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La Maraîchine Normande
27 mars 2013

1815 ♣ COLLEGE DE VANNES ♣ UNE VAILLANTE ARMÉE D'ÉCOLIERS CONTRE LES BONAPARTISTES ♣ 5ème partie

EPISODE DE 1815

SOUVENIRS D'UN ÉCOLIER

par P.M. BAINVEL, curé de Sèvres

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CHAPITRE V

AURAY, LE 21 JUIN

Les royalistes se hâtèrent de profiter de leur victoire ; à peine s'ils prennent quelque repos. Le lendemain matin, ils sont à Folleu, sur la Villaine, pour recevoir ces armes et ces munitions dont ils avaient un si grand besoin. Des milliers de fusils, de sabres, de gibernes, des canons, des obusiers, des caiss¤ns, une grande quantité de poudre, sont débarqués aux applaudissements et à la grande satisfaction de tous. La vue d'une immense quantité de s¤uliers dont l'armée commençait à manquer et qui furent distribués de suite causa surtout une grande joie parmi nous.

Maintenant que les collégiens ont fait leurs preuves, et qu'ils ont été proclamés la première compagnie de l'armée, on leur fait les honneurs des premières caisses de fusils. Tous veulent avoir un de ces beaux fusils neufs, sans calculer dans leur empressement inconsidéré, qu'ils sont lourds et pesants ; il sera trop tard pour un grand nombre, quand ils feront cette réflexion.
Après ce débarquement si heureusement opéré et les différents convois mis en sûreté, les royalistes ne demandaient qu'à se mesurer avec l'ennemi. Aujourd'hui bien armés et riches en munitions, que peuvent-ils redouter de ces différents corps sortis de Nantes, de Rennes, et dont les têtes de colonnes ne sont plus qu'à quelques pas d'eux, à la Roche-Bernard ?

Les bleus firent bien de les laisser passer, sans dire mot, et de se dérober devant eux ; car maintenant on marche au grand jour, on dédaigne les sentiers détournés, les chemins de traverse ; on se donne le luxe des routes royales, sur lesquelles roule de belle et bonne artillerie. Jamais l'armée n'avait été aussi brillante, aussi exaltée, aussi enthousiaste. Les volontaires arrivaient en masse ; à Rochefort, où l'armée séjournera plusieurs jours, au milieu de différents corps ennemis qui l'observaient et n'osaient l'attaquer sérieusement, on dansait tous les soirs, et il n'y a pas de médisance à dire qu'un bon nombre d'écoliers ne se firent pas faute de prendre leur part de ces joyeuses danses ... Rochefort était devenu pour nous une petite Capoue ; ce serait bien mal de reprocher aux royalistes ces quelques heures de bon temps et de repos ; car bientôt ils auront à supporter de rudes fatigues et à livrer de nouveaux combats.
En attendant ces coups à donner ou à recevoir, la police et l'espionnage travaillaient de leur mieux et allaient bon train ; tous les jours on en avait de nouvelles preuves. A notre départ des rives de la Villaine et avant d'arriver à Rochefort, les artilleurs avaient arrêté un petit garçon de 13 à 14 ans, qui s'était faufilé au milieu de leurs caissons. Il n'y avait pas de doute, c'était un espion ; mais l'enfant, avec une étonnante présence d'esprit et de grand sang-froid, répondait à toutes les questions sans se compromettre. Il avait été soigneusement fouillé ; on n'avait rien trouvé sur lui ; les menaces et même quelques bourrades ne purent l'intimider. Que faire de cet enfant, que l'on ne peut pas cependant renvoyer par prudence ? On l'adresse aux écoliers : le malheureux enfant se mourait de fatigue et d'effroi. Nous l'accueillons avec bonté et on en prit tous les soins possibles. Confié à quelques jeunes élèves d'un caractère doux et insinuant, l'enfant ne tarda pas à se montrer reconnaissant, et, de lui-même, demanda à livrer son secret : il portait, renfermée dans de doubles semelles, une importante correspondance ; les écoliers adoptèrent alors cet enfant, et, comme il n'avait pas de tambour, on donna une caisse au petit espion, déjà presque artiste en baguettes. Plus tard ce jeune homme, qui se conduisit fort bien, entra comme tambour dans la légion de Morbihan.

