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La Maraîchine Normande
25 juin 2012

Qu'est-il advenu des frères de La Trémoïlle ?

L'orage politique devenait de jour en jour plus terrible, et la maison de La Trémoïlle était trop placée pour ne pas être atteinte une des premières. Jean-Bretagne, avec l'aîné et le plus jeune de ses fils, quitta la France, qui ne lui offrait plus un asile assuré. Antoine-Philippe, connu sous le nom de Prince de Talmont, et son frère, l'abbé de La Trémoïlle, restèrent dans leur patrie pour y soutenir jusqu'à la mort les intérêts de la religion et de la royauté. La lutte était commencée : un soulèvement venait d'éclater dans le Maine et la Bretagne, un autre se préparait dans la Vendée. Le Prince de Talmont entra dans la confédération poitevine, formée pour soutenir la cause de la monarchie. Il parcourait ses domaines et se trouvait à Château-Gonthier, prêt à s'armer pour le salut de la royauté et de la patrie, quand il fut arrêté, jeté dans les prisons de la Terreur et voué inévitablement à l'échafaud. Mais il parvint à s'échapper des mains de ses gardes qui le conduisaient d'Angers à Laval, et il rejoignit l'armée vendéenne dans la ville de Saumur, dont elle venait de s'emparer.

antoine-philippe

L'arrivée du Prince de Talmont au camp des royalistes produisit la plus grande sensation. L'éclat de son nom et sa belle figure imposaient à la multitude. Il fut fait sur-le-champ général de la cavalerie vendéenne, et prit place au Conseil avec d'Elbée et La Rochejaquelein, dont il se montra bientôt le digne émule. A l'attaque de Nantes, il chargea les républicains qui se retiraient par la route de Vannes, leur prit deux pièces de canon et les força de rentrer dans la ville. Après la malheureuse issue de la bataille de Chollet, on le vit couvrir avec sa cavalerie la retraite des royalistes. Au combat d'Antrain, à la tête d'une poignée de braves, il soutint tous les efforts de l'armée républicaine, et donna aux soldats vendéens, frappés d'une terreur panique, le temps de se rallier et de revenir à la charge. Il fut, en cette occasion, proclamé d'une voix unanime le sauveur de l'armée.

Dans une autre circonstance, il montra qu'il avait autant de sang-froid et d'intrépidité que de courage. Les troupes du Roi se dirigeaient sur la Flèche, et n'étaient qu'à une petite distance de l'armée républicaine. Talmont, presque seul, s'avançait à cheval ; un hussard le rencontre, le reconnaît à son écharpe blanche pour un officier supérieur, et le défie au combat : "Je t'attends," lui crie le Prince. Alors le hussard fond sur lui au galop : les sabres se croisent ; mais Talmont, d'un coup assuré, partage en deux la tête de son adversaire. Il donna de nouvelles preuves de valeur à la sanglante action du Mans, qui fut suivie de la déroute de l'armée royale. Peu de jours après, le prince de Talmont, déguisé en paysan, errait dans les environs de Laval, accompagné d'un seul domestique, quand il tomba entre les mains des bleus, et fut conduit à Fougères sans avoir été reconnu. Mais la fille de l'aubergiste de Saint-Jacques s'écria en le voyant : "C'est le Prince de Talmont !" Traduit devant le général Beaufort, qui commandait à Fougères, Talmont jeta son bonnet de paysan et répondit avec fierté : "Oui, je suis le Prince de Talmont, que soixante-huit batailles ont familiarisé avec la mort." Un officier lui demande pourquoi il avait pris les armes contre la république : "Issu des La Trémoïlle, dit-il, je devais servir mon roi, et je ferai voir, en sachant mourir, que j'étais digne de défendre le trône." Il réclamait pour seule grâce le trépas le plus prompt ; mais les conventionnels en mission dans l'Ouest se disputèrent cette illustre victime.

Le Prince de Talmont fut transféré dans les prisons de Rennes, où il languit deux mois sans que l'affaiblissement de ses forces diminuât son courage. Dans ses interrogatoires, il ne laissa échapper aucune révélation et ne prit la parole que pour confondre ses juges. Un jour, l'un d'eux, irrité de son silence, lui dit : "Tu es un aristocrate et je suis un patriote. - Tu fais ton métier, et moi mon devoir, répondit le Prince." Enfin, son supplice ayant été demandé à la Convention, il fut conduit à Laval, où l'on dressa l'échafaud devant l'entrée principale du château, pour insulter à la domination que les ducs de La Trémoïlle exerçaient encore sur cette ville quelques années auparavant. La tête de Talmont resta plusieurs jours exposée au-dessus de la porte de Laval, et l'on enfouit ensuite ses restes, avec ceux d'une multitude d'autres victimes, dans les landes de la Croix-Bataille. En 1822, on ouvrit une souscription volontaire pour élever en ce lieu un monument à la mémoire du Prince de Talmont et des autres victimes de nos discordes civiles. C'est un autel de granit dont la table de marbre porte une inscription qui rappelle l'objet du monument et les noms des martyrs auxquels il est consacré.

Capture 3

Tandis que le Prince de Talmont versait son sang pour la monarchie, son frère jumeau, l'abbé de La Trémoïlle, chanoine et doyen du chapitre de Strasbourg, était jeté dans les cachots de la Terreur, d'où il ne sortit au bout de quelques mois que pour entendre le tribunal révolutionnaire de Paris prononcer son arrêt de mort.

En apprenant l'exécution de ses deux frères, Louis-Stanislas-Kotska de La Trémoïlle écrivit de Francfort à M. de Puisaye qu'il voulait les venger. Il débarqua en effet avec environ cent trente émigrés sur les côtes de Bretagne, et se rendit à Fougères pour se réunir aux troupes royalistes qui parcouraient les provinces de l'Ouest. Mais cette guerre de partisans n'eut aucun succès, et La Trémoïlle fut contraint de retourner sur la terre étrangère où il resta jusqu'à la Restauration. C'est lui qui mourut en 1837 aux eaux d'Aix-la-Chapelle, sans laisser de descendance mâle.

Il ne restait plus alors de la souche des La Trémoïlle qu'un seul rameau, représenté par Charles-Bretagne-Marie-Joseph, frère aîné des trois précédents. Il avait épousé l'héritière de la maison de Châtillon. Resté veuf sans postérité, il se remaria, le 9 juin 1817, à Marie-Virginie de Saint-Didier ; mais cette union demeura stérile. Le nom des La Trémoïlle allait s'éteindre ; le duc, à l'âge de soixante-six ans, contracta, le 14 septembre 1830, une troisième alliance avec Valentine-Eugénie-Joséphine, comtesse de Serrant, dont il a laissé un fils en bas âge. C'est sur la tête de ce jeune enfant que reposent toutes les destinées de la maison de La Trémoïlle.

ARMOIRIES - Les armes particulières des sires de La Trémoïlle étaient : d'or au chevron de gueules, accompagné de trois aiglettes d'azur, becquées et membrées de gueules ; mais depuis longtemps les rejetons de cette famille portent : écartelé, au premier de France, au deuxième de Naples, au troisième de Laval, au quatrième de Bourbon, et sur le tout leur propre écusson.

Hippolyte Rayneval

Revue historique de la noblesse

Volume 1

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