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La Maraîchine Normande
18 mars 2013

LES MÉTÉORITES DE L'AIGLE OU PIERRES TOMBÉES DU CIEL EN 1803

LES MÉTÉORITES DE LAIGLE
OU PIERRES TOMBÉES DU CIEL EN 1803

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♣  La chute des aérolithes, arrivée à Laigle le 6 floréal, an XI (26 avril 1803) à une heure après-midi-, fit une grande sensation dans toute l'Europe. On s'en occupa beaucoup à Paris et la première connaissance que l'on en eût fut par une relation publiée dans le Journal de Physique par M. Lambotin, naturaliste, et qui fut plus tard insérée par M. Patrin dans la première édition du Dictionnaire d'Histoire naturelle à l'article Pierres météoriques. Cette relation était accompagnée d'une gravure (que je possède) qui indique très bien les lieux où le phénomène se produisit. Je suis heureux de pouvoir donner une reproduction de cette curieuse gravure. M. Lambotin fit venir une quantité de pierres qu'il n'eût pas de peine à vendre à tous les amateurs.

L'Institut ne pouvait rester indifférent, et la classe des sciences mathématiques et physiques, sur la demande du Ministre de l'Intérieur, chargea un de ses plus illustres membres, M. Biot (1774-1862), de l'Académie française et de l'Institut, d'aller en Normandie, de faire une sérieuse enquête et de présenter un rapport à son retour. En voici le titre :

Relation d'un voyage dans le département de l'Orne pour constater la réalité d'un météore observé à Laigle, le 6 floréal, an XI (26 avril 1803), lu à l'Institut le 22 messidor, an XI (18 juillet 1803). Paris, Beaudouin, thermidor, an XI, in-4° de 47 pages, avec une Carte des lieux sur lesquels a éclaté le météore.

Parti de Paris le 7 messidor (26 juin 1803), M. Biot alla d'abord à Alençon où il espérait avoir quelques renseignements, car cette ville n'est qu'à quinze lieues de Laigle. On n'avait rien vu, car le phénomène s'était produit en plein jour et on n'avait rien entendu. Il fit part de l'objet de son voyage au Préfet de l'Orne La Magdelaine et à Berthelmy, l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et aux professeurs de l'Ecole Centrale, mais on ne lui dit que des choses très vagues. Il quitta Alençon le 29, passa à Séez, Nonant, le Merlerault, Sainte-Gauburge, interrogeant sur sa route toutes les personnes qu'il croyait pouvoir lui donner d'utiles indications et arriva le même jour à Laigle où il resta jusqu'au 5 juillet. Il parcourut alors les communes de Saint-Nicolas-de-Sommaire, Glos, Couvains, Gauville, Saint-Symphorien-des-Bruyères et recueillit les témoignages les plus variés mais aussi les plus décisifs en faveur de la réalité du météore.

Lors de la réception de M. Biot à l'Académie Française, M. Guizot, qui était chargé de répondre au récipiendaire, fait allusion à ce voyage :
"Aucun de nos plus habiles juges d'instruction n'a jamais mis en oeuvre, pour découvrir un homme, plus de pénétration, de pensée et de patience que n'en montra à cette occasion M. Biot pour constater ce trouble apparent de la nature".

Bulletin_de_la_Société_historique_[



Je ne reproduirai pas les 47 pages de la relation du voyage du savant Membre de l'Instant à Laigle, mais je lui ferai quelques emprunts :

"Ce n'est pas à Laigle même que le météore a éclaté, c'est à une demie-lieue de là ; j'ai vu les traces effrayantes de ce phénomène ; j'ai parcouru les lieux où il s'est étendu ; j'ai rassemblé et comparé les récits des habitants ; enfin j'ai trouvé les pierres elles-mêmes sur la place et elles m'ont offert des caractères physiques qui ne permettent pas de douter de la réalité de leur chute (M. Biot s'est assuré qu'on n'avait jamais vu aucune pierre semblable dans le pays). Les plus grosses de ces pierres, lorsqu'on les casse, exhalent encore une odeur sulfureuse très forte dans leur intérieur. Celle de leur surface a disparu et les plus petites n'en exhalent point qui soit sensible".

