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La Maraîchine Normande
28 novembre 2012

LE SEIGNEUR DE SAINT-PAL ♣ Dans sa Vie Privée et Publique ♣ 3ème partie ♣ Les débuts du commandement de Saint-Pal

On peut suivre, en dehors de ses malheurs domestiques, le sieur de Saint-Pal pendant de nombreuses années de sa vie publique. Il n'est pas, cela va sans dire, partisan enthousiasme du nouveau régime qui gouverne la France, mais il n'a pas encore trempé - du moins les papiers administratifs n'en font pas mention - dans les complots qui se tramèrent de tous côtés, et il ne prit pas une part directe aux soulèvements inutiles et sauvages qui ensanglantèrent, avant 1793, à diverses reprises, le sol vendéen. Il ne fut pas non plus de ces hommes qui allèrent emprunter, hors de leur patrie, l'épée de l'étranger pour ramener l'état de choses déchu. Il resta au pays et attendit les évènements en les favorisant dans la mesure de ses moyens. Quand ils éclatèrent terribles et irrésistibles, de Saint-Pal se mit, ou fut mis à la tête des paysans des paroisses du Tablier, Nesmy, Chaillé, Aubigny et autres, et vint se joindre à de Chouppes et Bulkeley qui allaient assiéger le chef-lieu du distric de La Roche-sur-Yon. Cette ville tomba en leur pouvoir le 14 mars, et il ne s'y commit pas, comme dans beaucoup d'autres localités, qui eurent le même sort, ces atrocités qui ont jeté, dès le début de l'insurrection, la consternation parmi les populations tranquilles. Ce résultat est dû uniquement à la modération des chefs, car les paysans surchauffés étaient au paroxisme de l'excitation.

Dans une lettre écrite vers cette date, à un commandant de paroisse placé sous ses ordres, de Saint-Pal déclare : "Les paysans qui se sont révoltés contre la constitution républicaine sont venus me saisir chez moi et m'ont conduit à La Roche, où ils m'ont créé le commandement en cette partie. Je n'ai accepté que pour le bien de la chose. Mon intention n'est certainement pas de faire couler le sang ; au contraire, je désirerai toujours de pacifier les esprits contre une loi qui les afflige ; les prisonniers, qu'ils ont faits et feront sous mes ordres, seront traités sans rigueur.

Désolé que femmes et enfants ont suivi leurs pères et maris au bruit de cette révolte, je les engage de rentrer dans leurs foyers pour conserver leurs propriétés isolées, que je promets de faire respecter." (Lettre conservée dans les papiers de Mercier du Rocher, registre I, n° 106).

Il faut se défier, toutefois, de toutes ces belles protestations de nobles soi disant contraints, par les paysans, de se mettre à leur tête. Le cas est certainement vrai pour quelques-uns, pour d'Elbée et Beauchamps, par exemple, hommes justes et de valeur, profondément convaincus. Mais, en général, loin d'attendre qu'on vint les chercher, ils se hâtèrent de s'imposer aux populations parmi lesquelles ils vivaient. Que l'on consulte, pour s'édifier, et qu'on examine, scrupuleusement et sans parti pris, les petits soulèvements partiels antérieurs à cette date ! On sera bientôt fixé. La conduite postérieure de Saint-Pal, en particulier, quoique moins blâmable que celle de beaucoup d'autres, patriotes ou royalistes, n'est pas faite pour démontrer qu'on lui fit de pressantes violences pour l'amener à occuper le poste qu'il ne sut du reste tenir, malgré sa jactance, que d'une façon fort médiocre et même insuffisante. (d'après De La Fontenelle de Vaudoré).

