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La Maraîchine Normande
22 mars 2015

LE COMTE HINGANT DE SAINT-MAUR - COMMANDANT LA DIVISION DES CHOUANS D'ÉVREUX

Si la Bretagne, la Vendée, le Maine et la Basse-Normandie sont, avec raison, considérés comme les principaux foyers de la Chouannerie, il y a lieu d'ajouter secondairement à ces régions : la Haute-Normandie et, en particulier, le département de l'Eure, dont le commandant des forces royalistes, le comte Hingant de Saint-Maur, mérite d'être connu.

 

acte naissance Hingant de St-Maur

 

Né le 26 avril 1750, à Guitté (Côtes-du-Nord), décédé à l'âge de 95 ans, Hilarion-Henri Hingant de Saint-Maur incarna l'honneur et le courage, au cours d'une longue vie, semée d'épisodes très curieux tels que sa participation à la délivrance du sénateur Clément de Ris, et son évasion, plus que hardie, de la citadelle de Besançon où il fut incarcéré en 1801. Nous nous bornerons à retracer ici le rôle joué par le comte de Saint-Maur au titre de commandant des Chouans de la région d'Évreux.

 

GUItté château de la Perchais

 

Il embrasse en 1771, à l'âge de 21 ans, la carrière des armes, où il débute comme sous-lieutenant de Penthièvre-Infanterie. Le 7 novembre 1780, il épouse une demoiselle de Launay, des environs de Lannion, puis démissionne comme lieutenant et entre, avec ce grade, aux canonniers gardes côtes à Dol où il est peu après nommé Capitaine.

Il avait deux frères, Henri-Alexis et Constant-Henri, que les polices du Consulat et de l'Empire confondront souvent avec lui.

En 1792, appelé par le Prétendant, il émigre et gagne le camp d'Ath où il ralliera le Comte de Frotté, le futur commandant des forces chouannes de la Basse-Normandie, sous les ordres duquel il se trouvera ultérieurement.

De 1792 à 1797, il fait campagne, dans les rangs de l'armée de Condé, comme simple soldat d'abord dans les volontaires à cheval, puis, à la suite d'une grave blessure qui le démonte, dans les Chasseurs nobles. En 1794, blessé à nouveau deux fois, il reçoit la croix de Saint-Louis et, en 1795,  il est chargé par le Prétendant d'une mission de confiance auprès de Charette, dans son cantonnement de Belleville, d'où il rallie son poste après une absence de deux mois.

Enfin, en 1797, Hingant rejoint Frotté en Normandie.

 

DE FROTTÉ

  

Observons en la circonstance que le comte de Frotté, le créateur et l'animateur de la Chouannerie normande, avait été la victime des maladroits et intrigants membres de l'Agence royale de Paris, organe officiel du Prétendant. En principe, mal disposée pour la Chouannerie, aux ordres du comte d'Artois, qui résidait en Angleterre, cette Agence royale préconisait l'intrigue et la corruption des fonctionnaires, tandis que la Chouannerie ne mettait sa confiance que dans les armes et l'appui de l'Angleterre. Aussi, très hostile à Frotté, tout dévoué à la Chouannerie, avait-elle obtenu du Prétendant que les commandements de l'Eure et de la Seine-Inférieure, dont il avait cependant créé les cadres, lui fussent enlevés pour mettre, le premier de ces départements sous les ordres du comte de Bourmont, le commandant des forces voisines du Maine, remarquablement brave, reconnaissons-le, mais d'un caractère très souple et le second sous ceux d'un officier suisse, Malet de Crécy, leur créature, aussi incapable que paresseux, dont l'armée, uniquement composée de cadres, fut ironiquement dénommée "de l'arme au pied". Et ce, sous le fallacieux prétexte que Frotté ne pouvait utilement étendre son commandement à plus de trois départements : l'Orne, le Calvados et la Manche.

 

Evreux

 

Dès son arrivée en Normandie, Frotté maintint quelque temps Hingant dans son état-major pour l'initier à la tactique des Chouans, puis il l'adressa au comte de Bourmont, qui lui confia le commandement de la division d'Évreux, où il ne tarda pas, par d'heureux coups de main, à se faire une renommée légendaire, car "ses incursions aventureuses appartiennent plutôt à la fiction du roman qu'à la sévérité de l'histoire".

Au début de 1799, les commandements royalistes de l'Eure étaient ainsi répartis : Hingant commande la division d'Évreux avec, comme seconds : Hélie de Bonneuil de Combray, Gérard de Saint-Elme et Édouard de Boismillon ; le comte de Lamberville du Verdun, oncle de Frotté, commande celle de Conches, la plus importante de la région en raison des forêts favorables au recrutement des réfractaires, des déserteurs et très propice aux rassemblements ; le marquis d'Aché, Michel-Louis-Placide, ex-officier de Bassigny-Infanterie, commande la division d'Elbeuf ; le chevalier Charles Léonard d'Odouard du Hazé, celle de Louviers ; Charles François d'Odouard, celle de Pontaudemer ; Louis de Brétigny, celle de Verneuil ; Cahagues et Pelletier, celles des Andelys et de Lyons-la-Forêt.

