ont fait surnommer Mauclerc.

Capture plein écran 26042013 025039

Ce prince, vers 1218, établit un petit port fluvial le long de la muraille de son château qui s'étendait sur la Loire. Ce lieu de chargement, qui ne consistait guère encore qu'en une langue de terre élevée au-dessus des eaux, prit le nom de Port-Maillard, du nom de l'architecte Maillard qui travailla à l'établir.

Pierre de Dreux fit aussi changer le cours de l'Erdre, qui, comme nous l'avons dit, avait jusque-là suivi la direction des rues des Carmes et de la Poissonnerie et venait ainsi baigner l'un des côtés du château du Bouffay. Le lit de cette rivière fut rétréci et on lui donna le cours qu'il suit aujourd'hui.

Les juifs étaient alors assez nombreux à Nantes ; objets d'une grande surveillance, ils occupaient depuis longtemps près du Bouffay la rue qui porte encore le nom de la Juiverie. Quelques privilèges cependant leur avaient été concédés. Ils avaient notamment un sénéchal et des juges qui prononçaient entre eux, suivant leurs lois particulières.

Tout porte du reste à croire que les juifs s'étaient établis à Nantes bien avant le Xe siècle, époque de la construction du château du Bouffay. Dès le VIIe siècle, en France, la reine Bathilde rendait des ordonnances contre eux et sans doute qu'alors et même avant, ils s'étaient également répandus en Bretagne. Cette nation, en effet, bien que l'objet du mépris des autres peuples, bien que soumise partout à une police spéciale et sévère, était la seule qui se livrât au commerce, et elle avait trop l'intelligence de ses intérêt pour négliger l'heureuse position de Nantes et les avantages qu'elle pouvait en tirer.

Les services que rendaient ainsi les juifs leur avaient valu partout une certaine protection. Cependant, pour un motif que nous ne pouvons apprécier, Pierre de Dreux se montra sévère et même injuste envers eux.

Une nouvelle croisade avait été publiée en 1236 et un grand nombre de chevaliers, qui avaient pris la croix, s'étaient adressés aux juifs pour obtenir de l'argent sur nantissement. Le duc, sans avoir égard aux décisions du concile de Tours, non plus qu'à une lettre de Grégoire IX, bannit tous les juifs de son duché, après leur avoir fait restituer tous les gages qu'ils avaient reçus, déchargeant néanmoins leurs débiteurs de leurs engagement envers eux.

Pierre de Dreux avait cédé le duché à Jean Ier, dit Leroux, son fils. Celui-ci, non moins soucieux que son père d'agrandir sa puissance et d'augmenter ses revenus, souleva contre lui Olivier de Lanveaux et Pierre de Craon. Il les battit en 1238, et le château du Bouffay servit de prison à Pierre de Craon.

Encore plus d'un siècle se passe, sans que nos historiens fassent mention du Bouffay.

Au mois de novembre 1365, le duc Jean IV donna la vieille monnaie aux Jacobins, comme témoignage de considération envers Simon de Langres, leur général, devenu cette année même ou la suivante, évêque de Nantes. Cet édifice fut alos détruit et une nouvelle monnaie fut élevée sur la place du Bouffay. Nous aurons l'occasion de parler plus tard de cet établissement, que nous avons connu et subsista jusqu'en 1822.

En 1386, Nantes fut témoin d'un duel fameux, et, suivant l'usage, ce fut la place du Bouffay que l'on choisit pour être le théâtre de ce combat singulier.

