SAINT-PIERRE DU CHEMIN ET LA RÉVOLUTION FRANCAISE
SAINT-PIERRE DU CHEMIN
ET LA RÉVOLUTION FRANCAISE
1° Avant la Révolution
Les idées révolutionnaires furent mal accueillies par les habitants de Saint-Pierre. Nous en verrons les preuves dans les procès-verbaux donnés plus loin et dans la longue liste de ceux qui périrent à cette époque néfaste.
Dès la fin de l'année 1789, une grande agitation régnait dans le pays. A Mouilleron-en-Pareds, il y eut même une émeute, dans le courant de décembre, et le prieur-curé, M. Guinefolleaud, qui était aussi maire de la Commune, fut poursuivi à ce sujet et condamné par contumace, le 22 juillet 1790, au bannissement pour trois ans.
Un bordier d'Antigny, nommé Bézieau, fut chargé de distribuer un ballot d'imprimés très injurieux pour l'Assemblée nationale, et les domestiques de M. Baudry d'Asson furent dénoncés pour avoir tenu des discours séditieux devant le peuple assemblé à la porte de l'église de Saint-Pierre du Chemin.
Les patriotes adressèrent en 1791 une réclamation à l'Assemblée nationale contre les prêtres fidèles du district de la Châtaigneraie, et cette pièce montre clairement que les "assermentés" n'avaient point la sympathie des populations catholiques de la Vendée. Les amis de la Révolution y disaient avec amertume : "Nos temples sont déserts ... les marchands nous refusent le pain et les autres choses nécessaires au service divin ..."
Quelques jours après l'envoi de cette adresse, une émeute se produisit à l'issue de la messe, devant la porte de l'église, à Saint-Pierre du Chemin.
L'accusateur public dut requérir, sur l'ordre du district de la Châtaigneraie et le 5 du mois d'août, le président du tribunal, Jacques-André Mallet, commença une information contre les auteurs, complices et adhérents de cette "émotion populaire". Cependant un seul décret de prise de corps fut lancé contre Macé, laboureur à la Minaudière "coupable d'avoir suscité l'insurrection du 31 juillet, dans laquelle plusieurs citoyens ont couru de grands risques, des coups ont été portés et de violentes menaces proférées contre les partisans du nouveau régime."
L'amnistie du 15 septembre vint à propos pour arrêter ce procès, mais elle n'empêcha point les esprits d'être de plus en plus surexcités par les mesures vexatoires qui étaient journellement prises contre les bons prêtres et contre les bons chrétiens.
2° Pendant la Révolution française
Nous avons fort peu de documents concernant Saint-Pierre du Chemin pendant la période révolutionnaire, mais le plan infernal conçu et exécuté par le général Turreau ne nous laisse aucun doute sur le sort subi par cette localité vendéenne. On sait, en effet, que le 20 janvier 1794, douze colonnes républicaines furent lancées sur toute la Vendée militaire pour faire une guerre d'extermination et détruire par le fer et le feu ce qui avait échappé aux massacres et aux incendies précédents.
Dalliac fut chargé de diriger une 1ère colonne de Saint-Maixent par Mazières, Secondigny, l'Absie, la Châtaigneraie, la Caillière, Vouvent, etc., tandis qu'il en lançait une seconde de Parthenay sur la chapelle Saint-Laurent, Moncoutant, Montournais, Saint-Pierre du Chemin et le Talud de Sainte-Gemme. Les points principaux seuls devaient être épargnés, tels que Bressuire, la Châtaigneraie, Sainte-Hermine, Chantonnay, Machecoul, Montaigu et Clisson. Tout le pays fut couvert de feu et de sang. Dans les environs de la Châtaigneraie d'horribles massacres furent commis et à Montournais les républicains se livrèrent aux actes les plus ignobles. De Vouvent à la Caillière, les soldats de Dailliac massacrèrent 15 paysans qu'ils trouvèrent armés dans un village et à la Caillière, ainsi qu'au château de Saint-Sulpice, ils égorgèrent dix-huit personne ... (Hist. de Deniau) ! Ce sont les mêmes forcenés qui allèrent dévaster Saint-Pierre du Chemin, mais l'histoire malheureusement n'a pas conservé le récit de leurs sinistres exploits. Turreau a seulement écrit ce mot significatif : "Dailliac a fait des merveilles ; pas un rebelle n'a échappé à ses recherches !"
Les document qui suivent donneront une idée, une faible idée des dangers sans cesse multipliés que couraient les honnêtes gens, à cette époque inoubliable de la Révolution. Ils sont extraits des archives de la ville de la Châtaigneraie et concernent Saint-Pierre du Chemin.
