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La Maraîchine Normande
20 décembre 2012

ILE TUDY

 

 

Ce petit îlot n'est à proprement parler qu'une presqu'île, car il est relié au continent par un sillon de sable qui tend de plus en plus à s'élargir. C'est là où s'établit saint Tudy, avant même qu'il construisit son monastère, sur la côte voisine à Loctudy. L'on dit même que la chapelle primitive de l'île aurait existé sur un rocher, maintenant submergé, qui se trouve au milieu de la passe entre l'île et Loctudy.

L'histoire de l'île Tudy se confond avec celle de la paroisse de Combrit, dont elle était une trève.

Nous y voyons comme curés ou vicaires :

En 1733, M. René Cariou ;

En 1739, M. Guillaume Le Berre ;

En 1790, M. Le Floc'h, qui refusa le serment ; il était interné en octobre 1793, à l'Hôtel-Dieu de Quimper, et mourut en 1798.

Après la Révolution, on y nomma, dès 1803, M. Kérisit, de Clédan-Cap-Sizun, déporté sur le Washington, en rade de l'île d'Aix, en 1794, et qui avait été libéré en 1796. Mais en 1804, M. Kérisit fut nommé à Plouhinec et, dès lors, la pauvre île Tudy, demeura sans pasteur jusqu'en 1825. Du reste, dès 1804, la Guerre s'était emparée d'une grande partie de l'église, et, sur les réclamations de M. Kérisit, le Préfet en écrivit au directeur des fortifications à Brest ; mais il fut répondu : "Que les lieux dont on demandait la disposition avaient toujours servi, dans la précédente guerre, pour la défense des côtes, et qu'il n'y avait dans l'île aucun édifice qui pût les remplacer." De fait, le Génie militaire avait établi une poudrière et un dépôt d'affûts de canons dans la sacristie et dans le porche, sous la tour.

Il n'y avait pas de presbytère, et le mobilier de l'église devait être bien pauvre, car dans un inventaire dressé en 1808 par M. Cariou, recteur de Loctudy, il est constaté que "le soleil" ou ostensoir est en fer blanc.

Cependant, en 1825, un vénérable ecclésiastique, âgé de 70 ans, M. Rochedreux, le fondateur de l'école de Meilars, se dévoua pour aller à l'île remplir les fonctions de recteur ; il commença les démarches pour faire ériger l'île en succursale, et acheta, de ses deniers, une maison qui n'était pas luxueuse et n'avait du reste coûté que 4.500 francs ; puis, le 31 octobre 1825, il fit écrire par Mgr l'Évêque d'Hermopolis au ministre de la Guerre pour "qu'il donne ordre d'enlever les canons et affûts qui restaient en dépôt dans l'église de l'île Tudy". Mais avant que les différents ministères se soient entendus pour régler la question, parut enfin l'ordonnance du 5 mars 1826 qui érigeait en paroisse l'île Tudy. Fort de son titre, M. Rochedreux se mit en devoir de rendre son église habitable et, sans attendre d'autorisation régulière, commença par démolir les ruines de la tour qui, séparée de quelques mètres de la nef de l'église, était censée appartenir au Génie militaire, mais était devenue un lieu d'infection. Le Procureur du Roi s'en émut, et voici la lettre qu'un avoué de Quimper écrivit au Procureur pour plaider les circonstances atténuantes et faire arrêter les poursuites :

"Monsieur,

Il résulte de plusieurs actes administratifs dont vous avez bien voulu permettre qu'il me fut donné communication, que la commune de l'isle Tudy, ou quelqu'un de ses habitans, se seroit rendu coupable de la destruction d'une poudrière qui y avoit été établie dans l'intérêt de la défense de nos côtes.

Ce fait constitue un manquement à nos lois, et vous êtes chargé d'en poursuivre la répression ou pour le moins la réparation civile.

Monsieur Rochedreux, prêtre vicaire de cette isle, vient d'être instruit des ordres que vous avez reçus. Agé de 70 ans et se relevant à peine d'une maladie grave, il s'empresse toute fois de courir au devant de vos poursuites. Il ne doit pas laisser inquiéter l'innocent, il ne doit pas laisser dépenser inutilement les fonds du Trésor dans l'intérêt de la recherche d'un coupable, qu'il peut et doit indiquer. Il a donc fait le voyage de Quimper, et me charge positivement de vous mander que lui seul est l'auteur innocent, du délit recherché.

