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La Maraîchine Normande
23 mars 2013

OLIVIER LE FELLIC ♣ PRETRE DE BUBRY

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OLIVIER LE FELLIC
PRETRE DE BUBRY

Olivier Le Fellic naquit à Noyal-Pontivy, au village de Keranduic, le 6 août 1754. Son père s'appelait Gilles Le Fellic et sa mère Marie Le Moign, braves gens, cultivateurs chrétiens, surtout riches de vertus, en tout pareils à ceux dont notre campagne bretonne était alors remplie.

Olivier entra avec quelque retard dans l'état ecclésiastique : il avait 27 ans quand il fut ordonné prêtre à Vannes, le 22 septembre 1781. Deux ans après il se fixa à Bubry comme prêtre habitué et, le 19 janvier 1784, y obtint la chapellenie de Saint-Yves. Cela ne veut pas dire qu'il en devint titulaire. Saint-Yves, petite chapelle et gros pèlerinage, à une lieue du bourg, appartenait au Chapitre de la Cathédrale et M. Le Fellic n'en fut constitué que le modeste desservant. Sans doute pourtant y trouva-t-il de quoi vivre, puisqu'en 1790 on lui adjoignit un sacriste, M. Le Goff, et surtout puisque, depuis le mois de juillet 1786, Bubry avait pour recteur M. Benjamin Videlo.

M. Videlo est bien l'un des prêtres les plus intelligents et les plus respectables du pays de Vannes à la fin du XVIIIe siècle et jusque dans la première moitié du XIXe. Tout jeune, à vingt-neuf ans, il avait obtenu Bubry au concours et Bubry passait pour l'une des plus plantureuses cures du diocèse. Instruit d'ailleurs, très pieux, très attaché à la doctrine, caractère fait de décision et de hardiesse en même temps que de prudence et d'habileté, il tenait du bourgeois par sa distinction d'origine et du campagnard par sa ténacité bretonne. La Providence paraissait le désigner pour être, dans les temps difficiles, un appui sûr et un guide éclairé de ses confrères. On l'estimait et je suis bien convaincu que M. Le Fellic ajoutait à l'universel respect pour le recteur de Bubry, son compatriote et son confrère d'ordination, une large mesure d'amitié. Le bourgeois de Pontivy avait devancé le petit paysan de Noyal sur le chemin des honneurs, mais tout-à-l'heure le petit paysan, par le martyre ce chemin de traverse, va distancer le bourgeois sur le chemin du paradis.

Arrivent en effet les évènements de 1791. M. Benjamin Videlo, son frère Louis qu'il avait obtenu pour vicaire et tous les prêtres de Bubry, suivant dans le sillage, refusent le serment schismatique ; c'était entrer dans l'orage. Dès lors administrations diverses, ennemis politiques ou personnels, espions de toutes sortes, dénonciateurs de tout acabit leur jettent mille difficultés sous les pas. S'ils se terrent, leurs cachettes sont connues ; s'ils battent pays, leurs déguisements sont signalés, et partout et toujours le misérable curé-jureur de l'endroit, nommé Le Stunff (1), plus impudique encore que constitutionnel ¤, les poursuit d'une haine sauvage. Maintes fois sans doute ils échappèrent au danger, mais ce n'était que pour tomber dans un autre et il était évident qu'un jour enfin ils devraient tous y rester.

Celui qui le premier succomba fut précisément M. Le Fellic, vendu par un traître qui était du village de Saint-Yves et qui se nommait Louis Guillemot.

Cette nuit-là, celle du 9 au 10 décembre 1794, tous s'abritaient au village de Kerfosse, sous le toit d'un des meilleurs chrétiens de la paroisse, Pierre Le Dilly. Il était à peu près quatre heures du matin. M. Le Fellic venait d'entrer au premier étage du logis s'entretenait à voix basse avec le recteur et son frère, quand tout-à-coup on frappa violemment à la porte : "La Nation ! ouvrez, au nom de la loi !" La soeur de Dilly parlemente, retient quelque temps les gendarmes au rez-de-chaussée, ce qui permit à M. Louis Videlo de percer le toit de chaume de la maison et de s'enfuir ; le recteur et M. Le Fellic furent arrêtés.

Vivement on les entraîna vers Hennebont.

Que se passa-t-il en route ? Est-ce vrai qu'ils essayèrent de s'enfuir, qu'ils offrirent de l'argent à leurs gardiens pour prix de leur liberté ? Il serait bien imprudent de le croire. Ce qui est vrai, c'est qu'à peine arrivés à Hennebont on renforça leur escorte et on les expédia vers Lorient où seul d'ailleurs parvint M. Le Fellic, car, en route, M. Benjamin Videlo avait trouvé moyen de prendre la clé des champs.