Dès l'effondrement de l'Agence royale de Paris, survenue en février 1797, l'armée de l'Eure n'était plus réellement sous les ordres du comte de Bourmant, son chef nominal ; elle prenait maintenant ses directives de de Frotté, le commandant des Bas-Normands, par l'intermédiaire de son dévoué subordonné et camarade Hingant de Saint-Maur, qui en sera le major-général, sinon le chef titulaire.

Chacune de ces divisions comprenait plusieurs centaines de soldats, dont un certain nombre portaient un uniforme.

Malgré la pacification de 1796, le feu couvait sous la cendre et il suffisait d'une étincelle pour le ranimer ; aussi les chefs royalistes avaient-ils toutes les peines du monde à contenir leurs hommes, dont certains se trouvaient l'objet de persécutions iniques.

Des troubles et des prises d'armes localisées se produisent :

le 2 mai, vers 9 heures du soir, quatre Chouans, faisant partie de la division des Andelys, commandée par Pelletier, enlèvent la recette de Bernay.

Le 27, la diligence portant celle de Verneuil, est arrêtée dans le trajet de cette ville à Évreux, après une attaque au cours de laquelle un gendarme d'escorte fut tué. A Vanneroc, dans l'arrondissement de Pontaudemer, au cours du même mois, on signale une bande de Chouans, vêtus de carmagnoles de divers couleurs et munis pour la plupart d'épaulettes. A cette époque le Chandelier de Pierrville, sous-ordre du comte de Bourmont, plus tard commandant de la division du Perche, récemment arrêté, était transféré de la prison du Temple à celle de Caen.

 

Caen

 

Le jeudi 11 messidor (30 juin), vers les 8 h du matin, Le Chandelier et trois autres prisonniers, encadrés par un piquet de gendarmes, poursuivaient, enfermés dans une voiture, leur route sur Caen, lorsque, arrivés à un kilomètre d'Évreux, en haut de la côte, au détour du bois de Parville, point où s'amorce le chemin de Beaumont, se présente un jeune homme tenant deux pistolets, les canons baissés vers la terre, qui, s'adressant aux gendarmes, leur déclare qu'il lui faut de suite les prisonniers. L'un des gendarmes, monté dans la voiture, en descend tandis que les trois autres poussent leurs chevaux au devant de cet inconnu, quand un feu nourri, sortant du bois, blesse à la hanche l'un des cavaliers, et met les autres en déroute. En cette occurrence, Le Chandelier de Pierreville devait la liberté à Hingant de Saint-Maur, commandant des Chouans d'Évreux, qui, prévenu à temps, avait pu intervenir à la tête de quatorze de ses hommes, après avoir passé la nuit au château de la Musse, tout près de l'embuscade. Aussitôt leur coup de main accompli, Hingant et les siens s'éloignent et passent sur la rive droite de l'Iton, en le franchissant sur la vanne de flottage d'Asnières, pour se jeter dans la forêt voisine. Quand au gendarme blessé aux reins, couché par la souffrance sur l'encolure de sa monture, il regagna Évreux, où il donna l'alarme pendant que le conducteur de la voiture, affolé, poussait son attelage sur la route de Caen jusqu'à Langannerie.

Continuons la suite des principales opérations chouannes dans l'Eure : A la fin de fructidor (mi-septembre), au lendemain du coup d'État, prélude d'une recrudescence de persécution jacobine contre le clergé et les royalistes, les chefs chouans eurent toutes les peines du monde à empêcher leurs hommes de reprendre les armes. A cette époque, eurent lieu plusieurs attaques de diligences sur les routes de Paris à Évreux et à Rouan, qui marque le début de la série noire des vols publics organisés pour remplir la caisse de la trésorerie royale et solder les Chouans.

Le 4 complémentaire, une quinzaine de Chouans arrêtent une diligence entre Évreux et Pacy-sur-Eure et en enlèvent 58 220 francs ; le 6, c'est au tour de la recette de Verneuil ; le même jour, cinq Chouans sont délivrés à la sortie d'Évreux et deux gendarmes sont tués ; un patriote est assassiné à Suzay et un percepteur à Sainte-Denize ; le 2 vendémiaire, trente Chouans désarment, à la chute du jour, plusieurs gardes nationaux de Saint-André ; le 11, six se font remettre la recette de Férey, s'élevant à 1 587 francs.

Quelles étaient alors les forces républicaines dans l'Eure ?

En thermidor an VIII (août 1799), le commandement de la 15e division est à Rouen, entre les mains du général Verdière. Ses sous-ordres sont Béthencourt, à Rouen ; Larue au Havre ; Marchand, à Évreux. Très pauvre en troupes régulières, le département de l'Eure ne comptait que cinq à six cents hommes, alors qu'il lui en fallait au moins quinze cents. D'autre part les régiments de cavalerie, les quatrième et septième dragons, à Évreux, étaient réputés favorables aux Chouans. Dans ces conditions, une colonne mobile devra, en vendémiaire an VIII (septembre 1799) se porter de Versailles dans les cantons d'Ivry, Saint-André, Conches, Verneuil et Nonancourt, appuyée par d'autres du département de l'Eure, pour y disperser des rassemblements que l'on craignait voir se diriger dans les départements voisins.

 

Eure

La situation était particulièrement dangereuse dans l'Eure, en raison des nombreuses et épaisses forêts proches de Dreux, Bernay, Pontaudemer, des Andelys, centres de refuge pour les réfractaires et les déserteurs, dont le nombre grossissait toujours.

