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La Maraîchine Normande
15 juin 2012

JOSEPH II D'ALLEMAGNE A CHAMPTOCE ...

UNE EXCURSION A CHAMPTOCE

Le 2 juillet 1857, les membres de la Société Linnéenne de Maine et Loire partirent à sept heures du matin, par le bateau à vapeur Le Courrier, pour faire une exploration scientifique. Débarqués à Montjean, ils parcoururent avec soin les fertiles coteaux des environs et commencèrent leur récolte de plantes. Le château de Montjean, dominant la Loire, occupa un instant les naturalistes d'Angers ; ils ne voulurent point quitter ce pays sans arrêter leurs regards sur cet imposant édifice.

 

 

L'ancien château fut possédé, en 924, par Raynaud, chef des Normands, qui fut chassé de ce lieu, dans la même année, par le roi Charles-le-Chauve.

Du manoir féodal du Xe siècle, il ne reste plus que les rudiments ; sur sa base s'est élevé, au XVIe, un château qui successivement s'agrandit, et dont la seule partie curieuse est un pan de muraille de la chapelle, où se voit encore en bas-relief la salamandre du roi François 1er.

En quittant les ruines si pittoresques du château de Montjean pour prendre la jolie route stratégique de Champtocé, émaillée des plus jolies fleurs que produisent les terrains alluvionnaires des bords de la Loire, nous songions à l'histoire des seigneurs de Montjean.

Brantôme nous apprend que "René de Montjean qui avait épousé la fille unique de Philippe de Montespedon, baron de Beaupréau, fut comparé au maréchal de Lautrec, pour la présomption et la gloire, lesquelles furent telles, qu'étant lieutenant du roi en Piémont, il se permit de traiter les affaires dont il était chargé par des ambassadeurs, voulant contrefaire le roi, ce que François 1er, à qui on en parla, trouva fort sot."

Ce maréchal mourut en 1338 ; en lui finit la maison de Montjean.

Champtocé est un des points de notre département les plus curieux à tous égards. Le vaste étang situé au pied du vieux bourg de Gilles de Retz, est une mine féconde pour les naturalistes ; les ombellifères, dont l'étang abonde, sont couvertes d'insectes, et dans les eaux habite un grand nombre d'anodontes recherchées par les malacologistes.

 

Jamais un touriste ne vient à Champtocé sans s'informer du séjour qu'y fit l'empereur Joseph II ; à tous les curieux même réponse ; l'hôtelier complaisant, nourri de la lecture de Bodin, raconte le plus longuement possible le récit de l'historien angevin, récit qui a pour but, en étant agréable au voyageur, de lui faire trouver la carte légère.

Il existe à Champtocé une femme au chef branlant, à la démarche pénible, témoin du passage du comte Falkeinstein.

Si le corps de la pauvre vieille est usé, sa mémoire est fraîche, elle se rappelle de tout, le nom du maître de poste, Lacroix, celui de l'hôtelier, Mahaut, l'enseigne du Pigeon Blanc. Voici le récit inédit qu'elle nous a transmis.

Le roi Joseph vint incognito, il avait voulu d'abord s'arrêter à Ancenis, mais reconnu en entrant dans cette ville il l'avait "brûlée" et était arrivé à fond de train à Champtocé. L'aubergiste et sa femme étaient à la foire de Liré. L'empereur fut reçu par la maritorne du Pigeon-Blanc, fort intimidée de voir chez son maître un si grand seigneur. L'empereur Joseph fit descendre par ses gens, d'une de ses voitures, un matelas en peau, qu'il fit enfler à l'aide d'un soufflet, le fit porter dans la chambre qu'il devait occuper ; jamais en voyage il ne couchait dans un lit. Ces préparatifs terminés, il descendit, puis se mit au lieu et place de l'hôtellier, faisant servir les voyageurs, causant avec les gens attablés, buvant avec eux, etc ..., puis sortit un instant pour dessiner les ruines du château de Gilles de Retz. Le soir venu, Joseph ordonna de fermer toutes les issues et fut ainsi que tout le monde de la maison prendre du repos. A une heure avancée de la nuit, on entendit des coups redoublés frappés à la porte de l'hôtel, Joseph se lève et va ouvrir. L'aubergiste en voyant son sosie, car Joseph portait un des accoutrements du gargotier, se met en colère et est sur le point de l'injurier, lorsque la servante donna au tavernier la clef de l'énigme, et à la colère succéda la confusion à laquelle la bonté de l'empereur mit bientôt fin.

Le lendemain, avant son départ, Joseph II remit à l'hôtelier 25 louis, c'était toujours la some qu'il donnait lorsqu'il faisait séjour dans un hôtel de village.

L'aubergiste, pour perpétuer le souvenir du passage de l'empereur d'Allemagne à Champtocé, fit inscrire sur la façade de la maison :

Ici logea, en 1777, l'empereur d'Allemagne Joseph II.

Lorsque vint la révolution, Champtocé comme la Vendée fut ravagée. Tout monument rappelant les souvenirs de la monarchie fut anéanti. Personne ne songea, même les patriotes les plus fougueux, à faire disparaître l'inscription de l'hôtel du Pigeon. L'empereur Joseph, pendant les quelques instants passés à Champtocé, s'était rendu populaire, et son souvenir était encore présent.

Cependant un jour, au plus fort de la Terreur, des soldats républicains vinrent à l'hôtel du Pigeon-Blanc. En voyant, l'inscription, ils entrent en fureur, traitent l'hôtelier de ci-devant, le saisissent et s'apprètent à lui faire subir de mauvais traitements. Ce dernier, sans se déconcerter, leur dit : "Mais, citoyens, il est fort inutile de vous fâcher, je n'avais gardé cette inscription que pour conserver la date d'un fait qui s'était passé ici ; du moment que vous croyez qu'elle peut apporter atteinte à mon civisme, nous allons l'effacer et boire un coup à notre belle république ; aussitôt, prenant un badigeon, il fit disparaître l'inscription commémorative." Les soldats enchantés de la conduite du marchand de vin s'attablèrent et quittèrent l'auberge le coeur ému et les jambes vacillantes.

Quelques semaines après cet évènement, l'hôtelier se croyait à l'abri de toute inquiétude, lorsque des Vendéens ayant appris la disparition de l'inscription vinrent lui en demander la raison : "Mes enfants, leur dit-il, mes opinions vous sont connues ; si j'ai fait enlever cette inscription, ce n'est point pour plaire aux patauds, mais c'est parce qu'elle était tracée en caractères trop modestes pour rappeler ici la mémoire d'un prince tel que l'empereur Joseph II ; je veux en faire graver une en lettres d'or". Cette explication parut suffisante. L'hôtelier resta ami avec tout le monde, et on put lui appliquer ces vers que le bon La Fontaine met dans la bouche de la chauve-souris :

Je suis oiseau : voyez mes ailes,

... ... ... ... ... ... ... ... .

Je suis souris : vivent les rats.

 

Bulletin historique et monumental de l'Anjou

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