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La Maraîchine Normande
10 février 2013

JOURNAL DU MARQUIS ALEXANDRE DE LA ROCHE-SAINT-ANDRÉ SUR LA CAMPAGNE DE 1815, A ROCHESERVIERE

Document communiqué par le baron de WISMES

MARS

Le 1er, jour trop fameux dans l'histoire, Bonaparte entre dans le golfe Juan et foule encore aux pieds le sol français.
Le 11, Alphonse de Goulaine arrive à cheval à la Garde à 11 h.1/2 et nous apprend que Bonaparte était en France, qu'il y était débarqué avec 600 hommes de la garde. Nous allons à la Grange et revenons bientôt à la Garde avec M. de Goulaine et une douzaine de jeunes gens qui s'étaient réunis à nous. Nous allons à Rocheservière désarmer les Patauds et nous nous rendons, le soir, au nombre de 30, coucher à la Guichère. Nous passâmes la nuit chez Mlle de Jousbert.
Le 12, plus nombreux, nous allâmes de bonne heure à Legé, par une pluie abondante ; nous désarmâmes les Patauds du bourg. Nous fûmes à la messe en armes. Le soir, M. de Goulaine arriva à Legé avec quelques personnes qu'il avait réunies. De bonnes nouvelles se répandirent. Nous licenciâmes notre monde en leur disant de se tenir prêts au premier avertissement. Onésippe de Tinguy arriva à Legé avec sa femme et son père. Nous nous rendîmes avec M. de Goulaine à la Grange, où Mme de Goulaine nous confirma les bonnes nouvelles qu'on nous avait débitées à Legé. Nous vînmes, mon frère et moi, coucher à la Garde.
Le 13, je fus le matin à Rocheservière. - Traité du fameux Congrès de Vienne, qui mettait Bonaparte hors la loi des nations ; les Anglais l'avaient signé.
Le 14, Alphonse vint à la Garde dans la soirée, s'en retourna et revint nous apprendre que Bonaparte était maître à Lyon. Nous nous rendîmes à Rocheservière chez Artel, où nous passâmes la nuit.
Le 15, je vins un instant à la Garde et retournai par la Touche à Rocheservière, où arrivèrent MM. Le Maignan et Edouard de Sapinaud, nous fûmes avec eux dîner à la Grange.
Le 16, dévoré d'ennui ; la fièvre me prit.
Le 17, j'ai été à la Grange, à Rocheservière, à la Roche-Boulogne et en suis revenu avec M. et Mme Baudry. Je me suis arrêté à la Touche.
Le 18, nous n'apprîmes rien.
Le 19, encore rien.
Le 20, je fus à la Grange, où l'on me dit que le duc de Bourbon allait venir dans le pays.
Le 21, j'ai été le soir à Saint-Etienne, - j'y ai trouvé Ludovic, Charette et Alphonse, qui recrutaient les volontaires royaux ; nous sommes revenus à la Grange.
Le 22, nous eûmes encore de l'espérance.
Le 23, j'ai été à Rocheservière.
Le 24, Baudry vint de bonne heure à la Garde et nous apprit que Paris était au pouvoir de Bonaparte, qui y était entré le 20 à la nuit.
Le 25, j'ai été à la Touche et à la Grange, où l'on nous confirma l'arrivée de Bonaparte à Paris.
Le 28, j'ai été à la Grange, où j'ai vu Athanase Charette, Mrs de Marans, qui ne m'engagèrent pas d'aller dans le marais.
Le 29, sur les 9 heures du soir, Auguste Le Maignan arriva avec un domestique à la Garde pour savoir ce que nous pensions faire ; il partit sur les minuit pour l'Ecorce.
Le 31, j'ai été à la Roche-Boulogne

AVRIL

Le 10, j'ai été par l'Ecorce, dîner au Barlin, où j'ai vu un vicaire nommé Pinaud, qui avait bonne espérance.
Le 14, j'ai été à Nantes, j'ai dîné chez Mme de Pestivien.
Le 15, je suis revenu à la Garde. Nous avons, mon frère et moi, couché à la Chaufferie, parce qu'il y avait de la troupe à Rocheservière.
Le 16, j'ai été faire une visite à M. le Curé de Rocheservière.
Le 17, j'ai été à la Grange. Adolphe de Regnon est arrivé à la Garde.
Le 18, Adolphe, Edouard et moi, avons été à Beaufou. J'y fis la connaissance de Mme Léon de Mornac.
Le 19, Adolphe et mois sommes revenus à la Garde. Nous avons été sur le haut du coteau crier de toutes nos forces : Vive le Roi ! pour répondre au même cri poussé par des hommes qui revenaient de la foire de Geneston.
Le 20, j'ai été avec Adolphe dîner à la Grange, le soir à la Touche. Mon frère et moi avons couché au Moulin-Neuf.
Le 22, Baudry a dîné à la Garde. Adolphe est parti pour la Pâchais.
Le 23, J'ai été faire visite à M. le Curé de Rocheservière.
Le 24, je me suis trouvé avec Onesippe à la foire de Legé ; il y avait de la troupe ; je couchai à la Chaufferie.
Le 25, j'ai été dîner à la Roche-Boulogne.
Le 27, j'ai dîné à la Grange avec Ludovic Charette.
Le 28, j'ai été à Beaufou et suis revenu le soir.
Le 29, j'ai été le matin chez Artel ; j'y vis un officier qui y logeait.
Le 30, Alphonse est venu à la Garde.

