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La Maraîchine Normande
18 février 2013

LA PETITE VENDÉE DU SANCERROIS ET L'AGITATION ROYALISTE DANS LA NIEVRE EN 1796 ♣ 2ème partie

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PAR P. MEUNIER

Le brochurier nivernais qui rédigea, en style pompeux et officiel, l'histoire des Troubles de Sancerre, quelques jours après l'évènement, gémit sur les difficultés qu'avait à vaincre l'administration, dont le seul appui contre la malveillance des modérés et les menées des royalistes était le Directoire exécutif. En effet, c'était en vain que le ministre de la police générale écrivait, le 17 germinal, à Bonguelet, ancien moine, commissaire du pouvoir exécutif à Nevers : "qu'il jouissait, ainsi que les administrateurs, de l'estime et de la confiance du Directoire, auprès duquel la calomnie chercherait en vain à leur porter des coups". Étaient insuffisamment respectés les ordres donnés pour mettre strictement à exécution la loi du 10 vendémiaire sur les passeports et celle du 7 sur la police des cultes ; l'arrêté du 4 ventôse, pour appeler "tous les bons citoyens à la surveillance la plus scrupuleuse". Toutes les mesures ainsi prises étaient des sources inépuisables de mécomptes et de déceptions.

Les "dénonciations civiques" que Guillerault et ses collègues avaient portées contre elle en ventôse et en germinal ébranlaient singulièrement l'autorité d'une administration imposée au pays contre le voeu éclatant des électeurs qui, le 20 vendémiaire, avaient voté pour Guillerault, Jourdan, Henri La Rivière, Laurenceot, Ballard, Delarue, Boissy d'Anglas, Lanjuinais, Durand, Maillaume, Pellet de La Lozère, etc.

"Les papiers vendus" accusaient l'administration de mesures arbitraires et dictatoriales, et proclamaient qu'il y aurait bientôt une revanche de la journée du 13 vendémiaire.

A Corbigny, Lavenne, ancien aide-de-camp de La Fayette, ancien administrateur du parti des modérés, dans une réunion de citoyens, deux jours avant l'explosion de Sancerre, avait manifesté les sentiments les plus hostiles au gouvernement.

On apprenait qu'à Entrains, au Plessis, près de Clamecy, à Chinon-la-Montagne, les réquisitionnaires résistaient à la troupe, les armes à la main.

"Guillerault, lit-on, dans les Troubles de Sancerre, connu pour son tendre penchant pour les femmes des royalistes et autres parents d'émigrés qu'il a manifesté lors de sa mission dans l'Allier, tonne en style des halles, dans la presse royaliste, "contre les hommes de sang", et, d'accord avec Js...., il a choisi le saint temps de Pâques pour redoubler d'ardeur contre le gouvernement".

D'un autre côté, les anarchistes, dont les appétits avaient été singulièrement excités par Fouché et Chaumette, agitaient Nevers. "Tous les complices de Baboeuf, s'écrie Guillerault dans une lettre au Directoire, ne sont pas à Paris ; il en est partout et notamment à Nevers." Dans leurs réunions retentissaient les cris de : "Vive la Montagne ! Vive la Constitution populaire de 1793 ! Au f.... celle de 1795".

L'administration municipale de Nevers avait jugé la situation si grave qu'elle avait établi la permanence depuis le 4 ventôse et prenait des mesures contre les émissaires royalistes venant de Paris.

