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La Maraîchine Normande
24 octobre 2012

MARS 1793 DANS LE DISTRICT DE GUERANDE ♣ 2ème partie : L''insurrection ...

L'insurrection

 

 

A la suite de l'arrêté du Département du 2 mars, le Conseil du district de Guérande se réunit le 5 pour établir le tableau de répartition des hommes entre les 21 municipalités. Le district doit fournir 258 recrues, soit 1,7% de la population, mais les marins et les volontaires sont déduits des quotas de chaque commune. Ainsi Le Croisic, Montoir, Saint-Nazaire, Mesquer et Piriac, qui ont plus de marins que le nombre de recrues demandé, n'ont aucun homme à fournir. Les autres communes possédant toutes plus ou moins de marins, ont un nombre effectif de recrues réduit. Guérande par exemple doit fournir 54 hommes au lieu des 123 prévus (1/7 des 7236 h.). Pontchâteau en doit 27 au lieu de 46. Il est prévu que chaque municipalité du district doit se réunir le 10 mars pour délibérer sur les moyens de choisir les conscrits. Le recrutement doit se faire sous la surveillance de commissaires nommés à cet effet (un par canton) et qui sont: La Haye à Guérande, Lamarque au Croisic, Forget à Batz, Dufrexou à Saint-Nazaire, Clemenceau à Montoir, Launay à Herbignac, Lescot et Pichon à Pontchâteau, Masson à Mesquer. D'emblée la conscription est impopulaire d'autant que les maires, les officiers municipaux, les juges de paix, les receveurs des districts et autres administrateurs sont exemptés. Cette inégalité de traitement achève d'exaspérer les ruraux.

L'agitation est grande, les jeunes se présentent les 10, 11, 12, 13 mars devant les commissaires, souvent armés et déclarant qu'ils ne veulent pas servir la nation. Le 11, à Saint-Lyphard, un affrontement violent fait plusieurs morts et blessés parmi les briérons. Le 13, à Besné au nord de la grande Brière, quatre vingts jeunes menacent de mort les officiers si ceuxci donnent leurs noms. Quatre d'entre eux sont arrêtés. Presque tous les commissaires rapportent au District qu'ils ont été empêchés de remplir leur mission, que certains ont dû s'enfuir après avoir été maltraités. Le mécontentement est à son comble, les événements se précipitent, les rassemblements sont partout signalés. Le 12 mars c'est le soulèvement de Savenay.

Mercredi 13 mars: à Guérande, des nouvelles alarmantes

Un courrier du Département annonce que les campagnes sont partout insurgées. A quatre heures de l'après-midi, cinq gendarmes de Pontchâteau arrivent à leur tour et signalent qu'un nombre considérable de "brigands" ont tué leurs quatre confrères de Savenay, le curé constitutionnel Monlien et un administrateur du district, Chaudet. On apprend ainsi que les insurgés, d'abord plusieurs centaines puis quelques milliers ont envahi Savenay et que leur chef est Gaudin de La Bérillais, désigné par La Rouërie en mai 1792 pour prendre la tête de l'insurrection dans la région. Les nouvelles continuent d'arriver et la peur s'installe.

Les municipalités de Donges, Montoir, Pontchâteau s'enfuient et s'embarquent vers Paimboeuf à bord du chasse-marée "La Bonne Nouvelle" (commandant Joseph Launay), du bâtiment "La Capricieuse" (commandant Savary) et d'autres barques en rade de Saint-Nazaire et de Méan. Une centaine d'hommes, de femmes et d'enfants trouvent ainsi refuge sur ces bateaux. On apprend que les insurgés se sont divisés en trois bandes: l'une marchant vers Nantes aux ordres de La Bérillais, une autre allant vers Pontchâteau, la troisième vers Montoir. Des courriers de ces communes arrivent à Guérande. Jean-Baptiste-Charles Busson, juge de paix et Julien Pichon, receveur de l'enregistrement à Pontchâteau, écrivent: "Nous prîmes parti de résister ou de mourir, mais les instances de nos concitoyens et de nos proches, le départ de nos gendarmes pour Guérande... nous nous sommes retirés avec nos frères de Paimboeuf pour combattre". Julien Pichon écrira cinq jours plus tard au directeur départemental de l'enregistrement à Nantes pour s'excuser de s'être enfui : "Je ne crois pas qu'on puisse me faire un crime d'avoir quitté mon poste, la vie est ce qu'on a de plus cher au monde et j'ai tout abandonné pour la sauver".

