L'ANCIENNE ÉGLISE
Son style gothique du XVe siècle donne lieu de croire qu'elle fut bâtie dans les derniers temps de l'occupation du Bas-Poitou par les Anglais, ainsi qu'un certain nombre d'autres églises qui s'élevèrent alors dans notre pays.
Bâti en mortier de chaux et de chaple (ou sable de carrière que l'on trouve en abondance dans la partie haute de la paroisse, à partir de la Ménardière) et au moyen de forts moellons, sortis en très grande partie des carrières de Montpinson et remarquable par leur forme plate et allongée, cet édifice ¤ffrait une solidité extraordinaire. Toutes les ouvertures, ainsi que les dosserets intérieurs, la grosse pile sur laquelle repose un angle du clocher, les arcs doubleaux, les nervures et formerets de la voûte du clocher et de la voûte d'entrée, qui seules ont été faites, étaient en pierre rousse de la Gageonière (en Vouvent), calcaire d'une très grande force de résistance. Les contreforts, les angles du clocher et des murs étaient en granit bleu du pays.
L'église avait été construite sur le plan et dans l'idée de deux nefs, comme plusieurs autres églises de la contrée, notamment celles de Montournais, de Cheffois, de Moncoutant, de Foussais, d'Antigny, etc. C'est ce que prouvaient d'une façon incontestable la disposition du clocher, deux chevets d'inégale profondeur et surtout la naissance et la direction des nervures partant des piles latérales et de la grosse pile qui supportait le clocher. Il nous paraît certain néanmoins que les deux nefs n'ont jamais existé. Certains archéologues, il est vrai, veulent que les deux nefs aient réellement été construites avec leurs voûtes, et démolies plus tard pendant les guerres de religion, mais ils n'ont point de preuves pour soutenir leur sentiment, et l'on pourrait se demander, dans ce cas, ce que serait devenue l'énorme quantité de matériaux pr¤venant de la démolition des voûtes en pierres, des voussoirs, des doubleaux et des cintres, ainsi que des cinq piliers soutenant le tout ? A moins de supposer que toutes ces ruines ont disparu tout à coup comme par enchantement enfouies dans le sein de la terre, on devrait découvrir quelque part des vestiges de piliers, de chapiteaux, de cintres, etc. Or, nulle part, ni dans le bourg, ni sur aucun point de la paroisse, ni sur le sol, ni dans une construction quelconque, on ne trouve de ces ruines. Du reste, par un examen attentif, on pouvait voir que les premières assises de nervures étaient intactes, n'avaient jamais servi par conséquent, n'avaient pas eu à subir les atteintes de la pioche et du marteau.
Pourquoi n'a-t-on pas construit la seconde nef ? Est-ce par manque de ressources, ou n'est-ce point plutôt par suite de modification dans les idées premières des constructeurs ? On ne le sait pas ; mais ce qui est incontestable, c'est que l'édifice est demeuré inachevé, à l'exception toutefois de la première travée d'entrée, qui a été complétée par la construction de la voûte du clocher et de celle qui lui était contiguë, au dessus de la grande porte et dont la clef portait le millésime de 1602. On lisait sur un côté d'une longue pièce de charpente cette inscription : R : G : P : 1641 ; M : E : I : Pierre Marchay. Un peu plus bas, on déchiffrait ces mots : le 6 may 1610, ceste charpente a esté montée par : Mathurin H. Mainteau, curé, I. de Benoist, fabriqueur, et François Roy David.
Chacun des deux chevets présentait une grande baie ogivale avec meneaux, mais celle du côté sud, qui devait terminer la nef principale, était naturellement bien supérieur à l'autre. Pour toute sacristie, il n'y avait qu'un petit réduit mesurant à peine 3 m. sur 2, au nord.
Par une bizarrerie d'idées qu'on s'explique difficilement, les constructeurs primitifs ont semblé prendre à tâche de se moquer des règles du goût et de la commodité dans la disposition des différentes parties de l'église : rien de régulier, nulle harmonie dans la distribution et la dimension des fenêtres, dans les moulures des piles ou dosserets. De plus, il existait au côté sud quatre enfoncements (espèces de chapelles) formés par les contreforts intérieurs : il n'y en avait que deux au côté nord dans la partie supérieure de l'édifice.
Un de ces enfeux au côté sud, le deuxième à partir du chevet, était occupé par une tribune en maçonnerie, où l'on montait par un escalier en pierres.
En 1625, le Pouillé d'Alliot mentionne une chapelle fondée par François Blouin dans l'église de Saint-Pierre.
En 1648, le même Pouillé ajoute que cette chapelle se trouvait à l'autel Saint-Nicolas.