Le pouvoir exécutif avait eu la main heureuse dans le choix des administrateurs imposés au pays, dans ce sens que l'unité d'action la plus complète avait été obtenue d'eux : les administrations centrales obéissaient aux ministres, les administrations municipales des chefs-lieux obéissaient aux réquisitions des commissaires du gouvernement, mais dans les petites communes personne n'écoutait plus les agents du pouvoir. C'est par là, et il en était ainsi dans toutes les campagnes, que l'anarchie organisée tenait la France. Dans les villes, les petits terroristes, alors au pouvoir, unanimement comprirent de la même façon la force de la collaboration et la puissance d'un commun effort contre l'ennemi ; mais la médiocrité de ces hommes est manifeste. Ces gens-là ne gardent pas la proportion juste entre les causes, les mesures, les résultats et leurs prétentions. On les dirait, d'ailleurs, tous choisis d'un même tempérament ; leur langage est uniformément d'une pure beauté prud'hommesque. L'administration municipale de Nevers a les mêmes naïvetés que l'administration centrale. En présence des royalistes qui s'agitent en tous sens, expressions qui reviennent à satiété dans tous les procès-verbaux, et qui, du reste, caractérisent bien le mouvement général, mais sans effet du royalisme, l'administration municipale de Nevers fait cette découverte, à savoir "que de tous les moyens que la loi met en ses mains pour repousser l'ennemi commun, celui de la force armée est le plus efficace comme le plus imposant". Elle compte beaucoup sur l'effet patriotique que produira le drapeau national qu'on va hisser sur le sommet de la tour de Saint-Cyr "pour faire diversion avec celui des ennemis de la République et rappeler aux Français la nécessité de servir plus que jamais pour la défense commune".
En définitive, quand l'insurrection sancerroise éclata, la Nièvre était dans un état voisin de l'anarchie. La lassitude et le dégoût des honnêtes gens étaient complets. La police n'existait pas. Dans certaines communes, les bandits étaient maîtres.

Le parti royaliste, de son côté, manquait aussi bien de direction que le gouvernement manquait de puissance et de prestige. Le temps est passé des résolutions énergiques. Les enthousiasmes ne se manifestent plus que par des paroles vaines ou des conspirations ridicules. Dans les deux camps tout est à l'unisson : on y est encore fort monté de ton, mais sans force quand il faut agir.
Aussi, nous verrons que la faiblesse de la répression égalera la stérilité de l'insurrection royaliste, et la petitesse de cette répétition naïve d'une grande guerre civile sera rendue plus frappante encore par la pompe exagérée avec laquelle a été célébrée la victoire, sans péril, des gardes nationaux de Nevers.

Capture plein écran 17022013 125237Il est facile de reconnaître le théâtre de la petite Vendée du Sancerrois quand aujourd'hui, de la montagne où est assise la ville de Sancerre, on embrasse l'étendue entière de la vallée de la Loire, entre les collines du Berry et les hauteurs du Nivernais, puis quand, laissant de côté cette vallée silencieuse et reposée et se tournant vers le Berry, on jette les yeux sur l'ensemble de vergers ombreux et de collines couvertes de vignobles qu'entourent des bois interminables sillonnés de routes blanches.
La montagne de Sancerre fait partie d'une chaîne qui parcourt le pays du sud au nord. Elle est en ligne avec les hauteurs voisines, mais, à l'est, séparée par deux gorges étroites. Elle est attachée au groupe de ces hauteurs vers le sud-ouest. Saint-Satur, qui est au pied de Sancerre, est placé dans un bassin formé par la Loire à l'est, par des hauteurs à l'ouest, au nord par une montagne aussi élevée que celle de Sancerre. Le port sur la Loire s'appelle Saint-Thibault.

On connaît le passé huguenot de Sancerre, le siège mémorable que cette ville soutint en 1573 contre La Châtre, alors que Jouanneau et Jean de Léry étaient parvenus à en faire un nid de sectaires et de ses habitants vifs et gais de véritables héros. Aujourd'hui cette ville n'a rien qui la singularise. C'est un chef-lieu d'arrondissement semblable à tous les autres au point de vue des opinions et des moeurs, et qui ne s'en distingue que par sa position charmante et forte.