L'épithète ajoutée à l'aveu de sa faute, Monsieur le Procureur du Roi, est vraie en tout point, sous le rapport au moins de ses intentions. Jetté jeune à l'étranger par des circonstances qu'il n'a que faire de rappeller, il n'a pas été à même d'apprécier le mérite de l'armement de nos côtes, ni celui des précautions prises pour y parvenir encore s'il en étoit besoin. A son retour de l'émigration, il n'a été occupé qu'à concourir au rétablissement d'une religion sainte presqu'oubliée. Pasteur ou instituteur suivant les exigeances du diocèse, il ne s'est occupé que d'instructions à donner à ses frères jusqu'au moment ou la rentrée d'une dynastie chère au français, lui a permis de concourir même au loin dans de pieuses missions, à une vivification plus parfaite des principes religieux. C'est ainsi qu'il est parvenu à un âge avancé, sans s'occuper de choses civiles et surtout des règlements locaux auxquels il va être accusé d'avoir porté atteinte.

En s'établissant à l'isle Tudy, il ne songeoit pas à déroger à l'ordre qu'il avoit prêché, à donner l'exemple d'un manquement aux ordres d'un Roi, après Dieu, l'objet de ses soins et de son zèle. Épuisé par les fatigues il y venoit se reposer au milieu de l'indigence ; y remplir encore les devoirs de son ministère ; donner les secours de la religion à une population qui en manquoit, et partager avec ceux d'elle qui en sont privés le pain que lui avoient valu ses travaux. Là se bornoient ses voeux, et à défaut d'un temple, qu'un abandon de 36 ans laissait tomber sous sa vétusté, que la misère d'un petit nombre d'insulaires ne permettoit plus de réparer, il auroit célébré les saints offices sous le chaume.

La Providence en arrêtoit autrement. Elle a béni le zèle du digne prélat qui siège au Finistère. Il a appellé l'attention du gouvernement sur l'église de l'isle Tudy, et obtenu qu'elle fut à l'avenir une succursale.

De ce bien est résulté tout le mal, dont Monsieur Rochedreux a aujourd'hui à se disculper, et qu'il s'offre à réparer si le gouvernement l'exige absolument, et ne peut lui accorder la dispense qu'il aimeroit à en solliciter.

L'érection de l'église de l'isle Tudy en succursale, comprend la nécessité de payer des secours à un vicaire ; elle imprime par conséquent l'espérance d'en posséder un à l'avenir. Elle a inspiré surtout le désir de conserver à l'isle Tudy, son église. Monsieur Rochedreux se construisoit à ses frais un asile qui seroit à l'avenir le presbytère. Tout portoit à des vues d'entretien de la Maison du Seigneur.

Monsieur Rochedreux s'y est arrêté avec complaisance.

Par suite d'une grande diminution de la population de l'isle et de ses moyens de gain, on l'avoit déjà rescindée dans la partie ou étoit son portique. Cette entrée indispensable au culte, s'en est donc trouvée détachée et éloignée de 6 mètres, formant un corps isolé. Du reste cette masse de maçonnerie avant et depuis l'arrivée de M. Rochedreux à l'isle étoit accessible à tout le monde, libre de toute fermeture clause. On s'en servoit comme de communs, et elle étoit plutôt un objet de scandale pour les personnes qui se rendoient aux autels, quelle ne sembloît avoir la destination d'un bâtiment de défense. M. Rochedreux ne l'a jamais soupçonné, et surpris à la vue de ce récipient d'ordures, plus encore que hâté de procéder aux réparations de l'église, il l'a fait abattre sans la moindre pensée de rien faire de nuisible. Il croyait prendre de l'église pour l'église et en a employé les matériaux conformément à leur première destination, c'est-à-dire à refaire un portique aux déplorables restes du sanctuaire.

Tout milite donc au soutien d'intentions inoffensives de sa part, en effet, quel étranger eut songé qu'on eut établi une poudrière, je ne dirai pas contre l'église (on n'y prenoit pas garde aux jours de vertige), mais au centre de l'isle, au milieu de la population, aux risques de compromettre la sûreté des maisons voisines ? Si la chose a existé, ne devoit il pas croire, à la vue des lieux, qu'ils étoient abandonnés et ne pouvoient recevoir aujourd'hui, la destination qu'un homme seul, leur avoit fait imprimer en des temps de trouble ? un corps de garde, une église, une poudrière s'entretouchant ne peuvent se concevoir en 1826. Le pouvoir se plairoit à prévenir une telle anomalie, et si M. Rochedreux est condamné par suite de rapports peu explicatifs, à rétablir les choses en l'état, dans peu, les sages Ministres du Roi, mieux instruits, ne manqueront pas d'en ordonner la démolition et rendroient inutile ainsi une réparation hâtive.

