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La Maraîchine Normande
31 janvier 2013

NOTICE SUR M. L'ABBÉ ALAIN DUMOULIN, PRETRE DU DIOCESE DE QUIMPER

NOTICE SUR M. L'ABBÉ ALAIN DUMOULIN
PRETRE DU DIOCESE DE QUIMPER

 

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Émigré en Bohême en 1793, oncle maternel de Mgr Graveran, et décédé vicaire général et curé de la cathédrale de Quimper.

Alain Dumoulin naquit le 8 novembre 1748, à Lanvéoc, trève de la commune de Crozon, récemment érigée en paroisse. Au sortir du grand séminaire, il fut nommé professeur au collège de Plouguernével, qui faisait alors partie de l'ancien diocèse de Cornouaille et appartient aujourd'hui au diocèse de Saint-Brieuc.

Après y avoir professé pendant quelques années, il devint recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric, à deux lieues de Quimper. C'est là que la Révolution le prit et l'obligea à émigrer. Il se retira d'abord à Liège en Belgique, puis à Prague en Bohême, où il passa la plus grande partie de son exil et où il obtint une place de précepteur dans une famille princière du pays.

 

M. Dumoulin était excellent humaniste et parlait très-bien le latin. Dans les moments de loisir que lui laissait son emploi de précepteur, il cultivait ses classiques et visitait les prêtres les plus distingués de la savante ville. Il en était très-recherché, sans doute en sa qualité d'émigré (car on s'intéresse toujours au malheur, mais aussi à cause de son commerce agréable, de son esprit cultivé et de sa facilité à parler la langue latine. On lui en faisait souvent compliment. - C'est étonnant, lui disait-on, que vous vous exprimiez si bien et si aisément en latin, vous qui êtes Français, parce que chez vous le latin se parle peu.

 

Il y avait à Prague une académie littéraire, qui donnait au concours, chaque année, divers sujets de composition latine. M. l'abbé Dumoulin y obtint une fois le premier prix (une médaille d'or) ; une fois le premier accessit, et deux fois le second prix, qui consistait en une médaille d'argent. Le sujet de la première composition était l'éloge de la Bohême : Encomium regni Bohemioe. Mgr Graveran racontait qu'étant tout jeune chez son oncle, M. Dumoulin, il a vu et tenu entre ses mains la médaille d'or, prix de l'Eloge de la Bohême.

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A la prière de plusieurs de ses amis de Prague, et spécialement sur les instances d'un ecclésiastique aussi éminent par sa science que par sa vertu, auquel il devait de la reconnaissance, M. Dumoulin composa, pendant son exil, une grammaire latino-celtique qui a pour titre : Grammatica latino celtica, doctis ac scientiarum appetentibus viris composita, ab Alano Dumoulin, presbytero, encomii regni Boehemioe anthore. - Pragoe Bohemorum, 1800, in-8°.

A son retour de l'émigration, tôt après le concordat, il revint dans son ancienne paroisse d'Ergué-Gabéric, où il ne resta que peu de temps par suite de sa nomination à la cure de Crozon. Il devint successivement chanoine honoraire, curé de la cathédrale de Quimper, et vicaire général de Mgr Dombideau de Crouseilhes. M. Dumoulin, outre les ouvrages que nous avons cités, a écrit, en breton, un petit livre intitulé : Hent ar Barados, ou le Chemin du Paradis, suivi d'un abrégé de la vie de plusieurs saints de Bretagne, Buez emeus cant Soent eus a Vreiz.

Mgr de Crouseilhes avait pour lui une affection toute particulière et une vénération profonde. Il aimait en lui le prêtre pieux et fidèle, le confesseur de la foi ; il aimait l'émigré de la Belgique et de la Bohême, il aimait l'homme instruit, le vieillard gracieux et vénérable dont la personne inspirait le respect. Sa figure et ses cheveux blancs faisaient dire à son évêque qu'il avait la "figure la plus pastorale de son clergé".

M. Dumoulin n'avait pas seulement la "figure pastorale", il avait encore toutes les qualités d'un bon pasteur : science ecclésiastique, talent d'exposer clairement et brièvement la doctrine chrétienne, bonté, douceur et simplicité. Les personnes âgées de Quimper, qui ont suivi ses catéchismes, se rappellent avec émotion sa tendresse et sa douceur pour les enfants. Il tenait à faire lui-même le petit catéchisme préparatoire à la première communion, chargeant ses vicaires des enfants plus âgés et plus avancés. C'était pour lui la partie la plus chère et non la moins grande de ses fonctions curiales !