Au milieu de cette prospérité des royalistes, l'ennemi ne s'endormait pas. Presque tous les jours on échangeait des coups de fusil ; cette tactique de sa part continua jusqu'à ce que le général en chef Bigarré, commandant la 13e division militaire, eut opéré la réunion de toutes ses forces. Pendant que cette attaque se préparait, il arriva de tristes nouvelles de la Vendée.
L'arrêté de Falleron, du 31 mai, terminait la guerre sur la rive gauche de la Loire, et, suivant toutes probabilités, le général Travot viendrait en aide au général Bigarré pour écraser le Morbihan : ce qui mit le comble à nos inquiétudes, ce fut la nouvelle de la mort de Louis de Larochejaquelein, tué le 3 juin au combat des Mathes. Pour nous collégiens, ce nom résumait tout le royalisme, toute la Vendée. Il n'y en avait pas un seul parmi nous, quelque jeune qu'il fût, qui ne répétât souvent admiration, avec enthousiasme, ces belles paroles du premier Larochejaquelein, cette héroïque harangue d'un général de 21 ans, commandant à cent mille Vendéens : "Si j'avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi." Y a-t-il quelque chose de plus beau dans l'antiquité ? Heureuse Bretagne, d'avoir donné le jour à de si nobles fils et de leur avoir inspiré de si généreux sentiments !
Devant de si graves évènements, le courage des Morbihannais ne faiblira pas. Comme la vertu, l'énergie de ces populations si dévouées semble se retremper dans l'adversité ! Sans cesse de nouveaux corps viennent rejoindre l'armée royale, et les volontaires qui sollicitent des armes comme une faveur sont si nombreux, que toutes les ressources du débarquement de Folleu sont déjà épuisées.

Dans les prévisions de prochaines et inévitables collisions, il fut décidé qu'un nouveau débarquement d'armes et de munitions aurait lieu dans la baie de Carnac.
Dans les mêmes prévisions sans doute, le général Bigarré avait opéré à Ploërmel la réunion d'une nombreuse armée, qui se composait des bataillons d'artillerie de marine venant de Brest et de Lorient, des garnisons de Rennes, de Vannes, de Pontivy, de Saint-Malo et de toutes les troupes disponibles dans la 13e division militaire, et même de plusieurs détachements tirés de Nantes.
Dans ces entrefaites, l'armée royale arriva à Auray et occupa cette ville.
De son côté, le général Bigarré veut l'attaquer avec toutes ses forces divisées en quatre corps. Le principal, qu'il commande lui-même, fort de quatre mille hommes, se portera sur Auray par Grandchamp, le second par Pluvignier, le troisième par Landevant, et le quatrième par Vannes.

Auray est une ville importante par sa position et intéressante par ses souvenirs historiques. A la porte de cette ville, on voit l'ancien couvent de la Chartreuse et son église de Saint-Michel, monument de triomphe et de victoires. C'est là que se décida, le 29 septembre 1364, la grande question, soutenue d'un côté par la France et de l'autre par l'Angleterre de la souveraineté entre les maisons de Penthièvre et de Montfort. Là périt Charles de Blois : là Duguesclin fut fait prisonnier par Chandos ; mais, comme par compensation, cette petite colline s'appelle encore le cimetière des Anglais. Cette contrée, remplie de calme, riche d'agréables paysages et de vues riantes, serait-elle donc condamnée à n'être célèbre que par des souvenirs de guerres civiles ? Presque à vos pieds, au milieu de ces vertes prairies, qu'on appelle le Champ-des-Martyrs, s'élève encore un autre monument sacré, mais celui-là est un monument de deuil et de regrets.
A Quiberon, les émigrés avaient mis bas les armes sous la foi et les garanties d'une capitulation : au mépris de la foi jurée, en violation de toute justice et de tout droit des gens, les républicains vainqueurs les fusillèrent en masse. C'est dans ces silencieuses vallées que se sont accomplis ces tragiques évènements. Cette église solitaire, qui a la forme d'un vaste tombeau, a été élevée pour en perpétuer le souvenir !