En 1655-56, d'après la visite de M. A. Outin, doyen de Fontenay, voici quels étaient les autels dans l'église : Autels du Rosaire, de Saint-Nicolas, de Saint-Cosme, de Sainte-Néomais, dite chapelle Aujau. Sacristie belle et voûtée (qui n'existait plus depuis la Révolution).
Un pouillé du XVIIe siècle parle d'une chapelle de la conception et de la chapelle aux Jaux.
En 1738 et 1740, lors de la visite de Mgr Menou, il n'y avait plus que les autels : de Saint-Côme, de Sainte-Radegonde et de la Sainte-Vierge, avec les chapelles de la Mesnardière et aux Jeaux.
Au moment de la Révolution, la chapelle aux Jeaux (ou Aujauds) existait encore et le titulaire était missire Nicolas-Charles Porcheron, de Périgny, curé de Maillezais. Elle consistait en une rente de trente boisseaux de seigle, mesure du Bourg-Bastard, dus en solidité par plusieurs particuliers du village des Asneries, paroisse de Saint-Pierre, plus une petite dîme levée conjointement avec le seigneur de la Jobtière, le tout affermé au nommé Forgeat de la Ronde en Gâtine, par bail authentique, pour la somme de 96 livres, payables à chaque Saint-Michel. En outre, deux boisseaux de blé noir, mesure du Bourg-Bastard, estimé à 3 livres, 12 sols, ce qui faisait un total de 99 livres, 12 sols. La charge de cette chapelle était d'une messe par semaine.
La rente ci-dessus a été certifiée le 24 mars 1791, par les municipaux de Saint-Pierre : Caillet, maire, Nau, Collonnier, Roy, Gaufrin, et approuvée, le 28 mars de la même année, par le directoire de la Châtaigneraie : Maignen, David, Guichet, Defontaine, Mosnay, Mosnay.
Pendant les années 1845 et 1846, sous l'inspiration de M. Gandouin, nouveau curé de Saint-Pierre, d'importantes réparations furent faites dans la charpente et la toiture de l'église. Les murs laissaient aussi à désirer, non pas sous le rapport de la solidité, mais au point de vue de la beauté extérieure. Depuis qu'ils étaient construits, c'est-à-dire depuis des siècles, ils n'avaient reçu aucun crépissage et le temps les avait noircis d'une manière affreuse. La fabrique les fit crépir d'une manière fort convenable, de sorte que l'église de Saint-Pierre, en ce moment bien restaurée et toute rajeunie, devint l'une des plus belles des contrées environnantes.
LA NOUVELLE ÉGLISE
L'église actuelle fut construite de 1876 à 1881. L'architecte a conservé de l'ancienne sa partie la plus intéressante, c'est-à-dire la façade principale, qui est certainement un beau morceau d'architecture (XVe siècle) "avec son portail surmonté d'un double moucharabis aux consoles très élégamment moulurées, avec sa porte en anse de panier, décorée de trois archivoltes et encadrées d'arcatures ogivales, dont les accolades, ornées de choux à crochets, sont flanquées de pinacles renfermant dans les tympans quatre jolies arcatures trilobées. L'accolade est terminée par une console à choux frisés, sous laquelle se trouve l'écusson de Parthenay l'Archevêque. Cet élégant système de décoration est surmonté d'un entablement qui supporte une fenêtre ogivale d'une seule archivolte profonde et aux meneaux prismatiques flamboyants du XVe siècle, avec vitraux blancs montés sur des plombs en losanges. Le clocher, flanqué sur le côté gauche de cette façade, est une masse de construction carrée et n'ayant d'ouverture que dans sa partie supérieure (fenêtres géminées aux arcatures trilobées". (Paysages et Monuments du Poitou, de J. Robuchon. Canton de la Châtaignerai, par M. René Vallette. 17).
Voici l'historique des travaux, tel qu'il est conservé dans les archives de la Fabrique :
Le 15 février 1867, M. Clair, architecte du département, présentait au conseil de fabrique un projet qui comprenait :
1° La construction d'une sacristie principale et d'une sacristie de décharge ; 2° La restauration et l'agrandissement de l'église par l'agencement complet du chevet dont une partie était occupée par la sacristie. Cette transformation du chevet comportait l'établissement de deux voûtes adjacentes, sur un pilier qui devait être construit dans l'axe même de celui existant déjà dans la partie inférieure de l'église et soutenant pareillement deux voûtes adjacentes, celle du clocher et celle de la première travée, au dessus de la porte principale. - La fabrique voulait alors s'en tenir à ce projet et réserver pour plus tard le complet achèvement de l'église. Le conseil se proposait aussi de consolider la charpente de l'édifice qui était sensiblement affaiblie. Or, en élevant un rang de piliers, pour soutenir les voûtes, on allait donner un solide appui à la charpente et décupler en quelque sorte la force de résistance ; mais par un concours de circonstances qu'il n'est pas possible de relater ici, on ne put donner suite immédiatement au projet qui avait été adopté et approuvé par les autorités compétentes. Par suite certaines objections furent faites :
1° L'idée d'un rang de piliers, au milieu de l'église, n'était pas sympathique aux paroissiens ;
2° La chaire et surtout l'autel seraient cachés, en grande partie, à un assez grand nombre de personnes ;
3° La surface de l'église serait diminuée, etc. Bref, le conseil de fabrique modifia ses idées premières et chargea l'architecte de rédiger un nouveau plan, d'après lequel, on établirait en briques une voûte unique, en utilisant pour cela les dosserets des murs latéraux, comme supports de grands doubleaux en pierres, ce qui permettrait de conserver la belle nef que la population avait tout à coeur de ne pas voir partagée par un rang de piliers.