Mais nous sommes en l'an IV. Par la Loire, des gens à l'esprit frappé ont vu déjà, remontant de Nantes, quinze cents chouans armés jusqu'aux dents. Au-delà, c'est le Nivernais, couvert de vieilles forêts qui offrent aux réfractaires des retraites commodes. Du côté du Berry, ce sont des surfaces boisées s'étendant jusqu'à Sancoins, au milieu desquelles se trouvent les approvisionnements de blé de Sancergues et la fabrique de canons de Jouet-la-Canonnière. Les communications avec Orléans sont faciles par les chemins couverts et détournés d'Henrichemont, La Chapelle, Aubigny, La Ferté-Fumeterre.

C'est là que Le Picart de Phélippeaux tenta d'organiser une insurrection en même temps que du Prat organisait celle de l'Indre, Phélippeaux était, comme du Prat, un élève des écoles militaires. Il était lieutenant-général dans l'armée de Conté avant l'insurrection sancerroise.
C'est à Orléans d'abord qu'il alla. Il trouva des partisans dans cette ville. Puis, il s'installa dans un petit bourg du Sancerrois, appelé Santranges, d'où il se mit, durant trois mois, à parcourir les communes. Il avait choisi pour lieutenants des gens du pays ou des environs ; de Bonnétat, de Boislinard, Buchet-Marigny, de Rigault, Ducorps, Bezard des Séguins, Neveu dit Camisole, de Verdigny. Les familles Grangier, Gressin-Boisgirard, Decencière recevaient les organisateurs du mouvement, les cachaient et leur fournissaient des vivres.

Rien n'égala, semble-t-il, le zèle du commencement. Les communes de Jars, du Noyer, de Sury-en-Vaux, de Verdigny étaient des centres où la population avait été unanimement royalisée, suivant l'expression d'Hyde de Neuville.
Les chefs passaient souvent la Loire pour se concerter avec les royalistes de la Nièvre, grâce au bâteau appartenant au jeune royaliste Hyde, qui fut plus tard le baron Hyde de Neuville et dont les parents habitaient La Charité.
On fabriquait des balles à Jars ; deux voitures pleines d'armes et deux pièces de quatre avaient pu être amenées d'Orléans par des chemins détournés. Un charron du pays fabriquait les affûts. On avait fait tout un approvisionnement d'uniformes blancs à parements rouges.

Les conciliabules des chefs avaient lieu chez une ardente royaliste, Mlle Ribert, qui, comme Mme Achet, de Léré, favorisa puissamment l'action des royalistes. On promit 25 louis d'engagement et 15 à 20 sous pour dépenses journalières aux engagés.
Mais le bruit de ces préparatifs de guerre était parvenu aux oreilles des administrateurs des deux départements limitrophes.

Dès le 6 germinal, l'administration municipale du canton de Sancerre savait qu'il se formait à Jars un rassemblement qu'on y représentait comme un corps de déserteurs de la première réquisition prêts à marcher sur Sancerre.
Il s'agissait, en effet, de quatre cents soldats réfractaires qui, depuis longtemps, attendaient, cachés dans les bois, une occasion dont ils pussent tirer profit. Ces soldats avaient pour commandant un nommé Bataille, dont le concours pour n'importe quel coup de main fut vite acquis à Phélippeaux.

Le 10 germinal, des détails plus précis parvenaient à Sancerre. La municipalité avait fait monter la garde aux portes de la ville pendant la nuit du 9 au 10, et le commissaire du pouvoir exécutif avait écrit à ses collègues de Sens-Beaujeu et de Sury-en-Vaux pour avoir des renseignements certains. Quatre heures après, un gendarme apportait la nouvelle qu'en effet une armée de royalistes se formait à Jars. On avait vu des gars venant de Souenes, canton de Salbris, et des environs d'Orléans, par pelotons de dix, vingt et trente, qui demandaient le chemin de Jars. On savait que des émissaires royalistes avaient parcouru tout le canton de Sens-Beaujeu pour réunir en un même endroit tous les chevaux de la réquisition décrétée le 15 pluviôse. Un patriote de Jars avait dénoncé les réunions qu'on tenait chez Mlle Ribert. D'autre part, on apprit que Tournier, directeur de la manufacture de Bourcart, et plusieurs de ses ouvriers, originaires de La Nocle, avaient pris le soin d'envoyer leurs femmes et leurs enfants dans leur pays en prévision d'une guerre dont des tentatives d'embauchage leur avaient révélé l'imminence.

