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La Maraîchine Normande
24 janvier 2013

L'INSURRECTION DE L'AN IV DANS LE GERS ♣ 2ème et dernière partie

Par M.G. BREGAIE

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2ème et dernière partie

Parmi les tristes évènements qui caractérisent cette malheureuse période de notre histoire régionale, il en est qui eurent un retentissement considérable parce que les insurgés se montrèrent particulièrement violents et cruellement tenaces. Dans la commune de Betcave vivait un citoyen nommé Saintgès-Senturin ; cet homme était haï de certains de ses concitoyens parce qu'il était resté attaché aux principes de la Révolution, et surtout parce qu'il avait constamment donné asile à un prêtre constitutionnel nommé Duporteau. Or, dans la nuit du 14 au 15 thermidor an III (Ier au 2 août 1795), une troupe de gens armés s'était introduite dans l'église de Betcave. Elle y avait dérobé plusieurs objets en argent appartenant à Saintgès-Senturin, et nécessaires à l'abbé Duporteau, pour l'exercice du culte : un ostensoir, une custode et un calice avec sa patène. De là, cette troupe s'était rendue chez Saintgès-Senturin ; elle avait pénétré de vive force dans la maison, demandant à grands cris l'abbé Duporteau. La porte qui conduisait aux appartements de celui-ci avait été brisée à coups de hache, et Saintgès-Senturin, ayant voulu s'opposer à l'entrée des assaillants, avait été fort maltraité. Cependant, les voisins, éveillés par le bruit, allaient accourir lorsque les perturbateurs, craignant d'être surpris, détalèrent au plus vite.

Peu satisfaits du résultat de cette première tentative, ils revinrent, en plus grand nombre, dans la nuit du 3 au 4 pluviôse an IV (23 au 24 janvier 1796). Portes et volets furent criblés de balles et puis enfoncés à coups de massue. Un jeune enfant de Saintgès-Senturin, que la peur faisait fuir par la fenêtre fut atteint de deux coups de feu. La maison fut fouillée dans tous les sens pour rechercher le malheureux abbé Duporteau ; mais les recherches ayant été infructueuses, l'attroupement se retira, après avoir volé à Saintgès-Senturin divers objets et après lui avoir intimé l'ordre d'avoir à chasser, dans le délai de trois jours, l'abbé Duporteau, sous peine de voir sa maison incendiée.

Dans la nuit du 9 au 10 ventôse an IV (28 au 29 février 1796), le même attroupement se forma pour la troisième fois et s'introduisit de force dans la maison de Saintgès-Senturin. Les perturbateurs se divisèrent ensuite en deux groupes. Les uns ayant enfermé Saintgès et sa famille dans la porcherie, ils les gardèrent prisonniers toute la nuit ; pendant ce temps, les autres fouillaient la maison de fond en comble enfonçant les armoires, pillant et saccageant tous les meubles.

Mme Saintgès-Senturin ayant tenté de s'échapper de son infect cachot, reçut deux coups de feu qui la blessèrent grièvement. Elle tomba évanouie dans les bras de ses enfants. Peu accessibles au sentiment de la pitié, les perturbateurs feignirent de ne pas entendre le mari qui les suppliait, en pleurant, de lui donner un peu d'eau pour secourir sa femme. Cependant, le pillage se poursuivait dans la maison ; divers objets avaient été portés à l'extérieur par certains pillards, tandis que les autres étaient allés chercher du feu chez un voisin, dans l'intention évidente d'exécuter leur projet d'incendie. Mais, entre temps le prêtre Duporteau fut découvert dans sa cachette ; dès lors toute la rage de la troupe se tourna contre ce malheureux prêtre. On le saisit brutalement puis, après l'avoir garrotté, on le conduisit, presque nu, à travers les broussailles, jusqu'au milieu d'un bois où on l'attacha solidement à un arbre. Ses agresseurs délibérèrent un instant sur le genre de mort qu'ils lui feraient subir ; mais ils se ravisèrent soudain. On se contenta de fendre les oreilles du prêtre et de le renvoyer ainsi, mutilé, sanglant et hurlant de douleur.