De plus, depuis messidor (juin) de la même année, la complicité de quelques commandants de gardes nationales et l'esprit réacteur de certaines municipalités facilitaient dans beaucoup de localités les mouvements contre-révolutionnaires.

Les chefs Chouans et la plupart de leurs officiers s'efforçaient alors de faire respecter les prescriptions du comte d'Artois, leur enjoignant de s'efforcer de ne pas rompre la pacification sans un ordre formel de sa part, quand, dans la nuit du 14 au 15 octobre 1799 un coup de main heureux du comte de Bourmant, sur le Mans, mit le feu aux poudres.

Dès lors, partout dans l'Ouest, la lutte reprend acharnée. A cette époque, le comte de Frotté, par ordre du comte d'Artois, avait recouvré le commandement effectif de la Normandie jusqu'à la rive gauche de la Seine (demeuré jusqu'alors sous les ordres de l'incapable et inactif Malet de Crécy) et par conséquent de la presque totalité de l'Eure, jusqu'alors dévolue au comte de Bourmont, qui commandait le Maine et le pays Chartrain. La disparition de la néfaste Agence royale de Paris, dont le patronage avait été si favorable à Bourmont, avait permis au comte d'Artois d'accomplir cet acte de justice envers Frotté, qui, très raisonnablement, tenant compte de l'étendue de son commandement, mit toutes les divisions de l'Eure sous les ordres d'Hingant de Saint-Maur, le chef de celle d'Évreux.

Ainsi, à la fin de 1799, Hingant a plus ou moins en main ses cinq divisions, dont celle d'Évreux, la sienne propre, et la mieux organisée. Ayant fixé son quartier-général au château de Martainville, à trois lieues à peine d'Évreux, dans la direction de Paris, il a pu, grâce au consentement tacite d'une municipalité complaisante, y réunir mensuellement des pelotons d'une centaine d'hommes à la fois, qui s'y relevaient successivement. De cette manière, sa division, entière s'y organisait et s'y exerçait au maniement des armes, et trouvait, en cas d'alerte, un asile assuré dans les vastes souterrains attenants au château. Ses hommes étaient de véritables soldats, touchant une solde et vêtus presque tous d'uniformes : pantalons verdâtres, redingotes grises avec épaulettes pour les officiers, cocarde blanche au chapeau. Quelques tambours complétaient cette ressemblance avec des troupes régulières. Leur tactique avait cela de particulier qu'ils opéraient le plus rarement possible dans le voisinage de leur propre résidence. Ils allaient généralement combattre au loin pour n'être pas reconnus et arrêtés en cas d'insuccès. Ils s'égaillaient ensuite et regagnaient leur logis en faisant, au besoin, un long détour.

L'état-major d'Hingant était ainsi composé : de Marceville, émigré, de Brionne, âgé de trente ans, surnommé Leroux ; son second ; Taillefer, major ; Lebrun, aide-major ; Chrétien, Duchateau, adjudants ; Kerjean, chirurgien-major ; Ledoux, aumônier ; Humbert, quartier-maître. Parmi les officiers, citons : de Saint-Amand, de La Bruyère, Odouard de Boismillon et Bienvenu du Buc, ce dernier, âgé de 18 ans à peine. La division d'Évreux, comprenait dix compagnies : celles d'Évreux, de Grosoeuvre, de Saint-André, de Danville, d'Ivry, de Fontaine-sous-Jouy, de Nonancourt, de Fillières, d'Houdan, de Mantes, commandées respectivement par Hingant de Saint-Maur, Duplan, Legendre, Dupin, Meunier, Lefèvre, Lalande, Devieu, Gaston et Maurice.

Au commencement de brumaire (milieu d'octobre) Hingant venait de s'entretenir avec Frotté dans une maison écartée, proche de Breteuil, où il lui avait donné un grand souper, auquel avaient été conviés ses principaux officiers. Ce soir là, l'expédition de Pacy-sur-Eure fut certainement décidée et préparée.

Le 29 brumaire (30 novembre), vers les 3 heures du matin, un transfuge des Chouans arrive à Évreux prévenir les autorités que le général de Frotté et son lieutenant, Hingant de Saint-Maur, se trouvent actuellement à la tête d'une centaine d'hommes au château de Martainville, où ils préparent une attaque contre le chef-lieu, dont on brûlera les archives, ouvrira les prisons et enlèvera la caisse. Il rend compte au département des dispositions prises par l'état-major royaliste ; il lui affirme que des paquets de proclamations sont dirigés en ce moment sur la ville, qu'ils seront distribués et affichés ; il lui révèle, de plus, que Pelletier a changé de division, en passant de la région des Andelys du côté de Pacy-sur-Eure.

A ces nouvelles, l'autorité militaire prend de suite ses dispositions pour repousser toute attaque des rebelles. D'Évreux, un détachement se dirige sur le château de Martainville [Château du Buisson-de-Mai à St-Aquilin-de-Pacy], tandis que les colonnes mobiles de Saint-André et d'Ivry reçoivent l'ordre de quitter leurs cantonnements et de converger vers ce même but. Entre neuf heures et dix heures du soir, ces forces atteignent le château, évacué deux heures avant par les Chouans, avertis à temps.