1° Interrogatoire de Aubin Roy, de Saint-Pierre, subi devant les membres du district et les autorités constituées, réunies en comité de salut public, en séance publique à Fontenay-le-Peuple, le 25 septembre 1793 et l'an II de la République :
Int. - De son nom, âge, demeure ?
R. - Aubin Roy, âgé de 70 ans, fileur de laine, au bourg de Saint-Pierre du Chemin.
Int. - Où, quand, par qui et pourquoi avez-vous été arrêté ?
R. - J'ai été arrêté dans mon foyer, samedi dernier, par des cavaliers. Je ne sais pourquoi.
Int. - Avez-vous monté la garde, été au combat ou ailleurs avec les brigands ?
R. - Je n'ai jamais monté la garde, ni été à aucun attroupement ; mon âge ne me le permettait pas.
Int. - Connaissez-vous les membres du Comité, les courriers, les étapins et autres chefs ?
R. - Les membres du Comité sont : Roy, des Trois-Piliers, Colonnier, Vandé, Dubourg, Antoine Barba, Mathurin Gilloteau, Jean Flandreau, régent.
Les courriers étaient : Gourmaud, du bourg, Giraud, camelottier au bourg, Avril, marchand, Saboureau, compagnon tisserand.
Les étapins étaient : tantôt Vandé, tantôt Flandreau.
Int. - Avez-vous vu l'étape ?
R. - Jamais.
Int. - Pillait-on et qui faisait le pillage ?
R. - On pillait et ceux qui faisaient le pillage sont ceux que j'ai nommés.
Int. - Aviez-vous un prêtre et quel était son nom ? Engageait-il à la révolte ?
R. - Nous avions un prêtre qui disparaissait à chaque alerte ; il s'appelait Seguin et faisait faire la garde dans le bourg, menaçant de s'en aller si on ne la faisait pas.
Lu, le présent interrogatoire ; le dénommé y a persisté et a signé.
Clos et arrêté le jour que dessus.
CHAPELAIN. ROY.
Renvoyé au district de la Châtaigneraie pour donner son avis sur la conduite du dénommé.
26 septembre 1793, l'an IIe de la République une et indivisible.
2° Comité de Surveillance de la Châtaigneraie.
Cejourd'hui 15 pluviôse l'an II de la République française une et indivisible (lundi 3 février 1794), sur les 10 heures du soir. - Nous soussignés :
- Jean Morin, Pierre Tapon, Toussaint, Colonnier, Jean-Louis Mazière, Jean Robin, commissaires municipaux de la commune de Montournais ;
- Jacques Gellot, Jacques-Dominique Touchault, commissaires municipaux de la commune de Réaumur ;
- Jean-Marie-François Girard, Allexis Barreau, René Barrion, commissaires municipaux de Saint-Mesmin ;
- Henri Moreau, commissaire municipal de Menomblet ;
- Pierre Garnaud, René Grimaud, Joseph Arnaud, Pierre Jamin, Jean Péau, Mathurin Moreau, René Bignon, commissaires municipaux des Épesses ;
- Louis Bordelais, commissaire municipal de Saint-Mars-la-Réorthe, et Pierre Hervouët, administrateur du conseil de ce district et habitant la même commune ;
- Jean-Baptiste Payneau, juge de paix du canton de Pouzauges, Cossard, commissaire municipal de Saint-Paul-en-Pareds ;
- Pascal Roger, Larcher, commissaires municipaux de Mallièvre ;
- Savarit ... Brebion, commissaires municipaux de Treize-Vents ;
- Antoine Ferraud, André Bellaud, commissaires municipaux de Mouilleron et de Saint-Germain l'Aiguillier ;
- Jean-Baptiste Rousseau, commissaire municipal de Cheffois ;
- Jean Gautrin, Charles Bonneau, Jean-Benjamin Delahaie, commissaires municipaux de Saint-Pierre du Chemin ;
- René Gentil, commissaire municipal des Châtelliers ;
- Prosper Degnit, Henri Geslin, René Dehargues, Marc Calixte Joffrion, Esprit-Samuel Soullard, Etienne-Marie Giraud, Jean-Louis Chaigneau, Louis-Aimé Brunetière, membres, président et secrétaire du comité de surveillance, tous réunis à la chambre où le dit comité tient ordinairement ses séances.
