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La Maraîchine Normande
2 avril 2013

NOTES SUR LE COSTUME MARAICHIN

Quelques hommes âgés portent encore, dans le marais de Saint-Jean-de-Monts, le vieux costume d'autrefois ; ils sont assez peu nombreux, et l'on doit ajouter qu'ils ont apporté à l'ensemble de leur "vêture" de légères modifications qui en altèrent le caractère traditionnel.

Il y a trente ans à peine, ce costume était universel ; peu à peu - et très rapidement en ces dernières années - il a cédé la place, chez la plupart des jeunes, à un informe vêtement qui tient le milieu entre l'habit sans caractère du paysan du Bocage et les "décrochez-moi ça" des petits tailleurs de bourg.
Pour certaines gens, inconscientes du ridicule, et qui placent la démocratisation de la redingote et du gibus au rang des immortels principes, c'est un progrès. C'est un recul et une diminution aux yeux des artistes et des personnes de goût, qu'affectent la laideur et la vulgarisé sous une forme quelconque.

Avant donc qu'aient disparu les derniers costumes maraîchins, que ces quelques notes fixent leur physionomie et aident à en conserver le souvenir.

Capture plein écran 02042013 130457Les hommes se coiffent d'un chapeau uniformément de feutre noir, analogue à certains chapeaux bretons. Un ruban large, en velours noir, entoure la coiffe et ses deux extrémités tombent par devant, dans la direction de l'oeil droit.
Pendant les guerres de Vendée, l'on arborait la cocarde blanche, ou blanche et noire ; au début du XIXe siècle, parfois l'on vit une boucle au ruban, mode vite disparue ; d'une façon générale, le ruban était adapté sans noeud et sans boucle, simplement arrêté par un croisement de l'étoffe et une couture.
Le fond du chapeau, au temps passé, est relativement haut ; il coiffe largement la tête. Dans un pays où le vent d'ouest souffle presque constamment et n'est arrêté par aucun obstacle, l'homme enfonce sa coiffure par derrière et veut que le front soit également protégé : les bords sont presque plats et assez larges.

L'ancien maraîchin portait les cheveux d'une certaine longueur ; c'était un "avantage" que d'avoir les mèches extérieures très légèrement ondulées, mais du bout seulement.

La veste, en bure, est couleur brun foncé ; le bleu foncé, d'étoffe plus fine, est réservé aux riches pour "aller à la messe".
Les boutons sont en étoffe de même couleur que la veste, les boutonnières sont faites en soie ou fil vert très apparent.
La forme de la veste est carrée, courte, et étroite au point de ne pouvoir être boutonnée ; la veste compte de chaque côté un rang de boutons et un rang de boutonnières ; les deux revers, carrés, sont surmontés d'un col droit rigide en étoffe.
Les manches sont ouvertes en dehors et un peu sur le côté avec deux boutons comme ornement, très étroites jusqu'au coude et s'évasant quelque peu à l'extrémité.

Le petit gilet, ou "camiset", est croisé, en flanelle blanche très épaisse ; les boutonnières sont vertes, ainsi que les bords externes du gilet et des revers. A notre époque, le gilet est plus largement ouvert et échancré que la veste ; mais autrefois il était beaucoup moins décolleté ; l'usage ancien veut que les deux premiers boutons ne soient pas boutonnés.

Entre le camiset et le pantalon, une large ceinture d'étoffe de couleur ceint les reins de plusieurs tours ; les liens qui en nouent les bouts sont de même couleur que cette ceinture invariablement verte ou rouge à larges raies transversales.

Capture plein écran 02042013 130309Quant au pantalon, il constitue la partie la plus caractéristique, et celle qui a frappé davantage quiconque a le sens du pittoresque.
Il est à grand pont, attaché par trois boutons, deux de pointe, et un central plus large, en cuivre ou en étoffe ; les deux de pointe placés à peu près sur la couture extérieure. Il comporte deux poches ; très serré des hanches, il s'élargit beaucoup aux cuisses, devient très ample aux genoux et s'arrête au-dessus des chevilles.
A l'extrémité du pantalon existe un rempli, qu'on nomme "godi", et qui est simple ; les riches en avaient quelquefois deux ou même trois superposés, mais c'était exceptionnel ; d'une façon générale le "godi" est large d'au moins quatre bons doigts.

Au temps de l'insurrection, le pantalon comportait une ouverture à la couture externe du bout, analogue à celle des manches de la veste, et portant deux boutons comme elle ; cette ouverture partait du bas et s'arrêtait à deux centimètres du rempli. C'est vers 1845 que l'on a commencé à la supprimer.

La chemise blanche, en toile du pays, est à col fermé et rabattu ; une petite cravate de couleur généralement claire, et de forme serrée, porte le bijou d'argent qu'on nomme "coeur vendéen", et qui, aux temps anciens, n'est pas surmonté d'une croix ; cette dernière est d'adjonction relativement moderne.