 

château du Buisson du Mai

 

 

Le lendemain dans la nuit, la troupe d'Hingant occupe le château du Buisson du Mai, sur la route d'Évreux à Paris, près de Miserey, d'où, d'urgence, quelques divisions reçoivent l'ordre de rallier en hâte la forêt de Dreux. Cependant que le rassemblement est entraîné par Hingant sur Pacy, vient à passer la diligence de Caen à Paris, signalée s'emparent du numéraire et distribuent aux voyageurs des exemplaires de la proclamation citée plus haut, ainsi conçue :

"Aux habitants d'Évreux et des communes environnantes :

Je crois inutile de dérouler à vos regards l'immense tableau des malheurs sous lesquels vous gémissez depuis dix ans. Le seul parti qui vous reste après ces orages multiples est le retour à la puissance de votre monarque légitime. Que les ambitieux se décorent du titre de Directeurs ou de Consuls ; qu'ils fassent succéder un code quelconque aux institutions qu'ils ont foulées aux pieds, vous ne changerez de maître que pour changer de tyran ... Protection à l'innocence, pardon au repentir, le bonheur de tous, tel a toujours été le voeu du coeur du roi.

Ralliez-vous autour de son drapeau, de ses fidèles défenseurs. Ne le forcez pas, par une vaine résistance, à faire usage des armes qu'il ne leur a confiées que pour chasser les rebelles. S'il s'en trouvait encore parmi les administrateurs, les colonnes mobiles, les gardes nationaux et même les co-bourreaux de leurs familles, qu'ils sachent que nous avons juré de ne remettre l'épée dans le fourreau que lorsque nous aurons détruit les ennemis de notre auguste souverain.

Signé : Hingant de Saint-Maur, Leroux (de Marceville), lieutenant-commandant, Taillefer major, Bruyère aide-major."

Le 3 frimaire (24 novembre) la petite armée d'Hingant, à l'effectif de six à sept cents hommes, par suite des renforts reçus des autres divisions, entre sans coup férir à Pacy-sur-Eure, dans le but avoué de faire, à quelques lieues de Paris, une démonstration de sa force, comme vient de le faire, plus près encore de la capital à Montfort-l'Amaury, Le Chandelier de Pierreville, commandant de la division du Perche. Hingant avait, de plus, l'intention secrète de s'emparer de la recette d'une malle-poste et de mettre la main sur des dépêches importantes du Ministère de la Marine adressées à Brest, bloqué par la flotte anglaise.

Tandis qu'Évreux était alerté par le rassemblement d'Hingant, Pontaudemer l'était également par un autre de plus de 150 Chouans, bien armés de carabines, de pistolets et de sabres, vêtus de carmagnoles de diverses couleurs, dont quelques-unes agrémentées d'épaulettes, sous les ordres d'un nommé Legris de Neufville. La tactique des Chouans consistait particulièrement à attaquer plusieurs points à la fois, pour opérer des diversions. A ces nouvelles, le 9 frimaire (30 novembre) le commandant de la 15e division retiendra d'urgence à Rouen des troupes de passage dans cette ville, pour de là, par Lisieux, se porter en renfort dans l'Ouest.

De la 72e demi-brigade, la compagnie de grenadiers et les deux premières de fusiliers sont désignées pour se rendre à Évreux et y renforcer les quatre cents hommes du général Lestrange et six autres compagnies pour occuper Pontaudemer. Le 20 frimaire (21 décembre) arriveront, de plus, à Rouen les 22e et 59e demi-brigades qui, de suite, seront dirigées sur Bourgtheroulde et Bourg-Achard. Ces mesures étaient urgentes, si on tient compte qu'à cette époque, la Haute-Normandie n'étant pas considérée comme troublée, les prudentes dispositions militaires prises dans les autres régions occupées par les Chouans n'y avaient pas encore été adoptées. Comme toute médaille a son revers, nous devons observer que cette situation créait un grand préjudice aux Chouans de l'Eure et de la Seine-Inférieure, que l'amnistie de 1799 ne saura, du moins à ses débuts, toucher.

Le 3 frimaire (24 novembre 1799) au petit jour, les Chouans d'Hingant occupent Pacy-sur-Eure, sans la moindre résistance et envahissent les locaux de l'administration municipale, où ils s'emparent des papiers et du drapeau de la garde nationale. De suite, des postes sont placés depuis le haut de la route de Bonnières jusqu'au pont, pour empêcher les habitants de sortir de leurs maison et de communiquer avec l'extérieur. On occupe le clocher, cependant qu'un important détachement envahit la caserne des gendarmes, qu'il désarme, et s'empare des fonds du receveur de l'enregistrement. Passent bientôt à Pacy, les deux courriers de la Marine, annoncés secrètement à Hingant, porteurs de dépêches de l'amiral Brux, adressées à l'amiral Mazzanedo, à Brest, où la flotte franco-espagnole est bloquée. Ils sont de suite arrêtés et Hingant leur prend leur correspondance, contre laquelle il leur remet un reçu au nom de Louis XVIII.

