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La Maraîchine Normande
29 décembre 2012

CHATEAUX DE VENDÉE ♣ MESNARD-LA-BAROTIERE

1ère partie

La tradition rapporte qu'une voix romaine passait au castel de la Barotière, venant de Poitiers, Mallièvre, le Mont-Mercure (Saint-Michel), et se dirigeait sur Nantes par Durinum (Saint-Georges-de-Montaigu) et Deas (Saint-Philibert-de-Granlieu). Ce chemin, après avoir traversé les Bois-Verts et la Barotière, venait aboutir au passage dangereux de la Forte-Ecuyère, où périt Bougon, duc d'Aquitaine, et franchissait le Bléson.

Parler de la Barotière, c'est faire l'histoire de ses seigneurs. On trouve dans Dom Fonteneau la mention d'une donation de quelques rentes faite le 8 juillet 1243 à l'abbaye de la Grènetière par Aimeri Goyas, chevalier, seigneur de la Barotière, fils de Enjubaud Goyas.

Le savant bénédictin raconte également que, le 12 décembre 1272, Aimeri Goyas, chevalier, seigneur de la Barotière et de Badiole, choisit par son testament sa sépulture dans l'abbaye de la Grènetière et donna à cette intention aux religieux quelques septiers de seigle à prendre sur le fief Goyau.

En 1395, André Foucher, seigneur de l'Émantruère, se maria à demoiselle Marguerite de la Barotière, fille de Jean seigneur de la Barotière : elle lui porta en dot le Plessis Damiette et la Pacaudière.

Il serait difficile d'établir d'une manière authentique le passage de la terre de la Barotière entre les différents seigneurs qui la possédèrent. Les Maynard-Mesnard vont, du moins, nous présenter une filiation suivie.

Christophe Mesnard

Christophe Mesnard, chevalier de la Vergne de Péault, la Vergne Cornet, la Rudelière, Saint-Gillet, les Gaszons, les Ors, fit en 1640 acquisition de la Barotière. C'était un homme distingué et rempli de courage ; il fut pendant la Fronde un des lieutenants de son parent Gabriel de Chateaubriand, comte des Roches-Baritaud, lieutenant général lui-même pour le roi en Bas-Poitou. Colbert de Croissy, dans un rapport adressé à Louis XIV en 1664, parle de lui en ces termes : "Il y a en élection de Mauléon, un Mesnard, seigneur de la Barotière, qui a servi et a de 14 à 15.000 livres de rente ; a un fils marié sans le consentement de son père à la dame de la Charoulière".

Le mariage de François Mesnard fut, en effet, tout un roman. La dame de la Charoulière était douée d'une grande beauté, mais son peu de fortune, les nombreux enfants qu'elle avait eus de son premier mari amenèrent inutilement les parents à demander à genoux à François Mesnard, leur fils aîné, de renoncer à cette union. La branche aînée de la famille, la branche des barons du Langon, seigneurs de la Bogisière, descend de ce romanesque mariage. François fut déshérité et cette exhérédation fut la cause de procès entre les différentes branches de la famille.

Christophe Mesnard s'était marié, le 21 juin 1620, à Catherine Gallier-Garnier, d'une famille parlementaire très riche. Il mourut, le 23 décembre 1665, et fut enterré dans l'ancienne église de la Barotière.

Christophe Mesnard appartenait à une de ces familles de simples gentilhommes du Bas-Poitou dont l'ancienneté est la même que celle des plus grandes races.

