RUE SAINT-LAUD ♣ ANGERS
Sous la révolution, la rue Saint-Laud prit le nom de rue Centrale (1791). Dès la chute du jour, les magasins étaient fermés, et, le soir, ce n'était qu'en tremblant que le timide négociant ouvrait sa porte à celui qui avait besoin de son office.
Lorsque les Vendéens entrèrent à Angers, le 24 juin 1793, l'abbé Barbotin, ancien vicaire de Saint-Georges-sur-Loire, secrétaire de l'abbé Bernier, s'empara de l'échafaud et le fit promener par les principales rues de la ville. Le cortège arrivé dans la rue Saint-Laud, s'arrêta devant la maison de M. Pavie, imprimeur, et là, l'abbé Barbotin entonna, sur l'air "Avec les jeux dans les villages", une chanson qu'on va lire. L'abbé Barbotin avait eu de nombreuses relations avec l'imprimeur Pavie, avec lequel il était très-lié. Connaissant ses sentiments monarchique et religieux, il voulut faire à son ami un honneur dont M. Pavie faillit être victime ; car, dans ce temps de terreur, on ne pardonnait rien, pas même les actes auxquels on avait participé par contrainte. La noble mort de M. le comte de Ruillé est un exemple de ce que nous avançons. Voici donc la chanson composée par l'abbé Barbotin et qui fut chantée en face de la maison de M. Pavie :
Dans le malheur de ma patrie
A qui pourrai-je recourir ?
En toi, Seigneur, je me confie,
Toi seul pourra la secourir
Puissant vengeur de l'innocence
Confonds les complots des méchants,
Mais souviens-toi de ta clémence,
Les coupables sont tes enfants.
Des audacieux, des juges sages,
Philosophes voluptueux,
En France ont causé les ravages :
Que de pleurs inondent mes yeux !
Puissant, etc.
Par une funeste anarchie,
Sous l'ombre de la liberté,
Ils élèvent la tyrannie
De l'orgueil, de la volupté.
Puissant, etc.
D'un peuple crédule et volage
Ils ont allumé la fureur ;
Partout le meurtre et le carnage
Portent l'épouvante et l'horreur.
Puissant, etc.
Des Bourbons la race chérie
Cède à leurs efforts criminels.
Bientôt d'une main hardie
Ils renverseront les autels.
Puissant, etc.
Ton Église au fort de l'orage
En toi seul eut toujours recours ;
Aujourd'hui plus près du naufrage,
Elle espère encore ton secours.
Dieu puissant, calme ta colère,
Montre-toi sensible à nos cris ;
Ne fais plus gronder le tonnerre.
Sauve la foi, sauve les lys.
Lorsque les chants eurent cessé, on mit le feu à la guillotine qui fut consumée au milieu des cris enthousiastes de "Vive le Roi !"
Des autodafés de ce genre eurent lieu plusieurs fois sous la direction de l'abbé Barbotin, comme il le dit lui-même dans une de ses poésies :
De voir cet instrument je n'eus jamais envie,
J'en ai fait brûler deux ; à la saint Augustin
Le premier, dans Angers, vis-â-vis chez Pavie,
Le second à Saumur, le jour de saint Martin.
Bulletin historique et monumental
de l'Anjou - Octobre 1867