MAI

Le 1er, j'ai été à la Roche-Boulogne, à la Grange ; j'ai couché avec Alphonse à la Vacherie.
Le 2, Charette et Alphonse sont venus à la Garde. Nous avons été, le soir, à la Grange.
Le 3, j'ai été à la Grange, puis dîner à la Roche-Boulogne avec Charette et Alphonse ; nous passâmes par la Grange et M. de Goulaine vint avec moi coucher au Moulin à vent.
Le 4, jour de l'Ascension, j'ai été à la messe à Rocheservière. Je traversai les rangs des soldats et courus à la Garde prévenir Charette, Alphonse et mon frère, qui étaient avec quelques jeunes gens de bonne volonté à réduire en balles une vingtaine de livres de plomb de chasse et à faire des cartouches. Notre factionnaire, placé sur le haut du coteau, voyait clairement celui du détachement qui était à la Grange. Je fus coucher avec Charette, Alphonse et mon frère à la métairie de la Haie.
Le 5, nous vînmes de bon matin à la Forest et ensuite à la Garde. Nous passâmes, le soir, Charette, Alphonse et moi, chez Mlle de Tinguy, à la Nolière, et fûmes à la Roche-Boulogne, où je couchai ; Alphonse et Charette en partirent pour aller au rendez-vous que M. Deshéros leur avait donné.

Le 6, Onésippe et moi nous nous rendîmes au pont de bois de la Forest, qui était l'endroit désigné pour la réunion. M. Le Page du Boischevalier nous y envoya un cheval chargé de vivres. Ne voyant pas arriver Charette et Alphonse, nous fûmes inquiets et prîmes le parti d'aller voir par nous-mêmes ce qu'ils étaient devenus. Nous nous rendîmes donc, à la Guichère, où nous fûmes rassurés par le chevalier de Jousbert. Nous revînmes bientôt au pont de bois, à l'exception d'Onésippe, qui retourna chez lui. En revenant à la Garde, je fis signe à la bande royaliste restée sur la vieille côte qu'elle pouvait venir. Je commandais de la soupe puis montai dans ma chambre faire ma toilette, puis je descendis et me mis sur le seuil de la porte, où je vis tout à coup une femme qui me faisait signe de me sauver. Je passai sur le pont et pus retrouver ceux auxquels j'avais fais signe de venir. Nous montâmes aux Gaudinières, d'où nous vîmes les soldats se promener dans le jardin ; ce n'est que tard qu'ils reçurent l'ordre de rentrer à Rocheservière. Je passai la nuit à la Chaufferie.

Le 7, nous nous rendîmes au pont de bois de la Forest. En passant vis-à-vis de la Grange, nous parlâmes aux soldats qui y étaient cantonnés. Je vis dans la Forest quelqu'un qui nous espionnait. Alphonse et Charette vinrent nous rejoindre sur les 5 heures. Nous plaçâmes un fonctionnaire qui, bientôt, tira sur les soldats qu'il vit arriver ; nous courûmes aussitôt sur eux, fîmes une décharge, essuyâmes la leur et nous nous jetâmes dans l'enceinte dite du Vrignon ; nous n'y étions que 13 et la plupart sans arme. Après nous avoir traqués pendant deux ou trois heures, ils se retirèrent tous à Legé. Nous quittâmes alors notre retraite : les uns vinrent à Rocheservière, les autres d'un autre côté. Je me rendis au Boischevalier, où je trouvai Alphonse.

Le 8, je passai avec Alphonse à la Grange, je couchai à la garde, où nous étions une vingtaine ; nous eûmes une alerte pendant la nuit.