Qu'il était beau et touchant de voir ce vénérable vieillard, couvert de cheveux blanchis par l'exil, enseigner les éléments de la religion aux petits enfants ! Toujours souriant et plein d'affabilité au milieu de son jeune troupeau, il était bien alors l'image de Notre-Seigneur Jésus-Christ bénissant les enfants de la Galilée et disant : Laissez, laissez-les donc venir à moi, car le royaume des cieux est à eux.

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Sa bonté se montrait surtout dans ses visites à ses paroissiens éprouvés par le malheur ou affligés par la perte de quelque parent. Il trouvait alors dans son coeur de pasteur des paroles qui consolaient et restaient profondément gravées dans l'âme.

Un jour, il visitait un père de famille qui était dans le chagrin. Il essaie de le consoler en lui disant que Dieu est bon, même lorsqu'il nous frappe. C'est vrai, dit le père égaré par la douleur ; mais quelquefois il frappe bien dur et bien fort. - Mon enfant, reprit le curé, croyez-le bien, Dieu est bon, même quand il nous éprouve : cet excellent père ne frappe jamais ses enfants des deux mains.

Aussi était-il chéri de ses paroissiens. Quand il mourut, ce fut un deuil universel dans la ville. On jugea de l'estime et de l'affection dont il jouissait, au nombre considérable de personnes de toutes les classes qui assistèrent à ses funérailles.

M. Dumoulin, mourant curé de la cathédrale de Quimper, aimé, vénéré de tous, ne songeait sans doute pas que 45 ans plus tard, son neveu, alors séminariste, mourrait aussi pasteur de cette cathédrale, à un titre supérieur, aimé, vénéré et regretté de tous. ...

M. Dumoulin a laissé un petit livret écrit tout entier de sa main intitulé : Mon Enchiridion ou Mon Veni mecum. C'est un recueil de prières, en partie tirées de divers auteurs ascétiques, en partie composées par lui-même. Ce sont tantôt des formules de prières relatives à différentes confréries auxquelles le saint prêtre était affilié ; tantôt des invocations ardentes à son ange gardien, à saint Alain, son patron ; à saint Corentin, patron de son diocèse ; à saint Guinal, patron de la paroisse ... Ici il prie pour ses parents, ses amis, ses paroissiens vivants ; plus loin, il prie pour son père, pour sa mère et ses parents défunts ... On est ému jusqu'aux larmes, en parcourant cet Enchiridion, quand on se rappelle que c'était le Veni mecum du pauvre émigré. Toute l'âme du prêtre breton s'y montre. On voit quelle forte et douce piété il avait ; quelle simplicité, quelle naïveté il alliait à l'héroïsme du devoir et à l'abnégation quotidienne de soi-même. On sent que l'exil lui est souvent pénible, que l'amour du sol natal le fait souvent soupirer et gémir. La nature l'incline parfois à se plaindre de ceux qui le condamnent à vivre loin de sa Bretagne, de sa paroisse ... Le murmure semble vouloir, à certains jours, sortir de ses lèvres ... Mais la grâce est plus forte que la nature ... Le saint prêtre, au lieu de maudire, bénit ; ... au lieu de murmurer, il se résigne ...

 

Quoi de plus touchant que cet acte de résignation :


