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La Maraîchine Normande
26 août 2012

Lettre du curé RICHARDIN de Saint-Aubin-de-Baubigné en exil en Espagne

Le 16 vendémiaire, le commissaire de Thouars saisit une lettre d'ecclésiastique. Celle-ci venait de l'abbé Richardin, curé de Saint-Aubin. Elle était datée de Saint-Sauveur-de-Sérantes, près le Ferrol, du 19 septembre 1797 et adressée au citoyen Féret, commandant le canton d'Argenton-Château, à Vrine, près Thouars.

 

Voici le texte de cette lettre :

"J'aurais déjà eu le plaisir de vous embrasser, mon cher Féret, si le Moniteur français, les gazettes étrangères, et les nouvelles particulières qui nous viennent de toutes parts de la France qui nous disent les nouvelles suivantes, n'eussent retardé notre départ. Tout nous annonce peu de sûreté dans notre rentrée. On nous dit qu'il y a plusieurs troubles à Paris entre le Directoire exécutif et les Cinq-Cents, que Paris est un volcan, que, à la vérité, le Conseil des Cinq-Cents a révoqué le décret et les lois contre les déportés, le 15 août, que le même jour il avait été déterminé qu'on n'exigerait ni serment, ni déclaration, ni promesse touchant les déportés, mais que le lendemain 16 on revint sur la déclaration à exiger, en proposant plusieurs formules contraires à nos désirs, dont, à la vérité, aucunes n'ont encore été adoptées, que nous espérons cependant que le voeu de nos paroissiens et la révocation du décret seront des motifs suffisants pour justifier notre rentrée et voler au secours de notre troupeau, mais que dans l'état critique où en sont encore les choses, il ne nous paraît pas prudent de retourner, puisque le décret n'est pas encore revêtu de toutes ses formes, n'ayant pas encore été sanctionné, que nous attendons encore avec impatience le moment heureux où se lèveront tous les obstacles contraires à notre rentrée pour aller manger avec vous quelques perdreaux à la crapaudine. Quoique vous me disiez par votre dernier, parvenu le 4 septembre et daté du 27 juillet, qu'ils sont très rares dans les champs, je ne doute pas malgré cela que vous ne vous en procuriez quelques-uns pour que nous ayons le plaisir de les déchiqueter ensemble ! O moment heureux ! quand arriveras-tu ?

J'ai reçu le certificat de mes paroissiens, le 19 juillet, qui est bien conditionné, mais s'il eut été visé par le département des Deux-Sèvres et le district de Bressuire ou de Thouars (comme je le désirais) il aurait beaucoup plus de force. N'importe ! j'espère qu'il me servira en cas de besoin ! ... Comme nous ne pourrons sortir de notre exil sans une permission générale du Conseil supérieur de l'Espagne, nous espérons tous les jours qu'on la lâchera en notre faveur. Pour lors, nous chercherons un vaisseau neutre qui ne soit en guerre avec personne pour nous transporter dans notre pays natal. Pour cela, vous me ferez le plaisir, aussitôt la réception de la mienne de me marquer si Nantes et Paimboeuf sont tranquilles, si nous ne trouverons point d'obstacles qui puissent nous priver d'aller vous embrasser aussi tôt que nous le désirerions ... Quoique l'hiver s'avance à grands pas et que le temps de la navigation soit très critique, cela n'empêchera pas que nous fermions les yeux sur tous les dangers par le désir que nous avons d'aller respirer l'air de notre chère France ...

Vous me ferez le plaisir de vous informer avant de me faire réponse, si mes paroissiens ont reçu une lettre de ma part datée du 1er août et m'en donnerez connaissance. Vous leur ferez mes compliments ainsi qu'à la famille Jaudonnet. J'embrasse aussi bien tendrement Jeanneton, votre épouse, et la petite Auguste, ma petite filleule. Mes compliments aussi aux personnes charitables qui penseront à moi. MM. Chessé et Marquet vous disent à tous les choses les plus honnêtes, et comme dans votre dernière vous leur souhaitiez un bon appétit et grand mal aux dents, eux en reconnaissance vous souhaitent une bonne colique.

La moisson, en ce pays-ci, est assez bonne en grains, mais très peu de vin, et comme il pleut continuellement depuis août, cela fait qu'on ne peut faire les batteries, ce qui rend le pain très cher.

Rien autre chose à vous marquer, si ce n'est qu'on débite ici, il y a déjà du temps, que nous allons avoir la paix générale. Dieu le veuille ! Si cela est, et que vous en ayez connaissance, vous m'en ferez part.

Adieu, mon bon ami ! Dieu veuille que la présente vous trouve jouissant d'une santé égale à la mienne ; et suis pour la vie, en attendant le plaisir de vous embrasser.

Votre oncle et affectionné ami,

RICHARDIN, curé de Saint-Aubin-de-Baubigné

Prompte réponse, je vous prie ... Adieu, adieu. Je vais me promener pour dissiper mes ennuis.

 

 

Lettre extraite de :

Le Contrôle postal après le 18 Fructidor

Contribution à l'histoire du clergé

des Deux-Sèvres pendant la Révolution

Séverin Canal

Archiviste de Tarn-et-Garonne

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