Le projet fut adopté par le conseil de fabrique, qui, pour parfaire la somme de 60.927 fr. portée au devis, demanda et obtint quelques secours du gouvernement (1875-1876).
Les travaux commencèrent le 20 mai 1876. Tout marchait heureusement et on espérait que l'édifice serait terminé dans l'espace de deux années, lorsque tout à coup, le 10 avril 1878, une travée de voûte en cours d'exécution s'effondra, entraînant dans sa chute les ouvriers qui travaillaient à sa construction ; l'un fut tué et un autre très grièvement blessé. A la requête de M. le procureur de la République, trois enquêtes eurent lieu à des espaces éloignés, à la suite desquelles intervint un jugement qui condamna l'entrepreneur comme coupable d'homicide par imprudence.
Le chantier ne put se rouvrir que le 15 juillet 1880, sous la direction d'un nouvel architecte, M. Brothier, de Niort, et les travaux coûtèrent 20.000 fr. de plus. Enfin l'année suivante, l'église fut terminée et bénite ; mais le vénérable curé, M. Gandouin, qui, depuis 1845, avait tant travaillé et tant peiné pour arriver à ce but, ne put pas jouir du fruit de ses longs et pénibles labeurs. Il mourut le 3 janvier 1881.
Voici ce que dit à son sujet le registre mortuaire de la paroisse :
"L'an de Notre-Seigneur 1881 et le lundi 3 janvier le révérend M. André Gandouin, curé de cette paroisse depuis 1845, âgé de 70 ans, a rendu son âme à Dieu, après avoir reçu avec une piété exemplaire et à l'édification générale, le saint viatique et l'extrême-onction. Prêtre d'une haute vertu, son passage dans la paroisse a constamment donné l'idée d'un homme selon le coeur de Dieu, son zèle pour le salut des âmes n'a jamais fléchi devant les difficultés, ni reculés devant aucune fatigue. Une pensée l'a surtout occupé : la reconstruction de son église. Pour arriver à son but, il s'est imposé des sacrifices sans nombre, luttant sans cesse contre les obstacles qui se multipliaient sous ses pas. Au moment où enfin il allait jouir du fruit de ses longs efforts, Dieu l'a rappelé à lui. Il laisse une église remarquable qui redira aux générations futures quel fut son amour pour Dieu et quel fut son dévouement pour sa paroisse."
M. l'abbé Guilé et M. l'abbé Bécot, dignes successeurs d'un tel prêtre, se plurent à orner le nouveau sanctuaire, qui, avec ses vitraux artistiques, ses bancs élégants et solides, ses petits autels en pierres, sa chaire, son confessional, sa sainte table, est certainement l'un des plus remarquables de la région.
Les vitraux méritent une attention particulière : celui du fond, derrière le grand autel, est immense et représente trois grandes scènes qui concernent le patron de la paroisse.
Au milieu, Notre-Seigneur remet à saint Pierre les clefs de son église ; à droite, c'est la rencontre du divin Sauveur et du prince des apôtres - Quo vadis, Domine ? A gauche, est représentée l'élection que fit Jésus de saint Pierre et de saint André - Tu vocaberis Cephas.
Le transept a également deux vitraux : celui de gauche représente, d'un côté, saint Joseph avec l'enfant Jésus, et de l'autre côté sainte Radegonde et sainte Thérèse ; celui de droite reproduit l'apparition de la sainte Vierge donnant le scapulaire à Simon Stock et le rosaire à saint Dominique.
Ces différents vitraux, encadrés dans les belles sculptures du XVe siècle, produisent un riche effet et donnent à l'église une lumière mystérieuse qui porte les âmes à la piété et au recueillement.
On conserve, à Saint-Pierre, un calice ancien, en argent doré, avec cette inscription :
JE SUIS DE ST PIERRE DU CHEMIN - 1669 - DONNÉ PAR LES PAROISSIENS.
Abbé TEILLET
Revue du Bas-Poitou
1894 - 2e et 3e livraisons