ACTE DE RÉSIGNATION
"S'il est arrêté dans les immuables décrets de votre Providence, ô mon Dieu, que la France ne se relèvera pas de ses ruines, et que je sois condamné à ne plus revoir ma malheureuse patrie, je me soumets sans plainte et avec résignation à cet arrêt de votre justice ; les biens et les maux ne sont-ils pas également des présents de votre main ? La pauvreté n'a rien qui m'effraye ; mon coeur n'était point attaché aux richesses : heureux échange ! Vous nous retirez nos biens, vous nous donnez des vertus ; les soins de votre Providence ne m'abandonneront pas ; j'en ai pour garants vos infaillibles promesses ; j'en ai pour exemple la vigilante magnificence de votre bonté paternelle qui s'étend jusqu'au plus petit des oiseaux. Qu'aurait donc pour moi de si accablant la perspective d'un exil éternel ? Ai-je jamais regardé cette terre, que comme un lieu de passage ? Que m'importe dans quel lieu doit s'écouler le rapide torrent de mes jours ? Que m'importe sous quel ciel, dans quel climat doit se faner et périr cette fleur fragile et passagère ! Que je trouve un temple où je puisse vous adorer et là sera ma patrie ; et si la rigueur de ma destinée me jetait jusque dans les contrées barbares où votre nom n'est pas connu, le ciel n'est-il pas ouvert à mes adorations ? l'univers ne déploie-t-il pas à mes regards un temple assez majestueux ? Oh ! dans mon dénûment de tout, vous me resterez, livre admirable et sublime, consolant évangile ! Vous me resterez, et vous m'apprendrez à souffrir et à souffrir encore ; vous m'adoucirez l'amertume de mes humiliations ; que dis-je ! vous me les rendrez plus chères, vous les ennoblirez à mes yeux, vous les élèverez à la hauteur de la croix ; appuyé sur vous je regarderai d'un oeil tranquille et désintéressé le monde et ses orages, la fortune et ses vicissitudes, les empires et leurs révolutions ; et quand le trop tardif moment de ma dissolution sera arrivé, c'est sur vous que je laisserai tomber ma tête ; vous descendrez avec moi dans le tombeau, vous fomenterez dans mes cendres inanimées cette étincelle d'immortalité jusqu'à ce qu'elle se développe au jour de la résurrection. Ainsi soit-il."

PRIERE POUR OBTENIR DE DIEU L'OUBLI DES INJURES QU'ON NOUS A FAITES.
"Grand Dieu ! vous seul pouvez fermer les plaies qu'une orgueilleuse sensibilité a faites à mon coeur, en y nourrissant des sentiments injustes ! Faites, Seigneur, que j'oublie des offenses légères, afin que vous puissiez oublier le crime de toute ma vie. Est-ce à moi, ô mon Dieu, à être si sensible et si inexorable aux plus petits outrages, moi qui ai tant de besoin que vous usiez à mon égard d'indulgence et de miséricorde ? Les mépris et les injures dont je me plains, égalent-ils ceux dont j'ai mille fois déshonoré votre grandeur suprême ? Faut-il que le ver de terre s'irrite tandis que votre Majesté souveraine souffre depuis si longtemps et avec tant de bonté, toutes mes révoltes, toutes mes offenses, tous mes outrages ! Qui suis-je, pour être si touché de ma gloire, moi qui ne devrais oser lever les yeux vers vous, moi qui ai mille ignominies secrètes à me reprocher, moi qui mériterais d'être le rebut de tous les hommes, moi qui me suis rendu digne des outrages les plus piquants et les plus sanglants, moi enfin qui n'ai plus de salut à espérer, si vous n'avez pitié de ma misère ? Mais, ô mon Dieu, puisque vous mettez votre gloire à pardonner aux pécheurs, je veux mettre la mienne à pardonner à mes semblables ; acceptez, Seigneur, ce sacrifice que je vous fais de mes ressentiments ; ne jugez pas de son prix par les offenses légères que je veux oublier par amour pour vous, mais jugez-en par l'orgueil qui les avait grossies et me les avait rendues si sensibles ; et puisque vous avez promis de remettre nos fautes dès que nous les remettons à nos frères, accomplissez, Seigneur, vos promesses ; c'est dans cette espérance que je pardonne à mes ennemis, pardonnez-moi aussi, ô mon Dieu ! C'est en oubliant les petites injures qu'on m'a faites, que j'ose compter sur vos miséricordes éternelles. Ainsi soit-il !"

M. l'abbé Dumoulin mourut à Quimper, en l'année 1811, et fut enterré dans le cimetière de Saint-Louis. Plein de vénération pour la mémoire du saint prêtre et de reconnaissance pour l'oncle qui avait pris soin de son éducation, Mgr Gravereau fit, en 1852, l'exhumation de ses restes qui furent déposés dans le choeur de la chapelle dudit cimetière. On y lit, sur une plaque en marbre noir, cette inscription composée par Monseigneur lui-même :

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Extrait du livre : Vie de Mgr Joseph-Marie Graveran, Evêque de Quimper et de Léon
par M. l'abbé Joseph-Marie Téphany - 1870

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