Le 9, nous nous divisâmes en trois bandes, afin de parcourir le pays et le disposer à secouer le joug de l'usurpateur. Alphonse était de la même bande que moi. Nous passâmes au Coin, traversâmes la forêt de Grand-Lande, passâmes à la métairie de la Bècherie et fûmes invités à y retourner quand bon nous semblerait ; nous nous reposâmes à la brune à la Maladrie, où nous couchâmes, Alphonse et moi. Pendant la nuit, on nous fit prendre d'ennuyeuses précautions pour aller parler à M. Tardy dans le bourg de Palluau.

Le 10, nous vinmes à Beaufou, nous y enlevâmes le drapeau tricolore et fîmes de même aux Lucs. Je couchai avec Alphonse à la Roche-Boulogne.

Le 11, nous eûmes une alerte en venant de la Grange ; nous apprîmes que Travot était venu à Vieillevigne avec quelques chasseurs de la Vendée et y avait enlevé le drapeau blanc ; nous nous y rendîmes aussitôt. Je passai à l'Ecorce avec Onésippe ; il y avait bien 200 hommes de réunis. Nous remîmes le drapeau blanc sur l'église, malgré plusieurs personnes du bourg, nous repassâmes à l'Ecorce et je vins coucher avec Julien à la Rochette.

Le 12, je me rendis à la Grange ; nous fûmes au pont de bois de la Forest et la Roche-Boulogne. Ludovic Charette et mon frère couchèrent à la Garde, Alphonse et moi à la Vacherie.

Le 13, nous fûmes à la Grange ; nous y apprîmes que M. de Suzannet faisait un rassemblement le 15 et devait venir à Legé ; nous revînmes à la Garde.

Le 14, je fus le soir à Legé sur le cheval de M. Néau, avec la fleur de lis, et le sabre au côté ; je passai au Retail, je fus à Beaufou et je revins à la Garde, où je trouvai MM. Saint-André et Foureaud, débarqués de la flotte qui amenait M. de la Rochejaquelein et des armes.

Le 15, nous nous rendîmes à Legé, MM. Charette, Onésippe, Foureaud, Saint-André et moi ; j'étais monté sur le cheval de Jousbert, le chasseur de la Vendée ; nous avions avec nous une vingtaine de jeunes gens. Nous fûmes chez le Curé le prévenir que nous allions faire sonner le tocsin. Mme N*** arriva alors à la cure, s'y opposa fortement et vint à bout d'ameuter le peuple contre nous. Nous fûmes obligés de nous retirer et nous nous plaçâmes avec nos volontaires, qui avaient été séparés de nous, sur la route de Bourbon, à 200 pas du bourg. Charette se rendit à Saint-Etienne-du-Bois et en ramena quelques personnes. Il était 5 à 6 heures du soir et la mégère, en furie, continuait encore d'exciter le peuple contre nous. M. de Goulaine lui adressa d'amers reproches et cette femme, naguère furieuse, reste consternée et est bientôt huée par ceux-là mêmes qui venaient de l'applaudir. Nous restâmes dans le bourg et y couchâmes.

Le 16, sur les 5 heures du soir, M. de Suzannet arriva avec environ 1.200 hommes ; se mit, le soir, en marche et fut coucher à Commequiers. Nous passâmes, Onésippe et moi, à Saint-Christophe-du-Ligneron ; nous couchâmes à Commequiers chez un pataud.

Le 17, on se rendit à Saint-Gilles. Onésippe et moi, ayant pris les devants, nous fûmes à Croix-de-Vie trouver le général de la Rochejaquelein, qui nous accueillit parfaitement. Onésippe lui donna son cheval, et je l'accompagnai pour aller au-devant de M. de Suzannet ; pendant quelque temps on craignit d'être attaqué. Dans la journée on débarqua environ 2.000 fusils et beaucoup de munitions. Le soir, le général de la Rochejaquelein nous fit partir, Onésippe et moi, pour annoncer son arrivée à son frère, qu'il croyait à Saint-Aubin-de-Baubigné. Nous fûmes coucher à Saint-Christophe.

Le 18, nous vinmes à Legé, changeâmes de chevaux, fûmes à Belleville et rencontrâmes proche Dampierre M. de Sapinaud avec environ 4.000 hommes ; nous lui annonçâmes le débarquement, nous dînâmes au Gàs, où Mlle de Beauregard me donna et attacha à mon chapeau une cocarde blanche ; enfin partis, nous passâmes à Asson, où nous laissâmes nos chevaux et en prîmes d'autres à Victor. Nous allâmes coucher à Tiffauges chez le curé, nommé Grassineau. C'est ce jour que le combat de l'Aiguillon eut lieu.