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Dans Sancerre même, il y avait de nombreux citoyens au courant de ce qui se tramait. Or, il était arrivé que des papiers indicatifs du mouvement qu'on préparait étaient tombés aux mains de l'administration : un jour de marché, l'un des émissaires de Phélippeaux, nommé Bonnin, pour mettre à l'abri les papiers dont il était porteur, ne crut pas mieux faire que de les confier à la femme d'un de ses amis qui, sans se douter qu'elle dénonçait ainsi du même coup son mari, les remit bêtement à l'administration.

C'est pourquoi le 10 germinal, à onze heures du soir, la municipalité de Sancerre transmettait à Heurtault (de) Lamerville, commissaire du Directoire du département du Cher, qui déjà avait eu à faire dissiper certains attroupements et à sévir à l'occasion de bris d'arbres de la liberté, les divers renseignements qu'elle possédait. Elle invitait l'administration départementale à envoyer sur-le-champ à Sancerre un corps de troupes avec mission de barrer le chemin à l'armée des royalistes.

Le 12, une véritable panique s'empara des habitants de Sancerre. On vit les plus affolés qui déménageaient leurs effets pour les transporter à la campagne. A six heures du soir, un nouveau courrier partait pour Bourges afin d'y hâter le départ d'une colonne de secours. L'administration siégea en permanence. La garde nationale, sous le commandement de Gravot, c'est-à-dire cent à cent cinquante hommes, dont quarante armés de piques et le surplus de fusils de calibre et de chasse, gardait les portes de la ville. On lui avait distribué sept à huit livres de poudre avec soixante à quatre-vingts cartouches.

Sur les dix heures du soir, trois habitants de Sancerre fuyaient de la ville en criant : "On égorge ! on assassine ! Vive le roi ! Au diable la République !" On crut que l'ennemi approchait ; mais le lieutenant de gendarmerie, avec six cavaliers, soutenus par des bourgeois à cheval, étant allé à la découverte de l'ennemi, n'avait rien vu venir.
Cependant, les secours qu'on attendait ne venaient pas plus vite que l'ennemi. Le 13 au matin, un courrier partait pour Feux, Pouilly, La Charité, afin de faire un dernier appel aux municipalités voisines, vainement averties déjà.
Cette fois, l'urgence était évidente, car le tocsin sonnait à Menetou-Ratel et dans les communes environnantes.

Voilà ce qui s'était passé du côté des royalistes : Phélippeaux avait appris la mésaventure arrivée à Bonnin. Il savait que des appels désespérés étaient adressés de Sancerre à Bourges et à Nevers. Il fallait donc qu'il se hâtât s'il voulait arriver à Sancerre en devançant les troupes républicaines.
Mais il n'estimait pas que son armée fût assez solide pour opérer utilement ; il comptait bien sur 4 à 5 000 hommes, mais il eût voulu renforcer ses recrues au moyen des secours sérieux qu'il attendait des Orléanais.

Cependant, comme il avait annoncé qu'il serait prêt le 13 germinal, qui était le samedi, veille du dimanche de Quasimodo (Pâques tombait le 27 mars 1796), à entrer en campagne, il rassembla ses lieutenants auprès de Jars pour leur faire part de ses hésitations et de son embarras. On convint alors dans ce conseil de guerre que l'expédition serait retardée de quinze jours. Mais Phélippeaux avait négligé de prévenir Bataille. Celui-ci se présenta quelques instants après la tenue du conseil, et quand le général annonça qu'il fallait attendre quinze jours, ce fut un concert de récriminations dans les rangs des réquisitionnaires, qui accusèrent Phélippeaux de lâcheté et de trahison.
Craignant sans doute de voir son expédition compromise ainsi, dès le début, par la défection ou la révolte des hommes de Bataille, Phélippeaux s'écria : "Vous le voulez, votre entreprise n'est qu'une folie ; marchons cependant".