Le combat qui va se livrer demain aura pour théâtre ces mêmes champs, témoins de si grandes luttes et de si tristes hécatombes. Le sang français, versé par la main des Français, coulera donc encore dans ces lieux néfastes, sur ce sol, qui serait maudit si la croix n'y dominait de tous côtés en signe de pardon et d'expiation !!!
Dans l'après-midi du 20 juin, les collégiens furent désignés pour défendre le pont de Saint-Goustan, qui devait être le point de la principale attaque, puisque l'ennemi venait d'occuper Sainte-Anne. Mais dans la nuit, le général Bigarré, par une contremarche, se porta sur le pont de Brech, dont il s'empara. Cette manoeuvre hardie lui permit de porter toutes ses forces contre l'extrême gauche des royalistes, et décida du sort de la journée.
A la première nouvelle de ce changement de position, les écoliers se replièrent sur Auray et bivouaquèrent toute la nuit sur la grande place de l'Hôtel-de-Ville, où s'était établi le quartier général ; les écoliers en occupèrent les postes. Pour se distraire des ennuis d'un bivouac, au moment d'une bataille qui commençait (il était quatre heures du matin), plusieurs se réunirent dans une salle qui avait servi de théâtre pour déclamer des vers de Racine et de Corneille, au bruit de la fusillade qui se rapprochait de plus en plus : que la jeunesse a d'heureux privilèges !

Depuis bientôt deux heures la bataille était commencée. L'ordre arriva enfin à la légion Margadel de se porter en avant. Malgré des efforts désespérés, Cadoudal, Gambert, Sécillon, de Francheville, Galles et le Thiec, qui malheureusement n'avaient pu se présenter en bataille qu'isolément et successivement, avaient été obligés de céder à un ennemi plus nombreux, marchant en colonnes serrées. Le feu des royalistes avait cependant été terrible dans ces attaques successives ; la légion Margadel, à la tête de laquelle marchaient toujours les écoliers, s'avance pour couvrir la position de la Chartreuse, défendue par une demi-batterie. Les écoliers sont placés en avant, sur une petite colline dominant le Champ-des-Martyrs.

Déjà les tirailleurs ennemis débordent cette position de tous les côtés, et la colonne serrée continuait de s'avancer : les collégiens sont en face. Alors commença une fusillade acharnée entre ceux-ci et des fédérés de Rennes, élèves des écoles de droit et de médecine de cette ville. Cette lutte, si elle se fût prolongée, eût été affreuse ; heureusement la retraite fut ordonnée, et les collégiens obligés de suivre le mouvement. Dans cette triste mêlée furent tués le sous-lieutenant Questel, le caporal Colomban-Rio et Grégoire. Les fédérés furent encore plus maltraités ; le général Bigarré reçut une blessure presque mortelle.
Les écoliers, pour retarder autant que possible la marche de l'ennemi, s'embusquèrent dans les jardins de la Chartreuse : chose singulière ! ce fut à l'abri de ces petits pavillons, habités autrefois dans le silence et la solitude par de pieux cénobites, qu'ils purent un instant prolonger leur résistance. Les pieuses ombres des anciens habitants de ces lieux, où régnaient le calme et la paix, durent s'indigner de voir troubler leur repos par ces bruits de guerre et de carnage !

A l'entrée d'Auray, le comte de Francheville, avec à peine deux cents hommes, put retarder une demi-heure la marche victorieuse de l'ennemi, qui pénétra enfin dans la ville. MM. de Moëslien, de Langle, Ducoëdic, Dagoru, à la tête de quelques braves qu'ils ont réunis, par un suprême effort, veulent encore dans les rues résister à l'ennemi ; ils périssent tous ... De Moëslien seul survit miraculeusement à sept Blessures.
C'en était fait, la victoire s'était prononcée contre les royalistes, dont toutes les lignes ont été rompues : forcés de se replier dans différentes directions, ils laissent l'ennemi prendre possession de la Ville d'Auray.
Vers midi, les écoliers passèrent le pont de Saint-Goustan, avec ordre d'en disputer le passage à l'ennemi. Ce pont était destiné à être un théâtre de guerre pour les écoliers : la veille, ils devaient y combattre pour empêcher l'ennemi de pénétrer dans la ville, aujourd'hui c'est pour l'empêcher d'en sortir.

Les collégiens s'emparent donc des maisons du faubourg qui commandent le pont et s'y défendent avec acharnement, jusqu'à cinq heures du soir, non sans voir s'augmenter le nombre de leurs camarades blessés, entre autres le brave Mahé, de Vannes, qui reçut à la main une dangereuse blessure, et Jiquello, qui fut blessé à la tête.
Dans cette circonstance critique, un jeune caporal de la compagnie, Guillôme, aujourd'hui curé de Kergrist, donna une preuve bien remarquable de courage et de présence d'esprit. Ce brave écolier rallia un assez grand nombre de marins, à la tête desquels il fit pendant plusieurs heures une résistance opiniâtre qui empêcha l'ennemi de faire sa jonction avec la colonne sortie de Vannes.
Il fallut enfin se décider à quitter ce poste dangereux ; car une fusillade, se rapprochant de plus en plus sur nos derrières, annonçait la prochaine arrivée d'une nouvelle colonne ennemie ; un fort détachement d'écoliers fut envoyé en tirailleurs contre ces troupes, pour couvrir notre retraite sur Sainte-Anne et Plumergat. Il y eut encore des écoliers blessés dans cette dernière rencontre ; mais les écoliers avaient fait leur devoir ; s'ils avaient été les derniers à se présenter au combat, ils furent aussi les derniers de tous à le soutenir.

