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La Maraîchine Normande
17 décembre 2012

CAPTIVITÉ ET SORTIE DE PRISON DE MADAME DE BOYLESVE

Mme de Boylesve fut mise en prison le 7 ou 8 novembre 1793. Elle s'y attendait depuis longtemps, et son petit paquet de linge était tout prêt, enveloppé dans un sac de toile que Mme Senot de Lalonde, sa fille, conserve encore. Elle fut arrêtée vers 4 ou 5 heures du soir par deux habitants de la ville et un housard. En sortant de sa maison, elle demanda à frapper à la porte de la petite maison en face pour embrasser sa fille (Mme Senot) alors âgée de cinq ans et son fils (M. Etienne de Boylesve) alors âgé de trois ans qui habitaient là avec quelques domestiques. Mme Senot se rappelle encore sa mère descendant la rue appuyée sur le bras du housard et portant son paquet sous l'autre bras.

Elle fut conduite au couvent de Saint-Aubin, aujourd'hui la préfecture. C'était là que toutes les dames d'Angers et les Vendéennes qu'on amenait tous les jours étaient enfermées. Mme de Boylesve y passa trois semaines, pendant lesquelles elle écrivait à ses enfants des lettres admirables où elle leur donnait des avis, leur recommandant la prière, l'étude, la lecture, le travail des mains, la soumission à leur tante de Boylesve et sa belle-soeur, et l'union entr'eux. Elle écrivait le 18 novembre à Mme Senot : "Tu donneras un joli bouquet de ma part à ta tante et à notre amie (Mme de Marguerie) ; je n'ai ici que de l'absinthe et je veux la garder pour moi." ...

Enfin, le 29 ou 30 novembre, on fit sortir dans la cour de St-Aubin toutes les femmes pour les changer de prison ; on faisait l'appel de chacune par leur nom, parce qu'elles n'étaient pas toutes envoyées au même lieu. Il y en avait quelques unes destinées à la mort.

Il existait en ce moment beaucoup de foule et de confusion dans les rues avoisinant St-Aubin, parce que ce jour-là même on faisait rentrer dans la ville une partie des habitants des faubourgs, la ville étant menacée de siège par l'armée vendéenne. On voyait des femmes portant des paquets et des soldats conduisant des prisonniers, on se pressait, on se foulait ! Mme de Boylesve attendait dans la cour, son petit paquet sous le bras, à côté d'une dame d'Angers, sa parente, qui attendait comme elle qu'on l'appelât ; les soldats allaient et venaient faisant la garde. Cette dame (Mme de Campagnolles) dit tout bas à Mme de Boylesve : "Ma cousine, allons-nous-en chez nous !" Mme de Boylesve répondit : " - C'est bien aisé à dire, et tous ces soldats ?" - "Ils ne font pas attention à nous", reprit Mme de Campagnolles. "Allons, allons" et elles sortent toutes les deux au milieu de la foule !

Heurtée à droite et à gauche, Mme de Boylesve laisse échapper son paquet qu'un soldat lui ramasse. Au premier détour de rue, Mme de Campagnolles prit celle qui la conduisait chez elle, et Mme de Boylesve alla frapper à la porte d'une demoiselle, tante de son beau-frère. Cette demoiselle était infirme et ne sortait pas de sa chambre. La domestique qui ouvrit était une personne très-sûre ; elle savait la captivité de Mme de Boylesve et fut extrêmement surprise de la voir rentrer furtivement. Mme de Boylesve demanda à coucher à l'insu de la maîtresse de la maison, pensant qu'elle serait mieux cachée là qu'ailleurs. On la reçut avec une certaine inquiétude. Elle y passa cependant deux ou trois jours et fit informer son père, M. Duvau, de sa situation, demandant à se retirer chez lui. Mais craignant de le compromettre et d'alarmer sa mère, elle prit la résolution d'aller elle-même se présenter au Comité révolutionnaire. Elle s'y rendit en effet. Le garçon de bureau qui était en charge d'introduire les particuliers dans la salle du Comité, n'était pas, suivant l'expression si juste du temps, "un buveur de sang". Il connaissait Mme de Boylesve. "Que demandez-vous ?" lui dit-il. Mme de Boylesve lui raconta son aventure. "- Attendez, dit-il, que les plus enragés soient sortis, ils sortent toujours les premiers." Lors donc qu'il n'y eut plus qu'un ou deux commissaires, Mme de Boylesve fut introduite. Elle raconta naïvement sa fuite, sans compromettre sa compagne et les personnes qui l'avaient cachée.

"- Nous ne sommes pas en nombre compétent pour décider cette affaire, répondirent les commissaires, restez chez votre père ; si l'on a besoin de vous, on vous avertira là." - "Oui, dit Mme de Boylesve, mais ne m'envoyez pas chercher par des gens armés, ce serait effrayer mes parents déjà âgés." - "Non, non, on vous avertira secrètement", lui fut-il répondu.

Mme de Boylesve retourna chez son père et y passa l'hiver sans que l'on pensât à elle. Elle venait quelquefois le soir, vêtue en ouvrière, en sabots, une petite lanterne à la main, passer quelques heures avec ses enfants. Peu à peu elle rapprocha et prolongea ses visites. Au printemps, elle revint tout à fait avec eux et l'on ne s'occupa pas du tout de son étrange sortie de prison.

Mme de Campagnolles ne fut pas si heureuse. On fit chez elle des perquisitions comme on en faisait chez tous les parents d'émigrés, on fouilla jusque dans les poches des habits de son gendre qui était émigré. On trouva une lettre de cette dame qui l'engageait fortement à l'émigration. Elle fut arrêtée de nouveau et mise à mort.

Mme de Boylesve, ainsi échappée à la tourmente révolutionnaire, a eu 7 enfants parmi lesquels figurent Mme de Livonnière, qui en a eu 6 ; Mme Senot, qui en a eu 7, et M. Marin de Boylesve, père du jésuite.

Mme de Boylesve est morte à 97 ans. C'était une de ces femmes-modèle que Dieu a laissée longtemps sur la terre pour servir d'exemple.

Bulletin Historique et Monumental

de l'Anjou - 1857

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Commentaires
L
Beau document. Bien écrit et très émouvant.
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La Maraîchine Normande
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