C'était sur les trois heures du matin que cela se passait. Phélippeaux fit prévenir aussitôt ses lieutenants, qui n'avaient pas encore quitté Jars, et il fut résolu que la petite armée se mettrait immédiatement en marche. Il y avait lieu d'espérer qu'elle se renforcerait en route. On devait passer, d'ailleurs, par Sury-en-Vaux, pour y rejoindre Buchet-Marigny, qui s'y trouvait à la tête de son contingent.

L'auteur des Troubles de Sancerre fait un récit dramatique de l'ébranlement de l'armée des royalistes : le prêtre qui dit la messe du Saint-Esprit, à laquelle assista la petite armée, aurait exhorté les troupes une hostie à la main et un poignard dans l'autre. Les armes et les drapeaux furent solennellement bénis et serment de fidélité fut prêté avec enthousiasme à la religion et au roi. Des forcenés se seraient dirigés sur Nancroy, des torches à la main, pour massacrer le neveu de la protectrice des chouans, le patriote Ribert, qui les avait dénoncés. Dans toutes les communes que les royalistes traversèrent ils abattaient les arbres de la liberté et brûlaient les registres des municipalités ainsi que les écharpes tricolores.
On sonna à la fois le tocsin dans toutes les paroisses : au bout de deux heures, l'armée fut en vue de Sancerre qu'elle salua du cri de : Vive le Roi !

L'ennemi avait donc devancé l'armée républicaine. Grande fut l'épouvante des autorités de la ville : les feux nombreux qu'on avait remarqués sur toutes les hauteurs, le tocsin qui donnait dans vingt paroisses pouvaient faire croire à un soulèvement considérable. Puis, Phélippeaux avait habilement distribué ses troupes par détachements qui étaient apparus, au même moment, sur les hauteurs dont Sancerre est entouré.
Sur les onze heures, le commandant de la garde nationale avait fait battre la générale ; car les gendarmes, de retour d'une reconnaissance, annonçaient que les royalistes avaient résolu d'entrer dans la ville. Un parlementaire allait même se présenter de la part de Phélippeaux pour sommer les autorités d'avoir à se rendre. Les administrateurs de Sancerre ne remarquèrent pas que Phélippeaux n'avait peut-être pas en ce moment plus de six cents soldats véritables avec lui et que la foule qui l'accompagnait était composée de femmes et d'enfants ; des hommes étaient armés de simples échalas.
D'autre part, leur appel aux communes des environs n'avait eu, dit l'auteur des Troubles de Sancerre, "pas plus de succès que s'il avait été fait dans les cantonnements de Charette ou de Cobourg". Puis, Phélippeaux ne faisait pas peur depuis qu'on avait appris qu'à un des chefs de la garde nationale qui lui demandait : "Que voulez-vous ?" il avait répondu : "Un roi, la religion et point de pillage."
Faut-il voir des traîtres dans Sarton et autres citoyens de Sancerre, et dans leurs quelques préparatifs de défense, aussitôt abandonnés, "un moyen de mettre la perfidie à couvert en cas d'insuccès des blancs ?"

Un fait certain, c'est que le désarroi fut complet et que les Sancerrois ne songèrent pas à s'inspirer de l'héroïsme de leurs ancêtres.