Le 13 mars, le Conseil général du district, la municipalité, les juges et les commissaires se réunissent à Guérande et écrivent aux administrateurs des autres communes : "L'insurrection est générale dans les districts de Paimboeuf et Savenay. Les brigands paraissent se porter sur notre ville. Nous rassemblons le petit nombre de patriotes qui nous environnent. Nous vous prions de bien vouloir prendre en considération le peu de patriotes qui existent dans notre ressort et de nous envoyer un détachement de troupes et des munitions dont nous manquons absolument" (ADLA L282).

La même demande est faite au chef des douanes et au commandant des forces armées, en fait bien peu nombreuses. On apprend que dans tout le district des recruteurs parcourent la campagne pour inviter les paysans à se joindre aux insurgés. Des habitants de Saint-Lyphard, Saint-Joachim, Batz, Mesquer et de nombreux villages arborent la cocarde blanche. Les autorités de Guérande décident de siéger en permanence. Pendant ce temps, les insurgés se dirigent sur Guérande en deux colonnes, l'une par Pontchâteau vers la Roche-Bernard, l'autre par Montoir et Saint-Nazaire.

Le 13 mars à Pontchâteau

Vers deux heures du matin, plusieurs milliers d'insurgés arrivent à Pontchâteau, armés de fusils et d'instruments hétéroclites: faux, massues, piques etc... La petite garnison s'est retirée à La Roche-Bernard. Les gardes nationaux sont désarmés; leur commandant, Charles-Marie Lescot, ne doit son salut qu'à la protection de quelques citoyens, mais il sera tout de même nommé, à son corps défendant, chef d'un petit groupe de rebelles (un mois plus tard il sera juge militaire suppléant !). Les papiers de la mairie sont brûlés, les membres de la municipalité sont emprisonnés, les maisons des patriotes connus sont pillées.

Les émeutiers mettent en place un comité de douze membres chargés d'administrer la commune, dirigé par Halgan de La Morandais, avocat, les frères Pellé de Quéral, anciens officiers de marine, l'abbé Jean Glottin. Il y a aussi Thibault du Moustier et Julien Morand. Ils diront plus tard, pour se disculper, avoir été obligés d'accepter sous peine de mort. Rien n'est moins sûr. Le juge de paix, Jean-Baptiste Busson et son greffier, Joseph Huet, se sont eux déjà enfuis à Paimboeuf.

Le "Comité des douze" se réunit dans l'église et signe les papiers officiels au nom du Roi ou de Monsieur Régent. Il organise des réunions publiques sous les halles pour convaincre les habitants de marcher avec lui. Beaucoup vont le suivre jusqu'à La Roche-Bernard et reviendront ensuite chez eux.

Jeudi 14 mars: les insurgés ont des chefs

Les gardes nationaux du Croisic, Saint-Molf, Piriac, Herbignac, Saint-Nazaire, Escoublac, Le Pouliguen se réunissent à Guérande au nombre de 300 environ. Parmi eux des canonniers du Croisic et de Piriac commencent à placer canons et pierriers sur les remparts de la ville. On apprend que partout les campagnes se soulèvent et que chaque commune se donne un chef. Les habitants de Batz, Saint-André, Mesquer, Saint-Lyphard et de tous les villages dépendant de Guérande ont arboré la cocarde blanche. En fait, beaucoup d'hommes ont refusé de venir défendre Guérande. Mesquer par exemple doit fournir 25 gardes nationaux, mais leur chef, Thomas Guyonard du Roscoët, refuse de former le contingent demandé: "on m'a déjà menacé de mettre le feu chez moi". Au Pouliguen, le commandant de la Garde Nationale est royaliste et deviendra le lieutenant de Lanouan.

Des gendarmes sont envoyés en patrouille sur les routes du district. L'un d'entre eux revient de Saint-Nazaire et rapporte que "tous les patriotes de cet endroit, même le maire, ont pris la fuite". Les insurgés sont du côté de Montoir. Un autre revient de la route de La Roche-Bernard et signale que "les brigands au nombre de quatre mille sont aux environs de la Bretèche et se portent sur La Roche-Bernard". Il s'agit de la troupe commandée par Thomas Caradeuc ancien juge criminel au siège de Quimper. D'abord partisan de la Révolution, l'abolition de la royauté l'avait fait changer d'avis. Il habitait La Roche-Bernard et avait accepté d'être pour cette région le lieutenant de La Rouërie.