Il s'agissait, en ce moment, les attroupés étant maîtres de presque tout le haut pays, d'aller assiéger la ville des Sables, afin de se procurer un port avantageux pour les approvisionnements et, surtout, de s'assurer des communications faciles avec ces bons alliés, les Anglais, qui avaient promis monts et merveilles. A les entendre, on allait pouvoir, aussitôt la prise de cette place, vomir sur le continent secours en argent, armes, munitions et une armée innombrable d'émigrés toute prête à courir défendre le trône et l'autel. Mais, comme une grande partie des rebelles était occupée sur les bords de la Loire en Anjou, le chef Jolly, de La Chapelle-Hermier, avait mission de soulever et réunir toute la partie occidentale de l'ancien Bas-Poitou, pour tenter d'emporter, de vive force, l'objet si convoité. Tous les petits commandants de paroisse recueillirent les hommes de leur territoire pour les concentrer à jour fixe devant la ville des Sables, à ce moment presque dépourvue de troupes et remplie de complices.

Bulkeley envoyait, le 21, l'ordre suivant : "Le commandant de La Roche-sur-Yon invite les paroisses de La Couture, Le Tablier, Bellenoue, Château-Guibert, Saint-André et autres de se rassembler à La Roche et de faire sonner le tocsin." (Savary, t. I, p. 120) De Saint-Pal, de son côté, s'occupait particulièrement des cantons de Poiroux, Talmond et Angles, qui se trouvaient dans son commandement, et avait, entr'autres chefs, pour l'aider dans sa tâche, le jeune Duchaffault de la Guignardière et le chevalier de la Voyerie. Le rendez-vous des attroupés de cette région était Talmond.

Dans une lettre du 20 mars, écrite par Saint-Pal à "Monsieur Jolly, commandant à la Mothe-Achard", il l'informe qu'il ne peut lui indiquer le nombre d'hommes qu'il réunira, "mais leur bonne volonté suppléera au reste". Il croit, cependant, pouvoir rassembler 300 hommes, tirés des paroisses ci-dessus désignées.

La déposition du citoyen Bertrand, armurier, demeurant dans le faubourg de l'Aumônerie de la petite ville de Talmond, reçue par le Directoire des Sables, le 12 avril, rend compte très utilement de la façon dont le sieur de Saint-Pal et ses collègues opéraient pour se procurer des hommes ou des armes, et des dispositions des rebelles entreprenants et des sous-officiers qu'ils avaient à diriger. La domesticité des anciens nobles alimentait généralement le corps de ces subalternes, chargés tout spécialement de courir les campagnes et d'ameuter, de bon gré ou par intimidation, les paysans déjà préparés par leurs maîtres et par les prêtres réfractaires depuis plusieurs années, et surtout pendant l'époque propice du dernier carême.

Nier ces faits, ce serait nier l'évidence la plus notoire et vouloir faire disparaître, sans intérêt, du reste, pour personne, les traces les plus certaines de l'absolue vérité. Les deux partis n'ont aucun intérêt à retirer de la négation pure et simple de leurs erreurs : elles sont trop connues actuellement de part et d'autre.

"Le 25 mars 1793, raconte Bertrand, sur les 4 heures du soir, le sieur de Saint-Pal, se disant commandant des attroupés des brigands, est entré dans ma boutique ; il me dit qu'il lui fallait des armes. Lui ayant répondu que ce que j'avais était là présent, lesquels consistaient en plusieurs fusils d'hazard, lesquels n'étaient pas d'une grande valeur ; il me répondit qu'il allait faire la visite chez moi et que, s'il s'en trouvait, qu'il m'en prendrait mal, que j'étais mal noté et que j'étais dans de mauvais principes. Me voyant pressé de menaces, je lui dis que j'en avais 6 dans ma chambre, que, s'il voulait monter avec moi, j'allais lui faire voir. Etant monté, il en prit 3, un double de ma façon et 2 autres semblables d'hazard : il me dit de serrer les autres et que je ne perdrai rien. Ayant rentré dans ma boutique, il me prit mes fusils d'hazard, qu'il avait vus au nombre de 6, et ma bayonnette pour un fusil double, que j'allais finir, me disant que cela pourrait servir au bout d'un bâton. Il se retira.

