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La Maraîchine Normande
12 décembre 2012

LES "GARNISAIRES" A AIZENAY

SOUS LOUIS-PHILIPPE

LES "GARNISAIRES" A AIZENAY

On dénommait ainsi, au pays d'Aizenay, les soldats que Louis-Philippe avait mis en garnison dans ce bourg, suspect d'attachement à la cause des Bourbons.

Des quelques anecdotes qui m'ont été racontées sur le séjour, à Aizenay, des "garnisaires", je me souviens de celles-ci :

C'était vers 1834 ou 1835. La date ne m'a pas été précisée davantage et je n'ai point pris soin de la fixer. M. l'abbé Thomazeau était curé, M. Messager, maire. Il y avait, en ce temps-là, pas mal de "réfractaires" dans le bocage d'Aizenay. La plupart furent pris et connurent l'Afrique en même temps que les compagnies de discipline. Tout "gosse", j'ai vu un de ces vieux chouans, retour d'Afrique. Il n'avait plus de cheveux, guère de forces ; il n'avait gardé que son entêtement ; quand il chargeait sur ses épaules un sac trop lourd pour sa vieillesse, il faisait régulièrement un pas en avant et deux en arrière, en répétant son juron favori : Ah ! saint amour de Dieu ! Cela m'amusait beaucoup. Les soldats de Louis-Philippe donnaient la chasse aux "réfractaires". Pour effrayer les habitants d'Aizenay, ils se rendaient à une forge, près des Halles, et aiguisaient leurs sabres sur une meule énorme ; les paysans, à côté, "épointaient" leurs fourches.

Parmi les "réfractaires" traqués, il y en avait un du nom de Touzeau, qui se rendait quelquefois dans une ferme située vers Maché, à la Salle, chez son père. Un jour que les soldats couraient les champs, ils entendirent quelqu'un passer dans le petit chemin qui conduit de la Galivière à la Salle, un sentier étroit entre deux talus élevés, garnis de pousses de chênes qui s'entrecroisent en voûte. Ils s'approchent ; et déjà, à travers les branches qui les cachaient, il braquaient les fusils sur le sentier, quand une voix en partit : "Ne tirez pas, mes amis, ne tirez pas !" Un officier s'approche, écarte les branches, et reconnaît le curé d'Aizenay, qui allait voir une malade et qui, ayant aperçu les canons briller parmi les feuilles remuées, s'était empressé de dénoncer sa présence.

Ce n'est pas seulement avec les conscrits révoltés que les "garnisaires" eurent maille à partir.

Un jour, leur commandant, le capitaine Gérard, je crois, eut la fantaisie de faire détruire les sculptures de l'église représentant des fleurs de lis. Les soldats allaient obéir. Mais le vieux sacristain grimpé au clocher, sonna le tocsin qui fit accourir les paysans ; et devant leur nombre et leurs menaces, le capitaine Gérard dut abandonner son projet saugrenu.

Il prétendit, une autre fois, que la croix fleurdelisée et le dais, orné de panaches blancs, ne seraient pas portés dans la procession de la Fête-Dieu. Le sacristain prit la croix, quatre gars vigoureux enlevèrent le dais et le suivirent. Et l'escorte était bonne. Le curé dut s'interposer et faire comprendre au capitaine que les gars d'Aizenay feraient leur procession à leur guise, ou qu'un combat allait se livrer, dans lequel, lui, Gérard, n'aurait pas la partie belle.

Un dernier trait, le plus piquant.

M. le curé célébrait, un jour de juillet 1835, - peut-être 1834 - le 28, un service solennel auquel assistait un piquet de soldats commandés par un lieutenant. A la fin de la messe, c'était alors la coutume de chanter le Domine, salvum fac regem Philippum, remplacé maintenant par le Domine, salvam fac rempublicam. J'ai entendu, dans l'église d'Aizenay, un brave homme de chantre qui disait Republicam, et qui n'était pas républicain pour deux sous. On chante ces paroles à la fin d'une messe, non d'un service. Notre lieutenant l'ignorait et mal lui en prit. Imaginez-vous qu'à la fin de ce service il se crut obligé de damer le pion aux chantres et d'entonner le Domine, salvum fac regem Philippum.

Grand émoi dans l'église. Dans la journée, le curé monte à cheval et galope à la Roche, où il narre le fait au général Lamarque. Le lieutenant fut sévèrement blâmé, peut-être puni, et il fut admis que le curé était maître dans son église.

C'était vers 1834 ou 1835.

COLON

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