La nouvelle de l'occupation de Pacy, par les Chouans, fut apportée à Évreux dans la matinée du 4 frimaire par un gendarme d'ordonnance, qui, expédié aux nouvelles sur la route de Paris, rétrograda bientôt pour aviser l'administration départementale. Celle-ci dépêche de suite une estafette à l'adjudant-général Remoissent, commandant les forces de la région, pour le mettre au courant. La générale bat dans les rues d'Évreux et le tocsin sonne dans les communes environnantes. Vers deux heures, renforcées de cent gardes nationaux, l'infanterie et la cavalerie disponibles se portent d'Évreux sur Pacy, vers où convergent aussi les colonnes mobiles de Saint-André et d'Ivry, cependant que Remoissent prend toutes ses dispositions pour mettre le chef-lieu à l'abri d'un coup de main et pour y arrêter à temps la diligence de Caen-Paris, dans le coffre de laquelle se trouve un numéraire fort important. D'un autre côté, avisé à temps de l'approche de ces forces, grossies d'un détachement de chasseurs cantonné à Mantes, de 400 hommes du bataillon auxiliaire de Seine-et-Oise cantonnés à Bréval, ainsi que d'autres éléments venant de Versailles, ne se sentant pas assez en sécurité à Pacy, dont l'occupation n'avait eu d'autre but que de s'emparer du courrier de la Marine et de faire une démonstration offensive à quelques lieues de la capitale, Hingant évacue cette localité, d'où il emmène deux otages, et se décide, pour éviter tout combat, à remonter la vallée de l'Eure par Fains, Merey et Brémilpont, précédé et suivi de détachements de sûreté. Il agissait ainsi fort judicieusement, mettant entre ses troupes et l'ennemi la rivière de l'Eure dont il occupait la rive droite.

 

Après une légère escarmouche aux abords de Breuil, au cours de laquelle périt le commandant de la garde nationale du lieu, ainsi qu'un gendarme, la colonne d'Hingant traversa nuitamment Garenne et Nantilly, situés sur la limite de l'Eure et de la Seine-et-Oise, non sans avoir livré, dans une ferme de cette dernière commune, un petit combat défensif contre la colonne d'Ivry, composée de troupes de ligne et de garde nationale, qui s'efforça en vain de l'enserrer.

Un capitaine de la 5e demi-brigade, quelques chasseurs, soldats du bataillon auxiliaire et gardes nationaux, tel fut le bilan des pertes républicaines.

Quant aux Chouans, ils n'eurent à déplorer que quelques blessés, mais, parmi eux, le second d'Hingant, Marceville, grièvement blessé à la cuisse.

Le 5 novembre 1799, poursuivant sa retraite vers le sud, la colonne d'Hingant traverse rapidement Anet et bivouaque dans la forêt de Dreux, où l'état-major songe à se débarrasser des otages qu'il ne désire pas traîner plus loin avec lui. Qu'en faire ? Bienvenu du Buc, le plus jeune des officiers, conseille vivement de les conduire les yeux bandés sur la lisière de la forêt où ils seront remis en liberté. Cette proposition mise aux voix ayant été acceptée à l'unanimité, du Buc est chargé d'en assurer l'exécution.

Dans cette petite forêt, gîte d'étape favorable au repos de ses hommes, Hingant a donné rendez-vous aux divisions de Louviers et de Conches, commandées par Odouard du Hazé et d'Aché. Mais, ne recevant aucun de leurs éléments et sans nouvelle d'elles, entendant sonner continuellement autour de lui le tocsin, voyant sa troupe, alourdie par ses blessés, fondre à vue d'oeil, par suite du retour au logis de la plupart de ses hommes à mesure qu'il s'enfonce vers le sud ; dans la crainte, enfin, d'être coupé de sa ligne de retraite s'il stationne là plus longtemps, Hingant se décida à poursuivre sa route en gagnant le pont de Sorel, qui, franchi, lui permettra de mettre la rivière de l'Eure entre lui et les détachements ennemis, lancés sur ses traces et, dans le cas d'impossibilité de rallier la région d'Évreux, de pénétrer dans le Perche où il rejoindra son camarade, Le Chandelier de Pierreville, qui y lutte avantageusement, paraît-il. On se met en route.

Arrivé nuitamment à Sorel, Hingant fait battre la charge à ses quatre tambours et le pont est franchi à la course au nez de quelques gardes nationaux qui s'échappent. On s'empare d'une charrette sur laquelle on entasse les blessés et on se dirige vers l'ouest, sur le château de Pinson, commune d'Illiers-L'Évêque.

 

Château de Pinson

 

A cette heure là, le commandant Aubert marchait aux Chouans, à la tête de la colonne d'Évreux, composée des compagnies de grenadiers et de fusiliers, renforcées des troupes de ligne et de la garde nationale de la colonne mobile de Saint-André.

A la chute du jour, la colonne d'Hingant réduite à 150 hommes, atteint, par des ravins et des sentiers, le château de Pinson, où elle s'installe en cantonnement d'alerte au rez-de-chaussée des communs donnant sur la cour d'honneur, pour y passer la nuit, quand, soudain, les vedettes avisent leur chef de l'approche d'un important détachement ennemi, comportant de la cavalerie. Il s'agissait de la colonne mobile précitée. 