Le fait étant reconnu comme incontestable, il est inutile de rappeler les autres preuves que rapporte le savant observateur. Il termine en donnant la description suivante :

"Le mardi 6 floréal, an XI, vers une heure après-midi, le temps étant serein, on aperçut de Caen et de Pont-Audemer, et des environs d'Alençon, de Falaise et de Verneuil, un globe enflammé d'un éclat très brillant et qui se mouvait dans l'atmosphère avec beaucoup de rapidité.
Quelques instants après on entendit à Laigle et autour de cette ville dans un arrondissement de plus de trente lieues de rayon, une explosion violente qui dura cinq ou six minutes.
Ce furent d'abord trois ou quatre coups semblables à des coups de canon, suivis d'une espèce de décharge qui ressemblait à une fusillade ; après cela on entendit comme un épouvantable roulement de tambours. L'air était tranquille et le ciel serein à l'exception de quelques nuages, comme on en voit fréquemment.
Ce bruit partait d'un petit nuage qui avait la forme d'un rectangle dont le plus grand côté était dirigé est-ouest. Il parut immobile pendant tout le temps que dura le phénomène ; seulement les vapeurs qui le composaient s'écartaient momentanément de divers côtés par l'effet des explosions successives. Ce nuage se trouva à peu près à une demie-lieue au nord-nord-ouest de la ville de Laigle ; il était très élevé dans l'atmosphère, car les habitants de la Vassolerie et de Bois-la-Ville, hameaux situés à plus d'une lieue de distance l'un de l'autre, l'observèrent en même temps au-dessus de leurs têtes. Dans tout le canton sur lequel ce nuage planait, on entendit des sifflements semblables à ceux d'une pierre lancée par une fronde et l'on vit en même temps tomber une multitude de masses solides, exactement semblables à celles que l'on a désignées sous le nom de pierres météoriques.
L'arrondissement dans lequel ces masses ont été lancées a pour limites le château de Fontenil, le hameau de la Vassolerie et les villages de Saint-Pierre-de-Sommaire, Glos, Couvain, Gauville et Saint-Michel-de-Sommaire.
C'est une étendue elliptique d'environ deux lieues de long sur à peu près une de large, la plus grande dimension étant dirigée du sud-est au nord-ouest par une déclinaison d'environ vingt-deux degrés ; c'est la direction actuelle du méridien magnétique à Laigle.
On peut en tirer de là quelques lumières sur la direction du météore. En effet, s'il eût éclaté en un seul instant, les pierres eussent été lancées sur une étendue à peu près circulaire, mais la durée du bruit annonce une suite d'explosions successives qui ont dû répandre des pierres sur une étendue allongée dans le sens suivant lequel le météore marchait. Cet allongement indique donc la direction horizontale du météore et, en rapprochant ce résultat des témoignages qui font tomber le globe de feu du côté du nord, on en conclura avec une apparence de certitude, que le météore marchait du sud-est au nord-ouest par une déclinaison d'environ vingt-deux degrés.
Si les observations faites sur la durée du bruit pouvaient être regardées comme exactes, on en déduirait la vitesse horizontale du météore d'après l'ellipticité de l'étendue dans laquelle les pierres ont été lancées ; mais je ne sache pas qu'il ait été fait sur ce point aucune observation précise, et à cet égard on ne peut compter que sur l'exactitude des instruments, parce que l'étonnement porte toujours à augmenter la durée d'un phénomène dont la continuité nous cause quelque surprise. On peut seulement présumer, d'après ces données, que la vitesse horizontale du météore, lorsqu'il a éclaté, était peu considérables, et c'est probablement pour cela qu'on le croyait tout à fait immobile. Cela n'empêche pas d'ailleurs qu'il ne put avoir une très grande vitesse dans le sens vertical, puisque la vitesse dans le sens vertical, puisque la vitesse horizontale est la seule que ce genre d'observations puisse faire connaître.
Les plus grosses pierres sont tombées à l'extrémité sud-est du grand axe de l'ellipse, du côté du Fontenir et de la Vassolerie ; les plus petites sont tombées à l'autre extrémité et les moyennes entre ces deux points.
D'après les considérations précédemment rapportées, les plus grosses paraîtraient être tombées les premières.
La plus grosse de toutes celles que l'on a trouvées pesait 8k.750 (17 livres et demie) au moment où elle tomba ; la plus petite que j'ai vue et que j'ai rapportée avec moi ne pèse que 7 à 8 grammes (environ deux gros) ; cette dernière est donc environ mille fois plus petite que la précédente. Le nombre de toutes celles qui sont tombées peuvent être évaluées à deux ou trois mille."

