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La Maraîchine Normande
5 avril 2013

LES DOUZE SERMENTS DEMANDÉS AUX PRETRES PAR LA RÉVOLUTION

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La Révolution, qui se glorifiait d'avoir octroyé à la France la liberté, l'égalité, la fraternité, a été, sans contredit, de tous les gouvernements, le plus arbitraire et le plus tyrannique, ne laissant à personne la liberté d'opinion et encore moins la liberté de conscience. Son despotisme s'est surtout révélé par le vote de lois anti-religieuses et par l'imposition d'un certain nombre de serments dont elle voulait faire comme autant de chaînes habilement déguisées et hypocritement forgées, pour lier à son pouvoir et les corps et les âmes.

De 1789 à 1802, elle n'a pas décrété moins de douze formules différentes de serments, dont elle poursuivit l'exécution par tous les moyens en son pouvoir, jusqu'à l'effusion du sang.

Sa devise, ou plutôt sa manière, ressemblait à celle de Mahomet : Crois ou meurs, disait celui-ci.

Sois schismatique ou meurs, disait la Révolution.

Entre les deux, nous ne voyons guère de différence.

C'est l'étude de ces nombreux serments que nous nous proposons de faire en ces pages.

Nous ne dirons rien des serments exigés des citoyens appelés à diverses fonctions civiles ou politiques. Au début, ces serments n'avaient rien de contraire à la conscience et ne regardaient pas, d'ailleurs, le clergé.

LE SERMENT CIVIQUE

Plusieurs serments ont porté le nom de serments civiques ; toutefois, cette qualification paraît davantage convenir au premier de tous, qui fut décrété par l'Assemblée nationale constituante, le 4 février 1790.

La formule de ce serment était la suivante :

"Je jure d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi."

La Constitution était loin d'être achevée au moment où le décret fut provoqué ; le roi n'avait encore donné de sanction qu'à la Déclaration des Droits de l'Homme, le 5 octobre 1789. C'était donc alors un serment de confiance qui était demandé aux citoyens français et aux prêtres en particulier.
La Constitution française ne fut définitivement votée que le 3 septembre 1791. Néanmoins, comme il ne touchait pas aux questions de foi et qu'il apparaissait purement politique, il fut prêté simplement et loyalement par tout l'ensemble du clergé.
On n'était pourtant sans appréhensions à ce sujet, car des mesures avaient été prises antérieurement, dont le caractère pouvait, à bon droit, alarmer les esprits. La loi de confiscation de novembre 1789 et tous les actes administratifs qui en avaient été la suite, tels que les inventaires faits dans les églises et les couvents, les récolements, enlèvements d'objets religieux, etc., donnaient fort à penser aux esprits sérieux. Mais, pour ne pas créer d'ennuis et de difficultés au nouvel ordre établi et aussi pour faire preuve d'un grand désir de concorde et de paix, le clergé, ainsi que nous l'avons dit, accepta le serment sans arrière-pensée.

Quelques temps après, l'horizon politique prit des couleurs plus sombres ; et, lorsque la loi du 9 juillet 1790 prescrivit le renouvellement de ce serment civique, à la fête de la Fédération qui devait avoir lieu cinq jours après, à l'anniversaire de la prise de la Bastille, la situation du clergé n'était plus la même. On était à la veille de la Constitution civile du clergé et déjà même plusieurs articles du décret avaient été votés. C'était, par conséquent, pour les prêtres français, la perspective d'un schisme, à bref délai. Aussi, quand fut proposée, à l'Assemblée, cette question du renouvellement du serment civique, Mgr de Bonal, évêque de Clermont, crut devoir s'expliquer à la tribune, pour dissiper toute équivoque. Il déclara qu'il prêterait encore le serment, mais qu'il entendait faire les plus expresses réserves, à l'égard de toutes les matières spirituelles que ce serment ne pouvait, ni ne devait atteindre.
Une lettre de l'abbé Pous, député et curé de Mazamet, au diocèse de Castres, nous dit l'accueil que l'Assemblée fit alors à cette réserve. "Nous nous levâmes tous, dit-il, parlant des membres du clergé, en signe d'adhésion et l'Assemblée parut nous approuver par son silence."

C'est évidemment avec les mêmes restrictions que ce serment fut prêté en province. On savait, d'ailleurs, que le décret en préparation ne pouvait avoir force de loi que par la sanction du roi et l'on escomptait d'avance son refus. En s'associant à ces démonstrations, les gens des campagnes ne se rendaient nullement compte des changements politiques et religieux en vue ; ils croyaient simplement, ainsi qu'on ne cessait de le leur répéter, qu'une ère de prospérité allait s'ouvrir pour la France et ils en remerciaient Dieu.
En 1790, des fêtes furent célébrées en Vendée, à l'occasion de la prestation du serment civique : à Montaigu, le 6 avril ; à Challans, le 13 mai ; aux Sables-d'Olonne, à Saint-Gilles, à Fontenay, etc., le 14 juillet ; la plupart, avec le concours du clergé.

LE SERMENT A LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ

Le second serment civique est celui qu'on a appelé le Serment à la Constitution civile du clergé.