Pendant ce temps, la colonne sud des insurgés arrive à Montoir à 9 h. du matin. Les chefs sont Bourdic de la Batardière et Gilles Davy, ainsi que l'abbé Guihaud et Joseph Trouvé. Les patriotes et la municipalité ont pris la fuite; en particulier Clemenceau, maire, Moyon, greffier, Hubert, procureur, Brière, juge de paix, Jalliot, prêtre constitutionnel, tous bons républicains mais qui se heurtaient sans cesse à la population sur l'application des lois contre les prêtres ou la rentrée des nouveaux impôts. Les "brigands" saccagent la mairie, pillent les maisons des patriotes, coupent l'arbre de la Liberté. C'est là qu'apparaît Guériff de Lanouan qui sera chef de l'insurrection jusqu'au 31 mars. On a dit qu'il avait été obligé d'accepter le commandement par une bande dirigée par Dubouays de Couesbouc, Jégo, Le Cadre, François Rochefort et Jean Lenormand dit Lucifer. En fait il était prévu depuis longtemps qu'il devait prendre la tête de la révolte.

Guériff de Lanouan (François-René-Marie) est né le 7 septembre 1741 à Beauregard en Saint-Nazaire. Son nom vient du hameau de Lanouan près de Carentoir. Issu d'une famille de vielle noblesse, il possède des fermes, des moulins, des oeillets de marais salants, des immeubles à Guérande et Saint-Nazaire. Page du roi à 15 ans, il épouse à 33 ans sa cousine qui meurt en 1778 après lui avoir donné quatre enfants pour lesquels il engage un jeune précepteur de Guérande: François Muterse, qui sera plus tard son aide de camp puis chef chouan en Bretagne. En 1761 on retrouve la signature de Guériff au baptême de Sol de Grisolles, futur chef chouan lui aussi. Au contraire de quelques nobles de la région, il reste très attaché au roi et à l'Eglise.

En 1792 il adhère à "L'Association bretonne" du marquis de La Rouërie qui le nomme responsable pour le district de Guérande, en même temps que Thomas Caradeuc pour La Roche-Bernard et Gaudin de La Bérillais pour Saint-Etienne de Montluc. Le Département de Loire-Inférieure est au courant de ses agissements dès le mois d'août 1792 et sait que le noyau du complot est à Guérande mais ne peut intervenir faute de moyens (40 militaires à Guérande !). On connaît même les enrôleurs de Lanouan, tel le sieur de Lesclé à Herbignac et La Chapelle-des-Marais. Des soldats déserteurs fabriquent de la poudre et des balles.

En fait il semble que le jour de la révolte avait été fixé au 16 mars et qu'ainsi Lanouan a été pris de court. C'est pourquoi il ne prend le commandement que lorsque les insurgés arrivent à Saint-Nazaire.

A Montoir, François Renaudin capitaine du chasse-marée "La Société" est arrêté par l'abbé Louis Guichard, prêtre réfractaire à la tête de 40 insurgés. Il le présente à Bourdic de la Batardière qui le met en garde au pont de Méan puis à Montoir devant la maison du maire pour éviter le pillage. Il réussit ensuite à s'enfuir vers Donges où, après le passage des insurgés, le pavillon de la République est à nouveau hissé. Il appartient à la nombreuse catégorie des "forcés", ces citoyens qui, bon gré (?) mal gré (?), sont enrôlés par les révoltés avant d'aller déposer, ou faire amende honorable selon les cas, devant les tribunaux de la République.

Vendredi 15 mars: les insurgés se rapprochent

Au Pouliguen, vers trois heures et demie, une quarantaine de voituriers ont passé le gué en arborant la cocarde blanche. Le maire Forget a essayé en vain de ramener l'ordre. Le soir "vers sept heures un quart, 400 hommes environ de la commune, armés de fusils, fourches, bâtons, brocs, etc... se sont présentés pour s'emparer des armes. Ils ont forcé indistinctement tous les citoyens à leur donner leurs sabres, fusils, pistolets...". Un peu plus tard, Lanouan arrive au Pouliguen, s'empare des armes, s'assure des postes principaux, se rend à la pointe de Penchâteau y prend la poudre à canon et observe les canonnières républicaines qui croisent à l'entrée de la Loire. Le commandant de la Garde Nationale de Batz, Louis Thomazeau, originaire de la Vendée, se rallie à Lanouan.

