Opinion d'un sans-culotte sur les premiers arrêts du tribunal révolutionnaire

Le public a confirmé par ses applaudissements le jugement du tribunal révolutionnaire contre Blanchelande, guillotiné lundi dernier sur la place de la Réunion, ci-devant Carrousel. Le stoïcisme du contre-révolutionnaire n'en imposa point. A la honte de l'espèce humaine, ce n'est point d'aujourd'hui que le royalisme a eu des apôtres et des martyrs.

Mais le peuple n'a pas été également satisfait du jugement porté par le même tribunal contre une malheureuse cuisinière convaincue de propos inciviques, vendredi 9 avril, à midi. Les citoyens qu'elle servait, rue des Postes, n'avaient rien à lui reprocher du côté de la fidélité domestique. Sans doute qu'elle avait la tête égarée, et c'est ce que les juges auraient dû conclure de son obstination à confirmer les propos royalistes pour elle se trouvait en cause, comme ils venaient de faire à l'égard d'un autre individu mâle, atteint du même délit : ils le déclarèrent insensé.

Qui ne frissonnera au récit de la circonstance suivante ? Au moment qu'on guillotinait cette malheureuse, Mazuyer invoquait en sa faveur, à la tribune de la Convention, un sursis de vingt-quatre heures. Isnard appuya verbeusement cette réclamation, et c'est peut-être ce qui empêcha cette femme d'être sauvée. Le temps qu'on perdit à écouter l'orateur prolixe décida de son sort. Le sursis allait être prononcé à l'instar de celui qu'on venait d'accorder à un citoyen condamné à mort pour avoir tué dans une rixe un prêtre assermenté, quand on vient annoncer à la Convention l'exédution du jugement de l'infortunée cuisinière ... Les représentants du peuple reprirent l'ordre du jour !!!

Le tribunal révolutionnaire a aussi condamné à mort le nommé Anne-Hyacinthe Vaujour, ci-devant colonel du troisième régiment de dragons, pour provocation à la royauté. Il a été exécuté le samedi 20. (Prudhomme, Révolutions de Paris)

Anecdotes du temps de la terreur

L. Hachette (Paris) 1863