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La Maraîchine Normande
1 novembre 2012

ACTE D'ACCUSATION DES FAUTEURS DE L'INSURRECTION DE PALLUAU (INDRE) ♣ 2ème partie

DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE

DE LA VENDÉE DE PALLUAU

 

1er fructidor an IV

Acte d'accusation des fauteurs de l'insurrection de Palluau (INDRE)

On vit aussi-tôt paraître sur la rive gauche de l'Indre un nommé le comte Duboidais, que la misère et la faim avaient forcé de repasser le Rhin ; accueilli par Sorbier et Anne Delannai sa femme, reçu avec bienveillance chez Silvain Souverain, qui depuis a paru activement dans la révolte, soustrait à la vigilance des républicains par les perfides avertissemens de François Cassault, secondé par Gaultier, salpêtrier à Mézières, et par Jean Coulon, tous les deux la honte et l'effroi de leur canton ; le comte Duboisdais parcourt les maisons des citoyens paisibles, les désarme au nom du roi, fait fuir les uns, se fait suivre par les autres, et les conduit nuitamment à Clion.

Le but de cette incursion était de se porter ensuite à Châtillon, pour y délivrer un nommé Bonami, volontaire arrêté par les gendarmes ; l'expédition était concertée avec les jeunes gens de la première réquisition, réunis à Palluau. Ceux-ci s'étaient formés en troupe à l'aide de plusieurs rassemblemens partiels, où l'on avait vu particulièrement figurer Pierre Marolles, Charles Moreau et Gabriel Gérard : le lieu du rendez-vous général était fixé à Bonne-Nouvelle, où les deux Legrand eurent soin de se trouver, et c'est delà que l'on partit pour se réunir à Clion, à la horde commandée par le comte Duboisdais. On ne fut point à Châtillon, mais on se livra à Clion à toutes sortes d'excès, et notamment Bonami dit Crève-Bouchure, père du volontaire emprisonné : l'arbre de la liberté fut abattu, les piques enlevées, les citoyens désarmés, l'asile de Franquelain-Dubreuil, administrateur du district, violé et lui-même forcé de prendre la fuite au milieu de plusieurs coups de fusil dont heureusement il ne fut pas atteint ; les arbres de la liberté des communes d'Arpheuilles, Villiers et autres, disparurent, et la cocarde blanche fut effrontément arborée.

Bientôt le bruit de tous ces petits exploits contre-révolutionnaires se répandit dans les départemens voisins, et particulièrement dans celui d'Indre-et-Loire ; des volontaires d'Ecueillé, dont quelques-uns avaient eu des relations avec Chollet-la-Salle, et le fils Laneufville, qui lui-même avait à Tours conféré avec Dupain, se réunissent chez Jacques Darnaud ; celui-ci ainsi que Cécile Gougault, sa femme, connus depuis longtemps par leur haine pour la révolution, et par la joie barbare qu'ils avaient affectée lors de la déroute de Saumur, forment dans leur maison des rassemblemens de jeunes gens au nombre desquels se trouvent trois de leurs enfans déserteurs des troupes de la République ; on y convient en leur présence, et à leur sollicitation, de se joindre aux rebelles de Palluau, et la femme Darnault a l'impudeur d'insulter un jeune républicain qui s'annonce pour vouloir rejoindre son corps ; mais on ne doit pas être étonné de cette effronterie lorsqu'on la voit dans une autre circonstance frapper un de ses propres enfants pour le forcer de retourner avec les révoltés qu'il avait abandonnés.

 

 

Le quartier général de la sédition était toujours à la Joubardière, c'était là où l'on préparait les mesures, où l'on échauffait les esprits, et ce fut là où parut le fils Laneufville, qui venait parler à Dupain, et qui témoigna tous ses regrets de ne l'y point rencontrer.

Ce dernier, en quittant la Joubardière, s'était rendu à Tours, à l'effet d'instruire Leveneur des heureuses dispositions dans lesquelles il avait laissé les habitans du pays qu'il venait de parcourir ; sur le récit que Dupain lui fit, Leveneur le blâma d'avoir abandonné un poste aussi avantageux, et lui donna l'ordre de retourner chez Chollet-la-Salle pour se concerter avec lui sur les meilleurs moyens à prendre afin de s'établir solidement à la Joubardière.