Pendant la nuit qui suivit, au fond de son cachot, le prêtre de Bubry put se préparer à la mort, il savait bien qu'on ne l'épargnerait pas. Dès le lendemain 11 décembre en effet, à peine le jour levé, il fut amené devant le Tribunal, interrogé, jugé révolutionnairement, c'est-à-dire sans témoins, sans jury, sans défense, condamné à la guillotine et immédiatement exécuté.

Voici comment M. Nicol raconte ses derniers moments :

"Le temps de faire au condamné la dernière toilette, et le cortège se forma. Des gendarmes et des gardes nationaux le gardaient ; le bourreau marchait à ses côtés. Tout autour la foule s'agitait, assoiffée de sang, poussant des cris de mort, braillant des refrains patriotiques. On arrive à la place de la Montagne, noire de monde et dominée par l'échafaud au dessus duquel la guillotine dresse ses sinistres montants. De toutes les rues débouchent, en courant, des retardataires qui ne veulent pas manquer le spectacle. M. Le Fellic gravit les marches de la plateforme. En un instant il est saisi, lié à la planche fatale, basculé et le couteau tombant consomme le sacrifice. Des cris éclatent de : Vive la République !" Il était onze heures et demie du matin..

DOCUMENTS OFFICIELS

1° ARRESTATION DE M. LE FELLIC

Le lundi 9 décembre 1793, au soir, les deux messieurs Videlo frères, l'un recteur et l'autre vicaire de Bubry, vinrent, sous un soigneux déguisement, prendre asile chez un de leurs fidèles paroissiens, Pierre Le Dilly, du village de Kerfosse.
Ils montèrent, pour passer la nuit, dans une sorte de chambre haute, située au-dessus du rez-de-chaussée, qu'occupait la famille. Vers deux heures du matin, un homme vint les y rejoindre qui était vêtu en paysan, qui paraissait attendre et n'était autre que M. Le Fellic. Les trois prêtres causèrent.
Les temps étaient tristes, les nouvelles alarmantes ; on devisait à voix basse, quand brutalement des coups violents sont frappés à la porte du rez-de-chaussée, et des voix menaçantes crient : "Au nom de la loi, ouvrez !" C'était la Nation.

Les proscrits se sont dressés debout, il ne leur reste qu'un moyen de fuir, percer le toit ; fiévreusement ils se mettent à l'oeuvre. Ils arrachent le chaume, ils arrachent de toutes leurs forces et ils entendaient, au dessous-d'eux, la soeur du paysan Jeanne Le Dilly qui arrêtait les envahisseurs : "Tuez-moi si vous voulez, leur clamait-elle, mais je ne vous dirai rien." En haut, le trou est percé dans le toit ; M. Louis Videlo, le vicaire, y passe, et se laisse glisser et s'enfuit. Mais en même temps, la porte de la chambre cède sous une poussée et les gendarmes se précipitant arrêtent le recteur et M. Le Fellic.

Un traître s'était trouvé qui avait vendu les proscrits : son nom est Louis Guillemot ; cinq policiers avaient suffi pour les saisir ; deux gendarmes, Jean Bérard et Jean Liberge, trois citoyens Hennebontais de bonne volonté : Vincent Perret, Louis Latimier, Joseph Missard. Ils conduisirent leurs prisonniers à Hennebont.
(D'après M.P. Nicol dans "Les Prêtres de Bubry")

2° INTERROGATOIRE DE M. LE FELLIC, PRETRE

Du 21 frimaire, l'an second de la République française une et indivisible, devant nous J. M. Raoul, président du Tribunal criminel du département du Morbihan, séant à L'Orient, Paul Marie Le Vaillant, Pierre-Vincent Gérard, et Grégoire-Jean Rousseau, juges du dit Tribunal, en présence de François-Marie Marion, accusateur public.

