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La Maraîchine Normande
28 mars 2013

LES ÉCHAUBROGNES ♣ LOUMOIS

En face du château de Maulévrier, vers le midi, s'élevait encore à la fin du dernier siècle le manoir de Loumois. La Moine, née à quelques kilomètres de là, vient en serpentant jusqu'au pied du tertre sur lequel est assis le premier ; elle baignait pareillement les murailles du second, situé vers le bas du coteau qui lui fait face. Ce n'est que depuis peu, que le cours de la petite rivière a été redressé. Le riant vallon, au milieu duquel ce ruisseau serpente doucement, était prédestiné par son assiette tranquille a être ch¤isi de bonne heure comme lieu d'habitation. Dès le milieu du XVIe siècle, le chevalier qui habitait l'hébergement de Loumois, faisait à nouveau la pieuse fondation que nous all¤ns rapporter, et il ne fait que rebâtir la chapelle qui en assurera le service. Le site est toujours demeuré charmant ; mais chapelle et manoir ont disparu depuis longtemps.

Jadis des chênes gigantesques formaient comme une ceinture au manoir ; les chênes ont disparu à leur tour, ou plutôt, un seul est demeuré, mais au lieu de protéger les tourelles du vieux castel, il n'a plus pour emploi que de garder contre les rayons du soleil les instruments aratoires du fermier qui encore ici, a remplacé les anciens seigneurs. Mais, si le castel n'existe plus, du moins son souvenir n'est pas entièrement effacé, et grâce à une précieuse charte du Bénédictin D. Fonteneau, nous allons pouvoir faire un instant de revivre un passé vieux déjà de cinq ou six siècles.

