Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
24 octobre 2012

MARS 1793 DANS LE DISTRICT DE GUERANDE ♣ 1ère partie : Avant l'insurrection ...

Capture plein écran 24102012 102504

Capture plein écran 23102012 212814

Avant l'insurrection

En 1793, le district de Guérande abrite 43 779 habitants. Guérande est la deuxième ville du département et compte environ 8 000 h. sur une surface de 10 329 hectares. La communauté est représentée par le maire, Moysen, et le procureur-syndic du district, Chottard. Le district offre plusieurs particularités: une grande superficie côtière et des ports actifs comme Le Croisic, Le Pouliguen, Batz, Mesquer, Piriac, Saint-Nazaire. Des marais salants sur 1200 hectares dont s'occupent 2300 paludiers. Enfin une grande Brière, marais parsemé d'îles, d'où l'on extrait la tourbe que l'on expédie par la Loire. Les autres villes sont principalement Montoir et Saint-Nazaire qui comptent chacune plus de 3000 h., puis Batz et Pontchâteau. On compte dans le district environ 79% de ruraux.

Dès 1790, on signale des troubles dus à des bandes de royalistes mais aussi de patriotes qui brûlent les châteaux. la Brière se révèle d'emblée contre-révolutionnaire et cache les prêtres réfractaires. Ceux-ci, assez favorables au début à la Révolution, n'ont pas accepté la Constitution Civile et l'obligation du serment prescrit par la loi du 29 novembre 1790. Sur les 69 prêtres du district, 25 ont prêté serment. A Guérande, sur 40 ecclésiastiques, 6 ont accepté de jurer, et 4 d'entre eux se sont rétractés à la suite de la décision pontificale du 13 avril 1791. Les réfractaires se cachent d'autant plus volontiers en Brière, après la loi d'expulsion des prêtres du 26 août 1792, que la population leur est très favorable et empêche la force armée d'arriver jusqu’à eux. Les curés "intrus" ne sont pas acceptés. Au début de l'année 1793, il ne reste qu'un prêtre jureur (le recteur Eon) dans la paroisse de Montoir qui est la deuxième paroisse du district par son importance.

Une deuxième source de conflit tient à la nouvelle fiscalité. Les impôts rentrent mal. En 1791, le commissaire extraordinaire Chaudet se plaint de n'avoir reçu que 137 000 livres sur les 330 000 escomptées. En 1792 certaines communes n'en paient que le quart: Guérande 22%, La Chapelle-des-Marais 24%, Herbignac 29%, Saint-Molf 14% ! En Brière, la contribution foncière est difficile à mettre en place car les revenus sont faibles malgré des surfaces importantes. Le calcul crée beaucoup de mécontents à Saint-Joachim. L'exemple de ce bourg est caractéristique de l'injustice du nouvel impôt. La bourgade devient commune indépendante avec la Révolution. Elle doit donc payer beaucoup plus d'impôts: 10 000 livres contre 14 841 à Montoir beaucoup plus important, alors que la richesse produite ou possédée est moindre. Il y a en effet peu de laboureurs, mais beaucoup de marais et aussi de marins.

La crise économique et la vie chère sont une autre source de colère. Le pain est taxé, les réquisitions sont mal acceptées, surtout en Brière si difficilement pénétrable. En mai 1792, Etienne Chaillon, commissaire du département pour l'assiette des contributions, signale que partout on arbore la cocarde blanche, et il cite Pontchâteau, Crossac, Saint-Joachim. Dès mars de cette année, les commissaires Chaillon et Ricaud, venant d'inspecter ces communes, signalent qu'elles sont "infectées" et qu'il serait dangereux d'y envoyer à nouveau des commissaires. (A. Moyon, Les îles de la Brière sous la Révolution, Ed. Les paludiers, La Baule, 1988)

Le premier affrontement important a lieu à Pendille, près de Kerfeuille, le 2 juin 1792. Vingt-cinq dragons et trente gardes nationaux sont dépêchés en Brière à la recherche de sept barriques cachées par Muterse (futur chef chouan) à la demande de Guériff de Lanouan qui sera le chef des insurgés de mars 1793. On pense qu'elles contiennent des armes (en fait il s'agit de vêtements et de vaisselle précieuse). Une foule de Briérons s'oppose à la troupe. Deux dragons sont tués, deux autres sont blessés grièvement. Plusieurs personnes sont arrêtées dont le meneur Jean Olivaud, dit Bonne Barbe. On établit un cordon de troupes autour de la Brière, et la municipalité de Saint-Joachim est condamnée à payer 1203 livres. Vingt-cinq dragons sont laissés en garnison à Montoir.(A.R.E.M.O.R.S., La Révolution à Saint-Nazaire et dans sa région, 1988, St-Nazaire)