Il motiva d'abord la protestation de Mgr Asseline, évêque de Boulogne, à laquelle adhérèrent 40 évêques ; puis cette protestation fut suivie de celle de tous les autres évêques de France, 4 exceptés. Ce serment, décrété par l'Assemblée nationale constituante, le 12 juillet 1790 et confirmé par le décret du 27 novembre suivant, avait, après de longues hésitations, reçu la sanction du roi, le 26 décembre.

Il était ainsi formulé :

"Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse (de la paroisse) qui me sont confiés, d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi."

Dans le principe, ce serment ne devait concerner que les nouveaux titulaires des évêchés et des cures, désignés par l'élection (tit. II, art. 21 et 28).
Quelques jours après, il était exigé, comme condition nécessaire, pour toucher les traitements (décret du 24 juillet 1790, art. 39). - De plus, il devait être prêté dans sa forme et teneur, sans aucune addition, ni restriction (décret du 4-9 janvier 1791, art. unique).

Plus tard, l'obligation de ce serment fut étendue aux vicaires des évêques et des curés, aux supérieurs et directeurs des séminaires, aux professeurs et à tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, avec menace, en cas de refus, d'être poursuivis devant les tribunaux, comme "perturbateurs de l'ordre public". La sanction comportait, comme minimum, la privation du traitement, la déchéance des droits de citoyen et l'incapacité légale pour remplir toutes fonctions publiques. Il s'en suivait que prêtres et évêques non sermentés devaient être remplacés à brève échéance (décret du 27 novembre 1790, art. 1-8, approuvé par le roi le 26 décembre suivant).
Dans la crainte que quelques ecclésiastiques n'échappassent à l'obligation de ce serment, d'autres décrets l'imposèrent successivement aux prédicateurs, aux professeurs in genere, aux chapelains desservant les hôpitaux et les prisons (décrets des 5 février, 22-27 mars, 15-17 avril 1791).
Ce serment, qui tendait à laïciser le clergé et à le séparer de la communion de l'Eglise romaine, en méconnaissant l'autorité du Pape, était entièrement schismatique. Une haine satanique l'avait inspiré. Aussi resta-t-il le serment type, imposé au clergé pendant toute la période révolutionnaire. Jusqu'à la fin du Directoire, dit Victor Pierre, il fut exigé des ecclésiastiques ; les autres serments l'étaient aussi, mais surtout celui-là. On le retrouve, du reste, pour peu que l'on examine attentivement les choses de ce temps, au fond de tous les actes de persécution, guerres civiles, exécutions, déportations, etc. Même les serments les plus anodins, exigés des prêtres dans la suite, s'inspiraient de celui-là sous des formes variées plus ou moins captieuses. Et, si l'on tenait tant à ce serment modèle, c'est qu'il était la marque de séparation de l'Eglise de France d'avec l'Eglise romaine, la véritable pierre de touche du renoncement à la foi. Si, généralement, on imputait à crime à nos prêtres d'avoir omis un seul des serments décrétés par les diverses Assemblées nationales, il faut reconnaître toutefois que le serment schismatique tenait toujours le premier rang. Il était le préféré ! Et même légalement il pouvait suppléer tous les autres, ainsi que l'établit le décret suivant :

"Ceux des ministres du culte catholique qui ont donné l'exemple de la soumission aux lois ..., en prêtant le serment civique, suivant la formule prescrite par le décret du 27 novembre 1790 et qui ne l'ont pas rétracté, sont dispensés de toute formalité nouvelle" (décret du 29 novembre 1791, art. 3).

C'est le refus de prêter ce serment qui fut la vraie cause des souffrances et des persécutions endurées par nos prêtres et, finalement, devint l'unique et véritable motif de leur condamnation à mort. La qualification de réfractaire qui leur fut donnée, dans les actes d'accusation et de jugement n'a pas, en effet, d'autre signification que celle-ci : prêtre opposé au serment de la Constitution civile du clergé.

AUTRE SERMENT DIT "PUREMENT CIVIQUE"

Le 29 novembre 1791, un décret prescrivait aux ecclésiastiques de se présenter, dans la huitaine, devant la municipalité du lieu de leur domicile et d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la Constitution.

Le texte du nouveau serment était celui-ci :

"Je jure d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution du royaume, décrétée par l'Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791" (décret du 3 septembre 1791. tit. II, art. 5).

La nouvelle formule était un piège tendu aux ecclésiastiques qu'avait justement effarouchés le texte du serment précédent ; ils ne pouvaient pas plus souscrire à celui-ci qu'à l'autre. Reconnaître en bloc toutes les lois votées en 1789, 1790 et 1791, eût été, en effet, consacrer indirectement et couronner l'oppression de l'Eglise par la Révolution. D'ailleurs, depuis le vote du décret schismatique, avait paru la condamnation portée par le Pape contre l'oeuvre de la Constitution civile du Clergé. La lumière était faite désormais, même pour les yeux les moins clairvoyants. Il n'y avait donc pas à hésiter ; le nouveau serment était schismatique comme le précédent. Il suffit de jeter les yeux sur l'ensemble de la loi pour en reconnaître le caractère persécuteur. Cette loi ordonnait d'approuver tous les actes accomplis en 1789, 1790 et 1791 par les Assemblées nationales ; or, la Constitution civile du Clergé faisait partie de ces actes.
De plus, autre symptôme très significatif, la même loi voulait que l'on fit des prêtres deux listes spéciales : l'une de ceux qui auraient prêté le serment et l'autre de ceux qui l'auraient refusé. Cette dernière ne devait être évidemment qu'une liste de suspects, contre lesquels on pourrait sévir dans la suite en pleine connaissance de cause.
Malgré son caractère obligatoire sous huitaine, et ses sanctions terribles, le serment, prescrit par le décret du 29 novembre 1791, nous paraît être resté à peu près lettre morte en Vendée. Dès que le texte en fut connu, les évêques adressèrent au Roi et au Pape les plus énergiques protestations. D'ailleurs, ce serment ne fut jamais une loi proprement dite. Le roi y ayant formellement opposé son veto, il ne pouvait être légalement exécutoire ; ce qui n'empêcha pas les tyranneaux de province de chercher à l'imposer un peu partout.