"Année 1342, 7 mai - Confirmation faite par Jean, évêque de Maillezais, d'une chapelle fondée par Rainaud de Trocha, chevalier seigneur de Lomaye, dans son hébergement de Lomaye situé près de Maulévrier et dans la paroisse Saint-Hilaire d'Echaubrognes." (Original. Abbaye de la Grènetière. Dom Fonteneau IX, page 270).
"Frère Jean, par la volonté de Dieu, évêque de Maillezais, à tous ceux qui les présentes verront et entendront, salut en celui qui est appelé le vrai salut. Savoir faisons à tous que par devant nous, noble Rainaud de Trocha, chevalier, seigneur de Lomaye en son hébergement situé près de Maulévrier et dans la paroisse de Saint-Hilaire d'Echaubrognes de notre diocèse de Maillezais, préoccupé de son salut par un mouvement de pieuse religion, après s'être en préalable assuré de notre vouloir et consentement, en l'honneur de la sainte et indivisible Trinité, de la glorieuse Vierge Marie et de tous les saints, pour le salut de son âme, celui de ses parents et amis, a de nouveau fondé une chapelle dans son hébergement de Lomaye. Cette chapelle il l'a dotée ainsi que son chapelain, sur ses biens et revenus propres. Il a légué à perpétuité pour son entretien et celui de son chapelain une terre au village appelé communément la Roche-Vitet, avec tous ses droits et appartenances, dans un fief du susdit seigneur, situé dans la paroisse de Saint-Hilaire d'Izernay. En outre, cinq septiers de seigle, mesure de Maulévrier, que Jehan Audebaud, seigneur de la Péronère, doit comme revenu annuel et perpétuel lui payer sur sa dîme du Grore, paroisse des Aubiers, lesquels cinq septiers de seigle, mesure susdite, ledit Audebaud est tenu de livrer audit noble homme tous les ans, soit au manoir de Lomaye soit à Maulévrier, le dimanche qui suit l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, donne de plus ledit seigneur deux cantons de vigne à lui appartenant situés près de Méhondu, au Champ de Bataille (?) en la châtellenie qu'on nomme communément ... quitte et nette de toute redevance, sauf la dîme que le chapelain d'alors sera tenu ... (déchiré) ... d'Aubigné ... En outre ledit seigneur a donné à la Châtellenie et au chapelain cinquante sols en monnaie courante de revenu annuel et perpétuel. A savoir vingt-cinq sols pris et assignés sur sa terre de la Poiteguinière, sise en la paroisse de Saint-Pierre d'Echaubrognes, payables et rendables chaque année en la fête de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, et dix sols de la susdite monnaie, prélevés et établis sur la Basse-Lande, près de la terre et pacage aux Maousseaux en la paroisse de Saint-Hilaire d'Echaubrognes, payables et rendables à perpétuité chacun an au saint jour de Pâques, et quinze sols à prendre sur les cens et redevances autres que ledit seigneur possède et a coutume de percevoir en la paroisse de Maulévrier, payables à perpétuité, chacun an en la fête de Saint-Aubin.
Ledit seigneur transfère à ladite chapellenie et au chapelain qui y sera nommé tous les titres de propriété et de possession dont lui-même jouit ou peut jouir sur les choses susdites. Mais pour lui, et pour ses héritiers à venir, seigneurs de Lomaye, selon qu'ils seront au moment, ledit seigneur se réserve douze deniers de redevance franche sur toutes les choses susdites, et ce, à perpétuité et payables chacun an, par le chapelain qui y sera, le dimanche d'après la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, pour toute redevance féodale.
En fondant la dite chapelle le seigneur de Lomaye pour lui, ses héritiers, ses successeurs ou ses ayants-cause a retenu le droit de patronage ou de représentation, droit expressément exercé cette première fois, et qui le sera pareillement, autant que ce soit.
Ce droit de patronage ou droit de présentation, nous le réservons au dit seigneur et à ses héritiers, et ayants-cause et gardons collation et institution du chapelain de ladite chapellenie, toutes les fois que le cas se présentera.
De plus ledit seigneur, dans la fondation de cette chapellenie a ordonné que le chapelain serait tenu rigoureusement à célébrer trois messes chaque semaine en la chapelle dudit hébergement de Lomaye réédifiée par ledit seigneur, à savoir, la première pour les défunts, la seconde de l'Esprit-Saint, la troisième de la Bienheureuse Marie, mère de Jésus-Christ. Et pourra ledit seigneur ou tout autre qui possèdera ledit domaine de Lomaye, faire célébrer l'office divin par son chapelain ou un autre prêtre approuvé, chaque dimanche, aux fêtes solennelles de Noël, de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte, de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge marie, et de Tous les Saints, à voix basse, secrètement, à huis clos, avant la messe paroissiale, en présence du châtelain ou de la châtelaine, de leurs enfants et des amis qui peuvent leur survenir, à l'exclusion, toutefois, des excommuniés et des interdits. Mais la messe paroissiale dite aux jours sus-énoncés, l'office divin pourra être célèbre solennellement. Que si le chapelain célèbre le dimanche, il ne sera ensuite tenu qu'à deux autres messes dans la semaine. Dans la susdite chapelle ne pourront être célébrées, les obsèques, à moins qu'il n'en ait été autrement statué par l'autorité. La bénédiction suptiale n'y sera donnée, et les relevailles n'y seront faites qu'autant que la permission en aura été obtenue de la part de qui de droit.
A tous ces arrangements, Guillaume Tiffanelli, prêtre, curé de Saint-Hilaire d'Echaubrognes, en la paroisse de qui est situé ledit hébergement a été présent, et a souscrit en tout ce qui pouvait concerner son église ou le regarder lui-même ; et il a été convenu entre ledit seigneur et le curé susnommé que le chapelain institué dans ladite chapelle lèvera et gardera toutes les offrandes qui pourront être faites dans la chapelle. En retour de ces concessions, ledit seigneur s'engage pour lui et ses successeurs dans ledit hébergement, à payer à perpétuité et chacun an, comme rente à ladite église paroissiale de saint-Hilaire d'Echaubrognes et à son curé, et cela de sa propre main, la somme de dix sols en monnaie ayant cour, le lendemain de la Saint Aubin. Cette somme est assurée sur ledit hébergement, engagé à cet effet. En outre, ledit seigneur a réglé et statué que le chapelain, pour lors nommé à ce bénéfice aura place à la table du manoir seigneurial trois fois en chaque semaine, à savoir chacun des jours où il célébrera la messe dans ladite chapelle. Et le même seigneur s'est engagé pour lui et ses successeurs à fournir pour la chapelle un luminaire suffisant, et à tenir ladite chapelle dans le même état de décence que sa propre maison, à pourvoir le chapelain de toutes les choses qui lui seront nécessaires dans l'exercice de ses fonctions (Et le reste est de style)."
Donné à Maulévrier, le jour du mardi qui a précédé l'Ascension, l'an du Seigneur 1342.

