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La Maraîchine Normande
18 mars 2013

LE GABELOUX ♣ LÉGENDE DE SAINT-FLORENT-LE-VIEIL

LE GABELOUX
LÉGENDE DE SAINT-FLORENT-LE-VIEIL

Capture plein écran 18032013 210604

Un soir, Laurent, gabeloux du grenier à sel de Saint-Florent-le-Vieil, se rendant de Champtoceaux à Saint-Florent, fut accosté par un homme de mauvaise mine, qui lui souhaita la bonne nuit, en l'apostrophant par son nom, et lui dit :
- Vous marchez bon pas, gabeloux !
- C'est que je suis pressé, répondit Laurent.
- Eh bien ! moi aussi, riposta l'inconnu en emboîtant le pas avec lui.

♣  Laurent, peu charmé de cette société, chercha un prétexte pour s'en débarrasser et dit à cet homme en arrivant à Liré :
- Bon soir, mon vieux, j'entre ici pour allumer ma pipe.
- J'entre aussi moi, dit l'inconnu.
- Oh ! pardon, reprit le gabeloux, je ne m'arrêterai pas, car je n'ai pas de tabac ; ainsi adieu, mon cher, je vous quitte.
- Qu'à cela ne tienne objecta l'obstiné compagnon, voilà ma blague pleine d'excellent tabac de fraude.
- Mais qui donc êtes-vous, objecta le gabeloux, vous qui me connaissez et que je ne connais pas ; vous qui osez déclarer à un gabeloux que vous êtes un fraudeur ?
- Bah ! estimable gabeloux, fit l'impassible compagnon, vous faites erreur ; ce tabac est un cadeau d'ami, et si je vous connais, c'est que vous êtes un personnage important, tandis que vous faites semblant de ne pas m'avoir connu, parce que je ne suis pas un monsieur ; mais si dans ce moment, vous ne vous remémorez ni mon nom, ni ma voix, ni ma figure, je ne fais nul doute que la mémoire ne vous revienne avant peu : en attendant allumons ...
Et le doigt courbé sur le fourneau de sa pipe, il fit prendre feu au tabac à la première aspiration.
- Allons, cher gabeloux, dit-il ensuite, voilà mon doigt allumez ...
- Eh que diable ! ne faites pas le fier avec un ami, voyons, ne me reconnaissez-vous pas ?
- Ah ! ... je me ... rappelle, oui, oui ... confusément je crois vous reconnaître ... balbutia le gabeloux tout troublé ...
- C'est bien heureux enfin, dit le diable, je savais bien moi, que la mémoire vous reviendrait ; mais avançons, car la nuit vient, et la brise est piquante.

Arrivés à Bouzillé, ils firent la rencontre d'un pauvre bonhomme fort embesogné avec son porc, qui prétendait aller à la Bourgeonnière, tandis que le paysan prétendait le mener à la Mauvaisinnière.
- Maudit cochon, disait le bonhomme, tu me fais damner ; va, que le diable t'emporte ! ...
- Entendez-vous, dit aussitôt le gabeloux à son compagnon, cet homme vous donne son cochon, prenez-le donc.
- Non, non, répondit le diable, ce n'est pas de bon coeur qu'il me le donne.
- Mais reprit le gabeloux, c'est si bon le lard aux choux !
- Fi donc ! mon cher, dit le diable, c'est bon pour les goujats ; d'ailleurs j'ai une gastrite, et mon médecin m'a défendu le lard.
- Il faut bien que vous soyez malade, observa le gabeloux, ou que vous ayez le goût bien délicat pour refuser un si beau cochon, maintenant, surtout qu'ils sont si chers ! je le prendrais bien moi, s'il m'était donné.
- Eh bien, mon cher, je suis plus scrupuleux que vous, fit le diable, car je ne prends que ce qui m'est donné de bon coeur, tandis que vous, vous prenez volontiers ce qui ne vous est pas donné du tout.

Le gabeloux n'insista plus, et les deux compagnons continuèrent leur route en silence. Mais à deux cents pas du Marillais, ils entendirent les cris forcenés d'un moutard qui voulait aller au Marillais, et que sa mère entraînait de force à la Guérinnière.
- Viendras-tu, méchant gamin, criait la mère, a-t-on vu pareille idée d'aller en ville à cette heure ? ... Tu viendras à la maison, garnement, et tu la danseras ! Va !

L'enfant, que la promesse d'une danse ne séduisait que médiocrement, s'obstinait de plus en plus dans la résistance, et criait aussi de plus en plus fort.
Quand la mère exaspérée le lâcha en s'écriant : Eh bien ! va donc, petit monstre, et que le diable t'emporte ! ...
- Prenez-le donc, dit le gabeloux, qui provoquait à tout propos l'éloignement de son compagnon ; prenez-le donc ! Vous ne devez pas avoir grand nombre de jolies petites âmes comme celle-là ; à votre place, je profiterais de l'occasion, car il n'est pas sûr qu'elle revienne plus tard ...
- C'est égal, répondit le diable, l'enfant ne m'est pas donné de bon coeur, et j'espère trouver mieux.

Les deux compagnons reprirent donc leur route.

Comme ils approchaient de Saint-Florent-le-Vieil, ils firent rencontre de trois contrebandiers qui, reconnaissant le gabeloux si redouté d'eux, s'écrièrent en prenant la fuite : "Ah ! le gredin de gabeloux, le voilà encore ; que le diable l'emporte ! ..."
- Entendez-vous à votre tour, cher gabeloux, dit le diable en le saisissant au collet. Vous le voyez, cette fois le cadeau m'est fait de bon coeur, et vous diriez vous-même que je suis un nigaud si je n'en profitais pas ! ...

Oncques, depuis, n'a entendu parler du pauvre gabeloux.

Bulletin historique et monumental de l'Anjou

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