Voici les deux analyses qui furent faites en 1803 :

"M. Biot ajoute qu'il faut retrancher la quantité d'oxygène qui s'est unie au métal pendant l'opération. Ces pierres sont composées des mêmes principes que les masses météorologiques jusqu'à présent connues ; elles contiennent seulement un peu moins de magnésie et un peu plus de fer.
Au reste, quelque soit l'origine de ces pierres, on ne doit pas s'étonner de trouver quelques différences dans les rapports des substances qui les composent, puisqu'elles sont unies par une simple agrégation et non par une combinaison intime.
Je me suis borné, dans cette relation, à un simple exposé des faits ; j'ai tâché de les voir comme un autre les aurait vus, et j'ai mis tous mes soins à les présenter avec exactitude. Je laisse à la sagacité des physiciens les nombreuses conséquences que l'on en peut déduire, et je m'estimerai heureux s'ils trouvent que j'ai réussi à mettre hors de doute un des plus étonnants phénomènes que les hommes aient jamais observés."

Outre le témoignage de M. Biot, il est intéressant de donner ceux des maires des communes où le fait s'est produit. M. l'abbé Letacq l'a extrait d'un imprimé très rare de 2 p. in-4°, qui faisait partie de la collection de M. de la Sicotière.

Le 6 floréal dernier, entre une et deux heures de l'après-midi, nous fûmes surpris par un roulement qui était semblable au tonnerre ; nous sortîmes et aperçûmes le ciel assez net, à quelques petits nuages près, qui n'étaient pas assez épais pour nous dérober la clarté du soleil ; nous crûmes que c'était le bruit d'un cabriolet ou le feu dans le voisinage.
Voici comment s'expliquent tous ceux qui ont été témoins d'un évènement aussi extraordinaire ; ils entendirent comme un coup de canon, ensuite un coup double plus fort que le précédent, suivi d'un roulement qui a duré environ dix minutes, accompagné de sifflements causés par ces pierres qui se trouvaient contrariées dans leur chute par les différents courants d'air, ce qui est assez naturel dans une dilatation aussi subite.
On n'entendit plus rien après et il n'est pas surprenant que l'histoire n'offrit pas d'exemple d'une pluie de pierres comme celle-ci.
Il s'est débité parmi le peuple des histoires sans nombre, plus ou moins absurdes ; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il y en a qui pèsent dix-sept livres et tombèrent avec une telle violence qu'elles entrèrent d'un pied de profondeur dans la terre.
Certifié et approuvé par les maires des communes ci-après désignées, savoir :
Aubry, maire de la commune de Glos ;
Hurel, maire de Saint-Nicolas-de-Sommaire ;
Laroche, maire de la commune de Saint-Sulpice."


De l'Imprimerie de Renaudière fils, rue des Deux-Portes, Paris.

René de Brébisson - Bulletin de la Société Historique et Archéologique de l'Orne - 1er janvier 1915

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Commentaires
A
Pourquoi ne pas parler non plus de Saussay ( à côté d'Anet) en Eure et loir qui le même jour a vu lui aussi tomber des météorites?<br /> <br /> voir le journal de l'action du vendredi 8 février 1985<br /> <br /> - une météorite ayant été ramassée dans un champ de la Commune quelques années auparavant
Répondre
L
Pourquoi ne pas parler de la météorite de Saint-Christophe-la-Chartreuse qui fit grand bruit et défraya la chronique en 1841 ? <br /> <br /> http://j.marchal.pagesperso-orange.fr/anecdotes/meteorite.html<br /> <br /> LOL !
Répondre
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