Je viens de parler d'une destination donnée à l'ancien portique par un seul homme. Je m'explique, l'administration du génie a toujours été trop éclairée en France, pour disposer les choses, comme je viens de vous le mander. Dans l'origine, lors de l'armement des côtes, une batterie de trois pièces de canons fut établie au Sud-Est de l'isle. Le travail en maçonnerie fait pour ce fort existe encore. Il y existe également une poudrière toute en pierre. Ce n'est que plus tard, qu'à la sollicitation d'un certain Quasi factotum de l'isle, en des jours néfastes, et dans l'appréhension chimérique d'une descende des ennemis par terre, qu'on auroit placé cette batterie plus à l'Est et à peu de distance de l'église, qu'on auroit transformé instantanément sa sacristie en corps de garde et son pieux portique en une poudrière. Du reste ces faits étoient ignorés de M. Rochedreux et je ne les dois qu'à des renseignements positifs récemment pris à l'isle et un examen attentif des lieux.

Ainsi, il seroit vrai peut-être de dire que la vraie poudrière, celle construite et voûtée en pierre, la seule réellement à l'abri des effets de la bombe, existe encore, et que sans les terreurs de Quasi, M. Rochedreux, de fait même, n'auroit rien exécuté que de très naturel et de très innocent.

Toutes ces circonstances, Monsieur le Procureur du Roi, sont ignorées de Sa Grandeur le Ministre de la guerre. Si j'ai bien compris même une phrase de sa lettre du six Septembre, il auroit été induit en erreur, sur ces vestiges qu'on lui auroit représentés comme élevés originellement aux fins de servir à un magasin de poudre, pendant qu'ils n'étoient qu'une parcelle des ruines de l'église relativement au corps de garde, M. Rochedreux n'en a disposé que sur la faculté que lui en a laissée un chef du génie à l'une de ses dernières visites. C'est alors aussi probablement qu'on a transféré les objets qui y étoient, chez l'ancien gardien. Cet édifice étoit une dépendance indispensable de l'église. L'officier du génie le sentit si bien que pour faciliter au vicaire les moyens d'en obtenir les réparations de qui de droit, il lui laissa un écrit attestant qu'il avoit été dégradé par l'emmagasinage des canons, et l'emploi qu'on en avoit fait. Cet officier entretenu par M. Rochedreux de ses projets sur le vieux portique n'y apporta non plus aucune opposition.

Tous ces faits, en même temps qu'ils établissent la justice des prétentions de l'isle à la propriété de l'ancien portique et de la sacristie, justifient son vicaire du reproche qu'on pourroit lui adresser d'avoir détruit l'un et de s'être emparé de l'autre, avec un esprit d'insubordination ou de malveillance, il vous prie, Monsieur le Procureur du Roi, de l'aider à écarter cette pensée de l'esprit des autorités, à qui il sera obligé d'en référer et à l'estime de qui il tient à l'égal du respect qu'il doit aux lois de son pays.

S'il est vrai, comme le lui disoit le président de la commission dernièrement chargée d'inspecter les fortifications de L'ouest, qu'il entreroit dans les vues actuelles de refaire, s'il en étoit besoin, le fort de l'isle Tudy à l'endroit où il fut placé originairement, la vraie, la seule poudrière qui ait existé et qui existe serviroit encore. Il deviendrait alors inutile de l'obliger à reconstruire l'ancien portique à frais ruineux pour lui, si tant est encore qu'à force de dépenses, il puisse réussir à le refaire, en raison qu'il étoit ancien, d'une structure gothique et qu'il n'en a conservé aucune des dimensions.

Je regrette que l'officier du génie chargé du service de l'isle, à qui il a dû être facile de s'assurer sur les lieux mêmes, du nom de l'auteur de la destruction de la prétendue poudrière, puisqu'elle avoit eu lieu ouvertement en plein jour et pendant longtems, n'ait pas prévenu M. Rochedreux de l'obligation où il étoit d'en référer à ses supérieurs. Ce dernier aurait pû les éclairer sur sa conduite, les faits auroient paru moins graves ; et Sa Grandeur n'aurait pas eu peut-être à provoquer l'application de lois sévères. M. Rochedreux, plein qu'il est du sentiment de son innocence, ne vous le dissimulera pas, Monsieur le Procureur du Roi. Il suit avec peine la pensée de subir un jugement. Si dans votre opinion toutes fois, il lui est impossible de s'y soustraire, il s'y résignera ; mais si vous le pouvez, il vous prie de transmettre auparavant, ses exceptions à Sa Grandeur le Ministre de la guerre.

Élève de M. Rochedreux, et lié d'amitié et de reconnaissance avec cet aimable pasteur, je fais personnellement des voeux, pour que ma lettre vous présente si non les moyens de faire cesser les poursuites exigées par le fait qui lui est imputé, au moins une raison de les attarder, jusqu'à ce qu'il ait pû en référer à Sa Grandeur.

Agréer, Monsieur le Procureur du Roi, l'assurance du respect profond avec lequel j'ai l'honneur d'être Votre très humble et très obéissant serviteur,

Signé : MOALLIC."

 

M. René Rochedreux mourut le 28 novembre 1827.

 

 

Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie - 1914

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