Au Croisic, la municipalité organise la défense avec la patache des douanes, deux pièces de canon de 24 livres et deux de 18, ainsi que les 200 fusils du dépôt de la Garde Nationale. Le commandant du port est le lieutenant Charles Buo. Le maire François Delamarque, riche marchand républicain, envoie vers 18 heures le pilote Rochefort réclamer, par la mer et le fleuve, du secours à Nantes. Il demande deux chasse-marée et cent gardes nationaux. Il écrit au District "sa crainte sur sa situation, attendu qu'une grande partie de ses habitants étaient à Guérande, il lui restait peu de forces pour repousser l'ennemi en cas d'attaque". Il demande en particulier ses canonniers que le District se garde bien de lui envoyer se contentant de lui adresser dix huit hommes de sa garnison.

A Guérande, le directoire du district demande lui aussi par mer, du secours à Nantes "considérant l'impossibilité de faire parvenir par terre, au département, ses demandes et réclamations". Il fait venir quatre barils de poudre de la batterie de Ville-Martin et de celle de Mesquer. Des gendarmes envoyés en mission rapportent que les insurgés sont sous les murs de La Roche-Bernard. Le soir même, Lizeul, chirurgien d'Herbignac, arrive et confirme que La Roche-Bernard a été prise par "cinq à six cents hommes". Il y a eu vingt deux tués dont le procureur et le maire, Sauveur. Un rassemblement de paysans est prévu pour aider les insurgés.

Par contre à Guérande, où l'on fait entrer des grains et des boeufs, aucun paysan ne se présente au maire, Georges Moysen, qui veut soutenir le siège et a demandé des renforts dans les campagnes. A minuit, le procureur Chottard envoie au Département un nouvel appel à l'aide: "le pavillon blanc flottera sans doute demain aux pieds de nos murs... Est-il possible que vous nous fassiez du secours. Dépêchez-vous" (ADLA L282). Ce Jacques Chottard, républicain convaincu, l'homme de la Révolution à Guérande, est le fils de François Chottard notaire. Il avait été "homme de loi" à Piriac. C'est lui qui prend en mains la défense de la ville. Bon administrateur, il sera plus tard maire de Guérande jusqu'en 1806. Sans renier ses idées, il se montrera magnanime envers les prisonniers royalistes de mars 1793 et protégera même les prêtres. Pour le moment, il organise la défense, fait entrer les vivres et la poudre, demande des renforts.

Samedi 16 mars: l'étau se resserre

Au nord, la colonne de Caradeuc a quitté La Roche-Bernard et marche sur Assérac pour se rendre à Guérande. Elle se heurte à quelques gendarmes et les repousse facilement. A Batz, un groupe d'insurgés prend et saccage la mairie, emmène le juge de paix Pierre Leroux et enferme dans sa cure le curé constitutionnel Thébaud. Les dégâts seront évalués à 9 000 livres. Le maire du Croisic appelle toujours au secours: les communications sont coupées, les vivres vont bientôt manquer et les "brigands" au nombre de 3 à 6000 (chiffre exagéré) approchent de la ville.

A Guérande, on travaille sans cesse à la défense de la ville, on fait rentrer des vivres, on demande à nouveau aux paysans de venir défendre la cité parce que "les ennemis du bien public les trompent". On les invite à se rendre en ville "pour concourir avec leurs concitoyens à chasser les brigands qui veulent nous assiéger". Cette demande est à nouveau sans effet. Les patriotes guérandais sont répartis sur les brèches, dans les tours, sur les murs, à l'entrée des portes. Le citoyen Serre, maréchal des logis, commande la Garde Nationale. Les gendarmes continuent à faire des patrouilles sur les routes. On sait que les "brigands" sont maîtres d'Herbignac au nord, de Montoir, Saint-Nazaire, Le Pouliguen au sud et qu'ils marchent sur Guérande. Le District ne dispose que de forces infimes et peu aguerries, environ 300 hommes comprenant 18 canonniers croisicais, des douaniers, des gendarmes, des gardes nationaux dont les chefs Hilarion Le Bourdiec et Sébastien de La Haye de Silz sont royalistes. Les quatre portes sont les points de résistance principaux mais les royalistes y sont nombreux.

Dimanche 17 mars: Guérande investie

Tout autour de la ville les paysans se rassemblent. Du haut des remparts on les aperçoit auprès du moulin de Crémeur. Deux commissaires envoyés à une demi-lieue pour prendre un petit canon chez le citoyen Christian, reviennent et signalent que les insurgés sont plus de 3000 près du Cosquet et plus de 4000 aux environs de Villeneuve, demandant leurs prêtres, leur roi et protestant contre la conscription. Dans la journée, une lettre du comité militaire de Nantes arrive au district confirmant qu'il ne peut apporter aucune aide. Le soir, on entend des cris et des roulements de tambour du côté de Villeneuve: Thomas Caradeuc est arrivé de La Roche-Bernard après avoir traversé Herbignac, Assérac et Saint-Molf.