Le généalogiste Chérin, dans un Mémoire rédigé en 1772 pour les Preuves de cour, dit que cette maison se distingue par l'ancienneté de son origine. En effet, une charte conservée aux Archives de la Vendée mentionne un membre de cette famille parmi les chevaliers qui assistèrent vers 1050 à la fondation du prieuré de Fontaine, près de Talmond, et une série de chartes provenant des anciens couvents ou des châteaux du Talmondais constate l'existence de cette famille dès les XIe, XIIe, XIIIe et XIVe siècles dans les mêmes paroisses où la filiation suivie qui remonte à 1382 la trouve possessionnée. Elle compte parmi ses membres un gouverneur de la forteresse de Mareuil sur le Lay en 1365, et un écuyer de Jean de France, comte de Poitou, duc de Berry, frère de Charles V, en 1403. Mais ce qui sera son principal titre d'honneur, ce sera son dévouement sous toutes les formes à la branche aînée de la maison de Bourbon, pour laquelle elle prit les armes en émigration et en Vendée en 1793, en 1815 et en 1832.

La famille de Maynard-Mesnard est restée à l'époque des guerres de religion toujours fidèle à la foi catholique. Le nom, comme celui de toutes les familles dont l'orthographe pouvait varier sans que la consonnence fût sensiblement altérée, a été écrit Mainard, Mainnart, Maynard, Menartz et Mesnard, et encore aujourd'hui tous les membres de la famille ne se sont pas entendus pour l'adoption d'une seule et même orthographe.

Christophe Mesnard est l'auteur de quatre branches : 1° celle des barons du Gué-Sainte-Flaire, éteinte sous Louis XV ; 2° celle des barons de Langon, devenue l'aînée ; 3° celle des comte de Mesnard ; 4° celle des seigneurs de la Claye.

Pendant plus d'un siècle, les annales du bourg de la Barotière et celles des seigneurs n'offrent rien qui paraisse devoir être signalé, si ce n'est les touchants rapports inspirés par la charité chrétienne qui ne cessèrent d'exister entre les seigneurs et les habitants de la Barotière.

En 1766, Alexandre-Bonaventure de Mesnard, chevalier de Saint-Louis, arrière petit-fils de Christophe et qui avait pendant la Guerre de sept ans pris part aux batailles de Crevelt, de Lutzelberg où il fut blessé et à celle de Corbach, obtint l'érection en comté de Mesnard de la terre de la Barotière, fut en 1772 breveté mestre de camp de cavalerie, nommé en 1777 capitaine des Gardes de la Porte de M. le comte de Provence, et en 1788 maréchal de camp.

Son fils aîné, le comte Edouard de Mesnard, capitaine en survivance des gardes de la Porte de Monsieur, épousa en 1784 Louise-Joséphine de Caumont-la-Force, petite-fille de la Marquise de Caumont, gouvernante des enfants de M. le comte d'Artois. Mlle de Caumont-la-Force, dont le portrait a été conservé, était d'une grande beauté. Elle avait 12 ans lors de son mariage et son mari 17. Aussi raconte-t-on que M. et Mme de Mesnard allant, avec le Marquis et la Marquise de Chabrillan, rendre visite au maréchal de Richelieu, le vieux maréchal leur dit galamment que le nombre de ses années dépassait celui réuni des jeunes visiteurs.

Le second fils, Charles de Mesnard, né à Luçon en 1769, fut en 1784 à l'Ecole militaire de Paris, camarade de Napoléon Bonaparte. Par la loi des contrastes, des liens d'amitié se formèrent entre eux.

Nous arrivons à la Révolution française, qui devait en Vendée bouleverser toutes les existences.

La comtesse Edouard de Mesnard était de Valenciennes, lorsque M. le comte d'Artois y vint après la prise de la Bastille attendre ses fils, le duc d'Angoulême et le duc de Berry ; elle fut une des premières à émigrer avec sa soeur, la comtesse de Balbi.