Avons fait venir devant nous un homme, vêtu d'une veste brune, d'un gilet blanc, culotte et guêtre de toile, auquel nous avons demandé ses nom, âge, surnom, profession et domicile.
Répond s'appeler Olivier Le Fellic, âgé de 39 ans, de Noyal-Pontivy, prêtre demeurant à Bubry tantôt chez un particulier, tantôt chez l'autre.
- Interrogé s'il connaît les motifs de son arrestation.
Répond, parce qu'il est censé rebelle pour n'avoir pas prêté le serment.
- Interrogé où, quand, par qui et à quelle heure il a été arrêté.
Répond avoir été arrêté au village de Kerfosse, paroisse de Bubry hier matin, environ les 4 heures, par les gendarmes d'Hennebont.
- Interrogé quelle paroisse il habitait avant le mois d'août 1790 et quelles fonctions il exerçait.
Répond, qu'il habitait sur la paroisse de Bubry, qu'il exerçait les fonctions de simple prêtre.
- Interrogé si, n'ayant pas prêté le serment exigé par les lois du 24 juillet 1790, du 20 novembre de la même année et du 5 février 1791, il s'est conformé à celle du 26 août 1792, qui soumet les ecclésiastiques insermentés à sortir sous huit jours des limites du district et du département de leur résidence, sous quinze jours hors du territoire de la République et si, en conséquence de cette loi, il a fait sa déclaration devant les corps administratifs du lieu où il entendait se retirer.
Répond qu'il n'a fait aucune espèce de déclaration, mais qu'il n'a pas quitté le département du Morbihan.
- Interrogé où il était et ce qu'il faisait à l'époque du mois de mars dernier.
Répond qu'il croit se rappeler qu'il était dans le district de Pontivy, dans la paroisse de Melrand.
- Interrogé si, à l'époque du mois de mars, la dite paroisse de Melrand n'avait pas pris part à la révolte des campagnes contre la ville de Pontivy.
Répond qu'il croit se rappeler que la dite paroisse de Melrand avait pris part à la sédition, mais que lui, interrogé, ne s'en était aucunement mêlé et qu'il n'exerçait aucune fonction sacerdotale.
- Interrogé pourquoi il n'a pas obéi aux lois qui enjoignaient à tous les prêtres insermentés de se rendre près de l'administration de leurs départements respectifs, pour y demeurer en état de détention jusqu'à leur déportation et notamment aux lois des 21 et 23 avril dernier et trentième jour du premier mois de l'année républicaine.
Répond, qu'il s'était abstenu de remplir aucune fonction et que, n'étant qu'un simple prêtre, il ne croyait pas être sujet à exécuter ces lois.
- Interrogé s'il n'a pas quitté le territoire de la République, et s'il n'y est pas rentré après l'avoir quitté.
Répond qu'il n'a jamais quitté le département du Morbihan et que, n'ayant aucun moyen de se faciliter sa déportation, il ignorait si les administrations l'eussent voulu effectuer.
- Interrogé pourquoi si, comme il le dit, il avait renoncé à toutes fonctions, il s'est trouvé qu'il avait des habits sacerdotaux, et s'il ne s'est pas momentanément servi de ces habits, tels que soutane.
Répond, qu'il portait la soutane dans l'intérieur des différentes maisons où il allait, mais que la crainte qu'il avait d'être arrêté la lui faisait quitter, quand il sortait.
Interrogé chez qui il a été arrêté.
Répond, qu'il l'a été chez Pierre Le Dilly, qu'il s'y était rendu environ les deux heures du matin du jour où il a été arrêté, qu'il s'y était rendu pour voir Benjamin Videlo, recteur de Bubry, qui l'y attendait, lequel Videlo s'y était également rendu.
- Interrogé s'il ne faisait pas sa résidence habituellement chez le dit le Dilly, puisqu'il est vrai que cette maison était désignée comme donnant asile à des prêtres insermentés.
Répond, qu'il n'y faisait pas habituellement sa résidence et qu'il ne s'y était rendu que pour les motifs qu'il nous a dits.
- Interrogé s'il a quelque chose à dire pour sa justification.
Répond, qu'il s'en réfère aux précédentes réponses.

Telles sont ses interrogatoires et réponses desquelles, lecture lui donnée, a déclaré qu'elles contiennent vérité et n'avoir rien à y changer, et a signé.

OLIVIER LE FELLIC, prêtre ;
P.M. LE VAILLANT ; GIRARD ; J.M. RAOUL.

3° JUGEMENT DU TRIBUNAL CRIMINEL DU DÉPARTEMENT DU MORBIHAN SÉANT A L'ORIENT, QUI CONDAMNE A LA PEINE DE MORT OLIVIER LE FELLIC, PRETRE INSERMENTÉ

Du 22 frimaire l'an II de la République française une et indivisible.