Les pieds, couverts d'un bas bleu foncé ou brun, en laine brute, sont chaussés de sabots de bois assez lourds et massifs - la forme est devenue plus légère. La pointe, recourbée en bec, était moins prononcée qu'elle ne l'est aujourd'hui, et la bride plus étroite, en raison de l'importance plus grande alors donnée à la partie en bois.
Ajoutons ce détail qu'à l'époque révolutionnaire, les insurgés du marais cousaient autour du chapeau, à la base du ruban de velours, une chenille d'étoffe de la grosseur du pouce, mi-parti verte et jaune. Ce n'était point deux liens, l'un vert, l'autre jaune, enroulés l'un autour de l'autre ; cette chenille était uniformément verte sur une longueur de trois à quatre centimètres, puis jaune sur une longueur semblable, et ainsi de suite.

Enfin le maraîchin ne portait pas de barbe, et restait soigneusement rasé ; les petits favoris n'ont été mis à la mode qu'à une époque relativement récente.

Tel était, dans son ensemble, le costume traditionnel du maraîchin, de Saint-Gilles à la Barre-de-Monts, et de Beauvoir à Challans, en passant par Saint-Gervais et le Perrier. Il avait jolie allure et un véritable chic. Aussi ne reconnaît-on qu'avec peine le petit fils du paysan d'autrefois, de si élégant maintien, dans l'aspect déjeté, demi-bourgeois, demi-ouvrier, qui porte aujourd'hui des cravates soldées à vingt-cinq centimes par les grands magasins de nouveautés, des habits de "Monsieur" qui n'ont même pas la seul excuse du triste vêtement moderne, c'est-à-dire la correction et la ligne de la coupe, et des couvre-chefs qui le confondent, en une fâcheuse fraternité, avec les camelots du boulevard.

Capture plein écran 02042013 130124Quant au costume des femmes, il a peu varié ; il n'a du reste aucun caractère, et, pour parler sincèrement, est des moins seyants.

La jupe courte tombe d'un bourrelet fort large qui entoure uniformément la ceinture ; elle a des godis ; le corsage, très plaqué, aplatissant la poitrine, est couvert d'un foulard de soie noire ou de couleur ; la coiffe, de la forme d'un hennin rapetissé et mis en arrière, recouvre un large velours noir, placé sur les cheveux.

Le bas bleu et les souliers découverts complètent la toilette. Notons enfin qu'en deuil, la maraîchine portait autrefois une grande mante noire d'un certain caractère ; ce vêtement est en voie de disparition et remplacé par une sorte de large coiffe, de cachemire blanc bordé de noir, qui se nomme "capot", d'aspect assez disgracieux.

L. DE LA CHANONIE
Revue du Bas-Poitou
1901 (5e livraison)

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Commentaires
C
Bonjour,<br /> <br /> Bernard Pineau, Quand la mer voudra..., évoque les maraîchins et plus particulièrement les montois, ceux qui émigrèrent à St-Michel-en-l'Herm de 1825 à 1830. Il prépare un nouvel article sur l'affaire du pont de la Claye.
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L
Coucou Nadine, le ruban de coiffe n'étais noir que pour les femmes en deuil, sinon il était de couleur. Les jeunes femmes optaient souvent pour du bleu (en hommage à la vierge) ou du vert. Les femmes mariées avaient plus de choix, l'ocre ou le brun, mais rarement le rouge qui à l'époque était la couleur des hommes. Quand au jaune, il donnait mauvaise réputation (ruban porté par les prostituées allemandes pour se désigner comme pratiquant cette "activité"). Avec les événements de la Révolte et l'instabilité politique du XIXième siècle, le noir s'est imposé largement car presque toutes les familles étaient en deuil. Si tu en veux plus sur les coiffes, tu peux admirer la collection de Mme Gauthier exposée au musée de Cholet place Créach Ferrari. Et à l'occasion écouter cette dame qui fait parfois des conférences passionnantes sur la vie quotidienne de nos ancêtres.
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S
À marlène.wiart <br /> <br /> Bonjour Madame,<br /> <br /> Je n'arrive pas à vous répondre directement par mail, aussi, voici ma réponse en commentaire :<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour votre message et votre intérêt pour mon article qui n'est, hélas, pas de moi ; il est signé : L. DE LA CHANONIE - Revue du Bas-Poitou - 1901 (5e livraison)<br /> <br /> Je m'intéresse beaucoup aux Maraîchins pour avoir vécu parmi eux pendant 24 ans, d'où le nom de mon blog. Je pense sincèrement qu'on ne parle pas assez d'eux, de leur histoire, de leurs coutumes ; ce sont des gens très discrets et secrets ; pour ces différentes raisons, votre projet de livre m'enchante et enchanterait certainement mon défunt mari, Maraîchin de Saint-Jean-de-Monts, né à Saint-Gilles-sur-Vie ...<br /> <br /> Je sais que l'on peut écrire le mot Maraîchin avec ou sans accent circonflexe mais personnellement, je le préfère avec ... <br /> <br /> Je vous souhaite pleine réussite pour votre projet,<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> <br /> <br /> NADINE RAFFIN<br /> <br /> <br /> <br /> P.S. : si je peux vous être davantage utile, n'hésitez pas à me contacter.
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