Les Chouans sautent aussitôt sur leurs armes et se tiennent près à ouvrir simultanément les portes des remises, écuries et étables, pour surprendre l'ennemi engagé imprudemment dans la cour et le fusiller à bout portant avant qu'il ait pu se ressaisir et se mettre sur la défensive. C'est ce qui se produisit. Se présente un peloton du 8e chasseurs, commandé par deux officiers ; il entre sans méfiance dans la cour, s'arrête ; les cavaliers mettent pied à terre, quand les portes des communs s'ouvrant subitement, en surgissent les Chouans qui font feu sur les cavaliers surpris, en tuent et en blessent plusieurs ; les refoulent de la cour et s'emparent aisément de leurs chevaux. Mais, des renforts d'infanterie survenant, les cavaliers enhardis rentrent dans la cour et y reprennent leurs chevaux que les Chouans refoulés dans les communs et le château doivent abandonner.

Craignant alors d'être bloqués là par des forces supérieures et d'être contraint de subir un siège dont l'issue serait la capitulation de sa troupe, Hingant se décide à poursuivre de suite son exode. Rassemblant les siens, au milieu desquels il place la charrette de blessés, il fonce à leur tête sur l'ennemi et le chasse de la cour, qu'il évacue avec l'espoir de réussir à gagner les bois voisins propres à dissimuler sa voie de retraite. Ce plan s'exécute dans des conditions désavantageuses. A la sortie de la cour, Saint-Amand est tué. Pressée de suite par des forces très supérieures, la petite troupe d'Hingant sous peine d'être encerclée doit, la mort dans l'âme, abandonner la charrette des blessés qui alourdissait sa retraite et s'égailler dans les bois avoisinants. 

Aussitôt immobilisée, la voiture est entourée de soldats qui, sous le prétexte que ses occupants avaient tiré sur eux, les massacrent sans pitié. Parmi eux succomba, Marceville, le second d'Hingand.

Les fugitifs s'égaillèrent et se cachèrent dans des fermes où furent faits prisonniers : Taillefer, Boismillon, Le Bienvenu du Buc et une douzaine d'hommes. Malgré deux bras cassés et une grave blessure à la poitrine, Hingant put échapper aux recherches, et, sous des vêtements de paysanne, rallier Évreux où, caché dans une maison amie, il fut soigné par un médecin discret, jusqu'à la pacification, au cours de laquelle le général de Frotté interviendra avec succès près du général Hédouville en faveur des prisonniers de l'affaire du château du Pinson, dans le but d'obtenir qu'ils soient assimilés à leurs camarades des régions décrétées en état d'insurrection et ainsi à pouvoir réclamer pour eux, comme pour les autres, l'amnistie.

Pour conclure, observons que, si Hingant eut pu se maintenir à Pacy, il lui aurait été loisible d'attaquer ensuite la ligne Dreux, Conches, Bernay, Pontaudemer, Elbeuf et Les Andelys. Afin de pouvoir réaliser, en cas de succès, ce programme, il s'était préalablement assuré le concours des bateliers pour le franchissement des cours d'eaux. Ses avant-postes étaient alors à moins de quatre lieues de la capital, presque à la forêt de Saint-Germain. De plus, des bandes d'insurgés tenaient la Basse-Seine, interceptant les convois et gênant les approvisionnements de Paris. Il pouvait d'autant plus escompter le succès qu'à cette époque les réfractaires et les déserteurs étaient fort nombreux dans ces régions boisées où de très importants rassemblements avaient souvent lieu dans la forêt de Dreux.

Le jour même où se livrait le combat du château de Pinson, l'Administration centrale de l'Eure faisait solennellement brûler à Évreux par l'éxécuteur des hautes oeuvres, au chant d'airs patriotiques, devant les autorités et la garde nationale, un lot des proclamations d'Hingant saisies dès leur arrivée en ville.

L'échec de l'expédition de Pacy et la disparition d'Hingant, terré à Évreux, était loin d'avoir complètement désarmé les Chouans de l'Eure, car, le 3 nivôse, des émissaires royalistes réapparaissaient dans les communes de Saint-André et de Pacy et des bandes circulaient aux environs de Brionne et de Pontaudemer. 

Depuis l'affaire du Pinson, dans l'impossibilité matérielle, par suite de ses blessures, de reparaître sur le théâtre des opérations, du fond de sa retraite, Hingant ne s'en occupait pas moins de tenir en haleine une petite armée dont la mission était de s'emparer des recettes publiques lors de leur transfert soit aux trésoreries départementales, soit de celles-ci à Paris, pour être versées dans la Caisse de l'État.

Recrutée en grande partie dans la capitale, soldée mensuellement au taux de 60 francs, par les soins d'un nommé Rousselin, répartie en petits détachements stationnés à proximité des grandes routes, cette organisation chouanne avait été mise sous les ordres d'un chevalier de Margadel (Joubert), l'ex-commandant des deux compagnies royalistes de Paris, adjoint pour cette raison à Hingant et aux frères Pelletier, dont l'aîné, commandant de la division des Andelys, avait été muté à dessein, comme nous l'avons vu plus haut, à la division de Pacy. Pelletier avait alors créé deux lignes de correspondance, l'une allant de Paris à Rouen par Saint-Cloud, Recamont, Ruilly, Saint-Saëns, Moreuil, Ivry, Dreux, Tillières, Verneuil ; l'autre se dirigeant de Nonancourt, vers le nord, en passant par Saint-André, Marcilly et Saint-Georges. Observons que quelques-uns de ces gîtes d'étapes se trouvaient dans des localités suivies dernièrement par la colonne d'Hingant, lors de sa retraite de Pacy, sur le château de Pinson, preuve évidente des intelligences que les Chouans possédaient alors à Pacy, au Breuil, à Breuillepont, à la Garenne.