AUTRE SERMENT CIVIQUE DIT "SERMENT DE LIBERTÉ ET D'ÉGALITÉ"

Un quatrième serment, très anodin, du moins en apparence, fut décrété le 10 août 1792, lors de la chute de la royauté. Il porte dans l'histoire le nom de Serment de Liberté et d'Egalité.

En voici la formule :

"Je jure d'être fidèle à la Nation et de maintenir la Liberté et l'Égalité ou de mourir en la défendant" (décrets des 10 et 14 août 1792, art. unique).

Tous les ecclésiastiques devaient prêter ce serment (décret du 23 avril 1793, art. 1). D'après un historien, qui a puisé aux sources, les prêtres devaient le prononcer de la manière suivante :

"Je jure d'être fidèle à la Nation, de maintenir de tout mon pouvoir la Liberté et l'Égalité ou de mourir à mon poste."

Ce serment était-il licite ? Des ecclésiastiques estimables, jugeant cette formule d'une manière abstraite, crurent pouvoir y souscrire en sûreté de conscience. D'autres, en plus grand nombre, la jugèrent impie et la rejetèrent. Dans cette divergence d'opinions, il y eut quelques passes d'armes. Les premiers craignaient, par un refus systématique, d'attirer de plus grands maux sur l'Eglise de France ; car on parlait déjà de déporter en bloc tous les insermentés. "Sans doute, disaient-ils, les mots de liberté et d'égalité effraient les esprits, à cause de l'épouvantable abus que les vainqueurs du 10 août en font tous les jours ; mais le serment de les maintenir n'est pas de maintenir les abus qu'on peut en faire ... (Les autres) objectaient la généralité des termes du serment et l'extension indéfinie dont ils étaient susceptibles. Il était impossible, si l'on considérait les actes des révolutionnaires, dans leur ensemble, de ne pas voir qu'ils étaient décidés à détruire en France la Religion catholique et qu'ils voulaient faire servir à ce dessein l'amour de la liberté et de l'égalité qu'ils déclaraient toutes deux inconciliables avec le catholicisme."

Mgr l'archevêque de Paris, Mgr de la Luzerne et l'abbé Emery furent du nombre de ceux qui crurent à la licéité de ce serment ; et aujourd'hui, à plus de cent ans de distance, l'opinion générale leur est favorable. Quant au Souverain Pontife, tour à tour supplié de l'approuver et de le condamner, il refusa jusqu'à la fin de prononcer une condamnation formelle. Il répondit qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer des peines canoniques à ceux qui l'avaient prêté, mais qu'on devait les avertir de consulter les intérêts de leur conscience, puisque dans le doute, il n'est pas permis de jurer. "Consultant suoe conscientioe, cum in dubio jurare non liceat."

Beaucoup préfèrent la souffrance, l'exil et la mort, à ce serment.

Au point de vue historique, le vote de la loi qui l'ordonna présente des singularités curieuses. Après la déchéance du roi, au 10 août, une modification s'imposait à la formule de fidélité à la Nation et au Roi. Un député proposa, pour la remplacer, celle de Liberté et d'Egalité, qui fut adoptée immédiatement. L'Assemblée voulut même se lier aussitôt par le nouveau serment. Le 14 août, son obligation fut étendue aux fonctionnaires. Le 18, dans le décret supprimant les congrégations, l'article 2 du titre V obligeait les fonctionnaires ou pensionnaires ecclésiastiques à le prêter, sous peine de déchéance de la fonction ou de la pension.
Cependant, telle paraissait être l'indifférence du gouvernement pour ce serment que, dans le décret postérieur du 26 août, qui condamnait à la déportation le clergé français, il n'est question que de ceux qui auraient refusé le serment schismatique et nullement de ceux qui auraient refusé celui de Liberté et d'Egalité. Craignait-on que ce serment ne parût acceptable et que trop de membres du clergé n'échappassent ainsi à la proscription ? Ce n'est que le 3 septembre suivant, au cours des massacres, que, sur la motion de Gensonné, la prestation en fut imposée à tous les citoyens.