Conformément à l'arrêté de ce dit comité en date d'hier et à l'invitation itérative qui nous en a été faite dans le cours de ce jour par son président, pour entendre la lecture des noms, prénoms, âge, profession et ci-devant demeure de tous et chacun des individus arrivés et réfugiés en cette commune depuis 3 jours, fournir respectivement les connaissances que chacun de nous a ou peut avoir sur les qualités morales et civiques de tous et chacun desdits réfugiés et révéler à chacun et pour soi la vérité, toute la vérité et rien que la vérité capable de diriger et faire connaître à l'opinion publique ce qui plane et doit planer sur la tête de ces mêmes individus réfugiés, pris collectivement ou séparément inscrits au registre le jour d'hier par le Comité de surveillance de la Châtaigneraie, en exécution de son arrêté du même jour,
Il est résulté qu'à la pluralité des voix :
Jean Jauneau de la Chambaudière, commune de Saint-Pierre du Chemin, suspect et montré coupable d'avoir montré trop d'indifférence, sur les premiers évènements de la contre-révolution, de n'avoir rien fait pour échapper aux brigands, lorsqu'il savait que son exemple pourrait être d'un grand poids sur les esprits des habitants de plus d'une commune et surtout de celle de Saint-Pierre du Chemin ; à la vérité les brigands l'ont fait prisonnier et conduit à Châtillon, mais il est notoire que ce mauvais traitement ne fut pas la suite du patriotisme dudit Jauneau, mais bien de la découverte d'un paquet à lui adressé par son fils, contenant les proclamations que, conformément à la loi, les districts et département firent répandre dans les campagnes ; et puis ce qui vient encore contre le dénommé, c'est la réclamation qui fut trouvée à Châtillon dans le mois de septembre dernier, adressée au soi-disant conseil supérieur de cette ville et signé de tous les membres contre-révolutionnaires de la commune, qui fondaient la demande de son élargissement sur ce que, dans aucun temps, il n'avait donné aucune marque de civisme, il n'avait jamais assisté aux messes des prêtres constitutionnels et n'avait jamais acheté de domaine national. La réclusion prononcée contre ce même Jauneau est déterminée encore en, ce qu'il ne s'opposa pas aux mauvais traitements que les citoyens Gautrin éprouvaient peu de temps avant le déplacement du nommé Roussereau, ancien curé de Saint-Pierre du Chemin et à l'époque du nouveau curé constitutionnel. Les mauvais traitements dont nous venons de parler n'avaient d'autres causes que la vengeance de ce particulier, curé Roussereau, et de ses trop nombreux amis, les métayers du sieur Jauneau présents à cette attaque, qu'il ne prit aucun soin d'étouffer et qui se montrèrent toujours en sa présence les plus acharnés et les plus méchants.
Fait, clos et arrêté le 16 pluviôse (mardi 4 février 1794) cinq heures du matin, l'an II de la République une et indivisible.
Ont signé les membres nommés plus haut.
Pour copie conforme :
CHAIGNEAU, président ; BRUNETIERE, secrétaire.
3° Autre procès-verbal semblable au précédent en date de septidi, 17 pluviôse (mercredi 5 février 1794) de l'an II de la République,
Concernant :
Louis Giraud, de Saint-Pierre du Chemin, convaincu d'avoir été chef et courrier zélé de brigands.
4° Autre procès-verbal concernant :
Jeanne-Françoise Chauveau et Jeanne-Henriette Chauveau sa soeur, habitant tour à tour les métairies de la Ronde-Fougère et la Fromentinière, communes de Cheffois et de la Tardière, accusées et reconnues d'avoir caché des brigands, et la preuve en résulte de ce que le jour même et à l'instant de l'arrestation il s'en sauva un de chez elles que l'on soupçonne d'être le fameux Colonnier, de Saint-Pierre du Chemin ; et pour lesquels faits mentionnés nous soussignés avons jugé en notre âme et conscience que lesdits coupables doivent être livrés à la commission militaire pour être jugés et punis suivant la rigueur des lois.
Suivent les signatures :
CHAIGNEAU, président ; BRUNETIERE, secrétaire
Fait, clos et arrêté le 18 pluviôse (jeudi 6 février 1794) cinq heures du matin, les jour, lieu, mois et an que dessus.
Et ont signé avec nous :
Mazière, commissaire municipal, etc. (comme plus haut).
