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La Maraîchine Normande
29 mars 2013

LA MARSEILLAISE OBLIGATOIRE ET LA SAINTE GUILLOTINE AUX SABLES-D'OLONNE

Dans une pompeuse circulaire (Circulaire de l'Inspecteur primaire des Sables-d'Olonne, 1886), qui aura bientôt fait son tour de France, l'inspecteur primaire des Sables-d'Olonne enjoignait récemment à ses instituteurs de faire apprendre la Marseillaise aux enfants de leurs écoles, "avec t¤utes les marques extérieurs d'un respect grave et religieux".
Par ce temps de dévergondage politique et de persécution religieuses, remplacer la récitation de la prière par le chant d'un hymne révolutionnaire est chose tellement naturelle, que je n'eusse pas pris la peine d'en signaler le fait aux aimables naïfs qui croient encore à la neutralité scolaire.
Mais dans ce mouvement de haute prétention pédagogique, dont M. Goblet ne se pardonnera jamais de n'avoir pas été le père, il est une phrase, une toute petite phrase, qui mérite un b¤ut de réponse.
 
Voici la phrase :
"De même que le drapeau tricolore plane au-dessus des partis, de même la MARSEILLAISE n'a rien à voir avec nos discordes civiles."
La réponse - c'est l'histoire qui va se charger de la donner.


Aux beaux jours de la Révolution, sous ce bienfaisant régime qui a justement été baptisé du doux nom de Terreur, les représentants en mission dans les provinces ou près des armées, avaient à l'envi créé des commissions révolutionnaires, chargées de purger le pays de ce qu'on était déjà convenu d'appeler "les suppôts de la réaction".
Appliquant une féroce prodigalité la doctrine professée aux Jacobins par Robespierre - "qu'en politique on doit juger avec les soupçons d'un patriotisme éclairé", ces tribunaux de sang, comme les appelle quelque part M.B. Fillon, condamnaient à la vue et mettaient les accusés en véritables coupes réglées.

Vivant de dénonciations, où la sotte puérilité le disputait à l'infâme calomnie, ils sacrifiaient sans scrupules les femmes, les enfants, les vieillards, et frappaient les ouvriers et les paysans, que la Révolution prétendait servir, en plus grand nombre que les nobles, les prêtres et les riches, qui étaient réputés ses ennemis. Vertus, talents, naissance, services rendus, science, fortune, toutes les supériorités étaient devenues des crimes. C'était l'égalité de tous devant la mort - la seule que la première république ait jamais su appliquer.

La ville des Sables-d'Olonne eut ainsi sa commission militaire. Etablie, le 1er avril 1793, d'après la loi du 9 mars, elle fut formée à l'élection par les officiers de la division présente en cette ville, et ne tarda pas à fonctionner.

Le 6 avril, en effet, la guillotine, dressée sur une dune située entre la jetée et le remblai, commençait sa sinistre besogne, et, ce même jour, de neuf à dix heures du matin, douze malheureux Vendéens y avaient la tête tranchée.

C'étaient :

1 - ARNAUD (Jean), 18 ans, maréchal, d'Aizenay ;
2 - MOLÉ (Jean), 27 ans, farinier, de Legé ;
3 - CHANSON (Jacques), 25 ans, de Legé ;
4 - ROBIN (Louis) 25 ans, tisserand, de Nieul ;
5 - FAVREAU (René) 29 ans, sellier, de Talmond ;
6 - THOMAZEAU (André), 38 ans, fermier, de Longeville ;
7 - TOUZEAU (Pierre), 23 ans, laboureur, de la Génétouze ;
8 - QUÉREAU (François), 44 ans, de Saint-Georges-de-Pointindoux ;
9 - CHEVRIER, dit Pontoizeau (André), marchand-volailler, de Saint-Hilaire-de-Riez ;
10 - JANNET (Pierre), 23 ans, de Riez ;
11 - DANIEL (Pierre), 23 ans, de Saint-Jean-de-Monts ;
12 - TARRAUD (Jean), 28 ans, tisserand, de Saint-Jean-de-Monts.

Les fournées de victimes se succèdent alors avec une effrayante rapidité.