L'ACTE DE SOUMISSION

Le 11 prairial an II (30 mai 1795), un décret fut voté, demandant aux ecclésiastiques, qui voulaient exercer le saint ministère, un simple "acte de soumission aux lois de la République". Ce nouveau décret disait :
"Art. 5 - Nul ne pourra remplir le ministère d'aucun culte dans les dits édifices (les églises non aliénées), à moins qu'il ne se soit fait décerner acte, devant la municipalité du lieu où il voudra exercer, de sa soumission aux lois de la République." La contravention au présent article, était de mille livres d'amende, tant pour les ministres du culte que pour les citoyens qui les auraient appelés.

Aucune formule ne paraît avoir été indiquée pour cet acte de soumission ; on pouvait donc vraisemblablement se borner à une déclaration rédigée en des termes généraux.

Ainsi considéré, le décret précité semble bien inoffensif ; en soi, une simple promesse de fidélité aux lois de la République n'a rien de contraire aux principes chrétiens. Néanmoins, comme la Révolution avait fait tant de décrets opposés au véritable esprit du christianisme, on n'osa pas, généralement, faire l'acte demandé. Que cachait, en effet cette expression : aux lois de la République ? Réclamait-on la soumission aux lois constitutionnelles seulement, ou bien demandait-on la soumission à toutes les lois impies de la Révolution ? Il y avait là de quoi faire hésiter les meilleurs esprits. Aussi, l'unanimité fut-elle loin d'exister en France à ce sujet.
Mgr de Mercy, qui suivait de loin le mouvement des idées religieuses, se montra favorable à l'acte de soumission. Ses lettres sur ce point sont des plus intéressantes.
"Je crois, écrivait-il, ce décret plus favorable que dangereux et je ne vois rien à quoy on ne puisse rigoureusement se soumettre, rien qui compromette essentiellement la Relligion et la conscience, parce qu'il faut supposer que la liberté du culte emporte essentiellement la liberté de conscience ; que, par conséquent, personne n'est forcé à agir différemment de ce qu'il croit, ni à promettre rien de contraire. On se soumet à ce qu'on ne peut empêcher ; on consent à souffrir un mal pour en empêcher de plus grands ; on promet soumission au pouvoir qui gouverne pour le tems, dans l'ordre temporel, sans reconnaître sa légitimité et dans tout ce qui n'est pas contraire à la loi de Dieu."
Et à la fin de la même lettre, il ajoute : "Il faudra donc que tous les prêtres rentrés et ceux qui rentreront vivent sous l'empire de la République et sous l'autorité de ses lois."

Le Pape ne se prononça pas plus sur la licéité de l'acte de soumission que sur celle du serment du 10 août 1792.

Dans une lettre du 3 octobre suivant (1795), Mgr de Mercy, parlant de la division existant au sujet de cet acte, disait, en effet :
"On espérait que le Pape s'expliquerait, mais il se taira ; ce qu'il y a de sûr, cependant, c'est qu'il laisse partir des prêtres pour la France qui sont pour la soumission, qu'il ne s'y oppose pas et qu'il ne dit rien sur cette question, quoiqu'il les ait tous admis à son audience et qu'il les ait comblés de bontés."

SERMENT DIT "DE SOUMISSION AUX LOIS DE LA RÉPUBLIQUE"

Froissée sans doute du dédain avec lequel fut repoussé en général l'acte de soumission, la Convention vota, le 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), un décret qui exigeait une soumission bien différente.

Le nouveau texte, que l'on a appelé le Serment de la soumission, ou, plus brièvement, la soumission, se présentait avec une forme vague, ambiguë, toute nouvelle, et semblant, sous ses nouveautés, dissimuler quelque piège.

Cette formule était ainsi conçue :
"Je reconnais que l'universalité des citoyens est le souverain et je promets soumission et obéissance aux lois de la République" (décret du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), titre 3, art. 6).

Dès le 14 novembre suivant (1795), Mgr de Mercy écrivait au sujet de ce serment qu'il rejetait :
"Il ne s'agit plus pour les ministres du culte de déclarer seulement qu'ils se soumettront aux lois de la République ; les derniers décrets exigent qu'ils déclarent, en outre, qu'ils reconnaissent que la souveraineté en France rentre dans la majorité des citoyens ; et, par là, se trouve terminée la dispute qui divisait le clergé catholique de France ; car tout le monde doit convenir que cette nouvelle déclaration est impossible à faire, puisqu'elle consacrerait le principe de la Révolution et légitimerait tout ce qui s'en est suivi ... Peut-être le décret n'eût-il pas eu lieu, si l'on eût été moins difficile et plus d'accord sur la première déclaration ... Au reste, aujourd'hui, nous voilà tous d'accord et nous pensons et disons tous qu'on ne peut faire la nouvelle déclaration exigée."

L'évêque se trompait étrangement, en déclarant que l'accord était fait sur la non-licéité de la dernière formule.
Le texte du nouveau serment fut, en effet, une véritable pomme de discorde, au sein du clergé et de l'épiscopat. De tous côtés, varièrent les appréciations et, plus que jamais, l'union fut rompue.

M. l'abbé Paillou, qui était, en Espagne, le représentant de l'autorité épiscopale, ne partageait pas les vues de son chef hiérarchique. Le 17 avril 1797, il écrivait à M. l'abbé Jean de Beauregard :
" ... Pour en revenir à cette question en elle-même, la division qui règne, à cet égard, est, à mon avis, une des grandes playes qu'ait reçues l'Eglise, dans ces dernières années ; et l'entêtement qu'on a mis à soutenir son sentiment, l'éclat qu'on a donné à cette dispute, a fait très grand tort au clergé et luy en fait beaucoup encore."