Nous arrivâmes à Plumergat, harassés de fatigues et remplis d'inquiétudes sur le sort d'un grand nombre de nos camarades que nous savions blessés ; et, pour que rien ne manquât à nos pertes, deux de nos camarades furent faits prisonniers. L'un était le caporal Dagorn, brave et énergique jeune homme ; l'autre Le Lohé, à peine remis de la blessure qu'il avait reçue à Redon. Ils furent pris en voulant traverser un petit bras de mer. Avant de se rendre, ils jetèrent à l'eau toutes leurs armes, disant ironiquement aux soldats qui les arrêtaient "qu'on ne pouvait pas les accuser d'avoir été pris les armes à la main". Après l'affaire de Sainte-Anne, les royalistes avaient renvoyé tous les prisonniers sans exception ; les bonapartistes ne furent pas si généreux, nos condisciples restèrent en prison jusqu'à la pacification ...

Plus de vingt-cinq ans après ces évènements, l'écolier qui avait été le capitaine de ses camarades, et, comme beaucoup d'entre eux, devenu prêtre, se rencontra à Versailles avec M.D.V., homme distingué par ses qualités personnelles et ses talents d'artiste, comme peintre et statuaire. On parlait de la Bretagne dans cette réunion.
"Vous aimez donc bien votre pays ? dit à l'ecclésiastique M.D.V. Moi aussi j'aime la Bretagne, quoique j'aie pensé y laisser mes os, non pas dans mon lit, mais au combat d'Auray, où je fus blessé dangereusement en 1815."
A ce mot de "combat d'Auray", le prêtre inquiet demanda, par mesure de précaution, sous quel drapeau ?  Impérial, répondit-il. "J'avais 17 ans, j'étais au collège de Rennes ; fils d'un officier supérieur de la garde, mon père m'avait appris à adorer l'empereur ... J'entrai donc dans les fédérés pour aller combattre le collège de Vannes, qui s'était insurgé pour les Bourbons".
"A l'attaque d'Auray, les fédérés de Rennes obtinrent du général Bigarré de marcher en tête pour se mesurer avec les collégiens de Vannes, qui se trouvaient aussi en avant du côté des royalistes. J'aperçois à quelques pas des siens le capitaine des écoliers : je le vois encore (il ne savait pas si bien dire), vêtu d'un habit noir, un fusil à la main, un ruban blanc au bras gauche ; poussé par mon enthousiasme, je devance les miens, et, presque à bout portant, je tire sur l'officier des collégiens : il me riposte en même temps, et je tombe frappé d'une balle qui me traversa le corps : quant à lui, j'ignore s'il a été tué ou seulement blessé."

Le prêtre écoutait avec une grande émotion le récit d'un fait qui n'était jamais sorti de sa mémoire ; mais son émotion était de joie et de bonheur ! Il avait toujours cru avoir tué son antagoniste, et, depuis qu'il était prêtre, il n'avait jamais manqué, le 21 juin, de dire la messe pour le repos de l'âme de cette victime inconnue. Plus heureux que M.D.V., le coup de fusil de celui-ci n'avait emporté qu'une basque de l'habit, en effleurant seulement la jambe gauche.
Sa joie est grande maintenant de savoir que "tous ses De Profundis" avaient été sans objet, et connaissant les généreux sentiments de M.D.V. ..., il n'hésite pas à lui avouer la part qu'il avait prise dans cette fatale rencontre. "Les deux ennemis", facilement, réconciliés, sans rancune, mais non sans être émus jusqu'aux larmes, ainsi que les témoins de cette singulière explication, s'embrassèrent de tout leur coeur. Puissent tous les Français que les entraînements politiques ont divisés et rendus ennemis se réunir ainsi et s'aimer comme les enfants d'une même patrie !
Les conséquences de la bataille d'Auray ne furent pas aussi désastreuses pour les royalistes qu'on aurait pu le faire craindre d'abord. Les ennemis avaient éprouvé une perte triple au moins en morts et en blessés, et comme leurs munitions se trouvèrent épuisées, le général Rousseau, qui remplaça le général Bigarré, ne put se mettre à leur poursuite que deux jours après : les royalistes en profitèrent pour se reconnaître.