Le 19 avril, à quatre heures du soir, dix autres Vendéens montent à l'échafaud :

13 - PERTHUZÉ (Gabriel), 41 ans, chirurgien, de Landevieille ;
14 - ROUSSEAU (Jean), 19 ans, domestique, de Saint-Gervais ;
15 - BARREAU (Jean), 31 ans, domestique, de Saint-Gervais ;
16 - BRISARD (Noël), 26 ans, laboureur, de Saint-Gervais ;
17 - LAPRÉE (Jacques), 21 ans, domestique, de Saint-Gervais ;
18 - BOUCARD (Jacques), 31 ans, maçon, de Talmont ;
19 - FRUCHARD (Louis), 49 ans, maire de Vairé ;
20 - MAROILLEAU (Jacques), 22 ans, agriculteur, de la Guitière de Saint-Hilaire-de-Talmont ;
21 - LACHAISE (François), 43 ans, maçon, de Saint-Hilaire-de-Riez ;
22 - BIROTHEAU (François), 21 ans, maréchal, de Talmont.

Le 20 avril, à onze heures du matin, c'est le tour de :

23 - PERROCHEAU (Joseph), 34 ans, maçon, des Sables-d'Olonne ;
24 - GUÉRIN (Pierre), 22 ans, laboureur, d'Aubigny ;
25 - RIVALLIN (Jacques), 51 ans, marchand, de Vairé ;
26 - ANGIBAUD (Prosper), 35 ans, juge de paix, de Beauvoir-sur-Mer ;
27 - BOURGEOIS (Denis), 38 ans, employé des douanes, de Saint-Gervais ;
28 - BROCHET (Joseph), 34 ans, jardinier, de Saint-Gervais ;
29 - RABELOT (Jacques), 38 ans, maire de Notre-Dame-de-Riez ;
30 - OCHARELLE (Pierre), 34 ans, laboureur, de Saint-Nicolas-de-Brem ;
31 - BARDON (Jean), 30 ans, laboureur de Machecoul ;
32 - BOUTEILLÉ (Jean), 32 ans, marchand, de la Garnache ;
33 - POIRAUD (François), 34 ans, domestique de Saint-Gervais ;
34 - MINEAU (Pierre), 55 ans, de la Renaudière du Poiré-sous-la-Roche ;
35 - BARREAU (Abraham), 37 ans, marchand, de Challans ;
36 - GROLIER (Louis), 21 ans, laboureur, de Longeville ;
37 - MARTINEAU (François), 40 ans, journalier, de la Coutardière de Saint-Vincent-sur-Jard.

Le 22 avril, à dix heures du matin :

38 - COUTANCEAU (Louis), 29 ans, laboureur, de la Bretinière de Saint-Hilaire-la-Forêt ;
39 - BOUREAU (Louis), 37 ans, charpentier, de Talmont ;
40 - GRONDIN (Jean), dit Poulin, 42 ans, farinier, de Bretignolles ;
41 - GAUTREAU (Jean), 22 ans, laboureur, de Landevieille ;
42 - SIMONNEAU (Jean-Baptiste), 40 ans, marchand, de Challans ;
43 - MEUNIER (Pierre), 34 ans, tourneur, de Talmont.

Le 23 avril, à quatre heures du soir :

44 - TOUBLAUD (Jacques), 37 ans, farinier, de Saint-Hilaire-de-Riez ;
45 - POISSONNET (André), 54 ans, marchand, de Challans ;
46 - BOIZARD (Charles), 40 ans, tisserand, de la Brissonnière d'Avrillé ;
47 - GOUINEAU (Augustin), 23 ans, tisserand, de Landevieille.

Le 27 avril, à trois heures du soir :

48 - GUYON (Pierre), 41 ans, marin, de Croix-de-Vie ;
49 - GENEVIES (Pierre), 46 ans, préposé aux douanes, de Saint-Hilaire-de-Riez ;
50 - BAUDRY (Henriette-Aimée), 44 ans, "ci-devant noble", d'Olonne ;
51 - CAVOIS (André-Ephraïm), 39 ans, officier municipal, de Saint-Gilles ;
52 - BAUDRY (Gabriel-René), dit de la Vaiquière, 56 ans, de Longeville ;
53 - ROBIN (Etienne), 42 ans, de l'Aiguillon.