Dans une autre lettre au même, du 24 avril 1797, M. l'abbé Paillou disait : "Je vois que cette manière de voir (l'acceptation du serment) et de penser gagne tous les jours où nous sommes. Nos hôtes n'en ont jamais eu d'autres. Nous avons autant d'évêques français pour que contre et même plus. Une foule de gens instruits, surtout ceux qui n'ont pas de raison de consulter plus particulièrement la politique, sont revenus au même avis. Les trois quarts et demi des P. (prêtres) professent la même opinion. Voilà l'état des choses que je crois devoir vous exposer. On est très frappé, dans ce pays-ci, de ce qui s'est passé à Paris sur la question actuelle ..."
Le 21 may 1797, le même écrivait encore au même :
" ... Vous verrez, par l'extrait des lettres de Marie-Charles (Mgr de Mercy) et le raisonnement que j'en tire qu'il ne peut être opposé à la Soumission. (L'évêque, en effet, évoluait peu à peu dans le sens de la licéité.) On cite plusieurs autres évêques, qui sont dans d'autres Etats, qui sont revenus à favoriser la Soumission. Vous avez eu, en France, le clergé de Paris, dans le sein duquel il y a des hommes si instruits, si respectables à toutes sortes de titres, qui a fait la déclaration exigée."

Mgr de Juigné, archevêque de Paris, MM. Emery, Jalabert, de Malaret et de Dampière, prêtres vertueux et distingués, s'étaient montrés partisans de la soumission.
Mgr de Mercy finit par se rapprocher du sentiment de M. Paillou et par accepter lui-même la soumission pure et simple.

Dans une lettre à M. l'abbé de Beauregard, du 18 juin 1797, M. l'abbé Paillou rend compte de deux lettres reçues de Mgr de Luçon. L'évêque disait dans l'une d'elles :
"Dans l'état actuel des choses où l'on peut dire que toutes les puissances de l'Europe reconnaissent le nouveau gouvernement français, on peut, sans doute, reconnaître que le peuple français possède la souveraineté et qu'il y a le droit que doit le droit public des nations. Cette reconnaissance devient, de notre part, un devoir ..." M. Paillou en tire la conclusion suivante : "Les principes du patron ne sont pas différents de ceux que je vous ai exposés dans un petit mémoire." (Précis sur la Soumission.)

Ces divisions avaient eu dans le clergé des suite fâcheuses. Ceux qui avaient rejeté le serment regardaient d'un mauvais oeil leurs confrères qui l'avaient prêté et refusaient toutes relations avec eux. La conduite de Mgr de Coucy, évêque de La Rochelle, qui retirait impitoyablement tous pouvoirs aux nouveaux assermentés, semblait autoriser ces séparations. Mais, généralement, on ne regardait pas comme coupables, ou du moins comme gravement coupables, les confrères qui avaient cru devoir se soumettre dans la circonstance. Et Mgr de Mercy, plus calme et plus juste que son "frère le Rochellois", écrivait, à ce sujet, le 9 avril 1796, à M. Paillou : "Ceux qui ont fait cette déclaration n'ont encouru aucune censure et ne sont point schismatiques. Il ne faut donc point se séparer d'eux pour cela, ni les éloigner du saint ministère, quand d'ailleurs ils en sont dignes. Ils ont commis une faute grave dont ils doivent se repentir, sans qu'il soit besoin qu'ils en fassent une réparation publique."

Plus tard, lorsqu'il eut tout à fait modifié son premier sentiment, l'évêque se fût montré, sans doute, encore moins sévère et vraisemblablement n'eût vu aucune faute grave dans la conduite des assermentés.
Le 16 juillet suivant (1796), l'évêque écrivait de nouveau : "On en impose grossièrement, quand on dit que le Pape a condamné toutte espèce de soumission aux républicains français et à leurs loix. Il ne s'est jamais expliqué là-dessus. Toutte sa conduite prouve, au contraire, qu'on doit se soumettre aux loix des usurpateurs, qui ne sont pas contraires à la Relligion. Aujourd'huy qu'il traite avec eux, il prouve bien qu'il reconnaît l'existence de leur puissance et par conséquent le droit qu'ils ont d'exiger la soumission à leurs loix."

Ce qui avait tout d'abord mal impressionné le parti des opposants, dans la formule du serment demandé, c'était la déclaration que "l'universalité des citoyens est le souverain". A la rigueur, ils auraient admis que le peuple est souverain, quant au fait ; mais les partisans de la monarchie de droit divin, comme Mgr de Boulogne et Mgr de Mercy lui-même, ne pouvaient et ne voulaient admettre cette souveraineté quant au droit. A leur point de vue, c'eût été abjurer le droit des Bourbons au trône de France ; et il ne peut, ajoutaient-ils, y avoir deux droits opposés à la même souveraineté. Même la reconnaissance de fait leur répugnait, car elle était, à leurs yeux, comme une sorte de légitimation des crimes de la République.
Une autre difficulté était aussi soulevée par la seconde partie de la formule qui faisait promettre "soumission et obéissance aux lois de la République". On avait beau établir devant les opposants une distinction entre la soumission active, qui consiste à faire ce que le souverain commande, et la soumission passive, qui se borne à souffrir ce qu'on ne peut empêcher, sans renverser l'ordre établi, ils restaient sourds et ne voulaient rien entendre.

