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La Maraîchine Normande
29 juillet 2012

CHANSON CONTRE-REVOLUTIONNAIRE EN PATOIS LORRAIN

Si l'ancienne littérature patoise du pays Messin est fort riche avec Chan Heurlin, Flippe Mitono, la Grosse Enwaraye, etc., etc., il n'en est pas de même de celle de la partie de la Lorraine formant les trois départements restés français. On trouve, en effet, pour cette contrée, peu de pièces antérieures au commencement du XIXe siècle ; nous voulons parler, bien entendu, de pièces imprimées auxquelles on peut assigner une date certaine, car il existe de nombreuses chansons transmises par la tradition et dont l'origine est fort lointaine, mais indéterminée.

Parmi ces anciennes pièces imprimées, on peut citer les vieux Noëls conservés dans des recueils populaires dès le XVIIIe siècle, les fiauves et chansons transcrites par Oberlin dans son Essai sur le patois lorrain des environs du Ban de la Roche (1775), l'épître adressée, en 1614, par Jean Huin, étudiant à Pont-à-Mousson, au duc Henri II de Lorraine, heureusement retrouvée par M. J. Favier ; la lettre du curé Potier, de Gérardmer, au Ministre de l'Intérieur (1809) ; une chanson de 1814 sur le retour des Bourbons, publiée par M. Benoît ; des chansons du Barrois prises sur de vieux cahiers par M. Fourier de Bacourt ; divers très anciens documents donnés par M. Bonnardot. Telle est la bibliographie presque complète des anciennes oeuvres patoises.

De temps en temps, entre les pages des vieux livres, on retrouve quelques feuillets jaunis sur lesquels ont été transcrits quelques morceaux en langage populaire.

C'est ainsi que, dans un exemplaire du Patois d'Oberlin ayant appartenu à un curieux Lunévillois du XVIIIe siècle, nous avons retrouvé une chanson contre la Révolution, qu'il nous a paru intéressant de publier à cause de cette rareté des anciens documents et de son caractère historique.

L'emploi de mots exotiques, la coupe savante des couplets, les rimes remplaçant les assonnances, l'air de vaudeville sur lequel on la chantait, montrent que cette chanson fut l'oeuvre d'un bourgeois ou d'un noble plutôt que d'un paysan. Nous ne savons si elle fut très populaire et si elle retentit derrière les volets clos dans les poëles de veillée ; nous n'en avons trouvé le souvenir nulle part. Deux vers du second couplet se retrouvent cependant - simple coïncidence peut-être et non réminiscence - dans la chanson dont le refrain je n'séro, je n'séro motte mon âme cote m'u épale, est encore quelquefois entonné par nos conscrits. En tous cas, l'appel du dernier couplet fut peu entendu, semble-t-il, car les Lorrains se distinguèrent plutôt à l'armée du Rhin qu'à l'armée des Princes.

L'air sur lequel se chantait la chanson est celui de Avec les jeux dans le village, tiré de la comédie-vaudeville de Favart, les Amours d'Eté, qui eut une grande vogue à la fin du XVIIIe siècle. Il se trouve noté dans la Clé du Caveau (2e édition, 1816), sous le n° 53.

Voici cette pièce, qui paraît composée dans le patois des environs de Lunéville, peut-être de la vallée du Sânon. Le chef vendéen Stofflet, originaire de ce pays, l'eut chantée :

 

Voici la traduction de ce morceau :

1 - Oh ! sapristi que nous étions niais - de croire que nous ne paierions plus rien - et que nous allions être assez riches - si nous faisions bien les mutins - si nous chassions tous les nobles - qui nous faisaient pourtant du bien. - Ah ? compère, nous étions bien benêts - nous sommes bien plus mal que nous n'étions.

2 - Nous avons bien besoin de leurs attirails - de leurs cocardes et de leurs fusils, - de leur friperies et de leurs rubanneries, - de leurs gibernes et du reste. - Ils nous font faire l'exercice, - ils frétillent comme des jockeys, - puis ils disent que nous sommes de service. - Nous sommes bien las de tout cela.

3 - Nous avons bien fait du bruit - mais nous n'en sommes pas plus avancés. - Qu'est-ce qu'ont gagné les soldats - en chassant leurs officiers ? - Avec toutes leurs maudites histoires - nous n'avons ni argent ni rien. - Si nous voulons faire des affaires - nous n'avons que des petits chiffons de papier.

4 - Ils ont chassé tous nos prêtres, - tout comme si c'étaient des coquins. - Je ne vais plus ni à la messe ni aux vêpres - j'y chantais pourtant si bien. - Je crois qu'ils veulent nous faire hérétiques. - En voilà-t-il un diable de train ! - Mais je veux être bon catholique - apostolique et encore romain.

5 - Je ne veux plus être démocrate - ni qu'on dise la Nation, - parce que chacun me regarde. - comme si j'étais brûleur de maison. - Moi, je veux être aristocrate - tout comme j'étais les autres fois - je veux mon rochet et ma cravate - je m'en vais servir le roi.

Charles SADOUL

Le Pays Lorrain (Nancy)

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