Au début de 1800, ces attaques furent relativement peu nombreuses et cesseront au lendemain de l'inique exécution du comte de Frotté, le dernier général chouan, demeuré sous les armes, attiré lors de la pacification dans un guet-apens à Alençon et fusillé au titre d'émigré, à Verneuil ; exécution inique si on observe qu'ayant été admis à apposer sa signature sur un traité de paix, il se trouvait, par ce fait même, radié comme émigré.

 

la maraîchine normande

 

La disparition de Frotté, sonna le glas de la Chouannerie, qui avait trouvé en lui son dernier défenseur. Dès lors les soumissions se succédèrent rapidement.

En mars, le chevalier de Margadel et Pelletier la font. Hingant et la plupart de ses officiers suivent leur exemple. L'acte concernant sa reddition et celle de sa division est ainsi conçu :

Article I - La soumission du chef des mécontents, Hingant de Saint Mort (sic) et des officiers et soldats composant sa division est acceptée.

Article II - Amnistie pleine et entière lui est accordée.

Article III - Un délai de 10 jours pour remettre les armes est donné aux individus ci-dessous désignés ...

Article IV - Le sieur Hingant de Saint-Mort est excepté, à raison de ses blessures, des dispositions de l'article précédent et est autorisé à faire sa soumission entre les mains du général commandant la place de Paris.

Pelletier, ayant bientôt repris le commandement de ses détachements de dévaliseurs, la cadence de ce genre d'attaque s'accéléra à un tel point dans l'Eure, qu'en brumaire des mesures militaires très énergiques durent être prises pour les réprimer ; en plus des escortes de cavaliers et même de fantassins, données aux voitures portant les recettes, une véritable chasse à l'homme contre Pelletier et ses détachements fut organisée dans les deux départements de la Haute-Normandie. Naturellement Hingant fut incriminé d'avoir également repris les armes. Aussi, le 16 frimaire (7 décembre), Bonaparte écrivait-il, lui-même, au Ministre de la police : "Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire connaître ce que c'est et dans quel endroit se trouve Hingant de Saint-Maur, qui pourrait avoir des intelligences avec Rouen et si on pourrait le faire arrêter. Je vous salue."

Un post-scriptum d'une autre écriture est ainsi conçu : "Il s'est rendu fort tard, par la voie des généraux et du Ministre de la guerre ; cependant, il n'est arrivé aucun mauvais renseignement sur lui de puis sa soumission." Questionné, par le Ministre de la police, sur Hingant au sujet de cette soumission, le préfet du département de l'Eure lui répondait en date du 22 frimaire (13 déc.) : L'ex-chef des rebelles, Hingant de Saint-Maur, n'a pas fait sa soumission dans le département de l'Eure, mais devant le ministre de la guerre parce que ses blessures ne lui ont pas permis de se porter de Paris à Évreux. Il n'a pas de domicile connu dans le département de l'Eure et je ne suis pas éloigné de croire qu'il réside actuellement à Paris. Quand il s'est agi de sa reddition, il y demeurait rue des Saints-Pères, en face du bureau de la police générale. Je fais prendre, citoyen Ministre, des mesures pour découvrir cet individu ; mais il n'est certainement pas dans le département."

Sur l'ordre du Ministre de la police générale transmis au préfet de police, Hingant fut arrêté, non rue des Saints-Pères, mais passage des Petits-Pères, près de la Place des Victoires, et incarcéré au Temple. Il était accusé d'avoir suscité de nouveaux troubles, en prenant part aux attaques de diligences, ce qui ne fut jamais prouvé. Le 22 prairial, an IX (juin 1801), du Temple, Hinguant écrivait au Commissaire du Département près le Tribunal civil de l'arrondissement d'Évreux, la lettre suivante pour être remise au Ministre de la police : "Je viens de lire dans les journaux une note dans laquelle je suis gravement inculpé. La note qui me concerne est du 17 ou 18 août. Je déclare sur mon honneur que, depuis ma remise d'armes, je n'ai rien fait d'hostile."

En transmettant cette lettre au Ministre, le commissaire précité lui écrivait : Ce même Hingant, indiqué dans le Journal de Paris, est le même qui, vers brumaire an IX, vint porter le fer et les flammes dans notre département et particulièrement dans la région de Pacy". Et le Commissaire demandait au Ministre de le transférer à Évreux.

Hingant fut maintenu au Temple et, quelques jours plus tard, au lendemain du 3 nivôse, il eut comme co-détenu le comte de Bourmont, accusé à tort d'avoir pris part au complot criminel de la machine infernale. En messidor, d'où ils s'enfuiront en thermidor, an XII (juillet 1804), au cours de péripéties où se révélèrent la ruse et le sang-froid d'Hingant de Saint-Maur, qui fut peu après gracié.