Robert de Beaumanoir avait hautement porté contre le sire de Tournemine, l'accusation d'avoir fait assassiner son frère Jean de Beaumanoir, mort dans une embuscade, en allant à un rendez-vous que lui avait donné la fille d'un de ses vassaux.
Tournemine repoussait énergiquement une pareille accusation, et de faute de preuves matérielles, il fut décidé qu'on aurait recours au jugement de Dieu.
De Beaumanoir sollicita donc du duc l'autorisation de combattre de Tournemine en champ clos, et cette autorisation lui fut accordée.
Une caution de 20,000 # fut fixée contre le défaillant.
Au jour fixé, le 20 décembre, le duc, accompagné de tous ses barons, se rendit à la place du Bouffay. Le champ clos avait quatre-vingts pas de long et soixante-dix de large.
Après les formalités d'usage, les deux champions jurèrent sur le livre des Evangiles et sur un Missel, "quen leurs harnois ne environ ils n'avaient sort, charroi, ne mal engin." Toutes les conditions du combat avaient du reste été fixées par avance et autorisées par le duc lui-même. Le combat devait avoir lieu à la dague et à l'épée ; la lance ne leur avait pas été permise.
A l'heure de midi, les deux rivaux entrèrent en lice, montés sur leurs chevaux de bataille. Tous deux étaient braves ; la fureur qui les animait l'un contre l'autre était grande et ancienne ; dans une pareille lutte, ils avaient à défendre non-seulement leur vie , mais encore l'honneur de leurs noms et de leurs maisons.
Aussi s'attaquèrent-ils avec une ardeur qui tenait de la rage. Le combat fut long, acharné, et présenta des chances variées. Leur chevaux tombant de fatigue, ils combattirent à pied.
Enfin de Tournemine fut vaincu et forcé d'en faire l'aveu. Son corps fut enlevé de la lice, comme s'il eût été mort. La loi, très sévère, le condamnait en effet à perdre la vie ; mais de Beaumanoir et ses amis intervinrent auprès du duc et obtinrent de lui que de Tournemine ne fût traîné ni pendu.

En 1399, le duc Jean IV meurt au château de Nantes. On accusa de sa mort un prêtré de la ville et le prieur de Josselin qui l'auraient empoisonné.
Tous deux furent arrêtés et mis en prison au Bouffay.
Le prêtre mourut dans son cachot ; le prieur fut élargi, faute de preuves.

A la suite d'une autorisation du pape Benoist XIII, en 1406, l'église Saint-Saturnin fut agrandie. On y fit entrer le presbytère, ainsi que la petite rue qui le séparait de l'église. Le presbytère fut alors transféré dans un lieu appelé la cave du Bouffay. Il ne fut reconstruit qu'en 1599, par le curé Guillaume Garnier.

D'un aveu rendu en 1415, il résulte que la demoiselle Pineau, geôlière du Bouffay, devait annuellement au duc un chapeau de roses et des éperons dorés. Elle habitait la tourelle de la porte du petit Bouffay où l'on tenait la délivrance des plaids. Nous croyons que, par le petit Bouffay, il faut entendre la partie du château qui se trouvait vers la rue Belle-Image.

Par suite d'une donation faite par l'un de nos ducs, l'abbesse de Fontevrault possédait un terrain à l'extrémité de la place du Bouffay. En 1423, la communauté de ville s'en empara, et il s'en suivit un procès qui ne se termina qu'en 1435. Une transaction eut lieu alors, et il fut convenu qu'il serait payé à l'abbesse 24 # monnaie pour les arrêrages échus et 40 s à l'avenir par chaque année. L'abbesse de Fontevrault ayant ratifié cette transaction le 8 juillet 1437, la ville fit édifier sur ce terrain une maison pour y tenir ses assemblées. Cette maison reçut en effet cette destination. Plus tard elle devint l'arsenal de la ville et prit le nom de maison des Engins. Elle était richement décorée et ornée de sculptures de l'époque ; mais depuis lors tout a disparu. Cette maison existe cependant encore sur la place et porte le n° 2.
Cette abbesse de Fontevrault était Marie de Bretagne, soeur de François II.

Capture plein écran 28042013 211834C'est dans le château du Bouffay que le 25e jour d'octobre 1440, Gilles de Laval, seigneur de Retz, fut atteint et convaincu de sodomie, sacrilège, homicide, invocation du diable et de violements des immunités ecclésiastiques, et partant excommunié par l'évêque de Nantes et messire Jean Blouin, commissaire du grand inquisiteur de France ; puis, livré à la justice séculière, qui, par la bouche de Pierre de l'Hopital, sénéchal de Rennes, le condamna à être brûlé vif.
L'histoire et la fin de Gilles de Retz sont suffisamment connues. Nous nous contenterons donc de dire qu'issu de l'une des maisons les plus illustres de Bretagne et possesseur d'une très grande fortune, le maréchal de Retz unissait aux vices les plus odieux toutes les superstitions d'un siècle encore ignorant, et qu'il se couvrit de tous les crimes que ses richesses le mirent à même de commettre. Il dépensa d'abord, ses ressources, puis ensuite il eut recours à l'alchimie, à la magie. En un mot, tout ce que la perversité humaine peut engendrer d'atrocités et la superstition de barbarie fut dévoilé dans son monstrueux procès.
Gilles de Retz fut convaincu d'avoir fait périr au moins cent enfants de l'un et de l'autre sexe, dans ses châteaux de Machecoul, Champtocé et Princé, après les avoir fait servir à sa brutale lubricité. Bien d'autres crimes furent encore mis au jour, mais les historiens ont en quelque sorte reculé d'horreur et ont sagement refusé de les signaler à la postérité.
En considération de sa haute naissance et aussi de son repentir, le duc voulut bien commuer la peine et permettre que le coupable fût étranglé avant d'être livré aux flammes. Il permit aussi que ses cendres fussent déposées en terre sainte. L'exécution eut lieu en présence du duc, sur la prairie de la Magdeleine. Les restes de ce grand criminel furent recueillies par des dames de charité et inhumés dans la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette.