Le 12 mai, de trois à quatre heures du soir :

54 - RORTHAIS DE LA SAVARIERE (René-Louis), 74 ans, "ci-devant noble", de Beaulieu-sous-la-Roche ;
55 - CHARRIER (Jacques), 46 ans, laboureur, "ci-devant officier municipal", de Sallertaine ;
56 - RENOU (Pierre), 38 ans, marchand, de Saint-Hilaire-de-Riez ;
57 - MOURAIN (Charles), dit l'Herbaudière, 59 ans, "ci-devant secrétaire du roy, juge de l'île Bouin et maire de Noirmoutier", de Noirmoutier ;
58 - GUITTONNEAU (Jacques), 26 ans, fermier, d'Apremont ;
59 - DELAROZE (Jean), 30 ans, laboureur, d'Apremont ;
60 - TESSIER (Honoré), dis Joussemin, marchand, "ci-devant sergent de la terre d'Apremont", d'Apremont ;
61 - LATOUCHE (Germain), 31 ans, chirurgien, d'Apremont ;
62 - GOUPILLEAU (Jacques), 59 ans, notaire, d'Apremont ;
63 - FRADET (Louis), 58 ans, notaire et "ci-devant notable", d'Apremont ;
64 - DELAROZE (René), 26 ans, sans profession, d'Apremont.

Le 18 mai, à trois heures du soir :

65 - POICTEVIN (Suzanne), femme de Jacques-Louis de La Rochefoucauld, 78 ans, "ci-devant noble", de la Boislivière d'Apremont ;
66 - DESNIOT (Alexandre), 41 ans, laboureur, de Saint-Christophe-du-Ligneron.

Le 21 mai :

67 - ROQUAND (Jacques), 60 ans, laboureur, à la Fourragerie, de Saint-Christophe-du-Ligneron ;
68 - GRIVET (Jean), 40 ans, tisserand, de Commequiers.

Le 24 mai :

69 - GUILBAUD (René), 22 ou 23 ans, domestique, de la Chapelle-Hermier.

Le 20 septembre :

70 - VIAUD (Etienne-Benjamin), 31 ans, marin, de Barbâtre ;
71 - BOURASSEAU (René), 56 ans, maréchal et "ci-devant procureur de la commune", de Girouard.

Le 2 octobre :

72 - D'ANGÉLY (Antoine), 59 ans, ancien garde du corps et chevalier de Saint-Louis, de la Grossetière de Sainte-Foy ;
73 - RATOUIS (Jean), 54 ans, laboureur, de la Ferrière.

Le 6 novembre, à deux heures :

74 - JOUSSEAUME (Jacques), 52 ans, tisserand, de Landevieille.

Le 27 frimaire, an II (17 décembre 1793) :

75 - DEPAUD (Pierre), 38 ans, laboureur, de la Boissière ;
76 -REMAUD (Louis), 39 ans, fermier, de Sainte-Flaive ;
77 - DOUX (Louis), 58 ans, fermier et maire, de Commequiers ;
78 - GRONDIN (Barthélémy), 62 ans, journalier, de Commequiers ;
79 - GARANDEAU (Jacques), 35 ans, laboureur et notable, de Sainte-Flaive ;
80 - TOUBLAUD (Etienne), 65 ans, maréchal-taillandier, de Commequiers ;
81 - MARTINEAU (Pierre), 49 ans, laboureur et cabaretier, de Beaulieu.

Le 25 nivôse (14 janvier 1794) :

82 - TROUSSICOT (Pierre), 33 ans, maréchal-ferrant, de Commequiers ;
83 - ROBERTEAU (Marie, femme Martineau, 40 ans, de Beaulieu ;
84 - SIRE (Jacques), 50 ans, journalier, de Commequiers ;
85 - NICOLLEAU (Jean), 37 ans, marchand, de Commequiers ;
86 - JUTARD (René), 25 ans, domestique, de Commequiers ;
87 - ROY (François-Aimé), 63 ans, maître d'école, d'Aubigny ;
88 - LEFEVRE (Florence-Marguerite), femme Obirne, 50 ans, de Beauvoir ;
89 - BERNARD (Jacques), 20 ans, laboureur, de Beauvoir ;
90 - GAILLON (Louis), 22 ans, laboureur, de Noirmoutier.