Lundi 18 mars: l'attaque

Dans la nuit, les troupes de Guériff de Lanouan, arrivant du Pouliguen, se sont jointes à celles de Caradeuc; la ville est maintenant cernée de toutes parts. Dès le matin et pendant toute la journée, un canon de 8 va tirer sur le château, sans faire de dégât. Les insurgés sont cachés à l'abri des fossés à un quart de lieue de la ville, hors d'atteinte des pierriers et des fusils de la garnison. On les voit aussi auprès du moulin de Crémeur où a été hissé un drapeau blanc. On en

voit encore qui vont en grand nombre vers le faubourg Saint-Michel. Les hauteurs dominant la ville sont occupées. Tous les chefs sont là, en particulier: de Couesbouc, Jego, Lenormand, Rochefort, Thomazeau le chef de la Garde Nationale de Batz et du Pouliguen rallié à Lanouan. Lenormand dit Lucifer commande les paludiers de Saillé, Yves Daniel commande la troupe qui va vers la porte Saint-Michel.

 

Au cours de la matinée, un corps de 50 gendarmes fait une sortie vers les faubourgs en direction des "brigands" qui sont dans le cimetière et la chapelle Saint-Michel. La fusillade est vive et deux hommes du détachement sont blessés. Celui-ci est obligé de se replier à l'abri des murs. Le canon de 8 continue à tirer sur le château où sont les administrations du district et de la municipalité.Toute la journée les insurgés, cachés dans les fossés, tirent sur les remparts.

Vers cinq heures du soir, les assaillants font une discrète tentative vers la porte Saint-Michel ; une jeune fille est tuée (ADLA L282).

Dans la nuit, le commandant Thomazeau amène un canon de 18 pris au fort de Penchâteau et tiré par des chevaux. Cette pièce, pointée par Dugain, un marin du Pouliguen, ouvre des brèches dans la tour Saint-Michel et dans le rempart entre la tour de Sainte-Catherine et la porte de Saillé. Ces dommages et le bruit du canon vont impressionner les défenseurs déjà forts tièdes. On est loin des années 1370 quand les Guérandais assiégés par Ollivier de Clisson se défendaient avec vigueur.

Mardi 19 mars: une piteuse capitulation

Dès le matin, les défenseurs de la porte de Saillé sortent les drapeaux blancs, malgré l'intervention de quelques soldats. Deux de ceux-ci sont vite désarmés et jetés dans les douves. Cette porte, encadrée par les maisons nobles de Sol de Grisolles et Langourla, est commandée par le chef de la Garde Nationale La Haye de Silz dont on connaît les opinions royalistes. Des officiers municipaux et d'autres de la Garde Nationale tentent eux aussi de s'interposer mais ils ne peuvent "rien obtenir des mutins qui s'obstinent à exiger qu'il soit envoyé à l'ennemi des parlementaires... si on se refusait à leur voeu, ils mettraient bas les armes, ne voulant pas se battre sans avoir la raison".

 

 

L'état d'esprit est le même parmi les gardiens de la porte vannetaise, de la porte Bizienne et dans les autres tours. Seuls les Croisicais qui défendent le poste du château semblent décidés à se battre et récupèrent canons et pierriers jetés dans les douves par les défaitistes. Sur les 300 hommes de la garnison, à peine 50 veulent se défendre. Le maire Moysen et le procureur syndic Chottard sont mis devant le fait accompli et, avant qu'ils aient décidé quoi que ce soit, la porte de Saillé s'ouvre et les "brigands" entrent dans la ville. Thomazeau, avec Lenormand (Lucifer) et les paludiers de Saillé, Halloux et les gens du Pouliguen, Guillaume Mahé et ses Briérons, Francheville et les gars de La Roche.

Tout est allé très vite entre 9 h. et 10 h. du matin, si vite qu'un canonnier du moulin, non prévenu, envoie un dernier boulet qui tue un insurgé devant la porte Saint-Michel. En tout,l’attaque aura fait deux morts, le "brigand" et une jeune fille. Les assaillants sont dans les murs et commencent le pillage. Ils s'en prennent aux maisons des patriotes connus, et surtout aux archives et aux meubles de l'administration communale, du District et du palais de justice.