Arrivé chez Chollet, au lieu de la Salle, Dupain y reçut le même accueil que lors de son premier voyage ; il y vit les mêmes personnes, et s'entretint avec elles, notamment avec Leroy, qui, dans son interrogatoire, a eu l'impudeur de soutenir qu'il n'avait jamais vu Dupain, ni aucun autre étranger chez Chollet. Celui-ci était alors assez incommodé pour ne pouvoir pas accompagner Dupain à Palluau ; mais Chollet-Larimbaudière, connu sous le nom du chevalier de la Joubardière, et frère de Chollet-la-Salle, s'offrit à le remplacer, et tous les deux se rendirent en effet au château de la Joubardière, avec ordre d'entretenir dans le canton l'esprit de révolte, dont les habitans étaient animés, et de rendre compte de leurs mutuelles opérations à Chollet-la-Salle, l'instigateur en chef de la rébellion.

Cependant l'administration centrale du département de l'Indre, en attendant les forces qu'elle réclamait depuis long-temps de la sollicitude du gouvernement, avait déjà déployé, contre les séditieux, les seuls moyens qui fussent à sa disposition. Quatre-vingts gendarmes avaient été distribués et cantonnés dans le ci-devant district de Châtillon. Ils avaient arrêté plusieurs volontaires : mais quelques-uns de ces mêmes gendarmes avaient été surpris à Pellevoisin par une vingtaine de brigands commandés par Audouin, fils du président de l'administration de Palluau, qui leur avait enlevé leurs chevaux. Ces avantages, quoique légers, enflammaient le courage des chefs des rebelles, qui s'occupaient alors à la Joubardière des moyens d'effectuer la révolte avec avantage : à cet effet, les correspondances devinrent très actives entre Dupain et le comte Duboisdais, et les meuniers de Palluau se chargaient de faire passer et repasser les lettres ; d'un autre côté, François Cloué et Louis Maillet, agens des communes de Géez et Préaux, communiquaient, à l'aide du prêtre Floret et des nommés Seintier et Tarnier, avec le quartier général des révoltés. Ils faisaient plus, ils excitaient les habitans de leurs communes à s'armer, pour se rendre à Palluau ; ils leur indiquaient les lieux de rassemblement, et ils emploiaient, tour à tour, pour les déterminer à marcher, les prières et les menaces. Pendant ce temps, Dupain, le Chevalier la Joubardière, les deux Legrand, les enfants Gueri, les meuniers de Palluau, et plusieurs jeunes gens étrangers, employaient leur temps à faire, à la Joubardière, des balles avec du plomb, détaché par le charpentier Massé, de la couverture du Château de Palluau. Ils y recevaient tous ceux qui, dans le canton, partageaient leurs principes et leurs vues. C'est ainsi que les prêtres Floret, Estevannes et Heraudet s'y rendirent et y reçurent des instructions de nature à propager l'esprit de révolte. Pierre Marolles y vint aussi, et y soupa avec Dupain et les autres chefs. On doit remarquer au surplus que les trois Renaud fournissaient à la dépense qu'entraînait le séjour à la Joubardière de ce grand nombre d'individus, à l'exception toutefois des grosses provisions qui appartenaient à Cholet-la-Salle, et que l'on consommait de son consentement, et par suite des ordres qu'il avait donnés au père Guerri, son régisseur.