5° Au village de la Piltière, existait autrefois une maison bourgeoise, habitée au moment de la Révolution par M. Texier, grand-père paternel du sympathique maire de Loge Fougereuse et des dames Texier, du château de la Girardie. Ne voulant pas servir sous un gouvernement qu'il exécrait, ce digne Vendéen se cacha dans un souterrain qui se trouvait sous sa demeure, et là, blotti dans une barrique, il réussit à éviter la conscription militaire. Quelques jours après, il alla rejoindre les armées vendéennes et se conduisit comme un héros sous les ordres de la Rochejaquelein. Après la guerre, il vint se fixer au château de la Gétière, que venaient de lui laisser deux de ses tantes, mortes sur l'échafaud pour avoir caché des prêtres fidèles pendant la persécution révolutionnaire. Cet antique manoir est toujours debout, mais aujourd'hui il est transformé en maison de métayers. On y voit encore la chambre où les martyrs de 93 ont dit la sainte messe et la cachette où de courageuses chrétiennes, au mépris de leur propre vie, les ont dérobés à la rage de leurs persécuteurs inhumains, et au couperet de la guillotine.
LES VICTIMES DE LA REVOLUTION
A SAINT-PIERRE DU CHEMIN
Les renseignements qui suivent sont extraits des dossiers que M. René Vallette a réunis sur la Terreur en Vendée, et dont il a bien voulu nous donner communication :
AUGER (Pierre), 17 ans, mort dans les prisons de Fontenay (23 nivôse an II).
Un autre AUGIER, meunier au moulin du Four, fut blessé à l'une des batailles livrées sous les murs de la Châtaigneraie et succomba à ses blessures au village de la Popinière.
BARBAT (Antoine), poilier, condamné à mort comme "conspirateur" par la commission militaire de Saumur (6 nivôse an II).
BERGER (François), sabotier à la Mignonnière, fut fusillé dans un champ voisin de son domicile par des soldats républicains.
BERGER (Henry), fait prisonnier à la bataille de Luçon, périt dans les prisons de la Rochelle.
BOUQUET (Jacques), 22 ans, mort dans les prisons de Niort (7 avril 1794).
BRÉMAUD, fermier, massacré en 1793, à la Mignonnière.
CHAMARRE (René), 24 ans, mort dans les prisons de Niort (16 avril 1794).
COUDRENET (Jean), mort dans les prisons de Fontenay (15 prairial an II).
Une femme de ce nom, simple fileuse de laine, à la Plènelière, fut brutalement saisie dans son lit, violentée et massacrée par des soldats républicains en 1794.
DAUNIS, fermier, massacré à la Mignonnière en 1794.
DEGUIL (Louis), 50 ans, de la Popinière, tué par les républicains en 1794.
DELAHAYE (Pierre), 53 ans, mort dans les prisons de Fontenay (27 pluviôse an II).
FLANDREAU (Jean), 49 ans, condamné à mort par la commission militaire de Fontenay (5 germinal an II).
GAILLARD (Louis), 40 ans, mort dans les prisons de Niort (5 mars 1794).
GANTRAIN, métayer et fabricant de laine, à la Jarousselière s'était retiré à Niort, pour échapper aux vexations des révolutionnaires des environs. Etant revenu chez lui trois mois après, il fut arrêté et passé par les armes.
GEFFARD (Jean), journalier, condamné à mort comme "conspirateur" par la commission militaire de Saumur (6 nivôse an II).
GIRAUD (Louis), 25 ans, marchand, condamné à mort par la commission militaire de Fontenay (19 pluviôse an II).
GRIMEAUD, (Etienne), 21, mort dans les prisons de Niort (10 mars 1794).
GRIMEAU, (Jean), 23 ans, mort dans les prisons de Niort (17 mars 1794).
HAMERIOT, (Jean), condamné à mort comme "brigand de la Vendée", par la commission militaire de Nantes (18 nivôse an II).
MARQUIS, cultivateur, massacré à la Mignonnière en 1794.
MARTIN, (Marie), femme Colonier, 58 ans, condamnée à mort par la commission militaire de Fontenay (5 nivôse an II). Cette courageuse femme qui avait maintes fois excité les paysans vendéens à aller au feu ne fut pas moins vaillante à l'heure de son exécution. Elle se rendit à l'échafaud d'un pas ferme, en chantant le cantique si populaire en Poitou : "Avencez mon trépas, Jésus ..."
MENARD, (Jean), 22 ans, mort dans les prisons de Niort (7 avril 1794).
QUILET, de la Vianderie, massacré en 1794.
REMEGÉ, métayer à la Plenelière, fusillé ainsi que sa femme à la Boissonnière, où ils s'étaient réfugiés, en 1794.
ROCHARD (François), 17 ans, mort dans les prisons de Niort (16 avril 1794).
ROT (Louis), condamné à mort comme "brigand de la Vendée" par la commission militaire de Savenay (4 nivôse an II).
SAVRIOT (René), condamné à mort comme "brigand de la Vendée" par la commission militaire de Nantes (28 nivôse an II).
L. TEILLET
Curé d'Antigny
Revue du Bas-Poitou - 1895 (1ère livraison)