Seule la salle du greffe reste intacte grâce à l'intervention de Madame de Tréméoc. Le citoyen Simon-Marie Grimpérel, trésorier du district, dira plus tard que 60 personnes d'abord, 80 ensuite, sont entrées chez lui et ont volé l'argent de la caisse. Il avait reconnu des gens de Crossac, de Besné et de Brière.

Les parlementaires envoyés à Guériff de Lanouan reviennent avec l'ordre, au nom du Roi et du Régent, de rendre la ville. Mais celle-ci est déjà prise et les officiers municipaux ne peuvent plus se réunir. En fait, on moleste peu les patriotes qui sont enfermés chez eux sur ordre de Caradeuc et de Lanouan. Celui-ci intervient pour éviter les excès, aidé par Pierre Leroux juge de paix au Pouliguen, Muterse, Brairy, Rioux marchands, Simonin directeur de l'école d'hydrographie du Croisic. Parmi les plus excités on remarque Lenormand et Rochefort, de Queniquen, Louis Guillaume aubergiste à Bizienne, Philippe Peraut vicaire de Guérande, Rouault prêtre à Saint-André-des-Eaux, différents paludiers, cantonniers ou vignerons de la région, et même Guichot chirurgien à Trescalan en Guérande. Certains d'entre eux seront arrêtés plus tard. Quelques patriotes sont blessés tel Julien Danais victime d'un coup d'épée qui "heureusement ne me perça que la peau" (ADLA L1477).

Du 19 au 30 mars: la "royauté de Guérande"

Dès son entrée dans la ville, Guériff de Lanouan se rend à la Collégiale pour prier, puis prend ses quartiers dans une maison qui lui appartient et qu'il loue aux Muterse, la famille du précepteur de ses enfants. Ensuite il tient conseil avec ses lieutenants, Jégo, Lepré, Métayer, Thomazeau, Calvé, Dubouays et Francis Muterse. Commence alors ce que le procureur Chottard appellera plus tard "la royauté de Guérande" qui va durer jusqu'au 30 mars. Une des premières décisions de Lanouan ets de demander au trésorier du district, Simon Grimpérel, de restituer aux parents d'émigrés les sommes qu'ils avaient dû payer en vertu de la loi du 12 septembre 1792. Pendant ces dix jours, il va gérer la ville et empêcher les exactions, malgré les difficultés qu'il a avec les troupes de Caradeuc et avec les siennes propres qui retournent peu à peu chez elles. Les paludiers, les Briérons sont restés trop longtemps absents et repartent travailler.

Il organise le ravitaillement, délivre des laissez-passer et les rôles des réquisitions. Son courrier personnel est Jean Lenormand. Lui reste chez les Muterse et, le 24 mars, dimanche des Rameaux, il se rend en grande pompe à la Collégiale où il pénètre entre deux haies d'honneur pour assister à la messe. Son état-major est installé dans les maisons nobles Sol de Grisolles et Langourla. Bien vite il ne reste que quelques centaines d'insurgés, mais l'impression qu'a faite la prise de Guérande est telle que le bruit se répand que Lanouan va aller attaquer Nantes. Certains Guérandais, représentés par le citoyen Favreau, ont pu écrire au Département pour signaler que les "brigands" au nombre de 10 000 (!) vont se porter sur Nantes avec deux canons et des canonniers experts. La ville commence à prendre peur d'autant qu'on apprend qu'à Saint-Nazaire les insurgés ont pillé la mairie et quarante quatre maisons de patriotes. Ils ont essayé, sans succès, de s'emparer de la frégate "La Capricieuse". La gloire de Lanouan est à son zénith. Les chefs républicains ne restent pas inactifs et préparent la riposte. Le 27 mars, le guérandais La Bourdonnaye, général en chef de l'Armée des côtes de Brest, écrit de Rennes au Département pour le rassurer... en relativisant le nombre des ennemis:

 " Vous pouvez être assurés que la crainte et les faibles intentions grossissent le nombre

des ennemis et ce nombre n'est nulle part aussi considérable qu'on le dit. On parle de 10 000

paysans là où il y en a 1000 ou 1200, la plupart mal armés. Voilà pourquoi nous ne devons pas

leur donner le temps de se lier et d'étendre le mal par le pillage des caisses. Nous serons dans

peu en état de porter des forces importantes vers Guérande" (ADLA L524).

 

 

... à suivre ...

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