Tel était l'état des choses et la situation des esprits, lorsque le 22 ventôse, on vit arriver, à course de cheval, à la Joubardière, le nommé Joseph Seintier, criant, aux armes, et annonçant que vingt gendarmes enlevaient à Préaux plusieurs habitans de la commune, et notamment le curé, qu'ils conduisaient en prison à Châtillon. A cette nouvelle, le tocsin sonne à Palluau. Dupain, le chevalier la Joubardière, et Chollet-Rançai qui s'était réuni à eux, partent en armes, avec les Legrand, les enfans Guerri, Bonami, dit Crèvebouchure, et plusieurs autres, la plupart ayant le visage barbouillé de noir ou de blanc. Ils forcent tous ceux qu'ils rencontrent, et notamment le nommé Royer, garde de Poiriers, à se réunir à eux ; et ils arrivent aux Fourneaux, dans la maison du citoyen Pocquet, où ils avaient appris que les gendarmes s'étaient retirés pour se rafraîchir. Bientôt les portes et les fenêtres sont assaillies de coups de fusil ; la moitié des gendarmes prend la fuite et le lieutenant Robert reste seul avec cinq de ses camarades, pour soutenir le choc de plus de trente brigands. Leur nombre ne les effraie point ; ils font feu de leurs pistolets, on leur riposte : l'intrépide Robert est dangereusement blessé ; et le courageux Prejolli ayant la cuisse cassée, est forcé d'abandonner le champ de bataille. Cependant Robert s'élance encore, malgré sa blessure, au milieu des rebelles ; il atteint de son pistolet la main d'un des Guerri ; mais il reçoit au même instant du jeune Legrand un coup de feu qui le met hors de combat. De son côté, le gendarme Petit-Degout est blessé légèrement à la main par le garde Royer, et forcé de céder au nombre, il est, ainsi que trois de ses confrères, fait prisonnier par les rebelles, et mis en place, tous les quatre, pour être fusillés ; mais Dupain se refuse à satisfaire, à cet égard, la rage de Crèvebouchure et de quelques autres, et les rebelles se contentent de s'emparer des chevaux des prisonniers et de ceux des autres gendarmes qui avaient pris la fuite avant le combat. Néanmoins deux de ces chevaux placés dans une petite écurie, eussent échappé aux recherches des révoltés, si l'épouse de Pierre Pocquet, propriétaire du lieu des Fourneaux, qui s'en aperçut, ne les eût fait conduire le surlendemain à Palluau, et remettre entre les mains des chefs de la rébellion.

Enivrés de ce succès, les royalistes reprennent la route de Palluau ; ils rencontrent, dans le chemin, un nombre considérables des leurs, à la tête desquels on voyait Simon Cronc et le comte Duboisdais, revêtu d'habits de paysan que Silvain Cassaud lui avait prêtés pour se déguiser. Les deux corps de rebelles font aussi-tôt retentir l'air des cris de vive le roi, vive la religion catholique, et tous réunis, ils entrent triomphants dans Palluau ; ils se rangent sur deux lignes devant l'église, ayant au milieu d'eux les gendarmes prisonniers ; et les prêtres Floret, Héraudet et Giraudon, après avoir félicité les rebelles sur leur bravoure, après les avoir encouragé à persévérer dans leurs sentimens, ne craignent pas d'insulter à la Divinité, en chantant Te Deum et le Salve Regina, en actions de grâces du sang républicain qui vient de couler. Cette ridicule cérémonie terminée, on renferme les gendarmes dans le château, où le plus jeune des enfans Guerri vient arracher leurs bottes et enlever leurs manteaux. L'émigré Duboisdais établit partout des sentinelles ; et c'est alors que les trop crédules citadins de Palluau s'imaginent que leur ville est réellement la capitale du royaume de Louis XVIII.

Cependant quelques habitans étaient loin de partager ce délire contre-révolutionnaire. Le jeune Sournain, soldat républicain, était sur-tout connu par des sentimens d'un patriotisme très-énergique. Dupain en est instruit par Pierre Lecomte et Gilles Berthin, qui vont chercher ce brave jeune homme chez son père, et le conduisent sur la place de Palluau. A peine est-il aperçu de Dupain, que celui-ci veut le contraindre à crier vive le roi. Il s'y refuse avec fierté, et son refus lui attire, de la part de Dupain, un coup de crosse de fusil dans l'estomac. Indigné d'un pareil traitement, Sournain provoque Dupain à se mesurer avec lui ; il court, à cet effet, chercher son sabre, Dupain le suit ; et lorsqu'il voit Sournain détacher son arme suspendue à la cheminée, il lui perce le coeur de deux balles, et l'étend mort sur le carreau.