Ce fut dans ces circonstances que l'on apprit la victoire de Ligny. Cette victoire, annoncée par les journaux comme décisive, devait amener de terribles conséquences et causer la ruine des espérances royalistes. Le Morbihan ne s'émeut pas de ces bruits que pour puiser dans son dévouement une nouvelle force et un nouveau courage. Napoléon a triomphé ! Le pays entier va se lever pour combattre le colosse victorieux, et dans quelques jours l'armée royale comptera près de vingt mille hommes ! Singulière destinée du Morbihan de se trouver debout devant Napoléon, au commencement et à la fin de sa carrière ! Le premier consul, en saisissant le pouvoir, ne trouve d'opposition à sa naissante puissance que dans le Morbihan, qui lui oppose une armée de vingt-cinq mille hommes : Bonaparte traite avec Georges, qui se soumet pour ne pas consommer la ruine du pays. L'empire a passé avec toutes ses grandeurs et ses gloires ; Napoléon veut ressaisir ce pouvoir qu'il a abdiqué, le Morbihan lui résiste de nouveau !
Quant aux écoliers, ils combattront jusqu'à la fin, quoi qu'il arrive ! et lorsque le triomphe de Napoléon aura rendu la lutte impossible, ils s'exileront volontairement : les uns iront en Russie chercher la fortune comme professeurs ; les autres, qui ne veulent pas renoncer à la vocation ecclésiastique, iront à Rome, d'où ils repartiront comme missionnaires pour aller porter l'Evangile chez les peuples barbares. Ce parti pris et arrêté, les collégiens reprennent leurs armes avec un nouvel enthousiasme et un courage retrempé dans l'adversité. Heureusement ils ne seront pas réduits à ces extrémités ; car les fils de saint Louis remonteront sur leur trône pour cicatriser les plaies de la France et lui rendre la paix et ses libertés.

Sans nous laisser le temps de respirer, le général Rousseau commença la poursuite. Ce fut le 24 juin au matin que l'ennemi, bien supérieur en forces, se montra à une demi-lieue de Saint-Jean-de-Brevelay, où les royalistes avaient passé la nuit. A la vue de l'ennemi, il fallut se remettre en route : les écoliers se trouvèrent souvent d'arrière-garde pendant les marches forcées de cette retraite ; à chaque instant du jour et de la nuit, il fallait faire le coup de fusil ; le 25 juin, on ne dut d'éviter un combat général qu'au courage du commandant de la Voltais, qui fit rompre le pont de la Ville-Jacob sous le feu même de l'ennemi.
Pendant ces marches continuelles qui durèrent jusqu'à la fin du mois, on trouvait à peine le moment de prendre un peu de sommeil. Pendant ces huit jours on ne quitta ses vêtements ni jour ni nuit, et on avait beaucoup de difficultés à se procurer des vivres, surtout quand on était à l'arrière-garde ; mais le courage des écoliers ne faillit pas dans ces jours de détresse. Nous reçûmes alors des preuves de la sympathie et de l'intérêt que nous inspirions au clergé : dans tous les bourgs, dans tous les villages, les bons pasteurs avaient soin de conserver des vivres pour les collégiens ; il serait impossible de perdre le souvenir de tant de bontés et de tant de sollicitude de la part des vénérables prêtres du Morbihan ; les écoliers n'oublieront pas non plus que des blessés et les plus fatigués d'entre eux trouvèrent un précieux asile au château de Lambilly, et que, grâce à la généreuse hospitalité de MM. de Saint-Georges, à leur château de Pluvignier, la compagnie put se remettre de ses fatigues et se refaire des privations qu'elle venait d'endurer.

Heureusement, le 27 juin, Gambert rejoignit l'armée avec un bataillon de 600 hommes, tous vieux soldats, qui se chargèrent de protéger la retraite ; une habile contre-marche, favorisée par la forêt d'Elven, mit enfin l'armée à l'abri de cette poursuite incessante.
Quelques jours après, l'armée royale se trouva plus forte que jamais. Loin maintenant de redouter une attaque, elle se porta vers la côte ; pour occuper de nouveau la ville d'Auray, elle traversa le champ de bataille du 21, encore tout remué, tout bouleversé et tout couvert de débris.

... à suivre ...

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