Cette malheureuse et triste affaire fut appelée au tribunal civil dans son audience du 4 prairial an IV (lundi 23 mai 1796) :

"De pareils attentats crient vengeance", s'écria le commissaire du pouvoir exécutif près ce tribunal. Quelques-uns des scélérats sont maintenant sous le glaive de la loi ; mais cela ne suffit pas à la vindicte publique. Tous les habitants de Betcave qui n'ont pas participé directement à ces scènes d'horreur ont à se reprocher de n'avoir rien fait pour les prévenir : leur indifférence à l'égard de leur concitoyen est criminelle : ils doivent l'indemniser des pertes qu'il a souffertes dans ses biens, dans sa personne et dans celle de sa famille. Jamais la loi du 10 vendémiaire an IV sur la police intérieure des communes ne trouva mieux son application que dans cette espèce."

Le tribunal condamna en effet la commune de Betcave :

1° A restituer au citoyen Saintgès-Senturin un calice, une patène, un ostensoir et une custode, le tout en argent et de moyenne grandeur ; à lui verser en outre 18.200 francs en assignats, 142 fr.25 en argent et enfin une somme de 2.618 fr., cette dernière somme représentant le double de la valeur des objets qui lui avaient été volés ;

2° A payer à l'abbé Duporteau la somme de 240 fr.50 formant le double de la valeur des objets à lui volés ;

3° A payer la somme de 6.000 francs au citoyen Saintgès-Senturin pour lui tenir lieu de dommages et intérêts, en considération des blessures faites à ses enfants et à sa femme, laquelle était demeurée estropiée ;

4° A payer à la République une amende de 9.240 francs valeur fixe et 18.200 francs en assignats ;

5° A payer les frais d'affichage du jugement dans toutes les communes du département.

Le jugement fut en effet imprimé, tiré à huit cents exemplaires et placardé dans toutes les communes du Gers. - Fut-il exécuté ? Nous ne saurions l'affirmer. L'autorité des représentants de la loi était si faible et les moyens de contrainte si dangereux à exercer sur des populations en continuelle révolte contre le gouvernement révolutionnaire que le jugement en question put bien rester à l'état de lettre-morte.

On ne redoutait pas plus les gendarmes qu'on ne redoutait les huissiers, le fait suivant en fournira la preuve : dans la nuit du 8 au 9 janvier 1796, des militaires déserteurs appartenant à la première réquisition se portèrent en armes à la caserne de la gendarmerie de Gimont ; ils terrorisèrent les gendarmes et leur défendirent expressément d'arrêter un seul déserteur, sous peine d'être impitoyablement massacrés.

Dans un grand nombre de localités, la tranquillité publique était troublée, pendant la nuit, par des bruits d'armes à feu et des propos contre-révolutionnaires destinés à intimider les fonctionnaires publics. Bref, les désordres devenaient de plus en plus fréquents dans cette malheureuse région de l'Isle-Jourdain. Les pouvoirs publics ne pouvaient pas différer plus longtemps l'envoi de la force armée dans les communes rebelles, sans s'exposer à voir l'insurrection gagner en étendue et en profondeur. Le directoire du département adressa donc un arrêté de réquisition au général Sol, à Toulouse (25 nivôse an IV, 15 janvier 1796). Cet arrêté prescrivait au général d'opérer dans toutes les communes de l'ancien district de l'Isle-Jourdain et tout spécialement dans celles de Mombrun, Beaupuy, Sainte-Agathe, Razengues, Turnibes, Encausse, Cassemartin, Frégouville et Monferran, qui étaient plus particulièrement en rébellion. On devait enlever leurs cloches aux communes qui en avaient abusé pour sonner le tocsin et donner le signal des soulèvements. Enfin tous les prêtres réfractaires devaient être arrêtés partout où il en serait trouvé ; toutefois on devait commencer par ceux dont l'asile était connu ; c'étaient :

1° L'abbé Bégué, vicaire d'Encausse, chez la veuve Lougairon, dans la commune de Quintignaux ;

2° L'abbé Vignes, ci-devant curé d'Ambon, chez Dauxion surnommé Couture dans la commune d'Escorneboeuf, près Juilles ;

3° L'abbé Darolles, fils du juge de paix de Monferran chez son père ;

4° L'abbé Bégué, chez Lagarde, surnommé Pouton, à Mombrun.