LE SERMENT ELECTORAL

Une loi du 20 nivôse an V (9 janvier 1797), avait réglé, d'après la Convention, le renouvellement prochain des deux Chambres : les Cinq Cents et les Anciens, dont un tiers devait être soumis à la réélection. Dès le 25 frimaire précédent (15 décembre 1796), les cantons de Vendée avaient été requis, par un arrêté daté de ce même jour, de dresser le tableau des citoyens ayant le droit de vote aux assemblées primaires. Mais, comme le pays était las de l'oppression jacobine et que les idées d'ordre et de liberté gagnaient tous les jours du terrain, le Directoire craignit que le corps électoral ne fit des "choix inciviques" ; et, pour parer à cet inconvénient, il eut l'idée d'identifier les électeurs aux fonctionnaires publiques et de leur imposer le serment du 21 janvier (celui de Mirabeau).
Il en fit la demande aux Cinq Cents le 25 ventôse (15 mars 1797). Une loi du 19 ventôse an IV (9 mars 1796), exigeait des fonctionnaires le serment de haine à la royauté et à l'anarchie. Le Directoire voulait soumettre les électeurs à la même obligation, mais l'accord ne put se faire sur cette exigence. Les révolutionnaires eux-mêmes la combattirent comme "inconstitutionnelle". La Constitution, disaient-ils, a déterminé les conditions nécessaires pour être électeur ; le Corps législatif ne peut donc, sans la violer, imposer une condition nouvelle.

De guerre lasse, on transigea. Il fut décidé qu'on n'exigerait aucun serment, mais qu'on ferait "promettre" attachement et fidélité à la République, de la manière suivante :
"Je promets attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an III. Je m'engage à les défendre de tout mon pouvoir contre les attaques de la royauté et de l'anarchie."
Ce décret est du 30 ventôse an V (20 mars 1797).

L'espoir du Directoire fut déçu ; car les royalistes s'empressèrent d'expliquer que cette promesse n'obligeait à rien et vinrent nombreux prendre part au vote, le 1er prairial an V (21 mai 1797). Le résultat fut heureux ; ils réussirent à envoyer aux deux chambres une majorité de modérés qui vota le retrait des lois de proscription. Malheureusement survint après la Révolution de fructidor qui les remit toutes en vigueur, comme nous le dirons ci-après.
Ce serment électoral, qui avait pour but d'écarter les royalistes des urnes, atteignait aussi les prêtres, en tant qu'électeurs. Mais comme ceux-ci, toujours obligés de se tenir cachés plus ou moins, ne pouvaient guère user de ce droit, cette nouvelle mesure passa, pour eux, sinon inaperçue, du moins sans conséquences pratiques.

LE SERMENT DE "HAINE A LA ROYAUTÉ"

Le 7 fructidor an V (24 août 1797), les membres des deux Conseils, dont un tiers venait d'être renouvelé et qui formaient, ainsi que nous l'avons dit, une majorité antijacobine, avaient réussi à faire annuler toutes les mesures d'ostracisme prises contre les prêtres, les nobles et les émigrés.
C'était une ère de liberté qui s'ouvrait. Elle ne fut pas de longue durée, hélas !

Onze jours après, le 18 fructidor (4 septembre 1797), éclatait un coup d'Etat, préparé dans l'ombre par les trois directeurs, qui n'avaient pas approuvé la loi du 7 fructidor, et exécuté avec la complicité de l'armée.
Le lendemain, 19 fructidor an V (5 septembre 1797), un décret était voté, rejetant les mesures de liberté qui venaient d'être prises à l'égard du clergé et exigeant des prêtres un nouveau serment, en remplacement de celui du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795).
"Art. 25 - ... Au lieu de la déclaration prescrite par l'art. 6 de la loi (du 7 vendémiaire an IV), ils (les ecclésiastiques) seront tenus de prêter le serment de haine à la royauté et à l'anarchie, d'attachement et de fidélité à la République et à la Constitution de l'an III."

Ce serment, qui porte, dans l'histoire, le nom de Serment de haine à la royauté, était ainsi libellé :
"Je jure haine à la royauté et à l'anarchie et je promets attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an III" (décret du 19 fruct., art. 25).

Cette formule fut rejetée par presque tous les prêtres. C'est à peine si quelques-uns, sept à huit environ, crurent pouvoir l'accepter. Et encore le firent-ils avec des intentions droites. Ce serment, n'atteignant pas directement la religion et ne visant aucun dogme catholique, présentait à leurs yeux un caractère purement civil ; il n'emportait pour eux rien de plus que l'engagement de ne point conspirer pour le rétablissement de la royauté ; et, en revanche, il leur procurait l'avantage de pouvoir "exercer publiquement le ministère sacerdotal". Cette dernière considération fut d'un grand poids sur leur décision.

Toutefois, en faisant ce serment, ils dépassèrent les justes limites imposées par la charité et la religion. L'Eglise, en effet, ne permet d'avoir de haine positive pour personne, ni, par suite, de jurer d'en avoir. Aussi, Pie VI condamna-t-il ce serment, comme anti-religieux, le 24 septembre 1798, bien que son objet ne parût que temporel et politique.
La décision papale fut transmise, le lendemain, 25 septembre, à l'évêque de Grasse, qui avait consulté le Saint-Siège. Les questions de l'évêque se devinent par les trois réponses qui suivent :
" Respondetur : 1° ab apostolica Sede declaratum fuisse non licere proefatum, juramentum, emittere ; - 2° eos qui tale juramentum emiserunt, ad illud retractandum teneri simulque ad scandalum reparandum, meliori modo quo fieri poterit, pro temporum locorumque opportunitate ; - 3° nullam huc usque censuram ab apostolica Sede latam fuisse adversus eos qui ejusmodi juramentum emiserunt."

Si la décision pontificale eût été connue plus tôt, il est à croire qu'elle eût réuni toutes les adhésions. En tout cas, elle fut pour plusieurs l'occasion d'une rétractation solennelle et sincère. M. Moreau, curé du Poiré-sur-Vie, fut de ce nombre.

Avant même l'acte du Pape, l'évêque de Luçon avait dit clairement à ses prêtres, le 25 juillet 1798, ce qu'il pensait du serment de haine.
"Quant à la dernière (formule), écrivait-il, qui est celle de la haine, j'ai cru, je crois et je l'ai dit qu'elle n'était pas admissible sans interprétation ; et que, puisqu'on rejetait toute interprétation, on devait rejeter cette formule, malgré les exemples imposants qui la défendent et toutes les raisons que ses défenseurs allèguent pour la justifier ..." (Lettre à M. de Beauregard, du 25 juillet 1798).
Mais tout en rejetant la formule, l'évêque n'entendait pas rejeter les sermentaires ; il ajoutait, en effet :
"J'ai dit et je le répète qu'il faut relever ceux qui ont fait cette faute ; que c'est une faute de for intérieur qui, comme tant d'autres, ne dépouille point de la juridiction, n'est soumise à aucune censure ; qu'il faut chercher à relaiver (sic) les coupables, mais sans les aigrir, sans leur faire des reproches qui les humilieraient, sans se séparer d'eux. Peut-être que Dieu les excuse ; nous ne devons pas les condamner, tant que la Mère commune (l'Eglise) les tolère."

De ce qui précède, nous pouvons conclure que le serment de haine à la royauté ne fut pas prêté, en Vendée, avec des intentions mauvaises, qu'il y eut, à son sujet, des illusions regrettables. Néanmoins, on ne saurait nier qu'il fut cause de vifs mécontentements de la part des fidèles et de dissentiments amers entre prêtres ne partageant pas les mêmes opinions. Quelques uns, malgré leur passé irréprochable, se virent, pour ce motif, entièrement abandonnés de leurs ouailles et obligés de quitter leurs paroisses, comme M. Moreau, curé du Poiré-sur-Vie, déjà cité, et M. Amiaud, vicaire à Mormaison.

AUTRE SERMENT CIVIQUE

Après le coup d'Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), le Directoire fit revivre les tristes jours de la Terreur, jusqu'au 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), époque où il tomba sous la poussée de Bonaparte.
Ses dernières heures furent comme des heures de convulsions folles et désespérées. La formule de serment qui suit en est la preuve.

Le 12 thermidor an VII (30 juillet 1799), voyant sans doute l'opinion publique incliner fortement vers la modération, il décréta, en vue d'une réaction, une nouvelle formule de serment, dont voici la teneur :
"Art. 1er. - Le serment civique sera prêté dans la forme suivante :
Je jure fidélité à la République et à la Constitution de l'an III.
Je jure de m'opposer de tout mon pouvoir au rétablissement de la royauté en France et à celui de toute espèce de tyrannie." (décret du 12 thermidor an VII - 30 juillet 1799).

C'était sous une forme nouvelle, la réédition un peu adoucie du serment de haine à la royauté.
Ce nouveau serment civique atteignait les ecclésiastiques, en tant que citoyens et aussi en tant que prêtres. On peut même dire qu'il les visait spécialement, sous ce dernier rapport ; car la toquade gouvernementale était de les regarder toujours comme fauteurs de complots et auteurs de toutes les résistances.

LE PREMIER SERMENT DU CONSULAT

Le Consulat, entré en fonctions le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), ne pouvait manquer, malgré son modérantisme, d'avoir lui aussi sa formule de serment.
Elle parut le 25 brumaire, sept jours après son installation au pouvoir, et était ainsi conçue :
"Je jure d'être fidèle à la République une et indivisible, fondée sur l'égalité et la liberté et le système représentatif" (décret du 25 brumaire an VIII - 16 novembre 1799, art. 1-2).

C'était plus calme et moins méchant que les formules précédentes. Ce serment ne concernait, du reste, qu'une catégorie de citoyens : "les fonctionnaires publics."
Les prêtres qui, au début de la Révolution, étaient considérés comme fonctionnaires publics, avaient-ils encore cette qualité sous le Consulat, et, comme tels, étaient-ils tenus au serment ci-dessus ? Nous le pensons. Le texte du décret, relatif au serment qui va suivre, nous dit, en effet, en termes assez clairs que les ministres du cultes rentraient encore dans cette catégorie.

SERMENT DE FIDELITE A LA CONSTITUTION DE L'AN VIII, DIT "DE LA PROMESSE"

Le Consulat s'était un peu trop pressé à formuler le serment qui précède ; car, un mois après, il enfantait une "Constitution républicaine". L'évènement n'avait pas précisément l'attrait de la nouveauté ; car, en fait de constitutions, la République en était à sa cinquière ou à sa sixième depuis 1791.

Tantoe molis erat Francorum condere gentem !

Avec le nouvel état de choses, un nouveau serment s'imposait, sous peine de déroger à la coutume sacro-républicaine suivie jusque-là.
Ce serment a reçu dans l'histoire le nom de "la Promesse" ou "de fidélité à la Constitution de l'an VIII", et porte la date du 7 nivôse an VIII (28 décembre 1799).
Il est ainsi énoncé dans le décret y relatif :
"Tous les fonctionnaires publics, ministres des cultes, instituteurs ou autres personnes qui étaient, par les lois antérieures à la Constitution, assujettis à un serment, ou déclaration quelconque, y satisferont par la déclaration suivante :
Je promets fidélité à la Constitution" (décret du 7 nivôse an VIII - 28 décembre 1799).

Cette formule reçut, le 21 nivôse suivant (11 janvier 1800) une légère et insignifiante modification :
"... Les ministres d'un culte quelconque ... ne pourront commencer ou continuer l'exercice de leurs fonctions ou emplois que, préalablement, ils n'aient fait la déclaration suivante :
Je promets d'être fidèle à la Constitution.
Toute autre formule de serment ou déclaration est abrogée (décret du 21 nivôse an VIII - 11 janvier 1800).

Comme on le voit, la nouvelle formule était bien simplifiée et, par suite, tout à fait inoffensive.

Néanmoins, beaucoup hésitèrent à la signer. Après tant de serments demandés, tant de mesures arbitraires dont ils avaient été victimes, nos prêtres avaient quelque peine à accepter même une simple formule de fidélité à la Constitution. Une circulaire du ministre Fouché, en date du 21 août 1800, fit de la prestation de ce serment une condition sine qua non aux prêtres déportés qui désiraient rentrer en France.

Au sujet de cette formule, il y eut encore division dans les rangs du clergé français. Mgr de Mercy et M. l'abbé Paillou s'y montrèrent favorables et celui-ci fut même un des premiers à la signer, pour rentrer en Vendée. Le 23 mars 1801, il écrivait de La Flocellière à M. l'abbé de Beauregard qui ne partageait pas tout à fait sa manière de voir :
" ... Vos principes ne sont pas différents des miens ; ce n'est que dans l'application que nous en faisons que nous différons. Vous avez de la répugnance pour la "Promesse" ; mais je crois que, d'après l'explication du 10 nivôse qu'admet le gouvernement, elle est faisable. J'ai articulé ce sens, en l'offrant. Je ne parle à personne de faire la Promesse ; je prêche hautement qu'on doit être soumis au gouvernement qui existe sans entrer dans d'autres détails. Vous en feriez et vous en avez fait autant. Je respecte l'opinion de ceux qui répugnent à la Promesse ; je ne la blâme pas, ni ne la censure ; mais j'ai droit qu'on ait les mêmes égards pour la mienne, puisque c'est celle de l'évêque diocésain ... M. l'évêque m'a constamment marqué qu'il laissait chacun à sa liberté et à sa conscience ; qu'il ne demandait autre chose sinon qu'on ne se censurât pas mutuellement et que tous vécussent dans l'union, dans la paix et la charité."

LE SERMENT DU CONCORDAT

Le pape Pie VII et Bonaparte conclurent, le 15 juillet 1801, un concordat qui fut promulgué le jour de Pâques 1802 et déclaré loi nationale le 8 avril précédent.

Les derniers prêtres, restés en exil, purent alors revenir dans leurs paroisses et y exercer librement et publiquement le culte catholique, apostolique, romain, pour lequel, depuis douze ans, ils avaient tant souffert.
Toutefois, l'exercice de leur ministère fut soumis à la prestation d'un nouveau serment de fidélité, qui fut approuvé par le Pape et inséré dans le texte même de la Convention concordataire, article 6.

La formule de ce serment était la suivante :

"Je jure et promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la Constitution de la République française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au-dedans, soit au-dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans mon diocèse (dans ma paroisse), ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au Gouvernement" (Convention entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII, art. 6 et 7 ; insérée au Bulletin des lois le 18 germinal an X (8 avril 1802).

Cette formule, longue et par trop détaillée, n'allait pas être promulguée sans soulever encore bien des difficultés. Même avec l'approbation du Pape, elle rencontra des opposants, parmi lesquels figurèrent tous ceux, assez nombreux dans nos contrées, qui donnèrent dans le schisme de la Petite Eglise. Parmi les bons prêtres restés fidèles, il y eut aussi des hésitants. Peu à peu cependant le calme se fit dans les esprits ; et l'union et la paix purent enfin régner dans la pauvre Eglise de France, si durement éprouvée depuis 1790.

P. BOUTIN
Prêtre
Société d'émulation de la Vendée
1913

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