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La Maraîchine Normande
13 mars 2013

UN PRETRE SOUS LA TERREUR ♣ L'ABBÉ GIRARD, CURÉ D'OLONNE

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L'abbé Jean Girard était né à Saint-Hilaire-de-Loulay, en 1759, d'une honnête famille de charpentiers. Ordonné prêtre, il fut nommé vicaire à Talmond, en août 1787 ; puis à Olonne en juillet 1788. Son curé étant mort peu après, l'abbé Girard lui succéda.
Il était donc curé d'Olonne quand éclata la Révolution.
De taille plutôt petite, mais de complexion très vigoureuse, d'une volonté énergique, sans aucune timidité, l'abbé Girard n'était pas de ces prêtres effacés dont la vie se passe à éviter les histoires.

A peine curé, l'occasion se présenta pour lui d'affirmer sa personnalité : ce fut le serment à la Constitution Civile du Clergé, imposé à tout prêtre en fonctions par la loi du 27 novembre 1790.

C'était un dimanche de janvier 1791. Le curé d'Olonne célébrait la grand'messe. Vers la fin de l'Évangile, le maire vint le prier de prêter le serment, en sa présence, au prône qui allait suivre. L'abbé Girard, ne voulant pas d'incidents scandaleux pendant la sainte messe, feignit d'entrer dans les vues du maire :
- Seulement, Monsieur le Maire, je crois qu'il serait mieux que je ne parle du serment qu'à la fin de la messe.
Le maire s'inclina, à regret : il n'était sans doute pas très fervent ! Cependant, comme le curé paraissait assez bien disposé, il ne fallait pas trop le brusquer.

Le Saint Sacrifice terminé, l'abbé Girard monta en chaire : c'était l'instant attendu, avec inquiétude par les bons chrétiens, avec un sourire triomphal par les amis du maire.

Dans un silence de mort : rarement l'abbé Girard n'avait vu ses ouailles aussi attentives. Il lut la formule du serment qu'on lui demandait. Puis, fixant le maire, il déclara en martelant ses mots :
- Mes frères, ce serment est une infamie : je ne le prêterai jamais !
Le maire furieux : il avait assisté à la messe pour rien ! sortit en grondant ; mais, de la poitrine des fidèles s'échappa un soupir de soulagement !

Un tel éclat ne devait pas rester impuni. Une dénonciation fut envoyée à Fontenay ; et l'abbé Girard fut décrété d'arrestation, en compagnie de M. Boitel, curé des Sables, et de plusieurs autres prêtres Vendéens.

Voici donc le curé d'Olonne en prison, à Fontenay. Ce n'est point son affaire. Quoiqu'il apprécie hautement l'honneur qui lui est fait "d'être dans les fers" pour la bonne cause, il soupire après la liberté. Un jour, le geôlier, homme de bien - Il y a de braves gens partout ! - lui proposa de le faire évader, lui et M. Boitel. L'abbé Girard trouva la chose fort à son goût. Quant au vieux curé des Sables, il soupira :
- Sortir ? oui, et après on nous reprendra et on nous maltraitera encore davantage. Partez si vous voulez, vous qui êtes jeune. Moi, je suis trop vieux ; je préfère m'en remettre à la divine Providence.

L'abbé Girard jugeait, lui, qu'il faut quelquefois aider la bonne Providence. Il l'aida donc ; elle l'aida à son tour. Tant et si bien qu'il sortit de Fontenay sans encombre et parvint jusqu'à l'Herbergement. Mais il était "rendu" de faim et de fatigue ! Il connaissait mal le pays. Il savait pourtant qu'un riche bourgeois, ennemi déclaré des prêtres, demeurait non loin. Il résolut, avec une audace rare, de se confier à lui :
- Monsieur, dit-il à ce mangeur de curés, je suis un prêtre réfractaire, échappé de prison ; je meurs de faim, je sais que vous n'êtes pas de notre bord, mais je vous crois homme d'honneur et de coeur sensible. Je vous demande le vivre et le couvert pour cette nuit.
L'homme flatté de cet appel à ses sentiments humanitaires, répondit :
- Je vous remercie, Monsieur, de votre confiance. Entrez, il ne sera pas dit que j'aurai livré un ennemi qui s'était fié à moi.

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Le lendemain, l'abbé Girard gagnait sa paroisse natale. A St-Hilaire-de-Loulay, où il connaissait tout le monde, il pouvait aisément se cacher. Il gîtait habituellement dans une grosse mouche de bois, au milieu d'un taillis. On avait aménagé, à l'intérieur de la mouche, une espèce de chambre, où la lumière pénétrait chichement, avec la pluie parfois, par une ouverture ménagée sur le toit. C'est dans cette chambrette rustique que l'abbé Girard disait la messe, confessait ; mais quelques familles très sûres seulement, étaient au courant. Les autres ignoraient le lieu exact de sa présence. Quant il fallait trouver l'abbé pour un malade, c'était une histoire ; quand il s'agissait d'un mariage, c'était bien autre chose encore !