Plusieurs passages de la susdite charte, effacés ou lacérés, rendent obscures quelques-unes des clauses de la pieuse fondation. D'ailleurs, dit D. Fonteneau, il y a dans l'original quantité de fautes contre la grammaire ; il paraît que le secrétaire ou notaire entendait mal le latin.

Jean 1er succéda sur le siège épiscopal de Maillezais, vers 1333, à Geoffroi II de Pons, et il tint le siège dix ans. On ne connaît de lui que la pièce que nous venons de citer, ce qui la rend doublement précieuse. Admirons quel soin prend le vieux seigneur afin que rien ne manque à son oeuvre ; car l'on sait combien ce mélange de dons, restreints par des redevances féodales et que nous retrouvons ici comme dans toutes les fondations et donations de l'époque, était une source féconde de procès et de chicanes. Un chapelain est institué, afin de prier pour le salut du chevalier et de sa famille ; on règle ses appointements, il est en outre assuré de trouver toujours au manoir le repos qui doit suivre l'exercice de ses fonctions saintes. Les pieuses offrandes des fidèles ne pouvant plus avoir pour but l'entretien de la chapelle, puisque ledit seigneur se charge de ce soin, viendront grossir la provende de l'aumônier. Il y a lieu de ne point froisser le curé de la paroisse sur laquelle est situé le manoir ; on prend son avis, et l'on indique minutieusement les moyens pour l'indemniser de la perte des offrandes, etc. Mais on se réserve bien expressément le droit de nomination au bénéfice, et nous voyons dans une autre charte du même D. Fonteneau, que plus de 230 ans après, le 1er juin 1574, Henri d'Escoubleau, évêque de Maillezais, charge son vicaire général, Antoine de Beaumont, prieur de Notre-Dame de Coron, de conférer la chapellenie devenue vacante, par le mariage de Charles de Lomaye, écuyer. Tout se passait donc encore comme il est prescrit dans l'acte de fondation, et nous voyons en outre que la famille du donateur n'était pas éteinte à la fin du XVIe siècle.

"Antoine de Beaumont, prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame de Coron, chanoine prébendé de l'église collégiale, royale et séculière de Saint-Hilaire le Grand de Poitiers et vicaire général du révérend Père et seigneur en J. C. Henri d'Escoubleau, par la grâce de Dieu et la volonté du siège apostolique, évêque et seigneur de Maillezais, confère la chapellenie de Tous-les-Saints, sise au manoir du seigneur de l'Homaye, paroisse de Saint-Hilaire de Echaubrognes, de ce diocèse, devenue vacante par le mariage de noble homme Charles de L'Homaye, écuyer ... dont la présentation appartient au prochain héritier de la maison noble et de la famille noble de L'Homaye. Le dixième jour de juin, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil cinq cent soixante quatorze."

L'original de cette pièce est, dit D. Fonteneau, dans les archives de l'abbaye de la Grenetière. Il est scellé d'un grand sceau de l'évêque de Maillezais qui est parti d'azur et de gueules, à la bande d'or, brochant sur le tout, surmonté d'une crosse et d'une mitre : ce sont les armes de Sourdis.
Comme toute chose ici-bas, notre chapelle eut ses vicissitudes, puisque, dédiée en 1342 à la Sainte Trinité, à Notre-Dame et à Tous-les-Saints, elle se trouve dans un pouillé du diocèse de la Rochelle, datant du XVIIIe siècle, désignée sous un nouveau vocable, celui de Sainte-Emérence. Le secret de ce changement pourrait sans doute être demandé à nos terribles guerres de Cent Ans, ou à celle dites de Religion.

Détruite à l'une de ces époques, elle aura été reconstruite, et pour une cause restée inconnue, dédiée à la jeune compagne de la gracieuse sainte Agnès. Mais ce n'était pas encore la dernière de ses transformations, si j'en crois le dire du fermier de Loumois, car au moment de la Révolution, elle aurait été dédiée à sainte Néomaye, qu'on nommait vulgairement sainte Remoise, et même pour le cas présent, sainte Loumoise, et qu'on venait invoquer là contre la migraine et les maux de tête. La chapelle d'alors n'avait point de voûte, mais un simple plafond, elle pouvait contenir une soixantaine de fidèles. Le chapelain avait des revenus sensiblement diminués, et faisait sa résidence à Maulévrier. Le vieux logis qu'on n'a achevé de démolir que vers le commencement de ce siècle avait dû être l'objet d'une restauration, vers 1738 ou 1740, car des pierres, utilisées depuis dans d'autres constructions, portent ces millésimes.

Il était situé vers le milieu du pré qui est au-dessous du jardin, il avait sept tourelles, dont une, celle qui était à gauche du portail, existe encore. Célestin Port, s'aidant des notes de M. Boutillier de Saint André, nous fournit la continuation de l'histoire des châtelains de Loumois ; et, nous l'allons voir, la seconde partie est un peu moins édifiante que la première.

"Loumois, ancienne seigneurie détachée par Jacques de Montbron, de sa terre de Maulévrier, au profit des trois enfants adultérins, qu'il avait eus d'Iolande d'Escoubleau de Sourdis. Leurs armes rappelaient poétiquement cette origine, et portaient : de sable, semé de larmes d'argent, sans nombre, et pour timbre une tête de femme, les cheveux retroussés de devant en arrière, comme sortant du bain. Elles s'y voyaient encore au XVIIe siècle gravées sur un tuffeau, au haut d'un ancien pavillon attenant à la chapelle ; et la terre, qui à défaut d'héritier légitime devait faire retour au comté, appartenait encore, vers 1620, à la descendance des Montbron. En est sieur Jean de Bailleul, en 1688. François de l'Estoile, en 1699, qui y présidait avec sa femme Thérèse de Bailleul. Sa famille y demeurera jusqu'à la Révolution. Vendue nationalement, la terre appartenait en 1810 à M. Rocquet de la Brunière, qui l'a léguée à Mme Cesbron de la Roulière."

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La voie de fer, qui se trouve près de là, a été inaugurée le 23 décembre 1868. Elle franchit la Moine sur un viaduc en granit du pays, comprenant sept arches de 12 mètres d'ouverture, ensemble d'une longueur de 117 mètres et dont le parapet, en pierre de tonnerre, domine d'une hauteur de trente mètres toute la riante vallée. Sur le coteau qui fait face à l'ancienne gentilhommière et au château de Maulévrier, dans son assiette pittoresque, une croix, elle aussi dégradée, déjà noircie par le temps, marque le lieu, où, le 1er septembre 1847, à quelques pas de son orgueilleuse demeure, succombait, victime d'un accident de chasse, à l'âge de 15 ans, Paul Edouard Victurnien Colbert de Maulévrier, le dernier rejeton de la branche aînée de cette famille.

P1130932

On voyait il y a une quarantaine d'années, près de là, au Croisant de la Touche, deux gros blocs de pierre déterminant, de chaque côté du chemin conduisant à Loumois, le point extrême ou pouvaient s'avancer jadis les limiers du puissant seigneur de la Sévrie, sur les confins du domaine des barons de Maulévrier, et non loin de là, encore, le long d'un chemin faisant maintenant partie du parc, s'élève, isolé, un grand portail, surmonté de l'écusson des Gouffier et accosté d'une porte basse. C'était l'entrée pour laisser passer le même seigneur de la Sévrie pour exercer ce droit de chasse jusque dans les avenues du château.

Revue historique de l'Ouest
1901

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