Une colonne de cent gardes nationaux abandonna Sancerre. Elle avait à sa tête une grande partie des autorités de la ville, au milieu desquelles marchait le commissaire du pouvoir exécutif près l'administration municipale de Sens-Beaujeu ; ces gardes nationaux étaient accompagnés de femmes et protégés par des gendarmes qui fermaient la marche. Ils avaient laissé à Sancerre le drapeau et négligé d'enclouer leurs deux canons. Ils devaient arriver à Bourges le 14. Pendant que s'opérait cet exode, Gravot, commandant de la garde nationale, et Bedane, agent municipal de la commune, délibéraient sur le parti à prendre dans l'état d'abandon où la ville était laissée. Ils s'exprimaient au parlementaire de Phélippeaux le voeu d'obtenir trois heures pour sortir de la ville avec les honneurs de la guerre, après avoir encloué leurs deux canons, quand Phélippeaux, fatigué d'attendre, prit le parti d'entrer dans la ville ;  ce qui eut lieu sans coup férir.
Il y fut bien reçu par les vignerons qui, hostiles à l'administration municipale, négligeaient depuis quelque temps le service de la garde nationale. Leurs femmes avaient même pris l'habitude de porter des rubans blancs au côté. Représailles habituelles, traits de confiance effrénée dans le succès, provocations enfantines, rien ne manqua à l'échauffourée. Les blancs brûlèrent les registres de la municipalité, les rôles de l'emprunt forcé et élevèrent sur les cendres un poteau surmonté d'un drapeau blanc. Ils abattirent l'arbre, de la liberté et placèrent bien en vue, du côté de la Nièvre, des drapeaux blancs, criant le plus fort possible : "Vive le roi ! Vive la religion !" Ils obligèrent les habitants qui craignaient de se compromettre à arborer la cocarde blanche. Quant à Phélippeaux, sans illusion dans la réussite de son coup de main éclatant, se préoccupait d'organiser son armée trop hâtivement formée.
Il envoyait des détachements dans les communes environnantes pour lui amener des recrues.
Il faisait appel dans ces termes aux habitants de Sainte-Gemme : "Les braves habitants de Sainte-Gemme sont priés de se joindre à l'armée catholique et royale, qui est venue dans le pays le soutenir contre les tyrans qui l'oppriment. Toutes les paroisses sonnent le tocsin pour se joindre à elle".

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Déjà près de trente communes avaient arboré le drapeau blanc. Les partisans nouveaux qu'on avait amenés à Phélippeaux élevaient le nombre de ses hommes à 5.000, d'après certains documents.
Une batterie avait été installée au carrefour et des chemins furent créés près de la porte de César. L'embargo avait été mis sur les bateaux en station au pont de Saint-Thibault.
Mais les partisans qu'on attendait comme devant venir d'Orléans n'étaient pas encore signalés : on annonçait, au contraire, l'arrivée des soldats républicains de Bourges et la marche sur Cosne des gardes nationaux de Nevers.

L'enthousiasme religieux des blancs n'avait pas diminué, paraît-il, et pour entretenir chez les républicains un enthousiasme contraire, les agents du gouvernement propageait des bruits étranges et propres à exciter le fanatisme révolutionnaire. "Un prêtre se faisant nommé Puységur, ancien archevêque de Bourges, marchait, suivant eux, en tête des troupes royalistes couvert d'un sarrau de toile, portant une étole croisée sur sa poitrine et des croix figurées avec des fleurs de lys sur ses vêtements. Il tenait, dans sa main gauche, un crucifix et, de l'autre, un long poignard. Ses yeux hagards et enflammés ajoutaient encore à l'horreur qu'inspirait ce druide forcené. Deux émigrés, ex-nobles, étaient à ses côtés. On voyait aussi "un homme à figure basanée, de taille gigantesque, qui ne parlait que difficilement le français et qui était tout couvert d'agnus et de chapelets et grandement prodigue de bénédictions".
Phélippeaux jugea cependant cet enthousiasme de ses troupes insuffisant pour lui permettre de conserver plus longtemps la position de Sancerre, en présence des troupes républicaines qui se montraient de toutes parts.

... à suivre ...

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