Un jour ... L'abbé Girard se défiait. Il savait que les "patriotes" de Montaigu le faisaient rechercher activement ; il savait que des "mouchards" étaient payés pour le dénoncer. Il voulait bien, s'il le fallait, mourir martyr, mais il estimait inutile de hâter l'heure de Dieu.

C'est pourquoi un mariage à célébrer entraînait toujours quelques complications. Les fiancés recevaient, discrètement, avis de se trouver à telle heure - la nuit, généralement - dans un tel coin de bois. Ils s'y rendaient, par des chemins qui n'avaient rien d'une route nationale. Arrivés au lieu dit, alors qu'ils soupiraient avec une impatience très compréhensible, après l'heureux moment où ils allaient prononcer le oui sacramentel, on venait leur annoncer que l'abbé Girard les attendait, au fond d'un ravin, à deux ou trois kilomètres ! ils s'y rendaient, sautant intrépidement échaliers sur échaliers ! Parvenus au fond du ravin, ils trouvaient, non pas l'abbé, mais un guide envoyé par lui, et qui devait les conduire dans une clairière voisine de trois à quatre kilomètres ! La "mariée" jetait alors sur son "marié" un regard d'angoisse ! Le jeune homme, stoïque dans l'épreuve, inaugurait son rôle de soutien ; et l'on repartait sans broncher, et sans mot dire, vers la clairière "voisine" ! La mariée, heureusement, n'avait pas de traîne, et portait, au lieu de souliers pointus, de solides sabots ! On trouvait, enfin, l'abbé Girard. Il était temps ! La mariée épuisée, parlait d'abandonner la course !

On peut juger excessive la prudence de l'abbé. Elle était pourtant nécessaire. Plus d'une fois, il faillit être pris.

Un jour, voyageant sous un déguisement, à quelque distance de Saint-Hilaire, il s'était arrêté, pour se restaurer, dans une petite auberge, sur le bord de la route ; son cheval l'attendait, attaché à une boucle de fer devant la porte. Survint un inconnu qui, au bout d'un moment, après avoir dévisagé le voyageur, lui dit tout bas : - "Dites donc, vous qui voyagez, vous ne pourriez pas m'indiquer où je trouverais un prêtre ? J'en cherche un pour un malade qui est à l'extrémité".

L'abbé Girard aurait dû se défier. Mais, instinctivement, il répondit :
- Un malade ? Conduisez-moi ; je suis prêtre.
- Je m'en doutais, dit l'inconnu.
On partit, à cheval. Chemin faisant, l'abbé interrogea : Allait-on loin ? Quel malade était-ce ? Les routes étaient-elles sûres ? Il eut bientôt l'impression qu'on le menait à un piège. Il voulut en avoir le coeur net. On arrivait à quelque distance d'une ferme à moitié cachée au fond d'un vallon.
- C'est là qu'est le malade, dit le guide.
L'abbé Girard avisa un gosse d'une douzaine d'années qui revenait des champs avec un troupeau de vaches. Il piqua sur lui :
- Dis, petit, tu connais cette maison-là ?
- Cette maison ? bien sûr ! C'est chez nous !
- Il paraît qu'il y a un malade chez vous ?
- Un malade ? - Et l'enfant ouvrait des yeux étonnés - dame ! je ne sais pas !
- Tu ne sais pas ? Écoute, petit, tu n'as rien remarqué, ce matin, chez vous ?
- Ah si alors ! la maison est pleine de soldats qui sont cachés partout - Et le doigt tendu - tenez ; leurs chevaux sont là-bas, derrière le mur !

L'abbé Girard comprit. Sans plus attendre, il fit demi-tour. Le traître courut à la ferme. Les Bleus sautèrent en selle, sans prendre le temps de saisir leurs carabines. Et une poursuite affolée commença. Mais l'abbé était excellent cavalier ; de plus il montait un étalon vigoureux. Les Bleus perdaient du terrain. Malheureusement, il se trouva sur le chemin un peloton de cavaliers en promenade. Ils relevèrent avec leurs chevaux frais, leurs camarades éreintés. Malgré sa vigueur, l'étalon de l'abbé se fatiguait ! Il était blanc d'écume, et pourtant les Bleus se rapprochaient. L'abbé sentait leurs chevaux souffler au derrière de sa bête. A un moment, un Bleu, se croyant sûr de lui, donna un terrible coup de sabre au fugitif : la lame trancha à moitié la queue de l'étalon ! La pauvre bête fit un bond prodigieux, et reprit sa course par une vigueur accrue par la douleur. Ce que voyant, les Bleus renoncèrent à leur poursuite.

L'abbé Girard était sauvé cette fois-là ! Il en avait perdu belle. Son cheval creva de fatigue. Il se promit d'être désormais plus prudent que jamais.

Abbé BILLAUD
Bulletin paroissial de Boufféré
1949

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