Cette scène, tout-à-la-fois atroce, lâche et sanglante, se répétait, à quelques pas de là, sur un malheureux mendiant que la peur avait fait cacher dans un buisson. Il est apperçu par quelques rebelles qui s'écrient que cet homme est un espion des républicains. Ce cri est le signal de sa mort. George-Hipolyte Guerri et deux de ses camarades lui tirent plusieurs coups de fusil. L'infortuné mendiant, nageant dans son sang, se débat inutilement ; il est saisi et jetté dans la rivière, où il expire suffoqué par les flots.

Le lendemain vingt-trois ventôse, les rebelles partent de la Joubardière au nombre d'environ quatre cents ; Dupain, le panache blanc au chapeau, est à leur tête ; il est accompagné du chevalier la Joubardière, des deux Legrand, des enfans Guéri et d'un des meuniers de Palluau, tous montés sur les chevaux des gendarmes. Ils entrent dans la cour du Mez chez Edmon Menou. Dupain y commande en maître. Il fait donner à rafraîchir à sa troupe, il s'empare des armes qu'il trouve dans la maison. Menou troublé, descend dans sa cour. A sa vue, les rebelles font retentir l'air des cris répétés de vive le roi, et ce vieillard a la faiblesse de joindre sa voix à la leur, et de pousser avec eux ce cri de contre-révolution.

Les rebelles se rendent de là à Poirier, où Floret les avait précédé. On y prend encore quelques rafraîchissemens, et pendant que les chefs disposent des armes du citoyen Montbel, Floret harangue les révoltés, et leur annonce que le moment est enfin arrivé de se battre avec courage pour la religion et le roi.

C'est dans des pareilles dispositions que l'on marche sur Ecueillé, où déjà plusieurs habitans étaient préparés à recevoir les rebelles, par les insinuations de la famille Darnaud, et d'un nommé Cyr Blanchet, de la commune de Noyers, près Saint-Aignan. Néanmoins des républicains en petit nombre se préparent au combat et veulent opposer de la résistance ; mais leurs efforts sont inutiles, ils se retirent en laissant trois ou quatre des leurs sur le champ de bataille, et rien n'arrête les royalistes qui entrent nombreux et triomphans dans le bourg, aux cris chéris de vive le roi. Les brigands s'y livrent aux plus grands excès, notamment le garde Royer, qui dépouille le corps mort du malheureux Bédouin, assassiné par Lubin Guéri, pour s'être refusé à crier vive le roi. Cholet-la-Joubardière, Cholet-Rançay son frère, Charles Moreau, Gabriel Avrillon, Joseph Seintier, les deux Legrand, deux des enfans Guéri et les meuniers de Palluau se font aussi remarquer ; on les voit piller les maisons, proscrire les patriotes, menacer de tuer les citoyens, et même en frapper quelques-uns. André Massé y coupe l'arbre de la liberté, Cholet-la-Joubardière y livre aux flammes les papiers de la municipalité ; enfin l'infâme Floret y chante le Te Deum, célèbre le lendemain la messe sous la halle, et réchauffe le zèle fanatique des rebelles dans un discours où il leur dit "que la cause qu'ils défendent est la cause du roi et celle du roi des rois, qu'aussi la divinité les protège, puisqu'ils ont culbuté leurs ennemis, sans qu'aucun brave royaliste ait reçu la plus légère blessure." Cet infernal prêtre avait été descendre à son arrivée dans la maison de Jacques Darnaud, qui, pour seconder les projets des rebelles, était parti la veille, et s'était rendu à Heugnes, afin d'y soulever les habitans. A son entrée dans cette commune, le tocsin sonne par son ordre et par celui de Rabier ; les paysans s'assemblent, Darnaud et Rabier les font placer sur deux lignes ; ils les comptent, les engagent à partir sur-le-champ, pour aller joindre à Ecueillé les autres révoltés, et par leur conduite et leurs discours, ils annoncent l'un et l'autre l'approbation la plus formelle et la plus entière de tout ce qui se passe.

... à suivre ...

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