Audience du Tribunal criminel du département du Morbihan séant à l'Orient où étaient les citoyens J.M. Raoul, président du dit Tribunal et les citoyens Le Vaillant, Girard et Rousseau, juges, François-Marie Marion, accusateur public, poursuivant aux fins de procès-verbal de capture par les gendarmes de la brigade d'Hennebont du nommé Olivier Le Fellic, prêtre insermenté arrêté le jour d'hier, sur la paroisse de Bubry, district d'Hennebont, et déposé le dit jour dans la maison de justice du Tribunal

contre

Le dit Olivier Le Fellic, accusé, présent.
Vu par le Tribunal criminel du département du Morbihan, séant à l'Orient, le procès-verbal dressé le jour d'hier par les citoyens Liberge et Bérard, gendarmes à la résidence de Hennebont, portant que, sur les indications à eux données, ils se sont rendus au village de Kerfosse, paroisse de Bubry, chez le nommé Pierre Le Dilly, où ils ont trouvés, cachés et déguisés, deux prêtres insermentés, appelés l'un Olivier Le Fellic, et l'autre Benjamin Videlo, dont ils se sont emparés ;
Vu l'interrogatoire dudit Le Fellic subi, séance tenante, et après avoir entendu l'accusateur public en ses conclusions et réquisitions ;
Le Tribunal, considérant qu'il résulte de l'interrogatoire d'Olivier Le Fellic cy-devant prêtre à Bubry :
1° Qu'il n'a point prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité ;
2° Qu'en exécution de la loi du 26 août 1792, il n'a fait aucune déclaration pour sortir du territoire de la France dans les délais et dans les formes prescrites.
3° Que conformément à la loi des 21 et 23 avril dernier il n'a pris aucun moyen pour effectuer sa déportation.
4° Que, conformément encore à la loi du 30e jour du premier mois de cette année, ledit Le Fellic était obligé, dans la décade de la publication de la loi, de se retirer vers l'administration du département du Morbihan, pour y rester en détention jusqu'à sa déportation.
5° Que ledit Le Fellic est au contraire resté caché et déguisé sur le territoire de la République au mépris de toutes les lois qui lui ordonnaient d'en sortir.

Ouï l'accusé dans ses moyens de défense et l'accusateur en ses conclusions.

Le Tribunal, après en avoir délibéré sur les opinions émises à haute voix, déclare qu'Olivier Le Fellic était sujet à la déportation ; que, loin de s'y soumettre, il était resté caché et déguisé sur le territoire français, en conséquence ordonne que ledit Le Fellic sera livré à l'exécuteur des jugements criminels et mis à mort dans les 24 heures sur la place de la Montagne, en cette ville de l'Orient. Déclare que les biens dudit Le Fellic, si aucun il a, sont acquis et confisqués au profit de la République ; le tout, en exécution de la loi du 30e jour du premier mois qui porte : Art X "sont déclarés sujets à la déportation, jugés et punis comme tels, les Évêques, les ci-devant Archevêques, les Curés, etc ... tous les ecclésiastiques séculiers, réguliers, frères convers et lais, qui n'ont point satisfait aux décrets du 14 août 1792 et 21 avril dernier, ou qui ont rétracté leur serment". Art XIV, XV, V, XVI. Ont signé :

J.-M. RAOUL, président ; P.-M. LE VAILLANT,
GIRARD, ROUSSEAU, juges.

4° EXÉCUTION DE M. LE FELLIC, 22 frimaire II

Nous, Charles-François Lozach, commissaire national près le tribunal du district d'Hennebont, séant à l'Orient, rapportons qu'en conformité du jugement rendu par le Tribunal criminel de ce département, exerçant en la commune de l'Orient, le 21 de ce mois, contre Olivier Le Fellic, nous sommes rendu, accompagné de Jean-Marie La Salle, huissier près le même tribunal pour l'exécution de nos réquisitions jusque sur la place de la Montagne où étant rendus, sur les onze heures du matin, après nous être assurés de l'exécution de nos précédents réquisitoires, nous nous sommes retirés dans la maison du citoyen Le Chesne, dans une chambre qu'il nous a donnée au premier étage ; d'où nous avons vu arriver, sur les onze heures et demie, ledit Olivier Le Fellic, qui a subi tôt après son jugement ; ce que nous certifions à l'Orient, le 22 frimaire an II, de la République française une et indivisible.

J.M. LA SALLE, LOZACH

(1) Le Stunff, originaire d'Inguiniel, prêtre en 1795, fixé à Inguiniel, assermenté en 1791, curé constitutionnel de Bubry. Il y traîna pendant trois ans une vie scandaleuse et, au sortir de prison, à la fin de 1794, disparut, sans qu'on sache ce qu'il devint.

Les Prêtres du Morbihan, victimes de la Révolution, 1792-1802
J. LE FALHER

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