A la brume, mon portail fermé, il arriva une bande de ces brigands qui ne voulurent pas me donner le temps d'ouvrir ma porte : ils passèrent par dessus la clairvoie. Celui qui m'aborda se dit être le domestique de Saint-Pal (cet homme se nommait Dubois et avait parcouru, pendant toute la journée, les communes de Saint-Hilaire-la-Forêt et Jard), me lançant une épée au-dessus de la tête, présentant un pistolet sur la poitrine de ma fille, disant : vous avez caché vos armes. Ma fille étant débarrassée, s'en fut dire au sieur de Saint-Pal ce qui se passait. Ce dernier envoya le sieur Marvilleau de la Guitière (Marvilleau Jacques, condamné à mort par la commission militaire des Sables, le 16 avril suivant), avec deux autres, pour mettre la paix. Pendant ce temps-là, malgré que je disais que le sieur de Saint-Pal avait pris tout ce qu'il voulait, et qu'il n'entendait point qu'on eut fouillé chez moi, ils montèrent forcément dans ma chambre, ils prirent les 3 autres fusils que le dit Saint-Pal avait laissés ; il voulaient enfoncer la porte de ma boutique : le sieur Marvilleau étant arrivé, ils s'en furent tous.

Le lendemain matin, le sieur de Saint-Pal revint, me disant de ne me mêler de rien du tout, que je serai tranquille ; il me prit trois moules de balle et une cuiller en fer, me disant que tout cela me serait payé, m'ordonnant de travailler pour sa troupe. Dans le jour, de moment à autre, il arrivait des attroupés, toujours en me demandant des armes avec menaces, me prenaient ce qu'ils trouvaient dans ma boutique, pistolets et autres ustensiles. Le sieur Duchaffault m'écrivit le billet que je joins, qui m'ordonnait de travailler ; de même un autre de M. de la Voyerie. Le jeudi, vers 11 h 1/2 du soir, deux autres vinrent m'enlever une épée que le sieur de Saint-Pal m'avait laissée. Ils me sommèrent de me rendre à la tête de leurs troupes. Heureusement le sieur de Saint-Pal me fit la grâce de me renvoyer.

Je remets ci-joints les billets des sieurs du Chaffault et de la Voyerie, ainsi qu'un mémoire détaillé et signé de ma main, des différents ouvrages que j'ai été forcé de faire pour les attroupés des différentes compagnies qui y sont énoncées, pour être, le tout, remis par les officiers municipaux de cette commune, avec une expédition de la présente déclaration, à qui il appartiendra.

Déclare en outre qu'il est resté dans ma boutique, quelques mauvais fusils que les attroupés y avaient laissés pour y être raccomodés et qui sont restés tels qu'ils m'ont été remis."

"Fais et arrêté ..." (Bibliothèque nationale, IV a-35, 106. Documents inédits recueillis par le vicomte d'Agours)

Le Lendemain de la défaite de cette armée, les représentants du peuple, Carra et Auguis, adressaient une proclamation solennelle aux vendéens pour les engager à déposer les armes ; ils offraient 6 ooo livres à ceux qui leur livreraient les chefs de l'armée révoltée, parmi lesquels se trouvaient notamment Saint-Pal, deux Rorthays, parents de sa femme, et le sieur Espinasseau, seigneur des Giraudières, dont il a été question dans l'enquête analysée ci-dessus à propos de l'enlèvement de Mme de Saint-Pal. A partir de ce moment, Saint-Pal du Tablier, comme il est désigné par ses contemporains, suit l'armée royaliste, à laquelle il est désormais irrévocablement lié et dont il partage le sort alternativement mauvais ou prospère.