Des instructions très précises furent données au général Sol pour procéder à l'arrestation des prêtres insermentés :

Leurs asiles sont secrets, lui écrivaient les administrateurs, ils sont peut-être pratiqués dans des souterrains ou dans les murs ; il conviendrait donc de frapper quelques coups sur les planchers, sur le pavé, sur le mur des maisons parce que leur excavation les fera résonner et vous découvrira les cachettes des prêtres. Ils se déguisent en charretiers, en femmes, etc. - Quant aux militaires déserteurs, quoiqu'ils doivent être tous arrêtés, il doivent être pardonnés s'ils se repentent et s'ils demandent une feuille de route. Il est cinq volontaires à Gimont (ci-devant district d'Auch) dont vous devrez vous assurer ; ce sont Messine aîné, Ginorris cadet, François Rivière, Donau et Bourreg fils, qui paraît avoir provoqué dans la commune de Gimont, jusqu'alors tranquille, un attroupement nocturne qui se porta à la caserne des gendarmes pour les menacer de mort s'ils arrêtaient des militaires ... Les bons citoyens avec lesquels vous pouvez communiquer et que vous pouvez consulter sont : Cavaré, à Cologne, commissaire du directoire exécutif près l'administration municipale du canton ; Lacaze, à Monferran ; Darrouy, à Samatan ; Destouet et Serain, à Gimont ; Arrivets, à Montiron.Vous devez prendre des précautions de prudence pour que vos relations soient ignorées parce qu'ils seraient terrorisés (21 nivôse an IV, 19 janvier 1796)

A la réquisition qui lui fut adressée à Toulouse le général répondit par la lettre suivante :

D'après l'aperçu que vous me donnez des obstacles qu'il y aurait à vaincre, je vous préviens que le 2 pluviôse arriveront à l'Isle-Jourdain : deux cent cinquante hommes d'infanterie, cent quarante chevaux et deux pièces de canon ; à ces forces, il faut joindre les cent hommes d'infanterie qui sont à Monferran et à Castillon ; nous avons outre cela cent fantassins à Beaumont, département de Haute-Garonne. Je ne crois pas que les insurgés, quelque fanatisés qu'ils soient et quel que soit leur nombre, osent se rassembler contre nous, malgré l'audace de leurs chefs (27 nivôse an IV - 17 janvier 1796).

Les insurgés n'essayèrent point en effet d'opposer à la force armée une résistance ouverte. Il n'y eut point, comme en l'an VII, de sanglants combats, des sièges en règle et de véritables batailles rangées. Les insurgés se contentèrent de harceler les troupes chaque fois qu'ils en eurent l'occasion. Ainsi, le 4 pluviôse an IV (25 janvier 1796), le caporal Bajon et quatre hommes de la 22me bis demi-brigade d'infanterie légère, faisant partie du détachement cantonné à Monferran, avaient été envoyés à Auch, par leur commandant, pour aller y chercher des munitions. Comme ces soldats revenaient d'Auch, ils furent arrêtés, près d'un bois situé entre Aubiet et Gimont, par une douzaine de jeunes paysans armés et dont le visage était entièrement noirci. Les soldats furent contraints de leur abandonner toutes les munitions dont ils étaient porteurs, c'est-à-dire un grand nombre de pierres à fusil et trente-six paquets de cartouches.

Les troupes du général Sol se heurtèrent à maintes difficultés dans cette nouvelle Vendée, car les habitants du pays faisaient cause commune avec les auteurs des troubles. Le général enleva leurs cloches aux communes qui en avaient abusé pour sonner le tocsin de l'insurrection ; les déserteurs furent invités à rejoindre leurs régiments dans les trois jours ; passé ce délai, on installait des soldats dans la maison même de leurs parents. Cette mesure produisit de bons résultats. D'autre part, les procédures se poursuivaient sous la protection de la force armée. Quant aux prêtres réfractaires, se tenant prudemment cachés, ils renonçaient pour le moment à continuer l'agitation. Il semblait que la tranquillité allait être rétablie et que la loi serait désormais respectée.

