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La Maraîchine Normande
6 janvier 2013

BRETAGNE ♣ PAGES D'HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION (1793) ♣ N° 4

 

IV

Revenons à la colonne mobile.

Aussitôt que Lebatteux eut appris qu'on était réuni en prières dans l'église paroissiale, sa résolution changes, et la chapelle de Brangolo fut sauvée. Immédiatement il détache ses cavaliers avec ordre de se précipiter, et il les fait suivre au pas de course par ses piétons. Dans un instant on est rendu. Le bourg est envahi, les portes de l'église cernées dans un clin d'oeil et avant que personne ait pu donner l'alarme. Lebatteux, précédé de nombreuses baïonnettes, entre et traverse l'assemblée, plongée dans la consternation. Il monte dans la chaire, où, depuis des siècles, les ministres du Dieu de paix avaient annoncé les vérités saintes, les vertus civilisatrices et l'amour des hommes. On ose à peine le regarder, ses membres tremblent et ses yeux jettent des éclairs. Tout d'un coup, il parle et il annonce qu'il va griller tout le monde, si on ne lui livre, dans quelques heures, huit mille francs et les chefs qui égarent la population. Pour appuyer ses réclamations, il ordonne à ses gens - car je ne puis dire à ses soldats - d'aller incendier une chapelle vénérée qui, se trouve dans le bourg, et d'apporter du bois pour mettre le feu dans l'église. Ces ordres sont immédiatement exécutés. La chapelle n'est bientôt plus qu'un brasier ... Le maire, averti, accourt et se présente à l'église. Il prie Lebatteux de suspendre un instant ses arrêts. Il s'entend avec quelques hommes qui s'en vont chercher tout l'argent qu'ils peuvent trouver. La somme est faite et livrée ; mais cela ne suffisait pas, il fallait aussi des victimes. Huit jeunes gens sont choisis comme plus suspects que les autres. On creuse leurs fosses, sous leurs yeux, dans le cimetière qui entoure l'église. Une décharge part à bout portant, et ils tombent morts ... Le lendemain, l'officier public provisoire de la commune enregistrait sur le livre des décès les noms de six de ces infortunés , que je donne ici d'après lui : - François Lescop, âgé d'environ 30 ans ; Guillaume Lescop, son frère, âgé d'environ 25 ans ; Guillaume Dréan, âgé d'environ 28 ans ; Jean Rival, âgé d'environ 20 ans ; Pierre Le Métère, âgé d'environ 20 ans ; Jacques Mari, âgé d'environ 27 ans ; tous habitants de ladite paroisse.

Deux noms ne furent donc pas inscrits. A l'occasion des affaires de la Roche-Bernard, au mois de mars de la même année, le rapport adressé aux administrations supérieures porte le nombre des victimes également à vingt et plus. Cependant sur les registres on ne trouve qu'une douzaine de morts. M. Tresvaux se plaint, dans son Histoire de la persécution révolutionnaire en Bretagne, de ce que les choses se passaient ainsi dans beaucoup d'endroits.

Lebatteux, après son départ du bourg de Noyal, s'en alla à Muzillac, mais en brûlant sur son passage le village de Brenlis.

Je ne le suivrai pas plus loin dans ses pérégrinations épouvantables. Qu'il me suffise de dire que son nom et ses méfaits furent reprochés à Carrier, au moment de son procès criminel du mois de décembre 1794.

Lors de la reprise de Redon par les royalistes, à la fin du siècle dernier, Lebatteux, paraît-il, tenait encore une hôtellerie dans cette ville. Plusieurs vieillards m'ont assuré bien des fois que, faisant partie de l'armée, ils étaient entrés dans sa maison. Ils le trouvèrent dans un de ses appartements, saisi de peur et d'effroi. Ils lui adressèrent à leur façon une parole célèbre : "Si tes opinions révolutionnaires t'ont engagé à tuer nos parents et nos compatriotes, notre religion nous oblige à te pardonner. Nous mourons de soif, donne-nous deux bouteilles de vin pour nous rafraîchir ; c'est toute la vengeance que nous tirons du sang que tu as versé."

Les choses ne se passèrent sans doute pas toujours ainsi, la guerre civile offre à l'histoire de tristes représailles ; à mes yeux, c'est une raison de plus pour conserver les faits qui demeurent empreints d'un véritable esprit chrétien.

Lebatteux mourut plus tard de mort naturelle ; mais dit-on, dans les transes du désespoir et en voyant son sang couler par tous les pores.

Laissons ces tristes scènes et puissent-elles ne jamais revenir !

L'abbé PIÉDERRIERE

Revue de Bretagne et de Vendée (Vannes) - 1860

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Commentaires
J
oui effectivement j'ai ete rechercher le texte integral sur le site de la BNF
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S
De rien, Jessbreiz. Je n'y suis pas pour grand chose en fait. Comme vous avez peut-être pu vous en apercevoir, je ne fais que reprendre des textes existants, des textes oubliés, des textes utiles à la mémoire. Je suis heureuse que celui-ci vous ait été utile. Merci à l'abbé Piéderrière. ...
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J
merci d'avoir rétabli l'histoire jean rival est l’ancêtre de mon ami et sue les registre de deces il est noter qu'il etait deserteur
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La Maraîchine Normande
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