Au mois de mai, il se trouve au Tablier, où il a toujours conservé un pied à terre, et où est établi un poste de Vendéens : il a naturellement de nombreuses relations avec Mareuil qui, après avoir servi de premier refuge aux membres du Directoire du district, le lendemain du 15 mars, a dû être évacué précipitamment à l'approche des rebelles. Il écrit le 24 au commandant Bulkeley de la Roche-sur-Yon, qu'il a découvert à une demi lieue de Mareuil une maison où se trouvent amassés 18 barriques de vin et 8 tonneaux de blé : mais il lui faut "un détachement de première force pour s'en emparer", il lui demande cent hommes qui, avec les cent cinquante qu'il y joindra des siens, pourront le lendemain faire "cet enlèvement à la barbe de l'ennemi ; on le partagera en frères." Il est fort probable que cette expédition eut lieu très aisément, et ce fut peut-être le plus bel exploit accompli par ce chef pendant sa carrière militaire qui dura trois années, car les forces de la République étaient des plus précaires en ce lieu, et le peu des troupes dont on disposait se trouvait concentré à Fontenay pour la défense de la place, qui tombait malgré cela le lendemain de ce coup de main, au pouvoir de l'armée royaliste. Saint-Pal n'assista donc pas à ce fait d'armes heureux pour les révoltés.

Très ambitieux, il voulut cependant entreprendre quelque chose de mieux qu'une banale razzia de vin et de blé et, au mois de juin, il organisa une expédition dans le centre du département. Voici comme Savary raconte son intervention plutôt malheureuse : "Le commandant Villeneuve occupait, avec une petite partie du bataillon Le Vengeur, le port La Claye. Le 21, il rendit compte au général Boulard que Saint-Pal, à la tête de quatre ou cinq cents hommes avait attaqué le poste des Moutiers-les-Mauxfaits : qu'une partie de la troupe avait fait bonne contenance, que l'autre avait pris la fuite, et que cependant les vendéens avaient été repoussés ; qu'il s'était mis de suite, avec sa cavalerie, à la poursuite de Saint-Pal sans pouvoir le joindre : qu'il s'était avancé une lieue au delà du château de La Boissière, jusqu'à une demi-lieue d'Aubigny, où l'ennemi était retranché au nombre de 1 200 hommes : qu'alors il avait crû prudent de faire sa retraite (1)".

Deux mois plus tard, la ville de La Roche-sur-Yon, que défendaient les bandes de Bulkeley, de Chouppes et Saint-Pal, était envahier par Miesgkouski, venu des Sables (23 août 1793). Ces mêmes chefs, avec le secours de Charette, Savin et Jolly, arrivant par les routes du Poiré, des Essarts et La Mothe-Achard, tentèrent bien trois jours après de reprendre la ville avec de l'artillerie, mais le général républicain était sur ses gardes : il reçut l'ennemi à coups de canon et, en une demi-heure, les dispersa. Dans sa lettre à Chalbos, le jour même, il disait avec brutalité et emphase : "Les soldats républicains, à leur louable coutume, ont chargé les brigands à la baïonnette et en ont fait une déconfiture. Je n'ai point fait de prisonniers : les soldats de la liberté étaient trop indignés de l'audace de cette horde d'esclaves qui ont osé les déranger de leur dîner ... Je ne puis vous dire le nombre de rebelles tués ... J'ai, de mon côté, une dizaine de bons soldats qui ont succombé sous la fureur des fanatiques." C'est à ce combat que s'illustra, pour la première fois, à la tête d'une compagnie à sa solde, Mme Bulkeley qui protégea, un pistolet d'une main et un sabre de l'autre, la retraite des vendéens.

A la suite de cette victoire républicaine, dès le 28, les administrateurs du district rentraient dans leur chef-lieu, où ils trouvèrent leur local dévasté, les maisons de la ville et leurs papiers brûlés. Ils ne purent y tenir que jusqu'au 5 septembre, la défaite sanglante de Chantonnay les ayant forcés de gagner hâtivement Les Sables.

... à suivre ...

 

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