Bientôt le comte de Mesnard, avec ses deux fils Edouard et Charles, prit lui-même le chemin de l'émigration. Il remplit quelque temps à l'armée des Princes les fonctions d'adjudant général. Lorsqu'il mourut à Coblentz, le 18 mars 1792, M. le comte de Provence, qui l'affectionnait beaucoup, lui fit faire de belles obsèques malgré la pénurie de ses ressources. Edouard et Charles de Mesnard, muni de faux passeports, traversant la France, vinrent à la Barotière porter des consolations à leur mère et à leur soeur, Mme de Mahé, à qui Edouard confia la garde de son fils, le petit Ladislas. Sa fille Zénobie était restée à Coblentz avec sa mère. Les deux frères parvinrent à s'embarquer à Boulogne pour Ostende, d'où ils gagnèrent l'armée des Princes et prirent part à la campagne de Valmy.

Bientôt la Vendée allait se soulever contre la Convention. La plus grande partie des habitants du bourg de Mesnard se joignit, soit à l'armée de Charette, soit à la grande armée vendéenne. Mme la comtesse de Mesnard, sa fille Mme de Mahé et le petit Ladislas suivirent la grande armée. Déjà le chevalier de Mesnard, seigneur de la Sicaudière, près Chantonnay, ancien officier de la Légion de Damas et beau-frère de Mme de Mesnard, avait été tué le 29 juin 1793 à l'attaque de Nantes. La marquise de la Rochejaquelein parle dans ses Mémoires du triste état dans lequel elle vit au passage de la Loire la comtesse de Mesnard, qui devait mourir à Ingrandes, et du dévouement de sa fille.

Pendant ce temps, la terre de Mesnard avait été mise sous le séquestre, mais, en raison du dévouement que les habitants du bourg portaient à la famille de leurs anciens seigneurs, aucun acquéreur de biens nationaux n'osait se risquer à l'acheter. Toutefois, le château fut incendié par deux soldats républicains du camp des Quatre Chemins de l'Oie. Cet incendie ayant été commis pendant une trêve, les deux coupables furent passés par les armes.

Revenons au comte Edouard de Mesnard. Après avoir vécu de privations en Angleterre, il se fit déposer en 1796 par une frégate anglaise au Clos-Poulet et vint combattre en Bretagne, où la lutte était encore vive. Il fut blessé et se rendit secrètement à Paris pour tâcher d'amener Barras à des projets de Restauration. M. de Mesnard, dénoncé par le chirurgien qui l'avait soigné, fut arrêté à Passy et traduit le 10 octobre 1797 devant une commission militaire siégeant à l'Hôtel-de-Ville de Paris et formée par le général Moulin qui avait pris une si grande part aux guerres sanglantes de la Vendée, et par le général Lemoine, commandant de la place de Paris, l'ancien organisateur des odieuses commissions militaires qui avaient condamné en masse les prisonniers de Quiberon.

Malgré tous les efforts que fit la femme du général Bonaparte pour le sauver, le comte Édouard de Mesnard fut condamné à mort. Quant à Barras, qui avait paru se prêter à ses ouvertures, il l'avait lâchement abandonné. Édouard de Mesnard fut fusillé, le 12 octobre 1797, dans la plaine de Grenelle, après avoir refusé de se laisser bander les yeux. L'Écho de l'Europe, du 19 octobre 1797, rendit compte de sa mort héroïque. Comme il traversait le boulevard, conduit en charrette, il aperçut à deux pas de lui dans la foule le marquis de Galard, qui venait de rentrer d'émigration. Au lieu de chercher instinctivement un regard de sympathie dans les yeux de son ami, M. de Mesnard eut la présence d'esprit de détourner la tête. Le marquis de Galard, mort en 1871 à 97 ans, racontait avec émotion qu'il lui dû la vie.

La comtesse Édouard de Mesnard était rentrée plusieurs fois en France. Nous la trouvons à Nantes, en 1797, s'occupant avec sa belle-soeur Mme de Mahé, à racheter la terre de famille séquestrée. Toutefois sa soeur, la comtesse de Balbi, si connue par l'admiration qu'avait pour son esprit le comte de Provence, ayant été expulsée de Paris, le 19 août 1806, à la suite d'un déjeuner pendant lequel on s'était égayé aux dépens de la cour Impériale, Mme Édouard de Mesnard craignant d'être inquiétée parvint quelques jours après à obtenir un passeport pour la Hollande ; de là elle s'embarqua pour l'Angleterre où elle devait rester jusqu'à la Restauration.