Le 19, nous fûmes à la Romagne et ensuite à Saint-Macaire, où nous rejoignîmes environ 1.500 hommes commandés par Philippe de la Bretesche. Nous nous rendîmes avec lui au May, où arriva M. d'Autichamp avec environ 4.000 hommes. Il y avait eu une alerte un instant avant son arrivée. Le général d'Autichamp nous donna aussitôt une audience particulière ; il voulait savoir en quoi consistait le débarquement ; il nous apprit que M. Auguste de la Rochejaquelein devait sous peu rejoindre son frère et il nous fit repartir avec ordre de faire la plus grande diligence et de dire à MM. Louis de la Rochejaquelein et de Suzannet que si on ne lui envoyait pas aussitôt un tiers de ce qui avait été débarqué, tant en armes qu'en munitions, il congédierait tout son monde. Il nous donna un guide pour nous conduire à Tiffauges, d'où nous nous rendîmes à Asson, où nous reprîmes nos chevaux. En passant à Trestié, nous eûmes quelques désagréments des nôtres parce que nous n'en étions pas connus ; nous nous reposâmes une couple d'heures à la Roche-Boulogne.

Le 20, nous fûmes de bonne heure à Legé, nous y reprîmes nos chevaux et partîmes aussitôt pour Beaufou, où nous trouvâmes le général de Sapinaud avec son armée, et ce ne fut qu'à Palluau que nous rejoignîmes MM. de la Rochejaquelein et Suzannet. Le soir, nous nous rendîmes à Aizenay ; nous allâmes, Onésippe et moi, à la Maronnière. Il y eut une alerte sur les 9 h 1/2 du soir, on tira sans savoir trop pourquoi cinq à six cents coups de fusil. Sur les 11 heures, nous fûmes attaqués par les Bleus, commandés par Travot ; ils pénétrèrent à Aizenay sans être aperçus, et ce fut là que le combat s'engagea. Onésippe et moi nous rejoignîmes bientôt le général de la Rochejaquelein, que nous mîmes entre nous deux. Nos gens se tiraient les uns sur les autres et ils l'étaient aussi par des traîtres qui s'étaient glissés dans nos rangs, à la faveur de la nuit et du peu d'ordre qu'observaient nos bons paysans. Ils plièrent de toute part au bout d'environ une heure sans être poursuivis, Travot ayant hâte de se rendre vers Bourbon, afin de couvrir la ville. A la fin de l'affaire, je fus tiré de très près par une colonne ennemie, que je prenais pour l'une des nôtres et que je voulais faire arrêter pour l'embusquer. Je restai sur le champ de bataille jusqu'à la pointe du jour ; un de nos hommes m'ayant dit qu'Aizenay était encore occupé par les Bleus, je n'osais pas chercher mon cheval, que j'avais attaché dans une vigne proche du bourg. Voyant que je ne pouvais partir, - on tirait de tous côtés, - je restai jusqu'à environ midi du 21. Je me rendis alors à Beaufou, où je trouvai Théodore de Regnon ; nous couchâmes à la Moinardière.

Le 22, nous vinmes à Rocheservière avec le chevalier de Goin et un certain M. Le Camus, qui s'était à Aizenay brûlé son chapeau avec un coup de pistolet. Je rencontrai à Rocheservière Adolphe de Regnon. Onésippe et moi, nous donnâmes un laissez-passer à deux prisonniers faits la veille. Je vins à la Garde et retournai coucher à Rocheservière chez M. le Curé, qui confessa un espion qui fut fusillé un instant après.

Le 23, je restai à la Garde.

Le 24, Onésippe y vint le marin ; nous allâmes ensemble à Rocheservière et ensuite avec Alphonse de Goulaine et quelques uns de nos chasseurs à la ville du Bois pour arrêter le sieur Le Camus. Nous vînmes de là à la Roche-Boulogne, où nous couchâmes, Alphonse, Théodore, Edouard et moi.

Le 25, nous vînmes à Rocheservière.

Le 26, nous sommes allés à Vieillevigne, de là à Montaigu, où nous avons trouvé M. du Chaffault avec sa division, qui avait renversé les anciennes fortifications du château de Montaigu. Je soupai avec ma soeur, et me couchai, avec M. du Chaffault et une partie des officiers, dans une maison appartenant à un acquéreur.

Le 27, nous vînmes avec Le Maignan, à Vieillevigne, d'où je vins avec Onésippe à la Roche-Boulogne ; nous couchâmes dans la grange de la Coindrie.

Le 28, nous vînmes le matin à Rocheservière. M. de Suzannet y arriva avec environ 1.200 hommes.

Bulletin de la Société archéologique de Nantes
et du département de la Loire-Inférieure - 1917

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