Les administrateurs du département se félicitaient de voir les troupes du général Sol protéger le travail des autorités judiciaires ; mais grande fut leur déception lorsqu'ils apprirent que le général était obligé de rappeler la plupart des troupes qui opéraient dans l'ancien district de l'Isle-Jourdain. Le ministre de la Guerre avait ordonné le départ immédiat pour l'armée d'Italie de la 4e demi-brigade d'infanterie légère et du 15e régiment de dragons. Le général Sol était donc obligé de faire rentrer à Toulouse les détachements de ces régiments qui se trouvaient dans l'ancien district de l'Isle-Jourdain. Le Ier régiment d'artillerie légère allant à Valence, il devait retirer également le détachement de ce régiment envoyé à l'Isle-Jourdain. Il ne restait dans cette ville que deux cents hommes de la 22e bis demi-brigade d'infanterie légère, appartenant à la garnison d'Auch ; d'autre part, un détachement de cinquante hommes appartenant à la demi-brigade de la Haute-Saône et Loire demeurait à Cologne.

Ces forces ainsi réduites devenaient insuffisantes d'autant que sur les deux cents hommes cantonnés à l'Isle-Jourdain on dut, pendant quelques jours, en détacher cent cinquante sous le commandement de l'officier Lux, pour aller à Lombez faire exécuter les lois et arrêtés.

Les administrateurs du département paraissaient découragés ; "il est malheureux pour le département du Gers", écrivirent-ils au général Sol, "que lorsque les rébellions s'y multiplient, les moyens de les étouffer s'y évanouissent (22 pluviôse an IV, 11 février 1796)".

Les soldats durent se multiplier ; ils se transportèrent successivement à Lombez, à Samatan et à Saramon pour y prêter main forte à la justice. Peu à peu, grâce à leurs efforts, une apparente tranquillité régna dans le pays : "Quant à l'arrestation des prêtres, écrivait le général Sol aux administrateurs du Gers, vous sentez, ainsi que moi, citoyens, qu'on n'en prendra aucun avec le tambour ; ce bonheur ne peut être que l'effet des soins suivis et constants des autorités civiles et des patriotes du pays (11 ventôse an IV, 1er mars 1796".

Le ci-devant district de l'Isle-Jourdain n'était pas le seul où se fût manifesté l'esprit de rébellion ; l'effervescence avait aussi gagné quelques cantons des anciens districts d'Auch et de Mirande. On avait vainement essayé  d'y arrêter quelques prêtres réfractaires. Les administrateurs du département se proposaient de renouveler cette tentative lorsque l'ordre serait parfaitement rétabli dans les cantons les plus insurgés ; ils se plaignirent au ministre de la Police générale de n'avoir pas des forces suffisantes à leur disposition. Avec deux cents hommes de cavalerie au chef-lieu du département, ils eussent répondu, disaient-ils, de la tranquillité publique, de l'observation rigoureuse des lois et du prompt départ des déserteurs. Mais les principaux éléments de répression leur faisaient défaut ; d'autre part, la situation politique du département était fort troublée et l'anarchie administrative s'y développait chaque jour davantage. On en jugera par ces lignes extraites d'un rapport secret adressé par le président du directoire du département au citoyen Merlin, ministre de la Police générale.

... La loi du 10 vendémiaire offre un moyen sûr d'arrêter les pillages et les dévastations des propriétés en rendant les communes responsables ; je regarde cette mesure comme des plus efficaces ; mais, citoyen ministre, pour recourir à cette mesure il faut un tribunal civil, et il n'en existe pas dans le département du Gers. Les démissions, la loi du 3 brumaire ont désorganisé le nôtre ; à peine a-t-on pu former le tribunal criminel et les tribunaux de police correctionnelle ; il n'a donc pas été possible de faire condamner les communes à réparer les dommages ... Il serait donc essentiel de faire condamner les communes à réparer les dommages ... Il serait donc essentiel que vous hâtassiez l'organisation de ce tribunal que nous n'avons cessé de réclamer.