En août, les commissaires signalent qu'il existe "un parti révolutionnaire dont le foyer est à Guérande" (ADLA L235). En septembre les municipalités essaient sans succès de recruter des volontaires. Le 20 janvier 1793, un nouvel appel aux volontaires de la Garde Nationale pour se rendre à Paris au secours de la Convention ne donne rien. En Brière, si l'on amène les enfants à l'officier d'Etat Civil, aucun n'est baptisé par le seul prêtre constitutionnel de Montoir. Ils l'ont déjà été à la maison par le curé réfractaire. A partir du 21 janvier, l'exécution du roi aggrave les tensions. Le 26 février, dans la séance du District de Guérande, on note que "depuis longtemps la municipalité de Saint-Joachim a rompu toute communication avec le District. Les lois n'y sont ni publiées ni affichées"(idem). Si les fameuses barriques de Pendille contenaient effectivement du linge, il semble bien qu'un trafic d'armes existait, sans doute commandité par Lanouan. Une descente au château de la Bretèche a entre temps permis de découvrir six obusiers, plusieurs barriques de poudre et beaucoup d'armes. C'est ainsi que les Briérons fourniront le gros de la troupe des insurgés de mars 1793.

Les municipalités des villes de la côte sont plus franchement républicaines et semblent mieux tenir leur population. Les échanges par la mer et par le fleuve sont fréquents, ce qui peut expliquer en partie, avec le fait que les gens soient moins croyants qu'en Brière, un certain engouement pour les idées nouvelles. A Guérande, le procureur-syndic Chottard est un républicain convaincu et certains nobles, comme La Bourdonnaye futur général en chef de l'Armée des côtes de Brest, ne cachent pas leur intérêt pour les réformes des assemblées nationales. Pourtant on sait qu'à Guérande même il y a de nombreux sympathisants royalistes. La correspondance des commissaires civils dans le district (Robineau, Dufrexou, Lepelletier, Chottard, Brière, Chaudet) est tout à fait révélatrice de la situation au début de l'année 1793. Lepelletier par exemple constate qu'au Croisic la municipalité, malgré son patriotisme, refuse de prêter le serment des trois corps administratifs. Les mandats d'arrêt se heurtent à une grande lenteur d'exécution. Il signale que "Guérande, Le Croisic, Batz, Escoublac, Saint-Nazaire, Montoir, Donges, Piriac, Herbignac, Pontchâteau sont dans les meilleurs principes républicains. Les autres sont infectés de l'aristocratie sacerdotale"(ADLA L235).

Partout les commissaires se heurtent à la difficulté de faire admettre les réformes administratives. Ils constatent que "les prêtres réfractaires inondent le pays" (lettre du 3 mars 1793). Chaudet lance, sans résultat, de nombreux mandats d'amener, dont l'un contre Thomas Caradeuc, déjà connu comme contre révolutionnaire, lieutenant de La Rouërie et futur chef des insurgés. Dès le 5 mars, dans une séance du Directoire départemental, l'administrateur Lepeley signale les dispositions hostiles du district de Guérande. Il connaissait particulièrement la région puisqu'il avait été le dernier sénéchal au siège royal de Guérande.

Dans l'ensemble du district, les sujets de mécontentement sont nombreux: nationaux pour une part (fiscalité, hausse des prix, question religieuse...); locaux pour une autre part (la Brière et ses coutumes très éloignée des grands axes, le problème du sel...). De plus, les deux lieutenants de La Rouërie, Lanouan et Cradeuc, ne restent pas inactifs et préparent la contrerévolution en envoyant des recruteurs "enrôleurs", surtout en Brière, et en ménageant des caches d'armes. La mort de La Rouërie, le 30 janvier 1793, désempare les comploteurs, mais la levée de 300 000 h. décrété par la Convention va déclencher l'insurrection qu'ils n'espéraient plus.

... à suivre ...

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité