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La Maraîchine Normande
6 juillet 2012

UN CURE SAUMUROIS PENDANT LA REVOLUTION : Jacques Saillant, Curé de Vivy

 

Jacques Saillant naquit à Saumur, le 15 mars 1747.

Au mois de décembre 1782, il était nommé curé de la paroisse de Vivy, à 8 kilomètres de sa ville natale.

Il fut l'un des électeurs chargés, au mois de mai 1790, de nommer les administrateurs du nouveau département de Maine-et-Loire. C'est sur sa motion que l'assemblée décida de terminer ses opérations par le chant du Te Deum à la cathédrale. (Séance du 26 mai. Il voulut en même temps remercier et féliciter publiquement le Président de l'Assemblée Delaunay, qui venait d'être élu procureur général syndic du département.)

Le curé de Vivy avait embrassé avec une certaine ardeur les opinions nouvelles. On le vit bien quand, le 6 février 1791, il fit, dans son église paroissiale et devant la municipalité, la prestation de serment à la Constitution civile du clergé. Des brefs du Pape Pie VI, en date du 10 mars et 13 avril suivants, condamnèrent cette constitution ; Jacques Saillant, rebelle à la voix du Chef de l'Eglise, ne rétracta point son serment.

L'année suivante au mois d'août, il prête de nouveau le serment de liberté et d'égalité, demandé par l'Assemblée législative.

Le Dimanche 16 juin 1793, alors que les Vendéens maîtres de Saumur occupaient tout le pays, le curé de Vivy fit chanter à l'église le Domine Salvum fac regem. Dénoncé pour ce fait au Comité Révolutionnaire de Saumur (Du 23 au 26 juin, les Vendéens évacuèrent Saumur et le Comité Révolutionnaire de cette ville fut institué le 1er juillet.) aussitôt sa formation, il se vit l'objet d'un mandat d'arrêt, le 3 juillet : il était "prévenu de complicité avec des brigands et d'avoir excité le fanatisme." Le lendemain, 4 juillet, des gendarmes de Saumur l'arrêtent dans son presbytère, à 1 h 1/2 du matin ; contrairement à leur attente, ils ne trouvent rien de suspect dans ses papiers, mais emmènent leur prisonnier à Saumur.

Ce n'est que le 18 juillet qu'il comparaît devant le Comité Révolutionnaire, où il se disculpe d'une façon fort habile en prouvant qu'il a toujours été patriote, quoiqu'on en ait dit. Malgré son éloquente plaidoirie, il est renvoyé dans sa prison d'où il ne tarde guère à sortir, par suite de l'intervention de la Municipalité de Vivy.

Il était retourné dans sa paroisse depuis environ quinze jours, quand, revenant de visiter un malade, dans la soirée du 20 août, il fut arrêté de nouveau, sur l'ordre du citoyen Saillant, commandant la compagnie de cavalerie volontaire de Saumur. Les gendarmes emmenèrent leur prisonnier le jour même. En arrivant à Saumur, il se faisait tard : le curé demanda à l'un des gendarmes de vouloir bien lui donner l'hospitalité chez lui pendant la nuit. Il n'y aura point de lit à la prison, disait-il, car il est fort tard et personne n'est prévenu de notre arrivée. Le gendarme se laissa convaincre et conduisit le prisonnier dans sa propre maison. Le matin, quand le fonctionnaire se présenta pour remplir sa consigne et conduire son hôte à la maison d'arrêt, il s'aperçut que le curé ... avait disparu (Il s'était échappé la nuit à l'aide de ses draps qu'il avait attachés à la fenêtre de sa chambre). On courut après lui, mais sans pouvoir l'atteindre.

Le 2 octobre suivant, un mandat d'arrêt était lancé mais en vain, contre lui, par la Commission militaire, alors présidée par Parein.

Une fois la tourmente passée, la Convention revint à des sentiments plus modérés et par une loi du 12 frimaire an III (2 décembre 1794) elle offrit l'amnistie aux Vendéens et aux Chouans.

Dès le 4 janvier 1795, le curé de Vivy se présentait au district de Saumur. Le lendemain, il se présentait à la Municipalité et au commandant de la place, le citoyen Poché. Le 7, il abordait le Comité Révolutionnaire et lui déclarait vouloir fixer sa résidence à Saumur, en vertu de l'arrêté des représentants du peuple (L'arrêté des représentants Quesno et Guernier, rendu en exécution de la loi d'amnistie, était du 13 décembre 1794).

Le 28 août 1795, il rétractait en secret les deux serments qu'il avait prêtés, et le 19 octobre suivant, il rendait publique sa rétractation par la lettre suivante, écrite de Tours au Maire et aux officiers municipaux de Vivy.

Voici cette pièce remarquable, restée jusqu'ici inédite et à peu près inconnue (Arch. dép., L. 1274)

Tours, 19 octobre 1795

Messieurs,

Je dois à la religion une réparation proportionnée à l'outrage que j'ai commis contre elle. Pénétré de mon offense autant que du scandale que j'ai causé à ma paroisse, par la prestation du serment fatal que j'avais fais dans mon église sous la date du 6 février 1791 et de celui de la "liberté et de l'égalité" au mois d'août 1792, tous deux si contraires à la pureté de la doctrine de Jésus-Christ, je m'empresse de vous prévenir que j'ai rétracté l'un et l'autre, le 28 août dernier, jour mémorable qui, en me retraçant la docilité d'Augustin à la grâce et à ses inspirations, me rappelle aussi mon triomphe sur l'ennemi commun de notre salut. Heureux donc, Messieurs, si par cette rétractation je peux cicatriser les plaies faites à l'Eglise, notre sainte mère.

Malgré les réticences et les modifications qui avaient accompagné le premier, je ne peux vous dissimuler les chagrins cuisants que j'ai éprouvés depuis cet évènement, qui a été suivi de tant de signes d'irreligion et d'impiété. J'aurai peine à me consoler de tous ces malheurs, par la crainte où je suis d'y avoir coopéré par le mauvais exemple qu'a pu vous donner la prestation du serment dont il s'agit. Je dois donc m'efforcer de réparer tous ces maux, et c'est pour en venir à cet heureux but, que je vous prie d'accueillir ma résipiscence, de la faire agréer à tous mes habitants, en les assurant que, si les temps orageux ne planaient pas encore sur la religion, j'irais de suite pour leur dire que l'Eglise, malgré mon infidélité, m'a bien voulu recevoir dans son sein et me pardonner l'outrage que j'avais commis contre elle. Dites-leur encore que le plus beau jour de ma vie sera celui où je pourrai me réunir au milieu d'eux, pour y réparer avec éclat un scandale dont la persévérance m'a rendu coupable.

Je me flatte, Messieurs, qu'après avoir donné à ma rétractation tout le caractère de publicité dont elle est susceptible, vous voudrez bien en dresser acte sur vos registres, et être convaincus en même temps que, lorsque les circonstances me permettront de donner un libre essort à mon zèle, je tâcherai d'aller, comme les Ambroise, me placer au milieu de vous pour y annoncer l'Evangile, faire restituer à Jésus-Christ son empire et ses droits et substituer aux drapeaux de l'athéïsme l'étendard de la croix. En attendant, j'adorerai en secret les jugements du Seigneur et implorerai sans cesse pour vous et vos familles les miséricordes du Seigneur.

J'ai l'honneur d'être, Messieurs,

avec toute l'effusion d'un coeur entièrement dévoué au salut de son troupeau,

Votre très humble et très obéissant serviteur.

J. SAILLANT

Curé de Vivy

L'administration municipale du canton de Brain-sur-Allonnes ayant eu connaissance de cette lettre le 4 décembre 1795, émit le voeu que le citoyen Saillant fût puni comme prêtre réfractaire par les lois existantes. En même temps, elle adressa la pièce à l'administration départementale, qui blâma le fanatisme dont elle était remplie, mais ne prît pas de mesure violente contre son auteur.

Nous retrouvons M. Saillant à Angers en 1802. Le 10 décembre de cette année, il fut nommé Chanoine titulaire de la cathédrale par le nouvel Evêque Mgr Montault des Isles ; le gouvernement du Premier Consul avait agréé cette nomination sans aucune difficulté. Depuis lors M. Saillant ne quitta plus Angers, où il mourut le 5 mars 1831, à l'âge de 84 ans.

F. UZUREAU

Aumônier du Champ-des-Martyrs, à Angers

Revue Poitevine et Saumuroise

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