... Quant à la situation politique de ce département, je ne puis vous en rendre un compte avantageux ; l'esprit public y est dans l'apathie, le fanatisme y a fait des ravages ; l'administration a tenté inutilement d'y organiser la garde nationale, et certes c'est un problème de savoir s'il est avantageux de l'organiser, car, depuis la mise en liberté des prêtres, les patriotes qu'ils n'ont pas égarés forment le plus petit nombre ; il est à craindre que les chefs de la garde nationale ne fussent mauvais et alors on aurait tout à redouter et peu à espérer de son organisation ; cependant, pourvu qu'on parvienne à faire partir les déserteurs, il n'y a pas à craindre pour la tranquillité publique ; les habitants, presque tous agricoles, ne s'occupent que de leurs travaux ; ils aiment en général la liberté, la suppression des dîmes et des droits féodaux ; mais aujourd'hui ils l'aiment froidement. Ils observeront la loi par amour de la paix, mais ils ne l'observeront pas avec ce zèle ardent qui caractérise le vrai républicain.

L'administration centrale du département est dans les meilleurs principes. Nous chérissons tous la Révolution, nous aimons la loi et nous sommes d'accord pour la faire respecter. Il n'en est pas de même des administrations municipales ; les prêtres insermentés ont dirigé presque toutes les nominations ; aussi sont-ils épaulés par les agents des communes ; il y a peu de jours qu'un prêtre sexagénaire a été arrêté chez un agent : le prêtre a été traduit de suite à la maison de réclusion. Le département a destitué l'agent et l'a dénoncé à l'accusateur public pour lui faire appliquer la peine de deux années de détention prononcée par la loi. Avec cette inflexibilité dans l'exécution de la loi, je suis convaincu que le département ramènera les administrations municipales au point de ne jamais dépasser les bornes de la loi ni de rester en arrière pour aucune des mesures qu'elle prescrit.

Dans une nouvelle organisation des choses il faut du temps pour donner à toutes les branches de la machine politique le mouvement nécessaire ; c'est ce qu'on éprouve dans les administrations municipales ; les agents des communes ne se rendent pas exactement aux assemblées ; il faudrait un ou deux secrétaires dans chaque administration ; on les trouverait aisément si on pouvait les payer ; mais on n'a que des assignats à leur offrir, ils n'en veulent pas ; on ignore encore sur qui retomberont les frais de ces administrations, et cette incertitude ralentit l'organisation des bureaux. L'administration du département elle-même se voit menacée d'être bientôt sans commis, si on continue de les payer en assignats avec lesquels ils ne peuvent point se procurer les moyens de subsister (21 pluviôse an IV, 10 février 1796).

Telle était donc la situation du département au commencement de l'année 1796 ; un certain flottement très préjudiciable à l'intérêt public se produisait dans l'application de la nouvelle organisation administrative conforme à la Constitution de l'an III ; certains tribunaux n'avaient pu être constitués et d'autres étaient désorganisés ; aussi la justice ne fonctionnait que d'une façon très irrégulière ; les assignats étaient complètement discrédités ; le recrutement des fonctionnaires était très difficile faute de ne pouvoir les payer en numéraire ; il y avait danger d'organiser la garde nationale, car on était obligé de la recruter parmi les adversaires même du nouveau régime ; les municipalités étaient, en grande partie, acquises aux contre-révolutionnaires ; le zèle des républicains s'était attiédi, l'ardeur des prêtres et des royalistes était au contraire d'autant plus vive qu'elle avait été plus longtemps contenue ; les administrateurs du département, soutenus par la force armée, avaient bien arrêté les progrès de l'insurrection, mais les prêtres qui l'avaient fomentée restaient pour la plupart insaisissables.

A l'approche des troupes du général Sol, les désordres avaient momentanément cessé, mais la tranquillité obtenue n'était qu'apparente ; les esprits n'étaient poins calmés et les prêtres continuaient d'agiter sourdement les populations. La majeure partie du département du Gers était mûre pour une plus vaste et plus violente insurrection ; à peine les troubles de l'ancien district de l'Isle-Jourdain étaient-ils réprimés qu'un soulèvement se produisait dans l'Armagnac, à l'instigation du curé de Margonët (avril 1796). Enfin trois ans plus tard, en août 1799, éclata la fameuse insurrection de l'an VII, qui fut courte mais terrible ; elle inonda de sang et couvrit de ruines le sol du département du Gers. Le soulèvement de l'an IV, que nous venons d'étudier, et celui qui se produisit dans l'Armagnac, en avril 1796, n'en sont que les tristes préludes.

Bulletin de la Société archéologique du Gers -

 

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