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La Maraîchine Normande
11 juillet 2012

Pierre-Gaspard Chaumette, dit Anaxagoras Chaumette

CHAUMETTE

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A la Commune, en cet automne de 1793, une influence dominait, celle de Chaumette.

Les journaux et les mémoires de l'époque permettent de reconstituer le caractère, la physionomie, les traits mêmes de cet homme. Comme la plupart de ceux que la Revolution avait subitement grandis, il était très jeune, trente ans à peine. Il était, d'après les souvenirs des contemporains, de taille médiocre, fluet, de teint pâle, avec des cheveux tout plats, un peu minable d'aspect et paraissant fait pour servir plutôt que pour commander. Volontiers, on l'eût cru timide, si son visage, assez doux à l'ordinaire, ne se fût éclairé par intervalles de lueurs âpres et violentes. Rien dans son passé ne semblait présager qu'il dût jamais sortir de l'obscurité. Il avait été mousse, étudiant en chirurgie, mais sans acquérir aucun grade, puis vaguement homme de lettres. Cependant il était de parole facile, ce qui avait commencé à répandre son nom.

En 1792, il avait fait partie, après le 10 août, de la municipalité insurrectionnelle ; quelque mois plus tard, il était devenur procureur de la Commune. Il n'avait pas eu la peine de choisir son opinion, les évènements l'ayant classé dans le parti révolutionnaire le plus extrême. Hostile en politique à tout ce qui était modéré, il l'était au même degré à tout ce qui gardait trace de religion. Pour montrer sa haine du fanatisme, il avait changé ses prénoms de Pierre-Gaspard en celui d'Anaxagoras. Poussait-il l'impiété jusqu'à l'athéisme ? On n'en peut guère douter ; car un écrivain, du nom de Sylvain Maréchal, ayant publié un poème intitulé "Contre Dieu", c'était à Chaumette qu'il en avait fait la dédicace comme à celui qui le comprendrait le mieux.

Comment cet homme, si dépourvu de prestige, avait-il pu graver son nom dans la foule parisienne ? Ce crédit serait tout à fait inexplicable, si l'on ne savait <que les peuples qui croient souverains ressemblent aux despotes, et aiment à se persuader de leur toute-puissance en tirant du néant leurs favoris. Les ambitions de Chaumette grandirent avec sa fortune. Il conçut une sorte de programme, autant du moins qu'un programme pouvait sortir de son esprit confus, débile et violent. La Commune visait à dépasser en popularité la Convention : comme procureur-syndic, il incarnerait en lui la Commune. Dans la Convention elle-même, deux hommes émergeaient, et par suite ameutaient les envieux ; c'étaient Danton qu'on commençait à taxer de modérantisme et Robespierre qu'on soupçonnait de religiosité : il faudrait, pour éclipser l'audace de Danton, imaginer d'autres audaces : il faudrait surtout déployer, en matière religieuse, un luxe d'impiété qui contrasterait avec les timidités et les croyances mal éteintes de Robespierre.

Chaumette avait beau être inconsistant et médiocre. Il trouverait derrière lui toute une plèbe pour le suivre. Comme les assemblées de section étaient désertes, la Convention venait de rendre un décret qui attribuait une indemnité à tout citoyen pauvre qui assisterait aux séances. Tout ce qui se trouvait de désoeuvrés dans Paris avait fort goûté cette prime à l'assiduité. Les bénéficiaires de ces jetons de présence, qui formaient le soir un public pour les assemblées de section, offraient aussi dans la journée une troupe toute prête pour manifester. En outre, les sociétés populaires avaient un comité central établi à l'Hôtel de ville ; et ce comité, tout voisin de la municipalité, semblait installé à point pour en recevoir et en répandre les inspirations. Enfin Chaumette avait, comme procureur de la commune, Hébert pour subsistut ; or Hébert, par son journal le "Père Duchesne", tenait dans sa main la populace parisienne dont il entretenait les ardeurs démagogiques et plus encore les passions antireligieuses.

Une circonstance particulière encouragea Chaumette à oser. Vers la fin de l'été, il fut appelé à Nevers auprès de son père malade. Là-bas, il prit contact avec le Représentant Fouché qui avait été envoyé en mission dans la Nièvre. Fouché avait, aux yeux de la démagogie, deux gros péchés à effacer : au début de la Convention, il avait ménagé et presque courtisé la droite ; en outre il avait jadis enseigné chez les oratoriens, et il s'en était même fallu de peu qu'il ne devint prêtre. Aussi était-il arrivé de Paris avec le dessein de parler si haut et d'agir si violemment que les plus rigides eux-mêmes n'hésiteraient pas à l'absoudre. Il n'avait rien négligé de ce qui pourrait lui valoir, non seulement l'amnistie, mais l'éloge. Une fille lui étant née, il lui conféra une sorte de baptême civique célébré avec une pompe bruyante, et lui donna le nom de Nièvre. Un peu plus tard il se transporta dans l'une des églises de la ville et y placa solennellement le buste de Brutus. Puis, légiférant de sa propre autorité, il rendit un arrêté qui imposait à tout prêtre l'obligation de se marier dans le mois, et, s'il était trop vieux, d'adopter un enfant ou de nourrir un vieillard. Pendant son séjour à Nevers, Chaumette put noter chacun de ces actes, y applaudir et s'en pénétrer. Il regagna bientôt Paris, très piqué d'émulation, très animé contre toutes les formes religieuses et très travaillé de cette ambition des malfaisants et des débiles qui aiment à détruire, s'ils ne peuvent se hausser jusqu'à fonder.

Il se trouva que dans les provinces, Fouché avait des émules. Dans la Somme, le représentant André Dumont, personnage plus bruyant d'ailleurs que cruel, appropriait pour les fêtes civi<ques la cathédrales d'Amiens, et transférait à la maison d'arrêt les vieux prêtres reclus ; puis il activait la spoliation des églises et soumettait à une sorte de police spéciale "tout prêtre, suisse, bedeau et autres de cette espèce". En même temps, Laplanche à Bourges invitait publiquement les prêtres à se marier. Par les journaux, les correspondances, Chaumette n'ignorait rien de ces manifestations qui achevaient de l'enflammer. Le 14 octobre, sur sa proposition, le Commune interdit tout exercice extérieur du culte dans Paris. En ces jours-là mêmes, l'ouverture et la mutilation des tombes de Saint-Denis, ordonnées dès le mois d'août par la Convention, stimulaient dans la populace le goût de profaner. Sur ces entrefaites, le procureur de la Commune reçut, dans le courrier venu de la Nièvre, la copie d'un arrêté de Fouché qui ordonnait la destruction de tous signes religieux dans les cimetières. Tout charmé de cette "philosophie", Chaumette lut l'arrêté à ses collègues qui ne manquèrent pas d'applaudir. Si l'on proscrivait les emblèmes du cultes sur la tombe des défunts, qu'était-il besoin de les maintenir ailleurs ? Ainsi pensèrent à l'Hôtel de ville les gens de la Commune qui, le 23 octobre, décidèrent l'enlèvement de toutes les effigies religieuses dans Paris. Par l'abolition de tous les signes extérieurs n'arriverait-on pas bientôt à l'abolition du culte lui-même ? Là résidait l'espoir de Chaumette et de ses amis.

Histoire religieuse de la Révolution française
T. 3, 3è éd. - 1919
Pierre de La Gorce

 

Wikipédia : Pierre-Gaspard Chaumette, dit Anaxagoras Chaumette, né à Nevers (Nièvre), le 24 mai 1763 et mort à Paris le 13 avril 1794, fut procureur de la Commune de Paris pendant la Révolution française. Porte-parole des sans-culottes, il lutta pour l'Abolition de l'esclavage et fut condamné à la guillotine avec les Hébertistes.

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