Nous avons vu que le comte Édouard de Mesnard retournant en 1792 à l'armée des Princes avait confié son fils Ladislas, tout enfant, à sa soeur qui était restée à Mesnard.

Huit années entières, Ladislas de Mesnard trouva protection et sûreté près de Mme de Mahé. Au milieu de l'incendie et du carnage, au sein de la misère la plus profonde, il ne connut, grâce à elle, ni dangers ni besoins.

Mme la comtesse de Provence, qui n'oublia jamais le dévouement du Comte Édouard de Mesnard à la cause des Bourbons, s'occupa toujours de son avenir. Dans une lettre datée du 5 avril 1807 qu'elle écrivait de Mittau à son oncle, le comte Charles de Mesnard, alors en Angleterre, elle exprimait l'espoir que Ladislas entrerait comme cadet dans la cavalerie Russe et promettait de le recommander à l'Empereur Alexandre et au grand duc Constantin.

En effet, Ladislas de Mesnard ne voulut pas servir la France qui avait été si cruelle pour son père ; il prit du service en Russie et y mourut pendant la campagne de 1813.

La soeur de Ladislas fut élevée par sa tante, la comtesse de Balbi. Elle épousa en 1808 à Montauban, le marquis de Lordat d'une grande famille du comté de Foix, qui ayant embrassé les doctrines des Albigeois, eut jadis beaucoup à souffrir, lors de la croisade de Simon de Montfort. La marquise de Lordat est morte à Versailles dans un âge avancé, en 1867.

Revenons maintenant au comte Charles de Mesnard. Sous-lieutenant aux carabiniers, en 1786, il fut présenté à la cour et admis à monter dans les carrosses. En 1784, il était capitaine au régiment de Conti-Dragons. Lors du départ de Louis XVI pour Varennes, il fut arrêté au Luxembourg où demeurait son frère aîné qui était attaché à la maison de Monsieur. Remis en liberté quelque temps après, il rejoignit l'armée des Princes et fit dans les gardes du corps du Roi la campagne de 1792. Charles de Mesnard se retira en Angleterre, lorsque l'armée des Princes fut licenciée et vécut à Londres en copiant de la musique et des cartes de géographie. Nommé capitaine au service de la Grande-Bretagne, dans un régiment commandé par le comte de Périgord, il rejoignit son corps en Hollande pendant le rigoureux hiver de 1794 à 1795 et revint bientôt en Angleterre pour y recruter les Français qui devaient composer sa compagnie. Il fit alors partie de l'expédition de l'Ile-d'Yeu et retourna en Angleterre après qu'elle eut échoué. Lors du licenciement du régiment de Périgord, M. de Mesnard après avoir tenté vainement de passer aux Indes quitta l'Angleterre, en 1797.

C'est à Altona, à l'occasion de la mort de son frère fusillé comme nous l'avons vu à Grenelle, qu'il reçut la lettre suivante de Louis XVIII :

"A Blackenbourg, le 30 novembre 1797.

J'ai déjà appris, Monsieur, avec une véritable douleur l'assassinat de Monsieur votre frère et je prends une part bien sincère à votre juste affliction ; je ne pourrai jamais dédommager ses enfants de la perte qu'ils viennent de faire, mais j'y travaillerai du moins dans des temps plus heureux. Si vous pouvez avoir quelques communications avec Madame votre belle soeur (la Comtesse de Mesnard) je vous prie de l'en assurer et de lui parler en même temps des sentiments qu'elle me connaît depuis longtemps pour elle.

Soyez également persuadé, Monsieur, de tous ceux que j'ai pour vous.

LOUIS"

... à suivre ...

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