Le 5 pluviôse (24 janvier 1794) :

91 - THOMAZEAU (Jean), 45 ans, fermier, de Saint-Paul (?) ;
92 - DE LA TOUSCHE DE LA LIMOUSINIERE (Marie-Adélaïde), épouse de Pierre de La Rochefoucauld, 30 ans, "ci-devant noble", de Puyrousseau, en la Garnache.

Le 2 ventôse (20 février 1794), fusillé :

93 - MAINGUET (Pierre), secrétaire de la municipalité de la Chapelle-Hermier.

Le 5 ventôse (23 février 1794), exécutés :

94 - CHIRON (François), 40 ans, laboureur, de Commequiés ;
95 - BAZIN (Pierre), 32 ans, journalier, de la Ferrière ;
96 - BIRON (Pierre), 35 ans, journalier, de Commequiers ;
97 - DOUIN (François), 30 ans, tisserand, du Bernard ;
98 - FRUCHARD (Louis), 23 ans, domestique, de Landeronde ;
99 - MALARD (Pierre), 18 ans, laboureur, de Saint-André-d'Ornay ;
100 - CHARRON (Pierre), 26 ans, meunier, de Saint-Hilaire-de-Riez.

Le 6 ventôse (24 février 1794) :

101 - PHELIPPAUD (Jacques), 55 ans, laboureur, de Dompierre.

Le 7 ventôse (25 février 1794) :

102 - MULONNIERE (Perrine), veuve Cantin, dite la Chauvière, 47 ans, de Falleron ;
103 - ESNARD (Louis), 17 ans, laboureur, de la Roche-sur-Yon ;
104 - POUVREAU (Nicolas), 46 ans, journalier, de Châteauneuf.

Le 12 ventôse (2 mars 1794) :

105 - RABILLÉ (Pierre), 50 ans, laboureur, d'Aizenay ;
106 - BRANCARD (Pierre), 62 ans, laboureur, de la Ferrière.

Le 19 ventôse (9 mars 1794) :

107 - MOREAU (Jean), 49 ans, laboureur, de Saint-Hilaire-de-Riez ;
108 - POUCLET (Jacques), 32 ans, farinier, de la Chapelle-Hermier.

Le 27 ventôse (17 mars 1794) :

109 - MÉCHINE (Louis), dit Desgravière, 55 ans, chirurgien, de Coëx.

Le 28 ventôse (18 mars 1794) :

110 - GUILLOTON (Pierre), 70 ans, laboureur, d'Aizenay ;
111 - VRIGNON (Jacques), 58 ans, tisserand, de la Chapelle-Achard.

Le 1er germinal an II (21 mars 1794) :

112 - GAZEAU (Louis-Charles), dit Boissière, 80 ans, "ci-devant noble", brigadier des armées du "ci-devant roi", de Grosbreuil.

Le 8 germinal (28 mars 1794) :

113 - RABREAU (Michel) 42 ans, agriculteur, de Fenouiller.

Le 17 germinal (6 avril 1794), fusillés :

114 - CHABOT (François), 41 ans, marchand, de Challans ;
115 - RIOUX (Louis-René-Simon), 61 ans, agriculteur, de Coëx ;
116 - TRICHET (Jacques), 42 ans, laboureur, de la Chapelle-Hermier.


Soit un total de cent seize victimes brutalement immolées, en quelques mois, pour leur fidélité religieuse et politique, et immolées - entendez-le bien, Monsieur l'inspecteur - avec l'accompagnement obligé de la Marseillaise.

A cette époque - vous ne refuserez pas de le reconnaître - le "Chant sacré de la Patrie " avait bien quelque chose "à voir avec nos discordes civiles". Mais vraiment, vous eussiez mieux fait, dans l'intérêt de la cause que vous prétendez servir, de ne pas me contraindre à rappeler ici quelques-uns des innombrables crimes perpétrés en son nom.

Reste maintenant à savoir si les petits-fils des égorgés de 1793 laisseront imposer à leurs enfants les sanguinaires refrains, au chant desquels tombaient jadis les têtes de leurs ancêtres !

RENÉ VALLETTE
Fontenay-le-Comte - 1886
Bibliothèque du comte de Chabot

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