Une fête qui eut un grand retentissement et dans laquelle on déploya une pompe inusitée, eut lieu en 1459 sur la place du Bouffay, où se donnaient ordinairement les pardons d'armes. Il s'agissait d'un bouhourdis, nom général donné aux joutes, tournois, et autres exercices militaires. Le duc François II présida à cette fête à laquelle assistaient tous les nobles chevaliers bretons qui vinrent y faire assaut d'adresse et aussi de galanterie.

Le roi Louis XI était venu à Nantes en 1461, et son but secret, mais qui fut facilement pénétré, était de reconnaître les forces d'un vassal dont la puissance lui faisait ombrage. Le duc était prévenu, et les deux princes se quittèrent en assez mauvais termes. Aussi craignait-on à Nantes une surprise de la part de Louis XI. Ces inquiétudes devinrent même telles, qu'en 1464, le 3 octobre, l'assemblée de la communauté arrêta que le marché qui avait lieu tous les samedis sur la place du Bouffay serait provisoirement supprimé. Les marchands de poteries étaient seulement autorisés à se tenir l'après-midi sur la place.

A cette époque et depuis déjà longtemps, le château du Bouffay avait du reste bien perdu de son importance, en ce sens du moins qu'il avait cessé d'être la résidence de nos ducs. Le château de la Tour-Neuve ou de l'Hermine, fondé, disent quelques chroniqueurs, au Xe siècle, rétabli en 1207 par Guy de Thouars, et agrandi en 1227 par Pierre de Dreux, était devenu le séjour de la cour ducale. Celui du Bouffay n'était plus ainsi, à proprement parler, qu'une maison de force. Dans les circonstances exceptionnelles cependant, la communauté de ville y tenait ses assemblées. En 1467, entre autres le 16 octobre, elle décida que, pendant l'absence du duc, elle se réunirait dans le château du Bouffay.
Parfois aussi déjà les tribunaux y siégeaient.
C'est dans le cours de cette même année 1467, que le duc François II donna en usufruit sa maison du Bouffay à Guillaume Guiomard, son valet de chambre.
Quelques auteurs ont prétendu que ce don fut seulement d'un emplacement sur la place, à la condition d'y bâtir un bel et somptueux édifice. Mais ce qui peut faire croire que cette assertion n'est pas fondée, c'est que jamais cet édifice ne fut construit.

Les Espagnols entretenaient des rapports assez suivis avec la Bretagne et il s'en trouvait toujours un certain nombre à Nantes. Le 22 mai 1468, par suite d'une rupture avec l'Espagne, ils y furent tous arrêtés et renfermés au château du Bouffay.

L'évêque Amaury d'Acigné refusait tout hommage au duc François II et s'était mis en hostilité flagrante contre lui et son pouvoir. Tous les efforts du duc pour faire cesser ce conflit avaient été sans résultat et ce débat de pouvoirs était un véritable sujet de trouble. Pour y mettre fin, le duc convoqua le 8 février 1471, dans la maison commune du Bouffay, tous les membres de la juridiction des Regaires. L'assemblée se trouva nombreuse et désigna trois de ses membres pour se joindre aux ambassadeurs que le duc envoyait vers le pape Sixte IV, nouvellement élu, pour lui porter l'acte d'obéissance de la Bretagne et demander la déposition de l'évêque Amaury, comme étant traître à son prince et en correspondance avec ses ennemis.

... à suivre ...

M. J.-C. RENOUL
Annales de la Société royale académique de Nantes
et du département de la Loire-Inférieure
1864

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité