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La Maraîchine Normande
4 juillet 2012

PROJET DE POIRIER DE BEAUVAIS POUR LA FUITE DE LOUIS XVI (2ème partie)

PROJET DE POIRIER DE BEAUVAIS

POUR LA FUITE DE LOUIS XVI

(1791)

DEPART DU ROI

Les choses ainsi disposées, le roi va à la chasse, se déguise dans la forêt même ; et dès quatre heures du soir accompagné seulement de deux cavaliers il part du côté opposé où il veut aller, prolonge son chemin par les bois, donne plusieurs défauts, puis par des sentiers bien connus débouche et gagne son premier relais.

DEPART DE LA REINE ET DE MGR LE DAUPHIN

La reine, avertie successivement de tout ce qui se passe à la chasse, fait sa promenade accoutumée et au moment convenu elle trouve au détour d'une petite allée un cavalier, qui tient un cheval en laisse (avec un chapeau, des bottes et un manteau pour la reine) sur lequel la reine monte. Mgr le Dauphin mis derrière le cavalier sur un coussin attaché à la selle, est attaché lui-même au cavalier avec une large courroie un peu matelassée ; puis le cavalier met son manteau qui doit être assez ample pour le couvrir ainsi que Mgr le Dauphin ; sans que cela fasse aucune grimace par derrière, ce que le cavalier peut éviter encore en se tenant droit ; à une certaine distance on trouve un autre cavalier pour accompagner leur faisant l'arrière-garde et de cette manière on gagne le premier relais. Le premier arrivé du roi ou de la reine attend, c'est-à-dire en allant doucement, car aucun des relais ne doit rester sans mouvement sur la route.

DEPART DE MADAME ROYALE ET DE MADAME ELISABETH

Madame royale et Madame Elisabeth auront été à la promenade avec la reine ou séparément, peu importe. Si elles sont avec la reine, pour lors au moment du départ de cette princesse, je les fais monter dans un cabriolet attelé d'un seul cheval, sans domestique. Et si le secret a été observé de manière que je ne sois pas suivi au moment du départ, je réponds du dépot précieux que l'on m'aura confié et une heure après je défie la terre entière de le trouver. Il faudra laisser passer les premiers moments avant de conduire ces princesses à la frontière ; si mieux elles n'aiment attendre que quelque ville se déclare pour le roi ; pour lors en l'honorant de leur présence elles fortifieraient le parti du roi. On pourra être sans inquiétude sur le compte de Madame Royale et de Madame Elisabeth.

C'est là même le plus aisé de l'entreprise, parce qu'on supposera qu'elles ont fait la même route que le roi quelques instants plus tôt ou plus tard. Ce qu'on persuadera assez aisément au moment de l'arrivée du roi à la frontière. Et la reine continuant son chemin sur le champ pour aller plus loin ; ces princesses auront l'air de devoir se rejoindre dans un autre endroit ; d'ailleurs les patriotes consternés ne tourneront leurs pensées dans ce moment que sur la perte qu'ils ont fait par l'évasion du roi.

LE ROI ARRIVE A SON PREMIER RELAIS ; CE QU'ON FAIT EN CAS D'ALERTE

- Le roi arrive à son premier relais, monte en cabriolet avec la reine, Mgr le dauphin sur leurs genoux. Deux chevaux, comme j'ai dit, sont attelés au cabriolet ; un cavalier connaissant bien le pays marche en avant sans affectation pour guider et trois autres cavaliers sont par derrière et ce avec intervalle de l'un à l'autre ; afin que le plus éloigné, toujours attentif au moindre bruit qu'il entendra derrière lui en donne connaissance à celui qui précède ; et ainsi successivement jusqu'au troisième qui avertira le roi si cela en mérite la peine. Car tel signe voudra dire que ce n'est rien d'inquiétant, tel autre qu'on craint et tel autre enfin qu'il est prudent de sortir du cabriolet pour monter à cheval et au même instant le cavalier d'avant-garde s'avance et prend Mgr le dauphin ; et des trois cavaliers de derrière les deux plus près du cabriolet s'approchent, donnent leurs chevaux au roi et à la reine et prennent leur place. Le cavalier d'arrière-garde met son cheval au galop assez à temps pour n'être pas aperçu par ce qui cause l'alerte, gagne les autres cavaliers. On va à travers champs et on écoute. Si c'est à tort on revient ; si l'alerte est vraie, on continue hors la route pour gagner l'endroit convenu ... (Le haut de la page du manuscrit est déchiré en partie à cet endroit). Les cavaliers démontés étant dans le cabriolet continuent leur chemin sans affectation, et en cas de questions répondent ce dont on est convenu.

Mais quoi qu'il soit de la sagesse de prévoir ces contretemps ; il est dans l'ordre des probabilités que si le secret est gardé, Leurs Majestés ne doivent trouver aucun obstacle.

ARRIVEE AU 5ème RELAIS ON MONTE A CHEVAL

Le roi parcourt ainsi tous ses relais, et lorsqu'il est au cinquième et qu'il n'a plus que quelques lieues pour gagner la frontière, il est de la prudence que tout le monde soit à cheval comme dans l'alerte supposée, afin de quitter toutes voies ordinaires et gagner la frontière par des sentiers ignorés et non gardés. Y aurait-il des ruisseaux sans pont à passer ; ce n'est pas un obstacle, au contraire, reconnus d'avance on les passera aisément, dût-on se mouiller ; et ils pourront être une barrière pour nos ennemis ou détourner les idées qu'ils pourraient avoir sur ces endroits. Tous les relais ou s'en retournent à mesure ou continuent pour s'émigrer.

BALANCE DU CALCUL DES ACCIDENTS QUI PEUVENT ARRIVER ET DES MOYENS POUR Y REMEDIER

Si le roi doit être atteint des Parisiens, ce ne peut être qu'en courant à son premier relais, et peut-être, ce qui est bien difficile, en allant du premier au second. Dans ce cas, leurs chevaux seraient bien fatigués ; quant au troisième relais et suivants, ils ne peuvent être inquiétés, les Parisiens n'ayant point de relais ; cela passe les forces d'un cheval.

Si le roi est assez malheureux pour ne trouver que des monstres et qu'ils s'en trouve un qui dévoile le secret ; sans contredit, quelles précautions qu'on prenne, elles seront toutes vaines. Mais si le secret est bien gardé comme j'ai lieu de l'espérer d'après le choix que l'on fera, les Parisiens ne peuvent au moment où la nuit s'avance avoir quelque connaissance des premiers pas qu'aura fait le roi ; et Sa Majesté, ayant fait à son départ, des crochets ; les défauts étant sur le champ couverts par la nuit, il est impossible qu'on puisse suivre. Et si quelqu'uns des batteurs d'estrade, contre toute vraisemblance suivaient le chemin que tient le roi ; pour lors Sa Majesté, étant entre deux cavaliers, l'un en avant, l'autre en arrière, avertie par un signe convenu, quitte la voie publique, entre dans un champ suivi du cavalier qui le précédait, et à l'abri d'un arbre ou d'une haie ils attendent des nouvelles du second cavalier, qui, par un coup de fouet ou autre signal convenu annoncera sa présence et le calme s'il y a lieu. Tout cela est fort aisé à exécuter la nuit, car à dix pas on ne voit pas ; il faut au contraire de la précaution pour ne pas se perdre.

IMPOSSIBILITE MORALE D'ATTEINDRE LE ROI

Mais encore une fois je regarde comme impossible qu'on puisse atteindre le roi, même à sa partie, parce qu'avant qu'on s'en soit aperçu, que l'on ait cherché, qu'on en soit sûr, qu'on ait pris des mesures pour courir après ; tout cela suppose plus de deux heures. Et comment est-il possible qu'on rencontre quelqu'un la nuit, quand il a deux heures d'avance ; qu'on ne sait quel chemin il a pris, qu'il est à cheval et non en voiture et qu'il ne (suit pas) les grandes routes ? Ce que je dis du roi est applicable à la reine et à Mgr le Dauphin.

Il y a donc impossibilité que le roi soit arrêté pendant les premières lieues de son départ, et certainement plus on s'éloignera plus cette impossibilité augmentera en raison de la distance qu'on aura atteint, même après avoir gagné son premier relais. Les précautions, que j'ai prises de poster des cavaliers derrière le cabriolet en observant des intervalles, suffisent pour que leurs Majestés ne tombent pas entre les mains des brigands.

CRAINTE LEGERE DES ENDROITS NON PREVENUS PAR OU ON PASSERA

On n'aurait donc rien à craindre que le lendemain au jour, et ce, de la part des patriotes dans les cantons desquels on passera ; mais n'étant prévenus de rien, il est très sûr qu'ils ne remarqueront même pas un mauvais cabriolet ni quelques gens mal vêtus, qui passeront sans être de compagnie, eux-mêmes ne seront pas rassemblés. Ce n'est donc qu'une personne ... ... que l'on rencontrera. Eh bien ! admettons contre toute vraisemblance qu'une ou deux personnes en passant marquent de l'inquiétude et que l'on suppose qu'elles aillent avertir une municipalité, car c'est là tout ce qu'elles peuvent faire. Tout ce qui en résulterait de mal ; ce serait de monter à cheval, comme est dit et gagner ainsi le relais prochain où on trouverait un autre cabriolet, mais cela n'est pas présumable, et si personne n'est prévenu, le roi fera sa route en toute sûreté.

SEULE CRAINTE QUI MERITE L'ATTENTION

Voilà la seule qu'il y ait à craindre ; c'est que la nouvelle du départ du roi arrivée à Paris, on ne dépêche à la minute des courriers sur toutes les différentes routes des frontières avec ordre de semer l'alarme partout et de faire sonner le tocsin dans les paroisses, afin que l'on examine soigneusement toutes les voitures et tous les cavaliers ; pour lors, si le roi n'était pas passé et qu'il fut sur la route il courrait des risques.

Je pense que l'on calculera juste en ne supposant tous ces courriers partis que quatre heures après le départ du roi ; Sa Majesté, ne relayant que tous les dix heures, conservera son avantage, et quelque promptitude, il doit avoir gagné son cinquième relais avant l'arrivée du courrier.

Pour lors, comme on reprendra la pleine campagne et à cheval, pour gagner la frontière, peu importe ce que dira le courrier, car avant que la nouvelle se soit répandue hors la route, dans l'intérieur des terres, cela demande un demi-jour ; la nuit sera venue et Sa Majesté sauvée.

L'HEURE DU COUCHER CONVIENDRAIT MIEUX, S'IL ETAIT POSSIBLE QUE LE MOMENT DE LA CHASSE

S'il était possible que la famille royale pût sortir à l'heure de son coucher, soit aux Tuileries, St-Cloud ou tout autre endroit ; cela vaudrait beaucoup mieux par la raison qu'on aurait 8 heures d'avance avant que cela fut su ; ce qui ôterait toute inquiétude.

AUTRE MOYEN DE SAUVER LE ROI

Il y a un autre moyen plus simple pour sauver le roi, plus sûr ; aussi plus fatiguant, mais aux grands maux les grands remèdes. Peu importe la fatigue quand on trouve son salut. C'est dans la famille royale que j'en trouve des exemples de l'un et de l'autre sexe : Henri quittant les Polonais ; Marguerite d'Angleterre disputant la fortune de son mari contre des destins supérieurs.

Le roi dans ce dernier cas ne trouverait à son premier relais que trois chevaux (sans cabriolet) pour lui, la reine et le cavalier qui serait chargé ...

Dans ce dernier projet on n'a besoin que de gentilshommes ; lesquels seulement sont dans la totalité du secret. Voilà comment : le roi part avec un des cavaliers ; la reine en fait autant. Arrivés au premier relais ils s'en retourneront ou continueront tranquillement pour s'émigrer. Les deux cavaliers du premier relais et ceux du second sauront fort à raison des craintes qu'on a d'eux pour le lendemain.

 

(Henri GRIMAUD - Revue Poitevine et Saumuroise)

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