PIERRE DURAND et PIERRE DURAND, HÉROS ANGEVINS ♣

UN HÉROS ANGEVIN - LE CAPITAINE DURAND DE LA PAROISSE DE SAINT-CRESPINLe héros en question était Angevin et s'appelait Pierre Durand : ses états de services sont extraites de mon dossier sur la paroisse de Saint-Crespin, dans le canton de Montfaucon.

Lors du soulèvement général, au mois de mars 1793, Pierre Durand fut des premiers à courir aux armes, et sa bravoure et la considération dont il jouissait parmi ses concitoyens le firent choisir comme capitaine de la paroisse. Pendant toute la durée de la Grande-Guerre, il fit vaillamment son devoir, toujours au poste le plus périlleux.

Il était marié et père de plusieurs enfants en bas âge. Après le désastre de la Grande Armée, les Colonnes infernales envahirent le pays ; l'une d'elles passa à Saint-Crespin et y massacra indistinctement les vieillards, les femmes et les enfants. Le capitaine Durand se trouvait alors à quatre lieues de là, occupé à faire le coup de feu contre une autre colonne : lorsqu'il rentra chez lui, ce fut pour apprendre la mort de sa femme et de tous les siens, à l'exception de l'un de ses enfants, échappé comme par miracle au massacre général.

Cet enfant, qui s'appelait Pierre comme sont père, avait à peine six ans ; n'ayant plus de mère, qu'allait-il donc devenir, tout seul au milieu des ruines de la maison paternelle ... ? ... Car la guerre allait continuer, plus chaude et plus terrible que jamais, et le capitaine Durand avait trop d'innocentes victimes à venger, pour être seulement tenté de poser les armes ! ...

Le pauvre père n'hésita pas : "Tu viendras avec moi, dit-il à l'enfant en versant des larmes de rage ; tu verras comme je vengerai ta mère et tes petits frères ; et si tu dois périr toi aussi, ce sera du moins entre mes bras, et il faudra que les bandits commencent par m'arracher la vie !"

Dès le lendemain, le capitaine Durand rentra en campagne, après avoir solidement attaché l'enfant sur son dos.

Le petit Pierre était brave : il fit ainsi toute la guerre jusqu'à la pacification, toujours juché sur le dos de son père quand celui-ci marchait au combat.

Le père et le fils eurent la chance de ne jamais attraper la moindre égratignure. En 1815, le petit Pierre, alors âgé de 27 ans, reçut à son tour le grade de capitaine de paroisse à Saint-Crespin.

Ce touchant épisode, que j'emprunte à la riche collection de M. le comte de Chabot, a suggéré à l'auteur de "Paysans et Ouvriers" la remarque que voici : "Le dévouement d'Énée sauvant son père Anchise à travers l'incendie de Troie, pâlit à côté de ce trait d'amour paternel ; le premier ne s'exerça que pendant un jour, celui du capitaine vendéen dura tout le temps de la Grande-Guerre". M. le comte de Chabot a raison, et voilà un sujet de tableau tout trouvé - et point banal - pour les artistes vendéens en quête d'inspiration.

Et qu'on n'aille pas crier à la légende ! ... - Le fait est des plus authentiques ; il est formellement consigné dans les états de services des deux capitaines Durand, père et fils. Voici, en effet, le certificat officiel qui fut autrefois délivré au dernier par M. de Romain, chef d'état-major de l'armée vendéenne, et que la famille Durand a précieusement conservé comme une relique :

"Pierre Durand, dit une note conservée à ses états de services, né le 21 mars 1788, à Saint-Crespin, est menuisier, marié et père de trois enfants. Son père, qui est mort depuis plusieurs années, était le capitaine commandant de la paroisse de Saint-Crespin dès 1793. "Dans les marches militaires, il attachait son fils sur son dos, et marchait ainsi à la tête de sa compagnie".

Henri DU BOCAGE

La Vendée Historique - 1901