 

Dominique Clément de Ris

 

Quoiqu'en marge de cette étude, il y a lieu de signaler le rôle joué par Hingant, lors de l'enlèvement du sénateur Clément de Ris. En septembre 1800 (à cette époque Hingant avait fait sa soumission) le sénateur Clément de Ris était enlevé, de son château de Beauvais près de Tours, par six Chouans, prétendait-on. Le comte de Bourmont, alors amnistié, résidant à Paris, est aussitôt mandé par le Ministre de la police qui, le rendant indirectement responsable de ce rapt, lui prescrit de suivre à la lettre ses instructions, afin d'amener, le plus promptement et le plus discrètement possible, la réintégration du sénateur chez lui, avec l'espoir que le Premier Consul ignorera la comédie projetée. Dans ce but, il doit, de suite, lui présenter un de ses officiers amnistiés le plus apte à réparer, d'après ses directives, la faute commise. Aussitôt Bourmont mande son ex-adjudant général Carlos Sourdat, l'un de ses fidèles les plus dévoués, et le met en rapport avec Fouché, qui lui enjoint de grouper autour de lui quelques camarades sûrs, de rechercher rapidement les auteurs de l'enlèvement, qui ont, paraît-il, claustré leur victime et qui, sous menace de mort, réclament de son épouse une rançon de 50 000 francs, destinée certainement à solder les Chouans encore insoumis. Sitôt découverts, Carlos Sourdat devra les convaincre de l'avortement de leur projet et obtenir d'eux qu'ils lui abandonnent leur prisonnier à l'issue d'un combat simulé, d'où lui et ses compagnons sortiront naturellement vainqueurs. Parmi les quatre acolytes que Sourdat se donna, signalons Hingant de Saint-Maur, alors amnistié et que certainement lui avait désigné Bourmont, en raison de son énergie, de son sang-froid et sa discrétion. Cette comédie se termina tragiquement car, malgré la promesse donnée par Fouché à Bourmont et à Sourdat de ne jamais sévir contre les ravisseurs, trois d'entre eux, arrêtés, jugés et condamnés furent exécutés à Angers, tandis que les trois autres étaient mis hors des débats et pour cause.

Ce n'était pas pour obtenir une rançon que cette affaire avait été montée ; elle l'avait été par Fouché lui-même qui avait organisé cet enlèvement ayant pour unique but de récupérer au château de Beauvais des pièces très compromettantes pour lui à l'égard du Premier Consul. Trois Chouans amnistiés acquis à la police, s'étaient, sous le fallacieux prétexte de procurer des fonds à la caisse royaliste, associé trois de leurs anciens camarades trop confiants, qui ne se doutaient pas, qu'à leur insu, ils travaillaient pour le compte de Fouché. Dès l'occupation du château de Beauvais, ils avaient mis la main sur l'argenterie et le numéraire, tandis que les policiers cherchaient, mais en vain, à récupérer les papiers compromettants.

Pour nous en tenir au rôle rempli par Hingant comme commandant de la région d'Évreux, observons que son expédition de Pacy-sur-Eure dénota chez lui des qualités manoeuvrières, qui lui eussent certainement donné le succès si ses effectifs n'avaient été aussi réduits par la carence des divisions de l'Eure en vain convoquées dans la forêt de Dreux.

Cette opération, la plus importante accomplie dans le département, fait honneur à Hingant, digne de celui sous les ordres duquel il opérait : le pur, chevaleresque et si héroïque comte de Frotté dont, à Verneuil, la tragique exécution sonna le glas des guerres de l'Ouest.

Baron Le Menuet de la Jugannière - Annuaire des cinq départements de la Normandie, publié par l'Association normande - Annuaire des cinq départements de la Normandie

 Pour d'autres détails sur le comte Hingant de Saint-Maur, voir cet article  : http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2015/03/22/31754922.html

 

Après bien des recherches, j'ai fini par trouver le lieu et la date de son décès :

Le Comte HILARION-HENRY HINGANT DE SAINT-MAUR, Colonel en retraite, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, veuf de dame Marie-Joseph Jéhan de Launay, est décédé à Lannion (22), le 8 juillet 1845, à l'âge de 95 ans.

COMTE HINGANT DE SAINT-MORT DÉCÈS

 

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Commentaires
J
Bonjour,<br /> <br /> merci pour ces précisions qui confirment donc une de mes hypothèses.<br /> <br /> Le site du château lui-même http://www.buissondemay.fr/ ne mentionne rien pour cette période. Voilà pourquoi j'avais posé la question.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Comme vous l'avez certainement noté, je ne suis pas l'auteur des textes que je publie, je recherche et je transmet. L'auteur de celui-ci, cité dans la deuxième partie, est le baron Le Menuet de la Jugannière. Néanmoins, votre remarque est intéressante et m'a conduite à faire quelques recherches. Il semble que le baron se soit, effectivement, trompé sur le château en question. Selon ce que j'ai trouvé, il s'agirait plutôt du Château du Buisson-de-Mai ; sur le site de ce château, on parle effectivement du comte Hingant de Saint-Maur. : http://patrimoine-de-france.com/eure/st-aquilin-de-pacy/chateau-du-buisson-de-mai-1.php
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J
Bonjour,<br /> <br /> vous mentionnez dans le texte que Hingart de Saint-Maur avait "fixé son quartier-général au château de Martainville, à trois lieues à peine d'Évreux, dans la direction de Paris".<br /> <br /> Moi-même habitant Evreux, je ne trouve aucun château réunissant toutes ces caractéristiques. Où avez-vous trouvé ces informations ? un château à environ 12 km d'Evreux vers Paris pourrait celui de Miserey ou le Buisson de May, à Saint-Acquilin de Pacy.<br /> <br /> Merci des précisions
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La Maraîchine Normande
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